Les autorités religieuses et civiles de Clermont-Ferrand préparaient de concert des fêtes solennelles, qui seront célébrées du 6 au 20 mai, à l’occasion du huitième centenaire du Concile de Clermont, tenu en cette ville, et de la première croisade qu’y prêcha Pierre l’Ermite.
Voici, à ce sujet, la lettre adressée par Mgr Belmont aux fidèles de son diocèse :
Lettre pastorale de Mgr l’Evêque de Clermont portant communication d’une lettre pontificale, au sujet du huitième centenaire du Concile de Clermont et de la première croisade.
Nos Très Chers Frères,
Ce n’est point notre humble parole qui vous exportera à célébrer dignement le centenaire si glorieux pour l’Auvergne et la France que nous ramène la présente année. C’est celle du successeur d’Urbain II et de saint Pierre ; c’est l’immortel Léon XIII qui vous dit : Dieu le veut !
Oui, Dieu veut que vous fassiez revivre, par la docilité, par la générosité de vos cœurs, les dispositions de ceux qui, en disant autrefois : Dieu le veut ! renoncèrent à tout pour aller en Judée, les uns seulement pour vénérer le tombeau du Christ, les autres, pour l’arracher à la domination des infidèles, tous pour souffrir, expier leurs fautes dans cette douloureuse expédition, consacrer à la défense de la justice, à la protection de la faiblesse, des épées trop souvent jusque-là engagées dans des querelles injustes, des vies trop souvent abandonnées à la dissolution et à la débauche. Aujourd’hui, de nouveau, Léon XIII nous dit : Levez-vous ! Dieu le veut !
L’Europe chancelle, le danger n’est plus à la frontière d’Orient, il est au milieu de vous ; ce ne sont plus les chrétiens d’Orient qu’on force à abjurer, ce sont vos enfants ; la France court à sa perte parce qu’elle a cessé de vouloir être chrétienne alors qu’elle l’est jusque dans ses moelles. Vous êtes chrétiens, rendez donc à la loi de Dieu sa place dans vos mœurs, dans vos lois ; que votre vie soit pure, sobre, chrétienne, dévouée à l’Eglise.
Dieu le veut ! Il vous le dit par son Vicaire, écoutez :
Lettre de Sa Sainteté Léon XIII à Monseigneur l’Evêque de Clermont.
Au Vénérable Frère Pierre-Marie Belmont, évêque de Clermont, Vénérable Frère,
Vous Nous avez fait savoir, tant de vive voix que par vos lettres, qu’il était dans vos intentions de célébrer, avec une particulière solennité, le prochain huitième centenaire du Concile général tenu en 1095 dans votre ville épiscopale sous la présidence de Notre prédécesseur Urbain II, de sainte mémoire. Nous ne pouvons que louer hautement un semblable dessein. Le concile de Clermont, en effet, a été un événement d’une importance exceptionnelle dans les fastes de l’histoire, et la capitale de l’Auvergne se glorifie à juste titre d’en avoir été le théâtre. Sans parler des personnages nombreux et distingués qui vinrent y prendre part, ce Concile restera à jamais mémorable entre tous les autres pour avoir suscité la première de ces héroïques expéditions militaires dont le but était d’essuyer les larmes des chrétiens de la Palestine, et de délivrer les lieux sanctifiés par la présence, la passion, la mort et la résurrection du Sauveur des hommes.
A plusieurs reprises, les Pontifes romains, comme Sylvestre II et Grégoire VII, s’étaient faits l’écho de leurs plaintes et de leurs supplications, et avaient élevé la voix en leur faveur. Au bienheureux Urbain était réservée la joie de voir les nations répondre efficacement à son appel. L’expédition fut décidée, et, trois années après, les chrétiens entrèrent triomphants dans Jérusalem.
