Le cardinal Gianfranco Ravasi [1] et Oscar de Alfonso Ortega, Grand Maître de la Grande Loge d’Espagne
Dans notre article du 15 février dernier nous vous relations que le cardinal Ravasi avait écrit une lettre à ses « chers frères maçons », dans laquelle il reconnaissait « tant de valeurs communes ».
Ce 8 mars 2016, nous apprenons que Oscar de Alfonso Ortega, Grand Maître de la Grande Loge d’Espagne lui avait chaleureusement répondu en soulignant le » grand courage » de son « honorable frère Gianfranco ».
L’hommage va même si loin que la Grande Loge d’Espagne reconnaît de fait le cardinal Ravasi comme « Maître » et s’adresse ainsi à lui comme à un initié.
Interrogé par One Peter Five [2], le 3 mars 2016, Mgr Athanasius Schneider, répondait au journaliste :
« Nous savons évidemment que la Franc-maçonnerie est une des influences les plus puissantes à tous les niveaux de la société humaine. Ceci est clair et manifeste. En principe, si l’on est un soutien, un leader dans une organisation anti-chrétienne très influente, il y a la tendance à infiltrer l’organisation qui est votre ennemie, c’est tout à fait logique. Il est donc logique qu’au cours des siècles, ils aient essayé et probablement réussi à s’infiltrer aux différents niveaux de l’Église, pour moi, ceci est clair.
« Il est difficile de prouver de façon concrète, d’identifier, qui est un affilié. C’est très difficile et dangereux, car il peut arriver que quelqu’un soit accusé d’être affilié, et qu’il soit ensuite prouvé que la personne ne l’est pas formellement. C’est le secret et l’ésotérisme de la franc-maçonnerie qui le rendnt si difficile.
« On peut soupçonner, par son discours, qu’un clerc, un prêtre, un évêque ou un cardinal, a des connections avec les maçons. Nous entendons des clercs parler comme des franc-maçons, de toute évidence, dès qu’ils ouvrent la bouche ils utilisent des termes et des concepts qui sont typiquement maçonniques. Il pourrait être un membre, mais vous devez le prouver, mais au moins lorsqu’il parle il a l’esprit d’un franc-maçon, il n’est peut-être pas formellement affilié, mais certains évêques et cardinaux parlent clairement avec un esprit maçonnique. Je souligne que cela ne signifie pas qu’ils sont formellement affiliés aux Franc-maçons. »
Nul doute donc qu’à Rome les sanctions prévues par le Droit Canon vont pleuvoir sur ce Prince de l’Eglise qui n’a plus de « vénérable » que le titre que lui octroie son appartenance à la secte diabolique des Francs-maçons.
Le contraire – l’absence de réaction romaine – serait pour le moins insolite…[3]
La Porte Latine du 12 mars 2016
Cardinal de l’Église catholique et Maître d’une loge maçonnique (au moins à titre honorifique)
Même des semaines après la publication de la lettre adressée aux Loges par le Cardinal Ravasi, président du Conseil Pontifical pour la Culture, celles-ci ne cachent pas à quel point l’attention que leur porte ce haut dignitaire ecclésiastique les réjouit.
Pour les frères au tablier, « les paroles du cardinal représentent une reconnaissance de nos nobles idéaux », comme dit la Grande Loge.
« La franc-maçonnerie est incompatible avec la foi chrétienne, même si le cardinal Ravasi, que les franc-maçons désignent comme le « Vénérable Frère Gianfranco », construit des ponts en direction des loges »[4], écrit en revanche le portail d’informations catholiques InfoVaticana.
La lettre de Ravasi, parue le 14 février 2016 dans le quotidien économique Il Sole 24 Ore, était un appel à dépasser des siècles de confrontation entre l’Église et la Loge.
La lettre, certes, n’a pas remis en question les nombreuses condamnations de la franc-maçonnerie par l’Église catholique, ni les déclarations d’incompatibilité exprimées par le magistère catholique [5], pas non plus l’interdiction par le code du droit canon de faire partie d’une Loge – interdiction explicite dans l’édition de 1917, implicite dans celle de 1983. Mais le cardinal y écrit tout de même :
« Ces différentes déclarations d’incompatibilité entre les deux appartenances – à l’Église et à la franc-maçonnerie – n’empêchent toutefois pas le dialogue ».
A cet égard, l’auteur fait référence aux évêques allemands et à leur dialogue avec les loges dans les années 70. Car, selon le cardinal, il y a des terrains d’entente « comme la dimension communautaire, la bienfaisance, la lutte contre le matérialisme, la dignité de l’homme, la connaissance réciproque ».
