Vénérables Frères,
Que la famille humaine tout entière ne s’entende pas en matière religieuse et morale et qu’elle tende à se tenir loin de la vérité, c’est bien là pour tout homme honnête et plus encore pour tous les vrais fils de l’Eglise la raison d’une douleur très vive : en tous temps certes, mais combien plus aujourd’hui que nous voyons les coups frapper de toutes parts les principes mêmes de la formation chrétienne.
On ne peut s’étonner, il est vrai, que mésententes en ces domaines et éloignement de la vérité aient toujours sévi, en dehors du bercail du Christ. En effet, si, en principe du moins, la raison humaine est, par sa propre force et à sa seule lumière naturelle, apte à parvenir à la connaissance vraie et certaine d’un Dieu unique et personnel, qui par sa Providence protège et gouverne le monde, et à l’intuition aussi de la loi naturelle inscrite par Dieu en nos âmes, nombreux, pourtant, sont les obstacles qui empêchent cette même raison d’user de sa force native efficacement et avec fruits. Et de fait, les vérités qui concernent Dieu et qui ont rapport aux relations qui existent entre Dieu et les hommes ne transcendent-elles pas absolument l’ordre du sensible ? et, passées dans le domaine de la vie pratique qu’elles doivent informer ne commandent-elles pas le don de soi et l’abnégation ? Or, l’intelligence humaine, dans la recherche de si hautes vérités, souffre d’une grave difficulté en raison d’abord de l’impulsion des sens et de l’imagination et en raison aussi des passions vicieuses nées du péché originel. Voilà comment les hommes en sont venus à se pénétrer si facilement eux-mêmes de ce principe que, dans ce domaine, est faux ou pour le moins douteux tout ce qu’ils ne veulent pas être vrai.
C’est pourquoi il faut tenir que la révélation divine est moralement nécessaire pour que tout ce qui n’est pas, de soi, inaccessible à la raison en matière de foi et de mœurs, puisse être, dans l’état actuel du genre humain, connu de tous promptement, avec une certitude ferme et sans mélange d’erreur [1].
Bien plus, l’esprit humain peut éprouver parfois des difficultés à formuler un simple jugement certain de « crédibilité » au sujet de la foi catholique, encore que Dieu ait disposé un grand nombre de signes extérieurs éclatants qui nous permettent de prouver, de façon certaine, l’origine divine de la religion chrétienne avec les seules lumières naturelles de notre raison. En effet, que le mènent les préjugés ou que l’excitent les passions et la volonté mauvaise, l’homme peut opposer un refus et résister autant à l’évidence irrécusable des signes extérieurs qu’aux célestes lumières que Dieu verse en nos âmes.
Quiconque observe attentivement ceux qui sont hors du bercail du Christ découvre sans peine les principales voies sur lesquelles se sont engagés un grand nombre de savants. En effet, c’est bien eux qui prétendent que le système dit de l’évolution s’applique à l’origine de toutes les choses ; or, les preuves de ce système ne sont pas irréfutables même dans le champ limité des sciences naturelles. Ils l’admettent pourtant sans prudence aucune, sans discernement et on les entend qui professent, avec complaisance et non sans audace, le postulat moniste et panthéiste d’un unique tout fatalement soumis à l’évolution continue. Or, très précisément, c’est de ce postulat que se servent les partisans du communisme pour faire triompher et propager leur matérialisme dialectique dans le but d’arracher des âmes toute idée de Dieu.
La fiction de cette fameuse évolution, faisant rejeter tout ce qui est absolu, constant et immuable, a ouvert la voie à une philosophie nouvelle aberrante, qui, dépassant l’idéalisme, l’immanentisme et le pragmatisme, s’est nommé existentialisme, parce que, négligeant les essences immuables des choses, elle n’a souci que de l’existence de chacun.
A cela s’ajoute un faux historicisme qui, ne s’attachant qu’aux événements de la vie humaine, renverse les fondements de toute vérité et de toute loi absolue dans le domaine de la philosophie et plus encore dans celui des dogmes chrétiens.
En présence d’une telle confusion d’opinions, nous pourrions être sans doute un peu consolés de voir ceux qui étaient nourris jadis des principes du rationalisme désirer revenir aujourd’hui aux sources de la vérité divinement révélée, reconnaître et professer que la Parole de Dieu, conservée dans la Sainte Ecriture, est bien le fondement de nos sciences sacrées. Mais comment ne pas être affligés de voir un grand nombre d’entre eux faire d’autant plus fi de la raison humaine qu’ils adhérent plus fermement à la Parole de Dieu et repousser d’autant plus vivement le magistère ecclésiastique qu’ils exaltent plus volontiers l’autorité de Dieu révélant : ils oublient, ce faisant, que ce magistère est institué par le Christ Notre Seigneur pour garder et interpréter le dépôt divin révélé. Toutes prétentions qui sont non seulement en contradiction flagrante avec la Sainte Ecriture, mais démontrées fausses encore par l’expérience de tous. En effet ceux qui sont séparés de la véritable Eglise se plaignent souvent, et publiquement, de leur désaccord en matière dogmatique au point d’avouer, comme malgré eux, la nécessité d’un magistère vivant.
