De qui s’agit-il ?
Deux papes – Jean XXIII et Jean Paul II – vont être « canonisés » par François 1er le 27 avril 2014. Ne nous étonnons pas trop d’une pareille décision, même si nous pouvons ressentir une forte indignation devant une telle annonce. La supercherie est vraiment très grosse. Il faut croire que la Rome actuelle prend indistinctement tous les catholiques pour des demeurés puisqu’elle se permet d’en arriver jusqu’à un tel délire.
Comme si la vie de Jean-Paul II, pape il est vrai très populaire mais aussi très médiatique (ceci explique d’ailleurs cela) n’était pas suffisamment connue ! Ses écrits, ses p a ro le s, se s a c te s s’éloignent de manière impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la foi et de l’esprit catholiques. Lisez le livre de Daniel Le Roux « Pierre m’aimes-tu ? » qui montre de quoi il en retourne. Vous comprendrez très vite que le simple fait d’avoir introduit la cause de béatification d’un tel pontife en dit long sur l’idéologie bornée qui possède les hommes d’Église : une idéologie entièrement rivée au désastreux concile Vatican II et qui mène ses adeptes à l’ineptie. La réunion interreligieuse d’Assise (1986) voulue par Jean-Paul II a été un des moments les plus humiliants de la papauté et de l’Église.
À l’époque un article de « Si Si No No » analysait la portée d’un tel acte gravissime en cinq points qu’il importe ici de se remémorer : La « rencontre de prière » ne peut être considérée, à la lumière de la foi catholique, que comme :
- Une injure faite à Dieu.
- Une négation de la nécessité universelle de la Rédemption.
- Un manque de justice et de charité envers les infidèles.
- Un danger et un scandale pour les catholiques.
- Une trahison de la mission de l’Église et de saint Pierre. (internet vous donne cet article en entier si vous tapez : Assise 1986, qu’en penser ? )
Un catholique qui n’a pas perdu la tête doit comprendre très vite qu’un pape qui a voulu un tel acte doit être éliminé définitivement du nombre des prétendants au podium des bienheureux et des saints. C’est à partir d’Assise 1986 que Mgr Lefebvre pensera très sérieusement aux sacres afin d’assurer ce que Rome n’assurait plus : la survie de la foi Traditionnelle et de l’esprit de foi.
Quant à Jean XXIII, « le bon pape Jean » répète-ton, il s’est montré très imprudent dans la convocation subite du concile Vatican II. Attribuer cela à une inspiration du Saint- Esprit est un peu facile et c’est aller vite en besogne. Pourquoi a priori faudrait-il le croire sur parole ?
Le Saint Esprit n’a pas l’habitude de se contredire, Jean XXIII savait comme ses prédécesseurs que la convocation d’un concile risquait fortement de favoriser les ennemis de l’Église qui n’attendaient que cette occasion favorable pour provoquer une révolution dans l’Église : « Vatican II c’est 1789 dans l’Église » dira le cardinal Suenens. De fait le parti libéral et moderniste était organisé dès le départ et s’il a réussi à s’imposer, le pape Jean n’y fut pas pour rien. Ne s’était-il pas montré très sévère vis-à-vis « des prophètes de malheur » (discours inaugural du concile 11 oct. 1962). Qu’entendait-il par cette expression ? Ne visait-il pas les plus vigilants défenseurs de la foi et notamment son prédécesseur immédiat, le pape Pie XII qui avait signé une encyclique alarmante, Humani generis, « sur (le sous-titre est important) quelques opinions fausses qui menacent de ruiner les fondements de la doctrine catholique ». Ce document (12 août 1950) n’annonçait donc rien de bon pour l’avenir du catholicisme. Des mesures urgentes contre certains théologiens modernistes très influents et très organisés devaient être prises. De fait, il y a eu quelques sanctions mais Pie XII est mort en 1958. Jean XXIII ne voyait pas du tout les choses de la même façon. Ce que nous vivons actuellement démontre bien que le pape Pie XII, « prophète de malheur », visait juste : les fondements de la doctrine (c’est-à-dire la foi et la papauté) sont maintenant ébranlés (“ruinés” ? ). Pour Jean XXIII il n’y avait aucun danger à l’horizon. Son tempérament le poussait d’ailleurs à détourner systématiquement les yeux de tout ce qui annonçait « du mauvais » et gouverna, c’est pour cela aussi qu’il est appelé par d’autres : le bon pape Jean. Vous le devinez bien, ici le mot « bon » est plutôt péjoratif, très péjoratif même. Que dirions-nous d’un médecin qui ne veut pas voir le mauvais c’est-à-dire la maladie de son patient et qui se concentre uniquement sur ce qui est sain chez lui ? Nous dirions non seulement que c’est un mauvais médecin mais que c’est un médecin dangereux. Ainsi était Jean XXIII, le bon.
