Qui suis-​je pour juger un homosexuel ? Rencontre du pape avec les journalistes dans l’avion de retour de Rio le 28 juillet 2013

Le 28 juillet 2013, le pape a répon­du à des ques­tions posées par les jour­na­listes dans l’avion qui le rame­nait du Brésil (JMJ) à Rome. Voici quelques extraits inté­res­sants [1]:

Relation entre synodalité et primat

Suite à une ques­tion sur la réforme de la curie, le pape a dit que la nomi­na­tion de la com­mis­sion de huit car­di­naux char­gée de cette réforme se situait « dans la ligne de la matu­ra­tion de la rela­tion entre syno­da­li­té et pri­mat ». Il a par­lé d’une pro­po­si­tion rela­tive à la « com­mis­sion post-​synodale, pour qu’elle ait un carac­tère per­ma­nent de conseil ». 

On peut craindre que ce nou­veau pon­ti­fi­cat n’ait pour objec­tif d’introduire davan­tage la démo­cra­tie dans l’Église, sous la forme d’un conseil per­ma­nent nom­mé par le synode des évêques (qui, pour l’instant ne se réunit que tous les deux ou trois ans).

Le pape ne parle pas de l’avortement, ni du « mariage » homosexuel

A une jour­na­liste bré­si­lienne qui lui deman­dait pour­quoi il n’avait pas par­lé lors de son voyage de « l’avortement et du mariage entre per­sonnes du même sexe », le pape a répon­du : « L’Église s’est déjà par­fai­te­ment expri­mée sur cela. Il n’était pas néces­saire d’y revenir. »

Comme la jour­na­liste insis­tait : « C’est un sujet qui inté­resse les jeunes », le pape s’est déro­bé à nou­veau : « Oui, mais ce n’était pas néces­saire d’en par­ler, mais bien des choses posi­tives qui ouvrent le che­min aux jeunes. N’est-ce pas vrai ? En outre, les jeunes savent par­fai­te­ment quelle est la posi­tion de l’Église ! »

La jour­na­liste a essayé alors de savoir au moins quelle est la posi­tion per­son­nelle du pape : « Celle de l’Église. Je suis fils de l’Église. » Il est visible que le pape ne veut pas s’exprimer sur ces questions.

Les mouvements sont une grâce de l’Esprit

Interrogé sur le Renouveau cha­ris­ma­tique, le pape a expli­qué qu’au début il était réser­vé à leur égard, mais qu’ensuite il les a mieux connus et qu’il « s’est conver­ti ». Il pense que ce mou­ve­ment fait beau­coup de bien à l’Église.

Je les ai tou­jours favo­ri­sés, quand je me suis conver­ti, quand j’ai vu le bien qu’ils fai­saient. Car dans le contexte actuel de l’Église – et ici j’élargis un peu la réponse – je crois que les mou­ve­ments sont néces­saires. Les mou­ve­ments sont une grâce de l’Esprit.

Il faut faire une profonde théologie de la femme

Parlant du rôle de la femme dans l’Église, le pape a dit :

Je crois que nous n’avons pas encore fait une pro­fonde théo­lo­gie de la femme, dans l’Église. Seulement elle peut faire ceci, elle peut faire cela, main­te­nant elle fait la ser­vante de messe [le pape semble approu­ver cela], main­te­nant elle lit la Lecture, elle est la pré­si­dente de la Caritas… mais, il y a plus que ça ! Il faut faire une pro­fonde théo­lo­gie de la femme. C’est ce que je pense. […] On ne peut pas se limi­ter au fait qu’elle fasse l’enfant de chœur [voir la remarque pré­cé­dente] ou la pré­si­dente de la Caritas, la caté­chiste… Non ! ça doit être plus que ça, pro­fon­dé­ment plus, aus­si mys­ti­que­ment plus, c’est en ce sens que j’ai par­lé de la théo­lo­gie de la femme.

On peut s’attendre là aus­si à une pro­gres­sion dans le sens de la fémi­ni­sa­tion de l’Église [2].

Qui suis-​je pour juger un homosexuel ?