Par ailleurs, les théologiens et les philosophes catholiques, auxquels incombe la lourde charge de défendre la vérité divine et humaine et de l’inculquer à toutes les âmes, n’ont pas le droit d’ignorer ni de négliger les systèmes qui s’écartent plus ou moins de la droite voie. Bien plus, il leur faut les connaître à fond, d’abord parce qu’on ne peut guérir que les maux que l’on connaît bien, puis parce que dans les systèmes erronés peut se cacher quelque lueur de vérité, et parce qu’enfin ces erreurs poussent l’esprit à scruter avec plus de soin et à apprécier mieux telle ou telle vérité philosophique et théologique.
Ah ! si nos philosophes et nos théologiens s’étaient efforcés de tirer de l’examen prudent de ces systèmes l’avantage que nous disons, il n’y, aurait, pour le magistère de l’Eglise, aucune raison d’intervenir. Toutefois, même si nous tenons pour certain que les docteurs catholiques se sont gardés en général de ces erreurs, il n’est pas moins certain qu’il en est aujourd’hui, tout comme aux temps apostoliques, pour s’attacher, plus qu’il convient, aux nouveautés dans la crainte de passer pour ignorants de tout ce que charrie un siècle de progrès scientifiques : on les voit alors qui, dans leur prétention de se soustraire à la direction du magistère sacré, se trouvent en grand danger de s’écarter peu à peu de la vérité divinement révélée et d’induire avec eux les autres dans l’erreur.
Il y a plus. Nous observons un autre danger qui est, lui, d’autant plus grave qu’il est plus caché sous les voiles de la vertu. De fait, parmi ceux qui déplorent la mésentente entre les hommes et la confusion des esprits, il en est plusieurs qui se montrent remués par un zèle imprudent des âmes : dans leur ardeur, ils brûlent d’un désir pressant d’abattre les enceintes qui séparent d’honnêtes gens : on les voit adopter alors un « irénisme » tel que, laissant de côté tout ce qui divise, ils ne se contentent pas d’envisager l’attaque contre un athéisme envahissant par l’union de toutes les forces, mais ils vont jusqu’à envisager une conciliation des contraires, seraient-ils même des dogmes. Et de même que certains jadis avaient déjà demandé si l’apologétique traditionnelle de l’Église ne constituait pas un obstacle plutôt qu’un secours pour gagner les âmes au Christ, aujourd’hui il en est encore qui ne craignent pas de soulever, avec sérieux, la question de savoir si la théologie et Sa méthode, telles qu’elles sont enseignées dans nos écoles avec l’approbation de l’autorité ecclésiastique, ne doivent pas être non seulement perfectionnées, mais en tous points réformées. Ils pensent qu’ainsi le règne du Christ serait plus efficacement propagé dans toutes les parties du monde parmi les hommes de toute culture, et de toute opinion religieuse.
Et si ceux-là ne prétendaient qu’à accommoder aux conditions et aux nécessités de notre temps la science ecclésiastique et sa méthode en nous offrant un plan nouveau, il n’y aurait pour ainsi dire pas de raison de nous alarmer ; mais emportés par un irénisme imprudent, quelques-uns semblent prendre pour des obstacles à la restauration de l’unité fraternelle tout ce qui s’appuie sur les lois et les principes mêmes que donna le Christ, et sur les institutions qu’il a établies, sur tout ce qui se dresse, en somme, comme autant de défenses et de soutiens pour l’intégrité de la foi : l’écroulement de l’ensemble assurerait l’union, pensent-ils, mais, disons-le, ce serait pour la ruine.
Ces opinions nouvelles, qu’elles s’inspirent d’un désir condamnable de nouveauté ou de quelque raison fort louable, ne sont pas exposées toujours avec la même hâte, la même précision et dans les mêmes termes ; ajoutons qu’elles sont loin d’obtenir l’accord unanime de leurs auteurs. En effet ce que certains aujourd’hui enseignent d’une façon voilée avec des précautions et des distinctions, d’autres le proposeront demain avec plus d’audace, en plein jour et sans mesure aucune, causant ainsi le scandale de beaucoup, surtout dans le jeune clergé, et un grave tort à l’autorité de l’Eglise. Si l’on montre plus de prudence en s’exprimant dans les ouvrages édités, on est plus libre en privé dans les dissertations qu’on se communique, dans les conférences et les assemblées. Et ces opinions ne sont pas seulement divulguées parmi le clergé séculier et régulier, dans les Séminaires et les instituts religieux, mais aussi parmi les laïques et principalement parmi ceux qui se consacrent à l’instruction de la jeunesse.
En ce qui concerne la théologie, le propos de certains est d’affaiblir le plus possible la signification des dogmes et de libérer le dogme de la formulation en usage dans l’Eglise depuis si longtemps et des notions philosophiques en vigueur chez les Docteurs catholiques, pour faire retour, dans l’exposition de la doctrine catholique, à la façon de s’exprimer de la Sainte Ecriture et des Pères. Ils nourrissent l’espoir que le dogme, ainsi débarrassé de ses éléments qu’ils nous disent extrinsèques à la révélation, pourra être comparé, avec fruit, aux opinions dogmatiques de ceux qui sont séparés de l’unité de l’Eglise : on parviendrait alors à assimiler au dogme catholique tout ce qui plaît aux dissidents.
