L’année que nous nous sommes souhaitée bonne et sainte sera malheureusement assombrie, entre autre, par la canonisation de deux papes étroitement liés à la tenue ou à l’application du Concile Vatican II.
D’aucuns se rassureront à l’idée que de telles canonisations sont invalides. Il est vrai qu’elles ne présentent pas les garanties suffisantes pour que l’on puisse reconnaître en elles une loi légitime. En effet la canonisation, telle qu’elle se pratique désormais dans l’Église Conciliaire, ne porte plus sur la sainteté héroïque entendue au sens traditionnel mais simplement sur la sainteté commune voire universelle, c’est-à-dire évaluée à l’aune de l’œcuménisme ambiant, ou d’un humanisme aux colorations chrétiennes ; d’où l’inflation explosive des canonisations sous le pontificat de Jean-Paul II (483 canonisations contre 168 de saint Pie X à Paul VI). Ce changement quantitatif d’une telle ampleur signale logiquement un changement qualitatif renforcé par les modifications apportées aux procédures devenues beaucoup moins contraignantes, et par là-même n’assurant plus les garanties d’un jugement infaillible. Autrement dit, les canonisations d’aujourd’hui ne sont plus celles d’hier et ne sauraient obliger les fidèles à la même soumission. Cela dit, ces canonisations auront valeur de symbole : elles apparaîtront à la face du monde catholique comme un acte authentique de l’Église et donc digne de crédit. Il n’y a pas de doute qu’elles aggraveront la confusion dans l’Église.
C’est en effet en lien avec le culte rendu à Dieu et à ses saints que nous devrons vénérer ces deux papes. Mais alors, comment rendre un culte à Dieu et à ses saints, en honorant publiquement ceux qui ont de près ou de loin, contribué à la laïcisation des États, c’est-à-dire au recul du Règne de Notre Seigneur Jésus-Christ dans nos sociétés ? Comment honorer Jésus- Christ en honorant ou priant celui qui l’a de fait déshonoré, Lui et son Église à Assise ? Etc. Ce sera ni plus ni moins un détournement objectif du culte chrétien rendu aux saints. Il leur sera reconnu à la fois une puissance d’intercession et une excellence dans la pratique des vertus chrétiennes comme à tous les autres saints : on pourra dès lors tout autant prier Jean-Paul II et le Curé d’Ars et reconnaître que ces deux figures reflètent de façon également héroïque la sainteté de Notre Seigneur Jésus-Christ ! La mention de ces deux papes dans le catalogue des saints va contraindre à un exercice inédit de la piété chrétienne, celui d’un grand écart tel, qu’il est inimaginable en gymnastique. Comment interpréter l’imitation de Jésus-Christ à la fois à travers Jean-Paul II, Jean XXIII et saint Pie X ? Saint Pie X n’a-t-il pas été canonisé en particulier pour s’être posé en défenseur intrépide de la Foi contre le modernisme, ce modernisme dont les nouveaux « saints » papes ont favorisé largement les relents ?
Enfin, selon que les saints sont plutôt admirables qu’imitables, doit-on se laisser contraindre, sinon à imiter, au moins à admirer Jean-Paul II embrassant le Coran, ou se laissant marqué du signe des adorateurs de Shiva, ou invitant les représentants de toutes les fausses religions à se rendre à Assise pour prier… Autrement dit à admirer le scandale ? En d’autres termes, doit-on, peut-on admirer ces papes qui ont gravement failli dans l’exercice de leur fonction du suprême pontificat, comme en témoigne l’état désastreux dans lequel ils ont laissé, l’un et l’autre, l’Église ? Ces canonisations alimenteront considérablement le mythe du Concile Vatican II. Dans l’esprit d’une multitude de catholiques elles tiendront lieu d’une approbation par le Ciel de ces deux pontificats et des nouvelles orientations qu’ils ont données à l’Église en lien avec ce dernier Concile. L’élévation de ces deux papes sur les autels apparaîtra pour beaucoup comme une canonisation, c’est-à-dire une justification divine du Concile Vatican II, de ses réformes et de ses orientations. Le coup de maître de Satan déjà dénoncé par Monseigneur Lefebvre en 1976, franchira une nouvelle étape décisive, qui accentuera le processus de démolition dans l’Église.
Si Dieu peut permettre une telle progression de la confusion au sein de l’Église, Il ne nous abandonne pas pour autant au découragement ni au désespoir. Tout au contraire, Il nous invite à un regain de ferveur appuyée sur une foi toujours plus éclairée. Pour nous préserver de l’illusion et nous protéger contre la séduction des faux prophètes, exposons-nous nous plus que jamais à la lumière pure et limpide de la Tradition catholique. Ayons à cœur de nous instruire sur les vérités de la Foi et les erreurs opposées, en particulier celles qui ont cours à notre époque et réfugions- nous dans la prière confiante, persévérante, propre à nous rendre meilleurs chrétiens.
À défaut de nouveaux saints papes, une admirable figure sacerdotale s’offre à nous à travers Monsieur l’abbé Lacheteau, récemment décédé et que beaucoup d’entre vous ont connu et aimé. Que les documents mis à votre disposition dans cette présente publication vous inspirent un bel élan d’âme en faveur de la sanctification des prêtres : Seigneur, donnez de saints prêtres, mais aussi de saints évêques et mieux encore un saint pape !
Abbé Laurent Ramé
Source : Spes Unica n° 13 de l’hiver 2013–2014