Interrogé sur le « lob­by gay » au Vatican, le pape a répondu : 

On écrit beau­coup sur le lob­by gay. Je n’ai encore trou­vé per­sonne au Vatican qui me donne sa carte d’identité avec « gay ». On dit qu’il y en a. Je crois que lorsqu’on se trouve avec une telle per­sonne on doit dis­tin­guer le fait d’être « gay », du fait de faire un lob­by ; parce que les lob­bies, tous ne sont pas bons. Celui-​ci est mau­vais. Si une per­sonne est gay et cherche le Seigneur, fait preuve de bonne volon­té, qui suis-​je pour la juger ? […] Le pro­blème n’est pas d’avoir cette ten­dance, […] le pro­blème est de faire de cette ten­dance, un lobby.

D’après ce que dit le pape, en dehors du fait d’en faire un lob­by, il n’y a pas de pro­blème à être « gay » (homo­sexuel). Pourtant l’homosexualité n’est pas seule­ment une « ten­dance » de cer­taines per­sonnes, c’est aus­si, quand on y consent, un péché abo­mi­nable. Le pape l’ignore-t-il ? N’ose-t-il en par­ler de crainte d’être accu­sé d’« homo­pho­bie » ? En tout cas, le silence dans la cir­cons­tance et son refus de « juger » est très grave et bien contraire à la Tradition de l’Église [3].

La communion pour les divorcés

A pro­pos de l’accès à la com­mu­nion des divor­cés « rema­riés », le pape a dit :

« Les divor­cés peuvent com­mu­nier, il n’y a pas de pro­blème [le pape semble bien aimer ce mot, nous allons le trou­ver sou­vent dans cet entre­tien], mais quand ils vivent en seconde union, ils ne le peuvent pas. »

Le pape a omis de dire le divorce n’est per­mis que pour de graves rai­sons. Le divorce peut être un péché mor­tel et poser un « pro­blème » pour la communion.

Le pape a conti­nué, par­lant des divor­cés « remariés » :

Je crois que c’est néces­saire de regar­der cela dans la tota­li­té de la pas­to­rale matri­mo­niale. Et c’est pour­quoi c’est un pro­blème. Mais aus­si – entre paren­thèses – les Orthodoxes ont une praxis dif­fé­rente. Ils suivent la théo­lo­gie de l’économie, comme ils l’appellent, et ils donnent une seconde pos­si­bi­li­té, ils le per­mettent. Mais je crois que ce pro­blème – je ferme la paren­thèse – on doit l’étudier dans le cadre de la pas­to­rale matri­mo­niale. […] Nous sommes en marche pour une pas­to­rale matri­mo­niale plus profonde.

Le pape semble admettre la légi­ti­mi­té de la praxis « ortho­doxe », qui est évi­dem­ment contraire à l’Évangile. Il annonce une « pas­to­rale matri­mo­niale plus pro­fonde », ce qui laisse craindre, là encore, un chan­ge­ment (et laisse croire aus­si que l’Église en 2000 ans n’a pas com­pris le sacre­ment de mariage).

Jean XXIII et Jean-​Paul II sont « deux bons »

Interrogé sur la « cano­ni­sa­tion » de ces deux papes conci­liaires, François n’a pas tari d’éloge à leur pro­pos, les « cano­ni­sant » d’avance :

[Jean XXIII] est un cou­ra­geux, un bon prêtre de cam­pagne, avec un sens de l’humour si grand, si grand, et une grande sain­te­té. […] Mais c’est un grand, un grand ! Ensuite, il y a l’homme du Concile : c’est un homme docile à la voix de Dieu ; cela lui est venu du Saint-​Esprit, cela lui est venu, et il a été docile. […] De Jean-​Paul II j’ai envie de dire « le grand mis­sion­naire de l’Église » […]. C’est un Paul, c’est un saint Paul, c’est un homme de la sorte ; pour moi il est grand. Et faire la céré­mo­nie de cano­ni­sa­tion de tous les deux ensemble, je crois que c’est un mes­sage pour l’Église : ces deux sont bons, ils sont bons, ce sont deux bons.

Il a aus­si confir­mé que les pro­cès de « béa­ti­fi­ca­tion » des deux autres papes conci­liaires (Paul VI et Jean-​Paul 1er) sont en cours. Ainsi, bien­tôt, tous les papes conci­liaires seront sur les autels… de l’Église conciliaire.

Extraits du Sel de la Terre n° 86 – Automne 2013

Notes de bas de page

  1. Voir ORLF 32–33, 8–15 août 2013, p. 2–7. []
  2. Voir Le Sel de la terre 84, p. 163 []
  3. Voir à ce sujet « A la lumière de l’Écriture sainte – Saint Paul contre Sodome » dans Le Sel de la terre 54, p. 35. []