Le message de Fatima (qui devait être révélé en 1960 c’est-à-dire durant son pontificat) avec l’annonce d’un scénario catastrophe pour l’Église ne lui plaisait pas du tout. Il ne partageait pas les inquiétudes d’un saint Pie X au sujet de la maladie qui travaille la société humaine : « l’apostasie et l’abandon de Dieu », « le progrès de la perversion des esprits » , aussi le Saint Pontife se demandait-il si « le fils de perdition » dont parle l’apôtre (2 The 2–3) n’était pas déjà là.
Le concile que Jean XXIII a voulu convoquer n’avait pas pour but de condamner des erreurs. À quoi bon ! « à peine sont-elles nées, qu’elles s’évanouissent comme brume au soleil ! » ou encore « les hommes aujourd’hui semblent commencer à les condamner d’eux-mêmes », (discours inaugural du concile 11 oct. 1962) ni de prévenir les catastrophes imminentes (illusoires selon lui) mais il désirait donner par un concile un grand spectacle d’union et faire du nouveau par une mise à jour de la doctrine en mettant celle-ci au diapason de la pensée moderne tout en favorisant l’œcuménisme. L’Église selon lui ressemblait trop à une forteresse moisie qui se cramponnait inutilement sur la défensive : elle devait maintenant montrer un visage plus avenant. Il fallait donc « ouvrir les fenêtres », ne plus condamner mais utiliser surtout le remède de la miséricorde, promouvoir la paix pour tous sur cette terre « pacem in terris » où toutes les religions seront libres de partager pacifiquement leurs valeurs. Le monde est assoiffé de liberté et cette liberté est plus que suffisante pour faire dominer la vérité du Christ.
Utopie totale dont nous pouvons mesurer les tristes effets aujourd’hui ! Le Christ en effet est le Fils de Dieu fait homme, le seul Sauveur, Médiateur nécessaire et l’unique Roi pacifique : c’est le devoir du prêtre et surtout du chef des prêtres de le dire et de le rappeler sans cesse « à temps et à contretemps ». C’est cela le message de l’Église. De fait, il y a quelque chose de contraignant dans cette annonce : Le Christ est venu parmi nous et il a exprimé sa volonté ; à partir de là l’homme n’est plus totalement libre de croire ce qu’il veut ni de faire ce qu’il veut. En persistant dans sa prédication, il est indéniable que l’Église va se mettre à dos beaucoup de gens, elle sera « signe de contradiction ». Car tous ne veulent pas se soumettre au joug doux et au fardeau léger du Sauveur. Les révolutionnaires acharnés ne veulent pas d’un ordre catholique mais d’un nouvel ordre mondial où l’homme est Dieu et roi tout ensemble. Entre la cité de Dieu et la cité du démon, l’affrontement ne peut être écarté : c’est ce que dit le Christ par ces paroles : « Je ne suis pas venu apporter la paix sur la terre mais le glaive ! ».(Matt.X‑34) Aussi ne pas préparer les chrétiens à ce combat, ne pas les y exercer c’est les vouer à la faiblesse et à l’échec en face d’ennemis déterminés à appliquer leur vision insensée du monde.
Les deux derniers papes canonisés : saint Pie V et saint Pie X.
Pour vous aider à mieux saisir encore l’inconvenance de l’initiative de Rome dans ces « canonisations », comparons brièvement les deux papes que les modernistes veulent glorifier avec la sainteté des deux derniers pontifes déjà canonisés : saint Pie V et saint Pie X. Il nous sera alors très facile de vérifier que la notion de sainteté n’est plus du tout la même. Rien d’étonnant et tout cela est dans la droite ligne des actes désordonnés qui se font depuis cinquante ans. Le moderniste a la démangeaison de tout changer : il n’y a rien de stable en lui sauf cette manie du changement. Saint Pie X le dit « Dans une religion vivante il n’est rien qui ne soit variable… le point capital de la doctrine moderniste : l’évolution. » (encyclique Pascendi). Il garde parfois les mots catholiques et donne ainsi l’impression d’être fidèle ainsi au langage classique de l’Église, mais quand il ne peut pas les supprimer purement et simplement il les vide alors de leur substance : ces mots n’ont plus la même signification. Ainsi en est-il du mot « dogme », du mot « révélation » comme nous l’explique saint Pie X. Maintenant c’est le mot « sainteté » qui est trafiqué. Voyez plutôt.