Bien plus, lorsque la doctrine catholique aura été réduite à un pareil état, la voie sera ouverte, pensent-ils, pour donner satisfaction aux besoins du jour en exprimant le dogme au moyen des notions de la philosophie moderne, de l’immanentisme, par exemple, de l’idéalisme, de l’existentialisme ou de tout autre système à venir. Que cela puisse et doive même être fait ainsi, de plus audacieux l’affirment pour la bonne raison, disent-ils, que les mystères de la foi ne peuvent pas être signifiés par des notions adéquatement vraies, mais par des notions, selon eux, approximatives et toujours changeables, par lesquelles la vérité est indiquée sans doute jusqu’à un certain point, mais fatalement déformée. C’est pourquoi ils ne croient pas absurde, mais absolument nécessaire que la théologie qui a utilisé au cours des siècles différentes philosophies comme ses instruments propres substitue aux notions anciennes des notions nouvelles, de telle sorte que, sous des modes divers et souvent opposés, et pourtant présentés par eux comme équivalents, elle nous exprime les vérités divines, sous le mode qui sied à des êtres humains. Ils ajoutent que l’histoire des dogmes consiste à exprimer les formes variées qu’a revêtues la vérité successivement selon les diverses doctrines et selon les systèmes qui ont vu le jour tout au long des siècles.
Or, il ressort, avec évidence, de ce que nous avons dit, que tant d’efforts non seulement conduisent à ce qu’on appelle le « relativisme » dogmatique, mais le comportent déjà en fait : le mépris de la doctrine communément enseignée et le mépris des termes par lesquels on le signifie le favorisent déjà trop. Certes il n’est personne qui ne sache que les mots qui expriment ces notions, tels qu’ils sont employés dans nos écoles et par le magistère de l’Église, peuvent toujours être améliorés et perfectionnés : on sait d’ailleurs que l’Eglise n’a pas eu recours toujours aux mêmes termes. Et puis, il va de soi que l’Eglise ne peut se lier à n’importe quel système philosophique dont la vie est de courte durée : ce que les docteurs catholiques, en parfait accord, ont composé au cours des siècles pour parvenir à une certaine intelligence du dogme, ne s’appuie assurément pas sur un fondement aussi caduc. En effet, il n’est pas d’autre appui que les principes et les notions tirés de l’expérience des choses créées ; et dans la déduction de ces connaissances, la vérité révélée a, comme une étoile, brillé sur l’intelligence des hommes grâce au ministère de l’Eglise. On ne s’étonne donc pas que les Conciles œcuméniques aient employé et aussi sanctionné certaines de ces notions : aussi, s’en écarter n’est point permis.
Voilà pourquoi négliger, rejeter ou priver de leur valeur tant de biens précieux qui au cours d’un travail plusieurs fois séculaire des hommes d’un génie et d’une sainteté peu commune, sous la garde du magistère sacré et la conduite lumineuse de l’Esprit-Saint, ont conçus, exprimés et perfectionnés en vue d’une présentation de plus en plus exacte des vérités de la foi, et leur substituer des notions conjecturales et les expressions flottantes et vagues d’une philosophie nouvelle appelées à une existence éphémère, comme la fleur des champs, ce n’est pas seulement pécher par imprudence grave, mais c’est faire du dogme lui-même quelque chose comme un roseau agité par le vent. Le mépris des mots et des notions dont ont coutume de se servir les théologiens scolastiques conduit très vite à énerver la théologie qu’ils appellent spéculative et tiennent pour dénuée de toute véritable certitude, sous prétexte qu’elle s’appuie sur la raison théologique.
De fait, ô douleur, les amateurs de nouveautés passent tout naturellement du dédain pour la théologie scolastique au manque d’égards, voire au mépris pour le magistère de l’Eglise lui-même qui si fortement approuve, de toute son autorité, cette théologie. Ne présentent-ils pas ce magistère comme une entrave au progrès, un obstacle pour la science ? Certains non-catholiques y voient déjà un injuste frein qui empêche quelques théologiens plus cultivés de rénover leur science. Et alors que ce magistère, en matière de foi et de mœurs, doit être pour tout théologien la règle prochaine et universelle de vérité, puisque le Seigneur Christ lui a confié le dépôt de la foi – les Saintes Écritures et la divine Tradition – pour le conserver, le défendre et l’interpréter, cependant le devoir qu’ont les fidèles d’éviter aussi les erreurs plus ou moins proches de l’hérésie et pour cela « de conserver les constitutions et les décrets par lesquels le Saint-Siège proscrit et interdit ces opinions qui faussent les esprits » [2], est parfois aussi ignoré d’eux que s’il n’existait pas. Ce qu’exposent les Encycliques des Pontifes Romains sur le caractère et la constitution de l’Eglise est, de façon habituelle et délibérée, négligé par certains dans le but très précis de faire prévaloir une notion vague qu’ils nous disent puisée chez les anciens Pères et surtout chez les Grecs. A les entendre, les Pontifes, en effet, n’auraient jamais dessein de se prononcer sur les questions débattues entre théologiens ; aussi le devoir s’impose à tous de revenir aux sources primitives et aussi d’expliquer les constitutions et décrets plus récents du magistère selon les textes des anciens.
