Bienheureux ceux qui ont vécu et sont morts sans avoir à se poser une semblable question Il faut reconnaître que le Pape Paul VI a posé et pose encore un sérieux problème à la conscience des catholiques. Sans rechercher ni connaître sa culpabilité dans l’affreuse démolition de l’Eglise sous son Pontificat, on ne peut pas ne pas reconnaître qu’il en a accéléré les causes dans tous les domaines. Comment un successeur de Pierre a pu en si peu de temps causer plus de dommages à l’Eglise que la Révolution de 89 ? On peut se le demander.
Des faits précis comme les signatures apposées à l’article VII de l’Instruction concernant le Nouvel Ordo Missae, ainsi qu’au document de la « Liberté Religieuse » sont scandaleux et sont l’occasion pour certains d’affirmer que ce Pape était hérétique et que par le fait de son hérésie il n’était plus Pape.
Les conséquences de ce fait seraient que la plupart des Cardinaux actuels ne le seraient pas et sont donc inaptes à élire un autre Pape. Les Papes Jean-Paul Ier et Jean-Paul II ne seraient donc pas élus légitimement.
Il est donc inadmissible de prier pour un Pape qui ne l’est pas et de converser avec celui qui n’aurait aucun titre à siéger sur la chaire de Pierre. Comme pour le problème de l’invalidité de la Nouvelle Messe, ceux qui affirment qu’il n’y a pas de Pape simplifient trop les problèmes. La réalité est plus complexe.
Si l’on se penche sur la question de savoir si un Pape peut être hérétique on s’aperçoit que le problème n’est pas aussi simple qu’on le croirait. L’étude très objective de ce sujet par Xaverio da Silveira montre qu’un bon nombre de théologiens pensent que le Pape peut être hérétique comme docteur privé mais non comme docteur de l’Eglise universelle. Il faudrait donc examiner dans quelle mesure le Pape Paul VI a voulu engager son infaillibilité dans ces divers cas où il a signé des textes proches de l’hérésie sinon hérétiques.
Or nous avons pu voir que dans ces deux cas comme dans beaucoup d’autres le Pape Paul VI a beaucoup plus agi en libéral qu’en s’attachant à l’hérésie. Car dès qu’on lui faisait remarquer le danger qu’il courait il rendait le texte contradictoire en ajoutant une formule contraire à ce qui était affirmé dans la rédaction, ou en rédigeant une formule équivoque, ce qui est le propre du libéral qui est incohérent par nature.
Le libéralisme de Paul VI, reconnu par son ami le Cardinal Daniélou est suffisant pour expliquer les désastres de son Pontificat. Le Pape Pie IX en particulier a beaucoup parlé du catholique libéral, qu’il considérait comme le destructeur de l’Eglise. Le catholique libéral est une personne a double visage, dans la contradiction continuelle. Il veut demeurer catholique et est possédé par la soif de plaire au monde. Il affirme sa foi avec crainte de paraître trop dogmatique et il agit en fait comme les ennemis de la foi catholique.
Un Pape peut-il être libéral et demeurer Pape ? L’Eglise a toujours réprimandé sévèrement les catholiques libéraux. Elle ne les a pas tous excommuniés. Là encore nous devons demeurer dans l’esprit de l’Eglise. Nous devons refuser le libéralisme d’où qu’il vienne parce que l’Eglise l’a toujours condamné sévèrement, parce qu’il est contraire à la Royauté de Notre Seigneur et en particulier à la Royauté sociale.
L’éloignement des cardinaux de plus de 80 ans et les conventicules qui ont préparé les deux derniers Conclaves ne rendent-ils pas invalide l’élection de ces Papes ? Invalide, c’est trop affirmer, mais éventuellement douteux. Toutefois l’acceptation de fait postérieure à l’élection et unanime de la part des Cardinaux et du clergé romain suffit à valider l’élection. C’est l’opinion des théologiens.
La question de la visibilité de l’Eglise est trop nécessaire à son existence pour que Dieu puisse l’omettre durant des décades.
Le raisonnement de ceux qui affirment l’inexistence du Pape met l’Eglise dans une situation inextricable. Qui nous dira où est le futur Pape ? Comment pourra-t-il être désigné puisqu’il n’y a plus de cardinaux ? Cet esprit est un esprit schismatique du moins pour la plupart des fidèles qui s’attacheront à des sectes vraiment schismatiques comme : celle de Palmar de Troya, de l’Eglise Latine de Toulouse, etc…
Notre Fraternité se refuse absolument à entrer dans de pareils raisonnements. Nous voulons demeurer attachés à Rome, au successeur de Pierre, mais nous refusons son libéralisme par fidélité à ses prédécesseurs. Nous ne craignons pas de le lui dire respectueusement mais fermement, comme St Paul le fit vis-à-vis de St Pierre.
C’est pourquoi loin de refuser de prier pour le Pape, nous redoublons nos prières et nos supplications pour que l’Esprit Saint lui donne lumière et force dans l’affirmation et la défense de la foi.
C’est pourquoi je n’ai jamais refusé de me rendre à Rome à sa demande ou à la demande ses représentants. La Vérité doit s’affirmer à Rome plus qu’en importe quel lieu. Elle appartient à Dieu qui la fera triompher.
En conséquence la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X des Pères, des Frères, des Sœurs, des Oblates ne peut pas tolérer dans son sein des membres qui refusent de prier pour le Pape et qui affirment que toutes les messes du Novus Ordo Missae sont invalides. Certes, nous souffrons de cette incohérence continuelle qui consiste à louer toutes les orientations libérales de Vatican II et qui en même temps s’efforce d’en atténuer les effets. Mais cela doit nous inciter à prier et à maintenir fermement la Tradition, mais non pour autant affirmer que le Pape n’est pas Pape.
En conclusion, nous devons avoir l’esprit missionnaire qui est le véritable esprit de l’Eglise, tout faire pour le règne de Notre Seigneur Jésus-Christ selon la devise de notre Saint Patron St Pie X : « Instaurare omnia in Christo » , tout restaurer dans le Christ, et tout subir comme Notre Seigneur dans sa passion pour le salut. des âmes, pour le triomphe de la Vérité. « In hoc natus sum, dit Notre Seigneur à Pilate, ut testimonium perhibeam veritati. »
« Je suis né pour témoigner en faveur de la Vérité ».
+ Marcel Lefebvre, 8 novembre 1979
Sources : Fideliter n° 13 de février 1980, d’après Cor unum de novembre 1979