Entre la sainteté d’un Pie V (mort en 1573) et d’un saint Pie X (mort en 1914) il y a de très grandes similitudes. C’est normal. Certes ils ont vécu pourtant à plus de trois siècles de distance, entre-temps le monde s’est bien métamorphosé, cependant on peut vérifier sans se tromper qu’il s’agit d’une même sainteté, « une sainteté toute papale ». En effet c’est la même foi traditionnelle qu’ils voulaient jalousement garder de toute erreur et répandre partout dans le monde ; c’est la même sévérité à l’égard des ennemis de l’Église et des novateurs qui bousculent les Traditions (St Pie V lutte contre les erreurs protestantes et l’islam ; St Pie X contre les modernistes et le laïcisme) ; c’est le même souci du salut des âmes qu’ils cherchaient à obtenir par la formation de bons prêtres et le respect du sacré (surtout des sacrements) et la prédication non trafiquée de l’Évangile ; c’est la même volonté de conquête au Christ des nations non-chrétiennes, et du retour à l’Église des chrétiens séparés par l’hérésie et le schisme ; c’est le même rayonnement de l’Église et son triomphe voulus avec ardeur par la splendeur de la liturgie, la belle tenue du chant grégorien ou polyphonique, la beauté des édifices dédiés à la majesté divine et qui provoque l’édification des chrétiens pauvres et riches. Il suffit de lire ce qui est écrit au martyrologe sur saint Pie V pour s’apercevoir qu’on pourrait à peu de choses près l’appliquer à saint Pie X : « À Rome, le saint pape Pie V, de l’Ordre des Frères-Prêcheurs, qui, en s’appliquant avec zèle et avec succès à rétablir la discipline ecclésiastique, à extirper les hérésies, et à réduire les ennemis du nom chrétien, donna à l’Église catholique qu’il gouverna, les exemples d’une vie sainte et des lois pleines de sagesse. »
Pareillement l’oraison du jour de sa fête dit : « Ô Dieu, qui afin d’écraser les ennemis de votre Église, et de réformer le culte divin, avez daigné choisir pour Pontife suprême le bienheureux Pie, faites que nous ressentions le secours de sa protection, et que nous nous attachions à votre service de telle sorte qu’après avoir triomphé de toutes les embûches de nos ennemis, nous goûtions les joies de l’éternelle paix. Par Jésus ‑Christ Notre Seigneur… »
De même l’oraison de la messe de saint Pie X pourrait s’appliquer tout autant au vaillant saint Pie V : « Dieu, qui pour conserver la foi catholique, et restaurer toute chose dans le Christ avez rempli d’une force tout apostolique et d’une sagesse toute céleste Saint Pie X, votre Souverain Pontife : accordez-nous, nous vous en supplions, de suivre ce qu’il a établi ainsi que ses exemples pour que nous puissions recevoir les récompenses éternelles. Par Jésus-Christ Notre Seigneur… »
Jean XXIII et surtout Jean ‑Paul II ont bien souvent fait le contraire de ces deux Saints Pontifes. Concrètement ils ont plutôt contribué par leurs actions, à des degrés divers, « à annuler les vitales énergies de l’Église » (Pascendi). Ils n’ont pas recherché à restaurer toute chose dans le Christ oubliant que l’Église a des ennemis rusés, puissants et décidés qui ne sont ni « les prophètes de malheur » ni les Traditionalistes. Ils ont favorisé le mauvais œcuménisme (rapprochement des religions sans vouloir la conversion préalable aux vérités complètes de la foi) et entretenu par là une fausse charité qui mène à l’indifférentisme. Ils ont contribué à l’abolition des États catholiques et maintenant un pape François affirme comme s’il s’agissait d’une évidence « l’État doit être par définition laïque »
Quant aux « exemples d’une vie sainte » ? Jean-Paul II a prié pour que saint Jean- Baptiste protège l’Islam ? Il a loué l’esprit religieux d’un Luther ? Il a renoncé à convertir les juifs… etc.,
Quelques objections
Certains font croire que la Fraternité Saint Pie X est bien ennuyée par ces canonisations. D’abord elle est la seule à les contester publiquement et ce n’est pas bon signe, paraît-il, d’être isolé, on n’est pas très crédible. Être en marge ou « borderline » comme dit vulgairement le cardinal Vingt-Trois c’est ne pas être normal, c’est être même quelque peu dérangé ou disons-le, dingue quoi ! Pour répondre à cette objection disons rapidement que tout le monde n’est pas dupe pour autant. Beaucoup en privé n’en pensent pas moins. Le bon sens n ” est pas totalement perdu : un pape qui baise avec dévotion le coran peut-il être un modèle de vertu pour les catholiques ?
