N° 16 – Avril 2008
hère Madame,
La paternité est tellement grande qu’il faut la respecter. La paternité est si vaste, l’immensité de sa notion essentielle a de telles exigences et entraîne de telles conséquences que le père seul, dans la famille humaine, ne peut suffire à y satisfaire. Il faut qu’elle soit doublée de la maternité. Le père n’est pas seul au-dessus de l’enfant, mais à côté de lui, il y a aussi la mère. Rappelons-nous que toute paternité et maternité viennent de Dieu, sont en Dieu ; et donc Dieu est à la fois Père et Mère. En Dieu, il y a cette grande et forte bonté qui est celle du père (rappelez-vous l’exemple de la générosité du père de Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus qui lui a fait découvrir la grande bonté de Dieu, son Père du ciel), mais il y a aussi toutes ces attentions infiniment délicates qui sont celles de la mère. Souvenez-vous cette parole admirable sortant de la bouche de Dieu et rapportée par un prophète de l’Ancien Testament : « Et quand bien même une mère oublierait son enfant, moi, je ne vous oublierai jamais, dit le Seigneur ». Un auteur ne disait-il pas : « Personne n’est aussi mère que Dieu ». Comme pour illustrer cette vérité Jésus n’a-t-Il pas dit dans l’Evangile : « Deux moineaux ne se vendent-ils pas un as ? Et pas un d’entre eux ne tombe sur la terre, sans la permission de votre Père. Quant à vous, même les cheveux de votre tête sont tous comptés. » (St Matthieu, chapitre 10.29–30). Il pourrait aussi bien dire : « de votre mère qui est dans les cieux ». Ceci est, en effet, tellement maternel que toutes les possibilités des maternités de la terre sont infiniment dépassées. Chère Madame, en vous occupant de votre enfant, jamais la pensée ne vous est venue de compter tous les cheveux de sa tête. Si Jésus s’est donné la peine de dire ces paroles, c’est bien pour nous faire comprendre, (un peu plus !) combien grande est la tendresse de Dieu, plus grande que toutes les mamans réunies ! Et ailleurs ne dit-Il pas encore : « Ne vous occupez de rien…. Ne soyez pas dans le souci…. Le Père qui est dans les cieux s’occupe de tout cela. » (St Matthieu, chapitre 6. 27–32). Notre-Seigneur nous dit que la Providence, (cette mère, cette maternité de Dieu,) est au service de ses petits enfants, elle s’occupe de tous, de tout, et, dans les moindres détails, cette maternité se fait sentir. Cette sollicitude de Dieu pour nous, il faut y croire. Vous savez que l’Evangile est extrêmement exigeant sur ce point. Si nous n’avions pas envers Dieu ce sentiment d’abandon qu’ont les enfants vis-à-vis de leur mère, Dieu ne serait pas content, Dieu serait jaloux de nos mères.
Oui ! si seulement nous avions une foi vivante ! Si seulement nous méditions un peu sur ce qu’est Dieu, « Notre Père qui est dans les cieux », ce Père à la fois si proche de nous en habitant dans notre âme depuis le saint jour de notre baptême. Oui, si seulement notre foi était plus grande, nous pourrions la transmettre à nos enfants, et j’ose le dire, beaucoup de « problèmes » s’estomperaient, croyez-le. Mais voilà, nous nous laissons vivre et submerger par ce monde matérialiste qui ne croit pas en Dieu. Oui, dans l’éducation de nos enfants, on veut trop faire « comme les autres » pour ne pas être en marge de la société. Ah ! ce terrible respect humain qui de nos jours tend à remplacer le respect que nous devons envers « Notre Père » qui est dans les cieux et dans les cœurs où Il habite par la grâce qui est surnaturelle.
Ainsi donc, la paternité divine contient ce que ne peut pas contenir la paternité humaine mais elle contient en elle-même toute maternité. C’est pourquoi la famille est composée du père et de la mère, et tous les deux sont éducateurs d’une manière unie et complémentaire. Leur rôle n’est pas le même, mais tout aussi important. J’insiste sur ce point, car trop souvent, j’ai entendu des pères me dire au sujet de l’éducation de leur enfant : « C’est l’affaire de ma femme ». Non, ce n’est pas voulu par Dieu (même si dans certains cas, le père étant absent, voire décédé, la mère doit subvenir à tout). Le père étant présent doit remplir son rôle car c’est lui « le chef », la tête de la famille.
