Antonio Pezzullo dit Primaldo et ses 800 compagnons
égorgés par les musulmans le 13 août 1480 à Otrante
L’étrange disparition du mot « ottoman » dans le texte de l’homélie du pape François lors de la messe de canonisation des martyrs d’Otrante
Le pape François a procédé le dimanche 12 mai 2013 à de nouvelles canonisations programmées par Benoît XVI. Notamment celles d’Antonio Pezzullo dit Primaldo et de ses 800 compagnons, égorgés le 13 août 1480 à Otrante (Voir infra un résumé historique) par les Ottomans parce qu’ils refusaient d’embrasser l’islam.
Sur le site de Radio Vatican, on lit « Le Pape François proclame de nouveaux saints » :
Le Pape François procède pour la première fois à de nouvelles canonisations. Lors d’une messe solennelle célébrée place Saint-Pierre, deux religieuses latino-américaines et quelques 800 martyrs italiens décapités en 1480 par les Ottomans pour avoir refusé d’abjurer leur foi ont donc été proclamés saints. Ces canonisations avaient été annoncées par Benoît XVI (1) le 11 février dernier, juste avant l’annonce officielle de la renonciation à la charge de pape.
Dans le texte initial, diffusé par la salle de presse du Vatican avant la cérémonie, le pape disait également : « Quelques 800 personnes après avoir survécu au siège et à l’invasion d’Otrante par les Ottomans furent décapitées près de cette ville. »
Mais dans le texte officiel diffusé sur le site du Vatican, et dans le propos du pape, la mention des Ottomans a disparu.
Extrait de l’homélie :
« Aujourd’hui - a dit le Pape François - l’Église propose à notre vénération une foule de martyrs, qui furent appelés ensemble pour le suprême témoignage de l’Évangile en 1480. Quelques huit cents personnes ayant survécu au siège et à l’invasion d’Otrante ont été décapitées près de cette ville. Elles ont refusé de renier leur foi et sont mortes en confessant le Christ ressuscité … ».
A écouter le pape, on ne sait pas pour quelle mystérieuse raison on demandait à ces gens-là de « renier leur foi ». Il n’y a plus aucune allusion aux Ottomans.
C’est « moins pire » que les propos de Paul VI lors de la canonisation de Nicolas Tavelic et ses trois compagnons
Cela étant, et toute proportion gardée, c’est « moins pire » que les propos de Paul VI lors de la canonisation de Nicolas Tavelic et ses trois compagnons, franciscains martyrisés en Terre Sainte par les musulmans en 1391 :
« A la base de la tragique aventure missionnaire des quatre moines, il y avait une double intention : prêcher la Foi chrétienne, en refusant courageusement – mais manquant certainement de prudence et de sagesse - la religion de Mahomet, et provoquer le risque de devoir sacrifier leur vie. » Ils avaient agi dans « un esprit d’amour – amour naïf, si vous voulez – et de folle espérance. Leur calcul est faux, mais il est inspiré par le désir de faire du bien, et de conduire au salut ceux mêmes qu’ils avaient provoqués à leur infliger la terrible répression du martyre ».
Et Paul VI concluait en soulignant qu’aujourd’hui nous connaissons de mieux en mieux le monde musulman, ce qui « fortifie notre espoir de meilleures relations entre l’Eglise catholique et l’islam » avec lequel nous devons promouvoir, ensemble, les valeurs morales, la paix et la liberté, après avoir oublié le passé, comme nous y exhorte le Concile… ».
Oremus pro pontifice nostro…
Sources : Benoit-et-moi.fr/FC/radiovaticana.va/LPL
La Porte Latine
(1) Le 6 juillet 2007, Benoît XVI reconnaissait le martyre de 800 personnes, connues comme les « Bienheureux martyrs d’Otrante » , décapités le 14 août 1480 à Otrante, dans la région des Pouilles, au Sud de l’Italie, pour avoir refusé d’abjurer leur foi chrétienne alors que le calife Mehmet II, qui avait déjà pris Constantinople, s’apprêtait à marcher sur Rome. Le prologue à cette exécution de masse a lieu le 29 juillet 1480, aux premières heures du jour : depuis les murs d’Otrante, on voit pointer à l’horizon une flotte composée de 90 galées, 15 mahonnes et 48 galiotes, avec à leur bord 18.000 soldats, qui devient de plus en plus visible. L’armée est dirigée par le pacha Agometh, lui-même sous les ordres de Mehmet II, dit Fatih, le Conquérant. En 1451, ce sultan, alors âgé de 21 ans à peine, avait pris la tête de la tribu ottomane, qui s’était imposée sur l’échiquier des émirats islamiques un siècle et demi auparavant.