Les premiers chrétiens se faisaient tuer parce qu’ils refusaient de petits grains d’encens aux idoles. Autre temps autres mœurs rétorque-t-on : la Tradition doit-être vivante insistent nos adversaires et le catholicisme doit évoluer : le saint d’hier mourait pour sa foi ; le saint d’aujourd’hui embrasse les hérétiques, les infidèles et participe activement à leur culte : Tradition vivante !
Tout change et du passé faisons table rase ! Avec de telles subtilités « théologiques » les premiers chrétiens auraient sauvé leur peau à peu de frais mais ils auraient perdu leur âme.
Mais plus grave que cela est l’accusation suivante : La Fraternité ne va-t-elle pas se mettre en opposition avec la Tradition ? Les théologiens reconnaissent depuis fort longtemps dans l’Église que les canonisations ont toujours été regardées comme infaillibles ?
Qu’importe la procédure employée, semble-t-on nous dire, une fois qu’un pape a proclamé la sainteté de quelqu’un il ne peut pas se tromper. Et de rajouter : cette sainteté est bel et bien réelle autrement c’est le peuple catholique qui se fourvoie dans le culte qu’il rend à ses saints. Ainsi donc il suffit au magistère actuel de poser l’étiquette « saint » sur n’importe qui pour que cela soit effectivement vrai.
Qui peut croire une telle bouffonnerie ? Sans doute ce qu’ont dit les théologiens est recevable mais nous avons ici à faire à des modernistes qui canonisent et à des modernistes qui sont canonisés et cela change du tout au tout. Quant au peuple catholique cela fait belle lurette qu’il se fourvoie du fait qu’il est entretenu dans une ignorance des vérités élémentaires de la religion, un peu plus ou un peu moins, il ne sortira de ses illusions que lorsque de vrais chefs lui prêcheront la doctrine immuable qu’il n’aurait jamais dû perdre.
Conclusion.
Mais pas de panique, nous aussi soyons un tout petit peu optimiste. Nul doute ces « canonisations » serviront tout de même, tôt ou tard, à déconsidérer ceux qui les ont sollicitées ainsi que ceux qui auront contribué à leur accomplissement, notamment Benoît XVI et François 1er.
Suite à cette triste période conciliaire il sera plus facile à un successeur de Pierre vraiment catholique de manifester au monde la scélératesse des procédés employés par les manipulateurs modernistes pour tromper la masse des chrétiens. En effet dans ces canonisations il y a un manque évident d’exigence, de rigueur, et d’honnêteté [1].
Il sera plus facile de biffer promptement ce qui a été fait de manière si inconsidérée. Ce sera du moins un effet bon que l’on peut escompter de ces canonisations trompeuses et vraiment indécentes.
Abbé Pierre Barrère
Source : Le Pelican n° 82 de février 2014
- Manque d’exigence, de rigueur et d’honnêteté :
– Précipitation dans l’engagement de la procédure pour Jean-Paul II sous la pression de lobbies qui demandaient : « santo subito ! » : « saint tout de suite ! ».
– Jean XXIII est dispensé de miracle, car il suffit qu’il soit « le bon pape Jean. »
– Un « miracle » très controversé pour Jean Paul II (le cas de guérison retenu par Rome n’aurait pas été admis selon les critères exigeants utilisés à Lourdes. (cf : bulletin de Nantes : L’Hermine : « spécial canonisations »)
– Refus d’examiner les pièces envoyées par la fsspx qui présentent les objections à la canonisation de Jean-Paul II.
– Il s’agit de canonisations idéologiques : les modernistes veulent canoniser le concile, celui qui l’a initié : Jean XXIII ; celui qui l’a le mieux interprété : Jean-Paul II.[↩]