Tout cela semble dit de façon très habile, mais tout cela est faux en réalité. Car s’il est exact que, en général, les Pontifes laissent la liberté aux théologiens dans les matières où les docteurs du meilleur renom professent des opinions différentes, l’histoire pourtant nous apprend que bien des choses laissées d’abord à la libre discussion ne peuvent plus dans la suite souffrir aucune discussion.
Et l’on ne doit pas penser que ce qui est proposé dans les lettres Encycliques n’exige pas de soi l’assentiment, sous le prétexte que les Papes n’y exerceraient pas le pouvoir suprême de leur magistère. C’est bien, en effet, du magistère ordinaire que relève cet enseignement et pour ce magistère vaut aussi la parole : « Qui vous écoute, m’écoute… » [3], et le plus souvent ce qui est proposé et imposé dans les Encycliques appartient depuis longtemps d’ailleurs à la doctrine catholique. Que si dans leurs Actes, les Souverains Pontifes portent à dessein un jugement sur une question jusqu’alors disputée, il apparaît donc à tous que, conformément à l’esprit et à la volonté de ces mêmes Pontifes, cette question ne peut plus être tenue pour une question libre entre théologiens.
Il est vrai encore que les théologiens doivent toujours remonter aux sources de la révélation divine ; car il leur appartient de montrer de quelle manière ce qui est enseigné par le magistère vivant « est explicitement ou implicitement trouvé » [4] dans la Sainte Ecriture et la divine « tradition ». Ajoutons que ces deux sources de la doctrine révélée contiennent tant de trésors et des trésors si précieux de vérités qu’il est impossible de les épuiser jamais. C’est bien la raison pour laquelle nos sciences sacrées trouvent toujours une nouvelle jeunesse dans l’étude des sources sacrées ; tandis que toute spéculation qui néglige de pousser plus avant l’examen du dépôt sacré ne peut qu’être stérile : l’expérience est là, qui le prouve. Mais on ne peut pas, pour cette raison, équiparer la théologie, même celle qu’on dit positive, à une science purement historique. Car Dieu a donné à son Eglise, en même temps que les sources sacrées, un magistère vivant pour éclairer et pour dégager ce qui n’est contenu qu’obscurément et comme implicitement dans le dépôt de la foi. Et ce dépôt, ce n’est ni à chaque fidèle, ni même aux théologiens que le Christ l’a confié pour en assurer l’interprétation authentique, mais au seul magistère de l’Eglise. Or si l’Eglise exerce sa charge, comme cela est arrivé tant de fois au cours des siècles, par la voie ordinaire ou par la voie extraordinaire, il est évident qu’il est d’une méthode absolument fausse d’expliquer le clair par l’obscur, disons bien qu’il est nécessaire que tous s’astreignent à suivre l’ordre inverse. Aussi notre Prédécesseur, d’immortelle mémoire, Pie IX, lorsqu’il enseigne que la théologie a la si noble tâche de démontrer comment une doctrine définie par l’Eglise est contenue dans les sources, ajoute ces mots, non sans de graves raisons : « dans le sens même où l’Eglise l’a définie ».
Mais pour en revenir aux systèmes nouveaux auxquels nous avons touché plus haut, il y a certains points que quelques-uns proposent ou qu’ils distillent, pour ainsi dire, dans les esprits, qui tournent au détriment de l’autorité divine de la Sainte Ecriture. Ainsi on a audacieusement perverti le sens de la définition du Concile du Vatican sur Dieu, auteur de la Sainte Ecriture ; et la théorie qui n’admet l’inerrance des lettres sacrées que là où elles enseignent Dieu, la morale et la religion, on la professe en la renouvelant, bien qu’elle ait été plusieurs fois condamnée. Bien plus, de la façon la plus incorrecte, on nous parle d’un sens humain des Livres Saints, sous lequel se cacherait le sens divin, le seul, nous dit-on, qui serait infaillible. Dans l’interprétation de la Sainte Ecriture, on s’interdit de tenir compte de l’analogie de la foi et de la tradition ecclésiastique. En conséquence, c’est la doctrine des Saints Pères et du magistère sacré qui devrait être ramenée, pour ainsi dire, à la juste balance de l’Ecriture et de l’Ecriture telle qu’elle est expliquée par des exégètes qui ne font appel qu’à la lumière de la raison ; et, partant, ce n’est plus la Sainte Ecriture qu’il faudrait expliquer selon la pensée de l’Eglise que le Christ institua gardienne et interprète de tout le dépôt de la vérité divinement révélée.
En outre, le sens littéral de la Sainte Ecriture et son explication faite laborieusement, sous le contrôle de l’Eglise, par tant d’exégètes de si grande valeur doivent céder, d’après les inventions qui plaisent aux novateurs, à une exégèse nouvelle, dite symbolique et spirituelle ; et ainsi seulement, les Livres Saints de l’Ancien Testament, qui seraient aujourd’hui encore ignorés dans l’Eglise, comme une source qu’on aurait enclose, seraient enfin ouverts à tous. Ils assurent que toutes les difficultés, par ce moyen, s’évanouiront, qui ne paralysent que ceux-là qui se tiennent attachés au sens littéral de la Bible.