Histoire des martyrs d’Otrante
En 1453, à la tête d’une armée de 260 000 Turcs, Mehmet II avait conquis Byzance, la « seconde Rome ». Dès lors, il projetait de s’emparer de la « première Rome », la vraie Rome, et de transformer la basilique Saint-Pierre en écurie pour ses chevaux.
En juin 1480, il juge le moment opportun pour accomplir son œuvre : il lève le siège de Rhodes – que ses chevaliers défendaient avec courage – et dirige sa flotte vers la mer Adriatique. Il a l’intention de s’emparer de Brindisi, dont le port est vaste et commode. De Brindisi, il envisage de remonter l’Italie jusqu’au siège de la Papauté. Un fort vent contraire contraint cependant les navires à toucher terre à 50 milles plus au sud. Le débarquement a lieu à Roca, à quelques kilomètres d’Otrante.
A l’aube du 12 août, les Ottomans concentrent leurs tirs sur un des points les plus fragiles des murailles. Ils ouvrent une brèche, envahissent les rues, massacrant tout ce qui est à la portée de leurs tirs. Ils gagnent la Cathédrale où de nombreux habitants se sont réfugiés. Après avoir renversé les portes et pénétré dans l’édifice, les Ottomans trouvent l’archevêque Stefano vêtu de ses habits pontificaux, le crucifix à la main.
A l’injonction des assaillants de ne plus prononcer le nom du Christ – puisque c’est Mahomet qui commande désormais – l’archevêque leur répond en les exhortant à la conversion. Il est alors décapité d’un coup de cimeterre.
Environ huit cent hommes furent présentés devant le Pacha. A ses côtés se tenait un prêtre calabrais nommé Jean. Ce misérable apostat fit usage de son éloquence satanique pour persuader les chrétiens d’abandonner le Christ pour se convertir à l’Islam. S’assurant ainsi de la bonne grâce d’Algometh, ils auraient la vie sauve et conserveraient tous les biens dont ils disposaient chez eux. Dans le cas contraire, tous seraient massacrés. Parmi ces héros, Antonio Primaldo, un tailleur déjà vieux mais plein de piété et de ferveur. Au nom de tous les autres, il répondit : ‘Vous tous, croyez en Jésus Christ, fils de Dieu et soyez prêts à mourir mille fois pour lui’«
En se tournant vers les Chrétiens, Primaldo leur adressa ces mots :
‘Mes frères, nous avons combattu jusqu’à aujourd’hui pour notre patrie, notre vie et nos maîtres terrestres. Le temps est venu désormais de conserver nos âmes pour notre Seigneur. Puisqu’il est mort sur la croix pour nous, il convient que nous aussi mourrions pour lui, fermes et constants dans la foi. Par cette mort terrestre, nous aurons la vie éternelle et la gloire du martyre’.
A ces mots, ils crièrent d’une seule voix et avec ferveur qu’ils préféraient mille fois mourir de n’importe quelle mort plutôt que de renier le Christ.
Agometh ordonne la condamnation à mort des huit cents prisonniers. Le matin suivant, ils sont conduits, la corde au cou et les mains liées derrière le dos, à la colline de la Minerve, à quelques centaines de mètres de la ville. De Marco poursuit :
Tous répétèrent la profession de foi et la réponse généreuse donnée précédemment. Alors le tyran ordonna la décapitation, en commençant par le vieux Primaldo, qu’il détestait.
Le sacrifice des huit cents d’Otrante n’est pas important uniquement du point de vue de la foi. Les deux semaines de résistance de la ville permettent à l’armée du roi de Naples de s’organiser et de se rapprocher de ces lieux, empêchant ainsi les 18 000 Ottomans d’envahir toute la région des Pouilles.
Les chroniqueurs de l’époque n’exagèrent pas en affirmant qu’Otrante a permis le salut de l’Italie du Sud. Et plus encore, si l’on en croit l’information selon laquelle la prise de la ville avait initialement incité le pape de l’époque, Sixte IV, à prévoir son déplacement vers Avignon, par crainte que les Ottomans ne s’approchent de Rome.