A propos des canonisations : quels exemples ?

A l’oc­ca­sion du pro­cès de béa­ti­fi­ca­tion de Jean-​Paul II, la Fraternité Saint Pie X avait fait connaître ses doutes sur la valeur d’un tel acte.

Dans la pré­face du livre qui pré­sente les dif­fi­cul­tés à recon­naître l’hé­roï­ci­té des ver­tus de ce pape, Mgr Fellay écrivait :

« Un mois après la mort de Jean-​Paul II, le pape Benoît XVI auto­ri­sait l’ou­ver­ture du pro­cès de béa­ti­fi­ca­tion de son pré­dé­ces­seur. Moins de deux ans furent jugés suf­fi­sants pour clore le pro­cès dio­cé­sain, et deux nou­velles années pour éle­ver Karol Wojtyla au rang de “véné­rable” : le 19 décembre 2009, en effet, Benoît XVI signait le décret recon­nais­sant l’hé­roï­ci­té des ver­tus de Karol Wojtyla, ouvrant toute grande la voie à une béa­ti­fi­ca­tion, fixée au 1er mai 2011. «

L’empressement qui entoure cette béa­ti­fi­ca­tion n’est pas seule­ment regret­table au regard du juge­ment que l’his­toire pour­ra por­ter sur ce pon­ti­fi­cat. Il a sur­tout pour consé­quence de délais­ser les graves inter­ro­ga­tions posées à la conscience catho­lique, et ce pré­ci­sé­ment au sujet des ver­tus qui défi­nissent la vie chré­tienne, à savoir les ver­tus sur­na­tu­relles et théo­lo­gales de foi, d’es­pé­rance et de cha­ri­té. Au regard du pre­mier com­man­de­ment de Dieu, par exemple, com­ment éva­luer les gestes d’un pape qui, par son pro­pos comme par son bai­ser, semble éle­ver le Coran au rang de Parole de Dieu (Rome, 14 mai 1999) ?, qui implore saint Jean-​Baptiste pour la pro­tec­tion de l’is­lam (Terre Sainte, 21 mars 2000) ?, qui se féli­cite d’a­voir par­ti­ci­pé acti­ve­ment aux cultes ani­mistes dans les forêts sacrées du Togo (9 août 1985) ?

Il y a quelques décen­nies, selon les normes mêmes du droit ecclé­sias­tique, de tels gestes auraient suf­fi à jeter la sus­pi­cion d’hé­ré­sie sur la per­sonne qui les aurait posés. Et ils seraient deve­nus aujourd’­hui, comme par enchan­te­ment, le signe d’une ver­tu de foi pra­ti­quée à un degré héroïque ? Le pon­ti­fi­cat de Jean-​Paul II et les innom­brables inno­va­tions qui l’ont ponc­tué – de la réunion inter­re­li­gieuse d’Assise (27 octobre 1986) aux mul­tiples demandes de par­don (entre autres, la céré­mo­nie de repen­tance géné­rale à Saint ‑Pierre de Rome, le 12 mars 2000), en pas­sant par la pre­mière visite d’un pape à une syna­gogue (Rome, 13 avril 1986) ne sont pas sans poser de graves inter­ro­ga­tions à la conscience catho­lique, inter­ro­ga­tions qui ne font que s’ac­cen­tuer lorsque, par une béa­ti­fi­ca­tion, de telles pra­tiques sont pro­po­sées comme un exemple au peuple chrétien. (…)

Ces pages nous mène­ront jus­qu’au cœur du pro­blème, en expo­sant ce qui consti­tua le point essen­tiel et l’axe du pon­ti­fi­cat : « l’hu­ma­nisme » de Jean-​Paul II, ses pré­sup­po­sés avoués et ses consé­quences iné­luc­tables… L’analyse de ce livre mani­feste l’u­ni­té fon­da­men­tale de pen­sée et d’ac­tion de Karol Wojtyla dont, il faut mal­heu­reu­se­ment le recon­naître, la com­pa­ti­bi­li­té avec la Tradition catho­lique est bien dif­fi­cile à établir. »

Abbé Antoine Claret

Source : La Foi de Toujours de février 2014