Le cardinal Ravasi ne mentionne pas le fait qu’un catholique qui devient membre d’une Loge se trouve en état de péché grave et est automatiquement exclu des sacrements.
La réponse de la Grande Loge d’Espagne
La Grande Loge d’Espagne, le plus représentatif et le plus influent groupement maçonnique de la péninsule ibérique, a répondu à l”« honorable frère Gianfranco ». C’est en ces termes que les frères maçons s’adressent l’un à l’autre dès qu’ils ont passé l’épreuve de l’initiation. La lettre du cardinal témoigne, selon la Grande loge « d’un grand courage ».
L’hommage va même si loin que la Grande Loge d’Espagne reconnaît de fait le cardinal Ravasi comme « Maître » et s’adresse ainsi à lui comme à un initié. Est « Maître » tout frère maçonnique qui assure la présidence d’une loge et en conduit les travaux. Le dernier paragraphe de la lettre de la Grand Loge dit ceci :
« Le cardinal nous tend une main fraternelle, en nous appelant « Frères ». Un titre qui revient à quiconque entre dans notre ordre. Le Cher Frère apprenti tend, comme dans toute école initiatique, vers la vertu que le maître a déjà atteinte. Les écoles initiatiques exigent une conversion de ceux qui tendent toujours plus haut. Lorsque l’apprenti est reconnu comme maître des maîtres et choisi pour diriger les travaux de la Loge, auxquels il invite tous les membres, il cesse d’être appelé « Cher Frère ». Sa nouvelle qualité, Vénérable Frère, a la même signification pour l’Église et pour la franc-maçonnerie : il est d’une vertu pure et immaculée. Tel est l’idéal maçonnique. Vénérable Frère Gianfranco, merci pour ce geste courageux, qui ouvre un espace d’harmonie fraternelle. Comme tous les Vénérables, appelez au travail »
Sources : katholisches.info/Traduction d’Isabelle pour Benoit-et-moi
- Cardinal Gianfranco Ravasi. Ordonné prêtre en 1966 pour le diocèse de Milan. Formé à la Grégorienne et à l’Institut biblique pontifical, il enseigne l’exégèse biblique à la Faculté de théologie d’Italie septentrionale. Membre de la commission théologique internationale de 1985 à 1995, protonotaire apostolique depuis le 22 juin 1995, il fut aussi membre de la Commission biblique pontificale depuis cette même année 1995, sous la présidence du cardinal Joseph Ratzinger. Bibliste et hébraïsant renommé, il est particulièrement célèbre en Italie, aussi bien pour ses nombreux ouvrages (une cinquantaine) que pour certaines émissions religieuses, notamment de vulgarisation, sur la chaîne Canale 5. Il intervient souvent dans le quotidien italien Avvenire et l’hebdomadaire Famiglia Cristiana. Le 3 septembre 2007, Benoît XVI le nomme président du Conseil pontifical pour la culture ainsi que président des commissions pontificales pour le patrimoine culturel de l’Église et pour l’archéologie sacrée, et à ce titre grand organisateur du Parvis des gentils. Le Pape l’a lui-même consacré évêque à Saint-Pierre de Rome le 29 septembre 2007. Il reçoit alors le titre d’archevêque in partibus de Villamagna in Proconsulari. Il entre en fonction le 15 octobre. Il est créé cardinal par Benoît XVI lors du consistoire du 20 novembre 2010. Il reçoit alors le titre de cardinal-diacre de San Giorgio in Velabro. Il participe au conclave de 2013 qui élit le pape François, celui-ci le maintien dans ses fonctions le 16 mars 2013 comme président du Conseil pontifical de la culture. Le 29 mars 2014, à l’occasion de la confirmation du préfet de la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique, il est nommé membre de cette congrégation par le pape François.[↩]
- One Peter Five du 3 mars 2016 et Tradution de Benoit-et-Moi.[↩]
- Lire à cet effet l’article de M. l’abbé Philippe Toulza « Le Vatican : mystères et certitudes » et « Des francs-maçons au Vatican ? », Par Arnaud de Lassus in Fideliter n° 199 de janvier-février 2011.[↩]
- Lire : L’épiscopat français et la franc-maçonnerie du 13 mai 2010, par M. l’abbé de Cacqueray.[↩]
- Lire, entre autres, la Bulle pontificale In eminenti apostolatus specula du 28 avril 1738 contre la Franc-maçonnerie du pape Clément XII[↩]