Il n’est personne qui ne puisse voir à quel point tant de prétentions s’écartent des principes et des règles d’herméneutique si justement fixés par Nos Prédécesseurs d’heureuse mémoire Léon XIII dans l’Encyclique Providentissimus et Benoît XV dans l’Encyclique Spiritus Paraclitus et par Nous-même dans l’Encyclique Divino afflante Spiritu.
Il n’est pas étonnant que pareilles nouveautés aient déjà produit des fruits empoisonnés dans toutes les parties, ou presque, de la théologie. On révoque en doute que la raison humaine, sans le secours de la révélation et de la grâce divine, puisse démontrer l’existence d’un Dieu personnel par des arguments tirés des choses créées ; on nie que le monde ait eu un commencement et l’on soutient que la création est nécessaire, puisqu’elle procède de la nécessaire libéralité de l’amour de Dieu ; on refuse aussi à Dieu l’éternelle et infaillible prescience des libres actions de l’homme. Or tout cela s’oppose aux déclarations du Concile du Vatican [5].
Quelques-uns aussi se demandent si les Anges sont des créatures personnelles, et si la matière diffère essentiellement de l’esprit. D’autres corrompent la véritable gratuité de l’ordre surnaturel, puisqu’ils tiennent que Dieu ne peut pas créer des êtres doués d’intelligence sans les ordonner et les appeler à la vision béatifique. Ce n’est pas assez ! au mépris de toutes définitions du Concile de Trente, on a perverti la notion du péché originel, et du même coup, la notion du péché en général, dans le sens même où il est une offense à Dieu, et ainsi la notion de la satisfaction offerte pour nous par le Christ. Il s’en trouve encore pour prétendre que la doctrine de la transsubstantiation, toute fondée sur une notion philosophique périmée (la notion de substance), doit être corrigée, de telle sorte que la présence réelle dans la Sainte Eucharistie soit ramenée à un certain symbolisme, en ce sens que les espèces consacrées ne seraient que les signes efficaces de la présence spirituelle du Christ et de son intime union avec les membres fidèles dans le Corps Mystique.
Certains estiment qu’ils ne sont pas liés par la doctrine que Nous avons exposée il y a peu d’années dans notre lettre Encyclique et qui est fondée sur les sources de la « révélation », selon laquelle le Corps Mystique et l’Eglise catholique romaine sont une seule et même chose [6]. Quelques-uns réduisent à une formule vaine la nécessité d’appartenir à la véritable Eglise pour obtenir le salut éternel. D’autres enfin attaquent injustement le caractère rationnel de la crédibilité de la foi chrétienne.
Il est trop certain que ces erreurs et d’autres du même ordre s’insinuent dans l’esprit de plusieurs de Nos fils, qu’abuse un zèle imprudent des âmes ou une fausse science : il Nous faut donc, l’âme accablée de tristesse, leur répéter des vérités très connues et leur signaler, non sans angoisse pour le cœur, des erreurs manifestes et des dangers d’erreur auxquels ils s’exposent.
On sait combien l’Eglise estime la raison humaine dans le pouvoir qu’elle a de démontrer avec certitude l’existence d’un Dieu personnel, de prouver victorieusement par les signes divins les fondements de la foi chrétienne elle-même, d’exprimer exactement la loi que le Créateur a inscrite dans l’âme humaine et enfin de parvenir à une certaine intelligence des mystères, qui nous est très fructueuse [7]. La raison cependant ne pourra remplir tout son office avec aisance et en pleine sécurité que si elle reçoit une formation qui lui est due : c’est-à-dire quand elle est imprégnée de cette philosophie saine qui est pour nous un vrai patrimoine transmis par les siècles du passé chrétien et qui jouit encore d’une autorité d’un ordre supérieur, puisque le magistère de l’Eglise a soumis à la balance de la révélation divine, pour les apprécier, ses principes et ses thèses essentielles qu’avaient peu à peu mis en lumière et définis des hommes de génie. Cette philosophie reconnue et reçue dans l’Eglise défend, seule, l’authentique et juste valeur de la connaissance humaine, les principes inébranlables de la métaphysique, à savoir de raison suffisante, de causalité et de finalité la poursuite enfin, effective, de toute vérité certaine et immuable.
Dans cette philosophie, sans doute sont traitées des parties qui ni directement ni indirectement ne touchent à la foi et aux mœurs : aussi l’Eglise les laisse-t-elle à la libre discussion des philosophes. Mais pour beaucoup d’autres, surtout dans le domaine des principes et des thèses essentielles que Nous avons rappelés plus haut, de liberté de discussion il n’y a point. Même dans ces questions essentielles, il est permis de donner à la philosophie un vêtement plus juste et plus riche, de la renforcer de développements plus efficaces, de la débarrasser de quelques procédés scolaires insuffisamment adaptés, de l’enrichir discrètement aussi d’éléments apportés par une pensée humaine qui sainement progresse, mais il n’est jamais possible de la bouleverser, de la contaminer de principes faux ou même de la tenir pour un monument sans doute imposant mais absolument suranné. Car la vérité et toute son explication philosophique ne peuvent pas changer chaque jour, surtout quand il s’agit de principes évidents, par soi, pour tout esprit humain ou de ces thèmes qui prennent appui aussi bien sur la sagesse des siècles que sur leur accord avec la révélation divine qui les étaye si fortement. Tout ce que l’esprit humain, adonne à la recherche sincère, peut découvrir de vrai ne peut absolument pas s’opposer à une vérité déjà acquise ; Dieu, Souveraine Vérité a créé l’intelligence humaine et la dirige, il faut le dire, non point pour qu’elle puisse opposer chaque jour des nouveautés à ce qui est solidement acquis, mais pour que, ayant rejeté les erreurs qui se seraient insinuées en elle, elle élève progressivement le vrai sur le vrai selon l’ordre et la complexion même que nous discernons dans la nature des choses d’où nous tirons la vérité.
