Vénérables frères,
Chers fils,
Elle est bien spéciale, et pour Nous et pour tous les fidèles, la cause de joie que Nous apporte la vénérable solennité de ce jour : Nous y revoyons la merveilleuse naissance de l’Eglise, qui, parée de tous les dons de l’Esprit-Saint, sort du silence et de la retraite du Cénacle, et pour la première fois paraît au grand jour et se manifeste aux foules.
Dès cette heure, ce fut un flux incessant de vie et de vigueur spirituelle qui commença à couler dans les veines de l’Epouse immaculée du Christ ; car, au témoignage de saint Augustin, ce qu’est l’âme dans notre corps, l’Esprit-Saint l’est dans le corps du Christ, qui est l’Eglise. Par le secours toujours assuré de l’Esprit de vérité, non seulement l’Eglise est restée à l’abri de l’erreur, mais jamais elle n’a cessé de semer et de cultiver avec le plus grand zèle les germes de la sainte doctrine et de la charité parmi tous les peuples ; n’était-elle pas née pour le salut de tous les peuples ?
Cette divine puissance de l’Esprit consolateur, déployée pour écarter de l’Eglise la contagion de l’erreur, s’est assurément manifestée à tous les regards, avec l’éclat le plus vif, dans la célébration du Concile de Nicée, il y a seize siècles. En ces fêles commémoratives, Nous appelons d’en haut sur les âmes et sur les cœurs les grâces de lumière et d’élan qui hâteront la réalisation de Nos vœux les plus chers par l’union enfin réalisée des Eglises dissidentes au Siège Apostolique.
Du reste, l’œuvre accomplie par les apôtres à partir de la Pentecôte et pour ainsi dire scellée de leur sang — cette œuvre qui arrachait le monde à la dépravation païenne pour le conduire à la nouvelle religion — est en quelque manière continuée et perpétuée. Ceux qui la poursuivent, ce sont tous ceux qui, renonçant aux douceurs du foyer et de la vie, s’en vont, au prix de fatigues immenses, au risque même de leur vie, porter aux nations barbares tout à la fois la lumière de l’Evangile et la civilisation ; ce sont aussi ceux qui répandent sans nul repos leurs sueurs pour arracher les fidèles à la fange du vice et pour les former à la pratique de la vertu.
Dans l’exercice de ce ministère sacré se vérifie l’adage « La grâce ne détruit pas la nature, mais elle l’achève », et le mot de l’Apôtre sur les opérations variées de l’Esprit-Saint suivant la diversité des personnes : Il n’y a qu’un seul et même Esprit, mais qui donne a chacun la part qui lui convient, Différents, en effet, sont les dons accordés aux uns et aux autres, et distribués en une mesure différente. Mais il est des âmes qui ont reçu du ciel les grâces en une telle abondance et avec une telle puissance d’action qu’elles unissent en elle une sainteté extraordinaire de vie et une fécondité vraiment étonnante d’apostolat.
C’est précisément, vous le savez, ce qui est arrivé pour les deux prêtres que Nous venons de placer au nombre des Saints : aussi, en ce jour de fête, c’est pour Nous et pour le catholicisme tout entier une double joie.
Nous n’avons pas ici — le sujet, d’ailleurs, est trop connu — à dépeindre longuement leurs exemples de vertus et le cours de leur vie. Mais il Nous semble voir se dresser à Nos yeux la frêle silhouette de Jean-Baptiste Vianney, cette tête aux longs cheveux blancs qui lui lotit comme une éclatante couronne ; ce mince visage creusé par les jeûnes, mais sur lequel se reflétait si bien l’innocence et la sainteté d’un cœur très humble et très doux, ce visage dont le seul aspect suffisait à ramener les foules à de salutaires pensées.
Et qui donc — si enfoncé fût-il dans le péché, — qui donc sut résister à ses exhortations et à ses larmes ? Et ses instructions du soir – bien que prononcées la plupart du temps d’une voix éteinte, — à qui donc n’ont-elles pas inspiré et le repentir et un amour qui payât de retour l’amour du Christ ? Assurément, voilà bien où éclate d’une façon merveilleuse l’action de L’Esprit-Saint ; car il est le seul qui puisse, d’un homme dépourvu de science et sans culture, faire le plus expérimenté des pêcheurs d’hommes.
C’est un- champ à coup sûr beaucoup plus large qui se présenta et s’ouvrit au zèle ardent de Jean Eudes. C’est par toute la France que sa voix se fit entendre, la voix très éloquente d’un héraut des vérités éternelles ; elles sont innombrables, les proies qu’il sut arracher à l’antique ennemi du genre humain pour les rendre au divin Rédempteur. Nous ne Nous arrêterons qu’à ses fondations : l’héritage de son apostolat, il l’a transmis à la Congrégation des religieux de Jésus et Marie ; la sainte ardeur de son zèle, il en a imprégné les Sœurs de Notre-Dame de Charité, qui aux trois vœux ordinaires ajoutent les obligations d’un quatrième, celui de recueillir et de ramener aux habitudes de la vertu les femmes perdues : le fondateur n’oubliait pas, en effet, la miséricorde du Christ Jésus pour la Samaritaine, pour la femme adultère et pour la femme pécheresse.
C’est assez dire Notre vif désir de voir le clergé arrêter ses regards sur les deux nouveaux Saints et en imiter les exemples. L’un est particulièrement proposé en modèle aux curés, fût-ce même des plus humbles hameaux : ils apprendront près de lui avec quel zèle de la gloire divine, avec quel esprit de prière, avec l’aide de quelles vertus ils ont à gérer la charge des âmes. L’autre sera le modèle des prédicateurs et des missionnaires : ils comprendront à son école que leur éloquence ne doit pas être celle qui chante aux oreilles, mais celle qui gagne au Christ les cœurs. A l’exemple de l’un et de l’autre, tous se souviendront que, dans les labeurs de leur apostolat, il ne doit y avoir de repos pour eux qu’après leur départ d’ici-bas dans le très doux baiser du Christ, Prince des Pasteurs.
Pour en revenir à Nos pensées du début, adressons-Nous à l’Esprit de vérité, qui est aussi le principe de toute sainteté ; à Nos prières joignez les vôtres, Vénérables Frères, Chers Fils, et ne vous arrêtez point de solliciter sa faveur pour les intérêts catholiques. C’est Lui qui, bien qu’invisible, est dans l’Eglise le principe de vie et d’unité ; c’est Lui qui, au Concile de Nicée et dans tous les Conciles au cours des âges, a dirigé la pensée des Pères. Oh ! puisse-t-il, Lui encore, assister l’Eglise par l’abondance de jour en jour plus grande de ses dons ! Puisse-t-il, Lui encore, prier pour nous avec des gémissements ineffables, et, par cette prière, renouveler la face de la terre et hâter l’unité chrétienne, Lui qui vit et règne avec le Père et le Fils, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
Source : Actes de S. S. Pie XI, t. III, p. 47, La Bonne Presse