Regardez encore la Sainte Famille : Dieu a communiqué ses ordres divins au « chef » de famille, Saint Joseph, bien qu’il fut « le moins grand en dignité » par rapport à la Vierge Immaculée et encore moins par rapport à l’Enfant-Jésus, le Verbe de Dieu. Si Dieu s’est abaissé à ce point devant ses créatures, n’est-ce pas pour nous enseigner la voie, le chemin à suivre, l’exemple pour les parents ?
Suivons l’ordre voulu par Dieu, et le père, sauvegardant ses droits en faisant son devoir, inspirera le respect que lui doit son enfant. C’est « la condition » essentielle pour obtenir de votre enfant qu’il vous obéisse. Rappelez-vous : l’obéissance c’est l’ordre dans la famille, la désobéissance c’est le « non serviam » des mauvais anges qui les chassa du paradis. Or, le but de l’éducation chrétienne : conduire l’enfant au ciel, à la fin de son existence ici-bas. Nous ne sommes que des voyageurs sur terre, et le but de notre voyage : retourner à la Maison Paternelle.
Je pense qu’à présent vous avez saisi l’importance de ce respect. C’est un devoir important à pratiquer vous-même afin de le transmettre à votre enfant et lui apprendre ainsi l’obéissance. Et comment, me direz-vous ? Ceci commence très tôt, car les mauvaises habitudes sont plus difficiles et plus longues à corriger. Je vais vous donner un remède efficace.
Chère Madame, Dieu vous a donné un moyen que seule vous pouvez et devez utiliser sur votre enfant. Ce moyen ce sont vos yeux. Que cherche le bébé en premier ? : vos yeux ; mais plus encore, votre cœur, votre amour. La première tâche de la jeune maman est naturellement de nourrir son enfant ; et dans le cas où la maman oublie « l’heure », il sait bien le lui rappeler d’une manière très bruyante parfois ! Mais n’avez-vous jamais pensé pourquoi Dieu, à l’origine, a constitué la maman nourrissant elle-même son enfant ? C’est parce qu’en nourrissant son petit corps, elle (et elle seule) a le pouvoir de lui donner son cœur, son amour, et de remplir son cœur d’amour ; et cela plusieurs fois par jour : l’enfant étant une partie d’elle-même. C’est là que commence l’éducation. C’est pourquoi si vous ne pouvez le nourrir, c’est quand même à vous qu’il revient de donner (le plus possible) le biberon et non pas à la grande sœur ou le grand frère comme je l’ai vu dans des familles. Certes, le nombre d’enfants rend parfois la chose difficile, mais sachez y remédier autrement. C’est trop important : c’est par le langage des yeux que vous lui apprendrez à obéir, et plus tard à s’ouvrir petit à petit au monde qui l’entoure.
Si vous prenez l’habitude de communiquer avec votre enfant par le langage des yeux dès le berceau, en lui donnant d’abord tout l’amour que Dieu a mis dans votre cœur pour ce petit être, il apprendra par votre exemple à répondre par ce même moyen. Si, au contraire, vous lui parlez avec impatience, cela va l’énerver, et vous lui apprendrez (et c’est plus grave !) à vous parler de cette manière ! J’ai connu des mamans qui faisaient comme je viens de vous dire (bien sûr cela n’exclut pas le langage parlé, mais progressivement, et avec mesure, sans le « saoûler » par des explications parfois inutiles à un âge si tendre !) et cela devenait plus facile pour lui apprendre à obéir. Il regarde maman et comprend d’après l’expression de son visage ce qu’elle veut. Votre enfant a fait une bêtise : avant de vous fâcher, de crier, de vous mettre en colère (ce qui excite toujours un enfant : il n’aime jamais voir sa maman en colère) que devez-vous faire ? : regardez-le bien dans les yeux et attendez un moment sans rien dire (oh ! qu’est-ce que je vous demande : attendre) mais oui, attendre et prier son ange gardien par exemple. Cette puissance des yeux (patients) a deux vertus : votre enfant descendra dans sa conscience et par là vous lui apprendrez progressivement le mal qu’il ne faut pas faire (cela « peine » Jésus de voir que tu ne lui ressembles pas) et à côté le « bien » qu’il doit accomplir pour faire plaisir à maman (puis progressivement pour être agréable à Jésus). C’est ce que j’appelle concrètement la formation du cœur (ou de la volonté). La deuxième vertu que vous lui apprendrez c’est la patience. Je suis frappée de voir à quel point les enfants ne savent plus patienter un instant. C’est toujours : « tout et tout de suite ». Quelle exigence ! D’où vient ce travers ? : de l’exemple. N’oublions pas que les enfants nous imitent. Je vous laisse conclure.
(à suivre)
Une Religieuse.