C’est pourquoi un chrétien, qu’il soit philosophe ou théologien, ne peut pas se jeter à la légère, pour les adopter, sur toutes les nouveautés qui s’inventent chaque jour ; qu’il en fasse au contraire un examen très appliqué, qu’il les pèse en une juste balance ; et ainsi, se gardant de perdre ou de contaminer la vérité déjà acquise, il évitera de causer un dommage certain à la foi elle-même et de la mettre gravement en péril.
Si l’on a bien saisi ces précisions, on verra sans peine pour quelle raison l’Eglise exige que ses futurs prêtres soient instruits des disciplines philosophiques « selon la méthode, selon la doctrine et les principes du Docteur Angélique » [8]; c’est que l’expérience de plusieurs siècles lui a parfaitement appris que la méthode de l’Aquinate l’emporte singulièrement sur toutes les autres, soit pour former les étudiants, soit pour approfondir les vérités peu accessibles ; sa doctrine forme comme un accord harmonieux avec la révélation divine ; elle est de toutes la plus efficace pour mettre en sûreté les fondements de la foi, comme pour recueillir utilement et sans dommage les fruits d’un progrès véritable [9].
C’est pour tant de motifs, qu’il est au plus haut point lamentable que la philosophie reçue et reconnue dans l’Eglise soit aujourd’hui méprisée par certains qui, non sans imprudence, la déclarent vieillie dans sa forme et rationaliste (comme ils osent dire) dans son processus de pensée. Nous les entendons répétant que cette philosophie, la nôtre, soutient faussement qu’il peut y avoir une métaphysique absolument vraie ; et ils affirment de façon péremptoire que les réalités, et surtout les réalités transcendantes, ne peuvent être mieux exprimées que par des doctrines disparates, qui se complètent les unes les autres, encore qu’elles s’opposent entre elles toujours en quelque façon. Aussi concèdent-ils que la philosophie qu’enseignent Nos écoles, avec son exposition claire des problèmes et leurs solutions, avec sa détermination si rigoureuse du sens de toutes les notions et ses distinctions précises, peut être utile pour initier de jeunes esprits à la théologie scolastique et qu’elle était remarquablement accommodée aux esprits du moyen-âge ; mais elle n’offre plus, selon eux, une méthode qui réponde à notre culture moderne et aux nécessités du temps. Ils opposent ensuite que la philosophia perennis n’est qu’une philosophie des essences immuables, alors que l’esprit moderne doit nécessairement se porter vers l’existence de chacun et vers la vie toujours fluente. Et tandis qu’ils méprisent cette philosophie, ils en exaltent d’autres, anciennes ou récentes, de l’Orient ou de l’Occident, de sorte qu’ils semblent insinuer dans les esprits que n’importe quelle philosophie, n’importe quelle manière personnelle de penser, avec, si besoin est, quelques retouches ou quelques compléments, peut s’accorder avec le dogme catholique : or, cela est absolument faux, surtout quand il s’agit de ces produits de l’imagination qu’on appelle l’immanentisme, l’idéalisme, le matérialisme soit historique soit dialectique ou encore l’existentialisme, qu’il professe l’athéisme ou pour le moins qu’il nie toute valeur au raisonnement métaphysique. Quel catholique pourrait avoir le moindre doute sur toutes ces choses
Enfin ils reprochent à cette philosophie de ne s’adresser qu’à l’intelligence dans le processus de la connaissance, puisqu’elle néglige, disent-ils, l’office de la volonté et celui des affections de l’âme. Or cela n’est pas vrai. Jamais la philosophie chrétienne n’a nié l’utilité et l’efficacité des bonnes dispositions de toute l’âme humaine pour connaître à fond et pour embrasser les vérités religieuses et morales ; bien mieux, elle a toujours professé que le défaut de ces dispositions peut être cause que l’intelligence, sous l’influence des passions et de la volonté mauvaise, s’obscurcisse à ce point qu’elle ne voit plus juste. Bien mieux encore, le Docteur commun estime que l’intelligence peut d’une certaine manière percevoir les biens supérieurs d’ordre moral soit naturel soit surnaturel, mais dans la mesure seulement où l’âme éprouve une certaine connaturalité affective avec ces mêmes biens, soit par nature, soit par don de grâce [10]. Et l’on ne peut pas ne pas saisir l’intérêt du secours apporté par cette connaissance obscure aux recherches de notre esprit. Cependant autre chose est de reconnaître aux dispositions affectives de la volonté le pouvoir d’aider la raison à poursuivre une science plus certaine et plus ferme des choses ; et autre chose, ce que soutiennent ces novateurs, à savoir : attribuer aux facultés d’appétit et d’affection un certain pouvoir d’intuition et dire que l’homme, incapable de savoir par la raison et avec certitude la vérité qu’il doit embrasser, se tourne vers la volonté pour faire choix et décider librement entre des opinions erronées : n’est-ce pas là mêler indûment la connaissance et l’acte de la volonté ?
