12 janvier 1979

Lettre de Mgr Lefebvre au cardinal Seper du 12 janvier 1979

Emminence,

Au sor­tir de l’en­tre­tien de ce matin, je lis sur le Tempo la com­mu­ni­ca­tion faite à la presse par le char­gé de la salle de presse du Vatican.

A ma grande sur­prise, je m’a­per­çois que les entre­tiens que nous avons eus pré­parent une réunion de Cardinaux qui doivent prendre une déci­sion qui sera sou­mise au Saint-Père.

Or ce n’est pas du tout ce que vous m’a­vez annon­cé au début des entre­tiens, et je ne pense pas que c’est dans ce sens que par­lait le Saint-​Père, lors­qu’il m’a dit qu’il vous choi­sis­sait comme un ami en qui il a toute confiance pour vous confier cette affaire.

Le Directeur de la salle de presse, par ailleurs, nomme les Cardinaux qui seront juges et il se trouve que ceux qui seront pré­sents sont en fait ceux qui m’ont déjà condam­né. A quoi bon leur don­ner un nou­veau dos­sier ? Ils agi­ront comme ils ont déjà agi lors de cette Commission de Cardinaux, pour les­quels les entre­tiens étaient de pure forme, la condam­na­tion étant déjà décidée.

Or j’a­voue que le refus de m’ac­cor­der un témoin devant cinq inter­ro­ga­teurs, la manière dont on m’a ten­du des pièges, ce matin en par­ti­cu­lier, en vou­lant me faire affir­mer des pro­po­si­tions que je ne vou­lais pas accep­ter, ne me donnent aucune confiance dans l’is­sue de ce pro­cès, contrai­re­ment au désir for­mel du Pape, que vous avez plu­sieurs fois expri­mé vous-même.

J’en appelle donc au Pape lui-​même, comme je l’ai fait dans ma lettre de la vigile de Noël.

Quant au procès-​verbal, je veux bien le signer, mais après avoir pu l’exa­mi­ner à tête repo­sée. Or ces deux séances m’ont fati­gué et je ne suis plus en mesure de me rendre à nou­veau au Saint-​Office pour faire la cor­rec­tion et signer. L’affaire est trop grave, trop impor­tante pour se conclure aus­si rapidement.

C’est pour­quoi, je me per­met­trai d’en­voyer le prêtre qui m’ac­com­pa­gnait pour que les épreuves lui soient remises, que j’aie ain­si le temps de réflé­chir et de pro­po­ser quelques retouches avant de signer.

Je pense que c’est une simple mesure de pru­dence de ma part et qu’elle n’of­fri­ra pas de dif­fi­cul­té. Je ren­ver­rai le docu­ment par la non­cia­ture de Berne dans une hui­taine de jours.

Je deman­de­rai donc au Saint-​Père que ce soit lui qui juge après avoir pris connais­sance de ce docu­ment et non des per­sonnes qui m’ont déjà condamné.

Cette lettre est écrite dans le désir d’ar­ri­ver à une solu­tion et non à une condam­na­tion selon le sou­hait du Saint-​Père lui-​même et le vôtre.

Daignez agréer, Eminence, l’ex­pres­sion de mes sen­ti­ments res­pec­tueux et cor­dia­le­ment dévoués in Christo et Maria.

† Marcel LEFEBVRE, ancien Archevêque-​Evéque de Tulle