Comme vous le rappelez dans votre lettre, Vénérable Frère cette grande expédition obtint ce merveilleux succès parce qu’elle avait été préparée sous les auspices de la Reine du ciel, par des prières publiques dont l’usage s’est perpétué dans l’Eglise. – Tels sont les grands et pieux souvenirs que ce prochain centenaire va rappeler à tous les fidèles. – Ils leur seront une invitation nouvelle à diriger leurs regards vers cette terre chérie, où se sont accomplis les mystères de la Rédemption des hommes, vers ces antiques églises d’Orient, auxquelles, comme Nous l’avons dit ailleurs, Nous portons un si vif intérêt. – Mais ces souvenirs doivent être chers surtout aux fils de la noble nation française, à qui revient la principale part dans cette expédition. Qu’ils veuillent dès lors se rappeler avec quelle religieuse abnégation, quelle obéissance et quelle unanimité, leurs aïeux d’il y a huit siècles ont accueilli la parole du Vicaire de Jésus-Christ, et comment, à son invitation, écartant toute cause de division, et, par suite, de faiblesse, ils ont uni leurs efforts dans un même sentiment pour combattre ensemble les bons combats, à la plus grande gloire de Dieu et de leur patrie. – Qu’à leur exemple, les fidèles de la France cultivent de plus en plus dans leurs cœurs la dévotion envers la Bienheureuse Vierge Marie, la patronne de leur nation. Qu’ils se fassent, comme eux, un devoir et un bonheur de se montrer toujours les fils obéissants de leur Père commun, le Pontife de Rome, et les bénédictions du ciel seront avec eux.
Et afin d’exciter de plus en plus leur zèle et leur piété, Nous accordons volontiers, en vertu de Notre autorité apostolique, que les fidèles de France et des autres pays qui visiteront, durant l’année du prochain jubilé du Concile de Clermont en Auvergne, la basilique de cette même ville, où est vénérée de date immémoriale la sainte image de la Bienheureuse Vierge sous le titre de Notre-Dame du Port, puissent gagner une fois toutes les indulgences plénières et partielles que les Pontifes Romains ont attachées au pèlerinage de Jérusalem, pourvu que, s’étant confessés de leurs péchés et ayant communié, ils y prient pour les besoins généraux de la Sainte Eglise, pour l’extirpation des hérésies et des schismes, et notamment pour le retour à l’unité catholique des Eglises Orientales séparées.
En attendant, Vénérable Frère, et comme gage de Notre particulière bienveillance, Nous vous accordons, à vous, à votre clergé et à tous vos fidèles, la bénédiction apostolique.
Rome, du Vatican, le 29 janvier.
LEO PP. XIII.
Voilà donc, Nos Très Chers Frères, nos fêtes jubilaires ouvertes, c’est à l’appel de Léon XIII, et nous inspirant de ses pensées, que nous les célébrerons.
Dès ce jour, jusqu’au 31 décembre, les fidèles pourront gagner une fois toutes les indulgences du pèlerinage de Terre Sainte, moyennant la confession et la communion, en visitant l’église de Notre-Dame du Port, et en y priant aux intentions de Notre Saint-Père le Pape, et spécialement pour le retour des chrétiens d’Orient à l’unité catholique. Nous le ferons avec une ferveur d’autant plus grande que nous y serons portés par notre reconnaissance pour les faveurs insignes dont notre Eglise est l’objet de la part du Chef de l’Eglise.
Les indulgences susdites, soit plénières, soit partielles, et applicables aux âmes du Purgatoire, sont tellement nombreuses que l’énumération en serait impossible.
En outre des autres indulgences précédemment accordées à cette église, nous ajoutons une indulgence de 40 jours pour chaque visite à Notre-Dame du Port pendant cette même année jubilaire, à la condition de prier aux intentions exprimées par Notre Saint-Père le Pape.
Dans peu de jours nous publierons, avec notre mandement sur le saint temps du Carême, le dispositif des solennités religieuses de nos fêtes jubilaires, et nous recommanderons, s’il y a lieu, à votre générosité, les moyens qui nous sembleront propres à en perpétuer le souvenir. L’époque en demeure fixée du 16 au 20 mai.
Et seront, la présente lettre et la lettre pontificale, lues en chaire dans toutes les églises et chapelles du diocèse, le dimanche de la Septuagésime.
Donné à Clermont, sous le sceau de nos armes, le 5 février 1895.
† Pierre-Marie, Évêque de Clermont.