Il n’est pas étonnant que, par ces nouveaux systèmes, on soit amené à mettre en danger les deux disciplines philosophiques qui, par leur nature même, sont étroitement liées avec l’enseignement de la foi, la théodicée et l’éthique ; on en vient donc à penser que leur rôle n’est pas de démontrer quelque chose de certain sur Dieu ou sur un autre être transcendant, mais bien plutôt de montrer que ce que la foi enseigne sur un Dieu personnel et sur ses commandements s’accorde parfaitement avec les nécessités de la vie et que par voie de conséquence il faut que tous l’embrassent pour éviter le désespoir et pour parvenir au salut éternel. Or tout cela s’oppose manifestement aux documents de Nos Prédécesseurs Léon XIII et Pie X et ne peut s’accorder avec les décrets du Concile du Vatican. Nous n’aurions certes pas à déplorer ces écarts loin de la vérité si tous, même en philosophie, voulaient écouter le magistère de l’Église avec tout le respect qui lui est dû ; car il lui revient, de par l’institution divine, non seulement de garder et d’interpréter le dépôt de la vérité divinement révélée, mais encore d’exercer toute sa vigilance sur les disciplines philosophiques pour que de faux systèmes ne portent pas atteinte aux dogmes catholiques.
Il nous reste à dire un mot des sciences qu’on dit positives, mais qui sont plus ou moins connexes avec les vérités de la foi chrétienne. Nombreux sont ceux qui demandent avec instance que la religion catholique tienne le plus grand compte de ces disciplines. Et cela est assurément louable lorsqu’il s’agit de faits réellement démontrés ; mais cela ne doit être accepté qu’avec précaution, dès qu’il s’agit bien plutôt d” « hypothèses » qui, même si elles trouvent quelque appui dans la science humaine, touchent à la doctrine contenue dans la Sainte Ecriture et la « Tradition ». Dans le cas où de telles vues conjecturales s’opposeraient directement ou indirectement à la doctrine révélée par Dieu, une requête de ce genre ne pourrait absolument pas être admise.
C’est pourquoi le magistère de l’Eglise n’interdit pas que la doctrine de l” « évolution », dans la mesure où elle recherche l’origine du corps humain à partir d’une matière déjà existante et vivante – car la foi catholique nous ordonne de maintenir la création immédiate des âmes par Dieu – soit l’objet, dans l’état actuel des sciences et de la théologie d’enquêtes et de débats entre les savants de l’un et de l’autre partis : il faut pourtant que les raisons de chaque opinion, celle des partisans comme celle des adversaires, soient pesées et jugées avec le sérieux, la modération et la retenue qui s’imposent ; à cette condition que tous soient prêts à se soumettre au jugement de l’Eglise à qui le mandat a été confié par le Christ d’interpréter avec autorité les Saintes Écritures et de protéger les dogmes de la foi [11]. Cette liberté de discussion, certains cependant la violent trop témérairement : ne se comportent-ils pas comme si l’origine du corps humain à partir d’une matière déjà existante et vivante était à cette heure absolument certaine et pleinement démontrée par les indices jusqu’ici découverts et par ce que le raisonnement en a déduit ; et comme si rien dans les sources de la révélation divine n’imposait sur ce point la plus grande prudence et la plus grande modération.
Mais quand il s’agit d’une autre vue conjecturale qu’on appelle le polygénisme, les fils de l’Eglise ne jouissent plus du tout de la même liberté. Les fidèles en effet ne peuvent pas adopter une théorie dont les tenants affirment ou bien qu’après Adam il y a eu sur la terre de véritables hommes qui ne descendaient pas de lui comme du premier père commun par génération naturelle, ou bien qu’Adam désigne tout l’ensemble des innombrables premiers pères. En effet on ne voit absolument pas comment pareille affirmation peut s’accorder avec ce que les sources de la vérité révélée et les Actes du magistère de l’Eglise enseignent sur le péché originel, lequel procède d’un péché réellement commis par une seule personne Adam et, transmis à tous par génération, se trouve en chacun comme sien [12].
Comme dans le domaine de la biologie et de l’anthropologie, il en est qui, dans le domaine de l’histoire, négligent audacieusement les limites et les précautions que l’Eglise établit. Et en particulier, il Nous faut déplorer une manière vraiment trop libre d’interpréter les livres historiques de l’Ancien Testament, dont les tenants invoquent à tort, pour se justifier, la lettre récente de la Commission Pontificale biblique à l’Archevêque de Paris [13], Cette lettre, en effet, avertit clairement que les onze premiers chapitres de la Genèse, quoiqu’ils ne répondent pas exactement aux règles de la composition historique, telles que les ont suivies les grands historiens grecs et latins et que les suivent les savants d’aujourd’hui, appartient néanmoins au genre historique en un sens vrai, que des exégètes devront étudier encore et déterminer : cette Lettre dit encore que les mêmes chapitres, dans le style simple et figuré, bien approprié à l’état des esprits d’un peuple peu cultivé, rapportent les vérités essentielles sur lesquelles repose la poursuite de notre salut éternel, ainsi qu’une description populaire de l’origine du genre humain et du peuple élu. Si par ailleurs, les anciens hagiographes ont puisé quelque chose dans les narrations populaires (ce qu’on peut assurément concéder), on ne doit jamais oublier qu’ils l’ont fait sous l’inspiration divine qui les a préservés de toute erreur dans le choix et l’appréciation de ces documents.
