Excellence,
C’est au nom de la Commission cardinalice et par mandat exprès du Saint-Père que nous vous écrivons. Nous vous restons très reconnaissants du climat fraternel dans lequel ont pu se dérouler nos récents entretiens, sans que les divergences de nos jugements aient jamais compromis entre nous une communion profonde et sereine. Mais cela ne fait que nous rendre plus douloureuse l’apparente irréductibilité de vos vues, avec les conséquences qui ne peuvent manquer d’en découler.
C’est autour de votre Déclaration publique, dans la revue Itinéraires, que notre échange s’est principalement engagé et poursuivi. Il ne pouvait en être autrement puisque nous trouvions là explicité tout ce que le Visiteur à Écône n’avait pu éclaircir et nous invitait à dégager dans une conversation avec vous.
Or une telle Déclaration nous apparaissait en tous points inacceptable. Il est impossible de concilier la plupart des affirmations contenues dans ce document avec une fidélité authentique à l’Église, à celui qui en a la charge et au Concile où la pensée et la volonté de l’Église se sont exprimées. Il est inadmissible que chacun soit invité à subordonner à son propre jugement les directives venant du Pape pour s’y soumettre ou s’y dérober : c’est là proprement le langage traditionnel des sectes qui en appellent aux Papes d’hier pour se soustraire à l’obéissance au Pape d’aujourd’hui.
Tout le long de nos conversations notre vœu était de vous amener, Excellence, à reconnaître le bien-fondé de telles objections et à revenir sur vos propres affirmations. Cela, nous avez-vous dit, vous était impossible : « Si je devais modifier ce texte, disiez-vous, j’écrirais les mêmes choses. »
En ces conditions, la Commission ne pouvait que remettre au Saint-Père ses conclusions absolument unanimes et le dossier complet de cette affaire pour qu’il puisse juger lui-même. C’est avec l’entière approbation de Sa Sainteté que nous vous faisons part des décisions suivantes :
1 – « Une lettre sera envoyée à Mgr Mamie, lui reconnaissant le droit de retirer l’approbation donnée par son prédécesseur à la Fraternité et à ses Statuts. » C’est chose faite par lettre de Son Éminence le cardinal Tabera, préfet de la S. Congrégation pour les Religieux.
2 – Une fois supprimée la Fraternité, celle-ci « n’ayant plus d’appui juridique, ses fondations, et notamment le séminaire d’Écône, perdent du même coup le droit à l’existence ».
3 – II est évident – nous sommes invités à le notifier clairement – « qu’aucun appui ne pourra être donné à Mgr Lefebvre tant que les idées contenues dans le Manifeste du 21 novembre 1974 resteront la loi de son action ».
Nous ne vous communiquons pas ces décisions, Excellence, sans une profonde tristesse. Nous savons avec quelle généreuse persévérance vous avez travaillé, le bien qui s’est accompli ainsi.
Nous devinons dans quelle situation cruelle vous allez vous trouver. Mais nous sommes sûrs que tous ceux qui auront lu ou voudront lire votre Déclaration, et qui voudront bien ne pas soupçonner gratuitement aux décisions prises d’autres motifs que cette Déclaration elle-même, se rendront à l’évidence que les choses ne pouvaient pas se résoudre autrement, étant donné votre refus de retirer ce texte : aucune institution d’Église, aucune formation au sacerdoce ne peuvent se bâtir sur un tel fondement.
Nous souhaitons, Excellence, que le Seigneur vous donne la lumière et vous fasse trouver la voie conforme à Sa volonté, dans la confiance à Celui à qui nous devons comme évêques une sincère et effective obéissance.
Pour nous, nous ne pouvons que vous dire notre attachement fraternel, et vous assurer de notre prière.
Cardinal Garrone