Mgr Lefebvre : « Je poserai mes conditions a une reprise éventuelle des colloques avec Rome » – Septembre 1988

Nous n’a­vons pas la même façon de conce­voir la récon­ci­lia­tion. Le car­di­nal Ratzinger la voit dans le sens de nous réduire, de nous rame­ner à Vatican II. Nous, nous la voyons comme un retour de Rome à la Tradition. On ne s’en­tend pas. C’est un dia­logue de sourds. Je ne peux pas beau­coup par­ler d’a­ve­nir, car le mien est der­rière moi. Mais si je vis encore un peu, et en sup­po­sant que d’i­ci a an cer­tain temps Rome fasse un appel, qu’on veuille nous revoir, reprendre langue, à ce moment-​là, c’est moi qui pose­rai les conditions.

Je n’ac­cep­te­rai plus d’être dans la situa­tion où nous nous sommes trou­vés lors des col­loques. C’est fini. Je pose­rai la ques­tion au plan doc­tri­nal : « Est-​ce que vous êtes d’ac­cord avec les grandes ency­cliques de tous les papes qui vous ont pré­cé­dés ? Est-​ce que vous êtes d’ac­cord avec Quanta Cura de Pie IX, Immortale Dei, Libertas Praestantissimum de Léon XIII, Pascendi de Pie X, Quas Primas de Pie XI, Humani gene­ris de Pie XII ?

Est-​ce que vous êtes en pleine com­mu­nion avec ces papes et avec leurs affir­ma­tions ? Est-​ce que vous accep­tez encore le ser­ment anti­mo­der­niste ? Est-​ce que vous êtes pour le règne social de Notre Seigneur Jésus-​Christ ? Si vous n’ac­cep­tez pas la doc­trine de vos pré­dé­ces­seurs, il est inutile de par­ler. Tant que vous n’au­rez pas accep­té de refor­mer le Concile, en consi­dé­rant la doc­trine de ces papes qui vous ont pré­cé­dé, il n’y a pas de dia­logue pos­sible. C’est inutile ».

Les posi­tions seraient ain­si plus claires.

Ce n’est pas une petite chose qui nous oppose. II ne suf­fit pas qu’on nous dise : « Vous pou­vez dire la messe ancienne, mais il faut accep­ter cela [le Concile] ». Non, ce n’est pas que cela (la messe) qui nous oppose, c’est la doc­trine. C’est clair.

C’est ce qui est grave chez dom Gérard et c’est ce qui l’a per­du. Dom Gérard n’a tou­jours vu que la litur­gie et la vie monas­tique. II ne voit pas clai­re­ment les pro­blèmes théo­lo­giques du Concile, de la liber­té reli­gieuse. Il ne voit pas la malice de ces erreurs. Il n’a jamais été très sou­cieux de cela. Ce qui le tou­chait, c’é­tait la réforme litur­gique, la réforme des monas­tères béné­dic­tins. Il est par­ti de Tournay en disant : » je ne peux pas accep­ter cela ». Alors, il a refor­mé une com­mu­nau­té de moines avec la litur­gie, dans la pen­sée béné­dic­tine. Très bien, c’é­tait magni­fique. Mais je pense qu’il n’a pas suf­fi­sam­ment mesure que ces reformes qui l’a­vaient ame­né à quit­ter son monas­tère étaient la consé­quence des erreurs qui sont dans le Concile. Pourvu qu’on lui accorde ce qu’il cher­chait, cet esprit monas­tique et la litur­gie tra­di­tion­nelle, il a ce qu’il veut et le reste lui est indif­fé­rent. Mais il tombe dans un piège, car les autres n’ont rien cédé sur ces faux prin­cipes.

C’est dom­mage, car cela fait tout de même soixante moines, dont une ving­taine de prêtres et trente moniales. II y a presque une cen­taine de jeunes qui sont là, com­plè­te­ment désem­pa­rés et dont les familles sont inquiètes ou même divisées.

C’est désas­treux.

† Marcel LEFEBVRE

In Fideliter n° 66 (Septembre-​octobre 1988), p. 12–14.

Note de la rédac­tion : ce texte a aus­si été repris dans l’ar­ticle « Le temps est aujourd’­hui à la réjouis­sance » au para­graphe « Un autre com­bat qui com­mence » du 11 jul­let 2007