Pie XII

260ᵉ pape ; de 1939 à 1958

18 avril 1954

Radiomessage de Pâques 1954

La Paix du Christ face au risque de guerre meurtrière

Table des matières

Il est d’u­sage récent que le Saint-​Père donne le jour de Pâques, la béné­dic­tion Urbi et Orbi du haut de la Loggia sur­plom­bant l’en­trée de la Basilique Vaticane. Cette Bénédiction s’a­dresse à la foule mas­sée sur le par­vis de Saint-​Pierre et, par les ondes, à la catho­li­ci­té tout entière. A cette occa­sion, le Saint-​Père pro­non­ça le dis­cours que voici :

Tout comme les dis­ciples de Jésus exul­tèrent de joie le soir de la pre­mière Pâques, quand ils virent le Maître res­sus­ci­té re­venir au milieu d’eux, vain­queur de la mort, ain­si vous-​mêmes, chers fils et filles, vous ouvrez vos cœurs à la joie de ce jour solen­nel et rece­vez avec confiance le salut de paix que Nous, Vicaire sur la terre du divin Rédempteur, Nous renou­ve­lons en son nom à l’Eglise et à la famille humaine : Gavisi sunt dis­ci­pu­li viso Domino. Dixit ergo ite­rum : Pax Vobis [1]. Les disci­ples furent rem­plis de joie à la vue du Seigneur. Et Jésus leur dit à nou­veau : Paix à vous !

Pie XII remercie pour la santé retrouvée :

Rendant d’humbles actions de grâces à la bon­té divine pour Nous avoir accor­dé l’i­nes­ti­mable faveur de célé­brer avec vous ces saintes fêtes, Nous ne sau­rions man­quer de vous mani­fester Notre pater­nelle gra­ti­tude pour l’af­fec­tion filiale et les prières empres­sées dont vous avez récon­for­té Notre cœur du­rant Nos récentes épreuves.

A la gloire de la Résurrection s’oppose la malice des hommes qui forgent des armes meurtrières :

Oh ! com­bien Nous vou­drions que sur tous les hommes se répande la joie de la Pâques chré­tienne, en sorte que l’Eglise puisse chan­ter dans toute son exten­sion : In resur­rec­tione tua, Christe, cœli et ter­ra læten­tur [2]. En ta résur­rec­tion, ô Christ, se réjouissent le ciel et la terre ! Mais si dans les cieux tout est paix et bon­heur, com­bien dif­fé­rente est la réa­li­té sur la terre. Ici, au lieu de la joie sereine, dont le Christ révé­la le se­cret, l’an­xié­té et presque l’é­pou­vante des peuples aug­mente d’an­née en année, dans l’ap­pré­hen­sion d’un troi­sième conflit mon­dial et d’un ter­rible len­de­main, livré à la mer­ci de nou­velles armes des­truc­tives d’une vio­lence inouïe.

Armes capables — comme Nous eûmes déjà l’oc­ca­sion d’en expri­mer la crainte dès février 1943 — de pro­duire « sur l’en­tière éten­due de notre pla­nète une dan­ge­reuse catas­trophe » [3], de semer l’ex­ter­mi­na­tion totale de toute vie ani­male et végé­tale et de toute œuvre humaine sur des régions tou­jours plus vastes ; armes capables désor­mais, grâce aux iso­topes artifi­ciels radio­ac­tifs de longue vie moyenne, d’in­fec­ter de façon durable l’at­mo­sphère, le ter­rain et les océans mêmes, à de très grandes dis­tances des zones direc­te­ment frap­pées et con­taminées par les explo­sions nucléaires. Ainsi devant les yeux du monde atter­ré se dresse la pré­vi­sion de des­truc­tions gigan­tesques, de ter­ri­toires entiers ren­dus inha­bi­tables et inuti­li­sables pour l’homme, sans par­ler des consé­quences bio­lo­giques qui peuvent se pro­duire, tant à cause des muta­tions pro­vo­quées dans les germes et les micro-​organismes, que du fait des ré­sultats incer­tains que peut avoir une action radio­ac­tive prolon­gée sur les plus grands orga­nismes, y com­pris l’homme, et sur leur des­cen­dance. A ce sujet Nous ne vou­drions pas omettre de faire allu­sion au péril que pour­rait repré­sen­ter pour les fu­tures géné­ra­tions l’in­ter­ven­tion muta­gène sus­cep­tible d’être obte­nue, et peut-​être déjà obte­nue, par de nou­veaux moyens, en vue de détour­ner de leur déve­lop­pe­ment natu­rel le patri­moine des fac­teurs héré­di­taires de l’homme ; pour cette rai­son aus­si que par­mi ces dévia­tions ne manquent pas, et ne man­que­raient peut-​être pas ces muta­tions patho­gènes qui sont la cause des mala­dies héré­di­taires et des monstruosités.