Mais tout ce qui a été emprunté aux narrations populaires et accueilli dans les Saintes Lettres ne peut absolument pas être équiparé aux mythologies ou aux fables du même genre, qui procèdent bien plutôt de l’imagination dénuée de tout frein que de ce remarquable souci de vérité et de simplicité qui éclate dans les Saintes Lettres, même de l’Ancien Testament, à ce point que nos hagiographes doivent être proclamés nettement supérieurs aux écrivains profanes de l’antiquité.
Nous savons, certes, que la plupart des maîtres catholiques dont les travaux profitent aux lycées, aux séminaires, aux collèges d’instituts religieux demeurent éloignés de ces erreurs aujourd’hui répandues ouvertement ou on secret, soit par passion de nouveauté, soit même par un propos mal réglé d’apostolat. Mais nous savons aussi que ces nouveaux systèmes peuvent gagner des imprudents ; c’est pourquoi Nous préférons Nous opposer à elles dès leur principe, plutôt que d’avoir à porter remède à un mal déjà invétéré.
Aussi, après avoir mûrement pesé et considéré la chose devant Dieu, pour ne pas manquer à Notre devoir sacré, Nous enjoignons aux Evêques et aux Supérieurs de familles religieuses, leur en faisant une très grave obligation de conscience, de veiller avec le plus grand soin à ce que ces opinions ne soient pas exposées dans les écoles, dans les réunions, dans n’importe quels écrits, et qu’elles ne soient pas enseignées on quelque manière que ce soit aux clercs et aux fidèles.
Que ceux qui sont professeurs d’instituts ecclésiastiques sachent qu’ils ne peuvent exercer on toute tranquillité de conscience la charge d’enseigner qui leur est confiée, s’ils n’acceptent pas religieusement les normes doctrinales que Nous avons édictées, et s’ils ne les suivent pas exactement au cours de la formation de leurs élèves. Le respect et l’obéissance qu’ils doivent professer envers le magistère de l’Eglise dans leur travail quotidien, ils les doivent inculquer aussi au cœur et à l’esprit de leurs élèves.
Oui, qu’ils travaillent, usant de toutes leurs forces et de toute leur application, à faire avancer les disciplines qu’ils enseignent, mais qu’ils se gardent aussi d’outrepasser les limites que nous avons fixées en vue de protéger les vérités de la foi et la doctrine catholique. Face aux nouveaux problèmes qui se posent pour le grand public en raison de la culture et du progrès moderne, qu’ils apportent leur large part dans la recherche la plus diligente, mais avec la prudence et les précautions qui s’imposent ; et enfin qu’ils ne pensent pas, cédant trop volontiers à un faux « irénisme » que pourront être heureusement ramenés dans le sein de l’Eglise les dissidents et les égarés si on ne leur enseigne pas sincèrement à tous la vérité, telle qu’elle est, intègre si vivante dans l’Eglise sans la corrompre et sans l’amoindrir.
Fondé sur cet espoir que ravive votre zèle pastoral, comme gage des célestes bienfaits et comme témoignage de Notre paternelle bienveillance, Nous donnons, de grand cœur, à chacun de vous, Vénérables Frères, et aussi à votre clergé et à votre peuple, la Bénédiction Apostolique.
Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 12 août 1950, en la douzième année de Notre Pontificat.
Pie XII, Pape.
A.A.S., vol. XXXXII (1950), n. 11, pp. 561 – 578.
- Conc. Vatic. D. B., 1876, Const. De Fide cath., ch. 2, De revelatione[↩]
- C. I. C., can. 1324, cfr. Conc. Vatic., D. B., 1820, Const. De Fide cath., ch. 4. De fide et ratione, post canones.[↩]
- Luc, X, 16.[↩]
- PIE IX, Inter gravissimas, 28 oct. 1870, Acta, vol. I, p. 260.[↩]
- Cfr. Conc. Vatic., Const. De Fide cath. ch. 1, De Deo rerum omnium creatore.[↩]
- Cfr. Litt. Enc. Mystici Corporis Christi, A. A.S., vol. XXXV, p. 193 et suiv.[↩]
- Cfr. Conc. Vat., D. B., 1796.[↩]
- C. I. C., can. 1366, 2.[↩]
- A. A. S., vol. XXXVIII, 1946, p. 387.[↩]
- Cfr. S. THOM., Summa Theol., II-II, qu. 1, art. 4 ad. 3 et qu. 45, art. 2, in c.[↩]
- Cfr. Allocut. Pont. ad membra Academiae Scientiarum, 30 nov. 1941 ; A. S. S., vol. XXXIII, p. 506.[↩]
- Cfr. Rom., V, 12–19 ; Conc. Trid., sess. V., can. 1–4.[↩]
- 16 janvier 1948 : A. A. S., vol. XL, pp. 45–48.[↩]