Le Pape voudrait qu’on proscrive les armes atomiques, biologiques et chimiques :

Pour Notre part, tan­dis que Nous ne Nous las­se­rons pas de Nous employer afin que, au moyen d’en­tentes internationa­les — res­tant sauf tou­te­fois le prin­cipe de la légi­time défense [4]— puisse être effi­ca­ce­ment pros­crite et écar­tée la guerre atomi­que, bio­lo­gique et chi­mique [5]. Nous deman­dons : jus­qu’à quand les hommes voudront-​ils se sous­traire à la lumière salu­taire de la Résurrection, atten­dant en revanche la sécu­ri­té des lueurs meur­trières des nou­veaux engins de guerre ?

Il faut fonder la politique internationale sur l’esprit du Christ.

Jusqu’à quand opposeront-​ils leurs des­seins de haine et de mort aux pré­ceptes de l’a­mour et aux pro­messes de vie appor­tés par le divin Sauveur ? Quand donc les diri­geants des na­tions s’apercevront-​ils que la paix ne peut consis­ter en un exas­pé­rant et dis­pen­dieux rap­port de ter­reur mutuelle, mais dans la maxime chré­tienne de la cha­ri­té uni­ver­selle, et en par­ticulier dans la jus­tice volon­tai­re­ment réa­li­sée plu­tôt qu’extor­quée et dans la confiance qu’on ins­pire plu­tôt que dans celle qu’on exige ?

Les inventions scientifiques doivent être utilisées pour construire le bien-​être des hommes :

Quand verra-​t-​on les sages du monde tour­ner uni­que­ment à des fins de paix les admi­rables décou­vertes des forces pro­fondes de la matière en vue de don­ner à l’ac­ti­vi­té humaine une éner­gie à peu de frais — qui sup­plée­rait à la défi­cience des sources de richesses et de tra­vail, ou en cor­ri­ge­rait l’i­né­gale dis­tri­bu­tion géo­gra­phique — comme aus­si pour offrir à la mé­decine et à l’a­gri­cul­ture de nou­velles armes et ouvrir aux peuples de nou­velles sources de pros­pé­ri­té et de bien-être ?

En ces moments difficiles que les chrétiens se mettent sous la protection de la Sainte Vierge :

Mais en atten­dant, si l’an­goisse semble se faire plus poi­gnante, voi­ci que s’ir­ra­die dans la douce clar­té de Pâques, éclo­se cette année sous le soleil vir­gi­nal de Marie, le doux sou­rire de la Mère de Jésus, Notre Mère, glo­rieuse elle aus­si aux cô­tés de son Fils. Ainsi, sur ceux en par­ti­cu­lier qui vivent dans l’obs­cu­ri­té et dans la dou­leur, cette Mère très aimante étend aujourd’­hui le man­teau de son inef­fable tendresse.

Ô Marie, qui res­plen­dis­sez en ce jour d’une plus vive lu­mière, soyez le sym­bole et la source de la récon­ci­lia­tion des hommes entre eux et avec leur Seigneur et Rédempteur Jésus. Augmentez la foi de ceux qui vous invoquent. Faites briller à leurs yeux l’es­pé­rance des biens incor­rup­tibles, la rédemp­tion des corps et des âmes, objet de leurs ardents dési­rs, dont ils contemplent les pré­mices en Jésus et en vous-​même. Aidez-​les à por­ter le poids de l’humble et sou­vent dure fatigue quoti­dienne et réconfortez-​les par l’at­tente confiante de l’é­ter­nelle et par­faite Pâques de la grande famille humaine dans la mai­son du Père, par­mi les splen­deurs du ciel. Ainsi soit-il.

Source : Documents Pontificaux de S. S. Pie XII, année 1954, Édition Saint-​Augustin Saint-​Maurice. – D’après le texte ita­lien des A. A. S., XXXXVI, 1954, p. 212.

Notes de bas de page
  1. Jn 20, 20–21.[]
  2. Brev. Rom., Dom. in Albis ad Laudes.[]
  3. A. A. S., XXXV, 1943, p. 75.[]
  4. A. A. S., XXXXV, 1953, p. 748–749 ; cf. Documents Pontificaux 1953, p. 468 ; lire aus­si Radiomessage de Noël 1953, A. A. S., XXXXVI, 1954, p. 5 ; cf. Documents Pontificaux 1953, p. 644.[]
  5. Ibid., p. 749 ; Documents Pontificaux 1953, p. 468.[]