Existe-t-il une maison où l’on n’entende un jour ou l’autre, résonner cet appel : « où est le couteau-qui-coupe ?… Qu’as-tu fait du couteau-qui-coupe ?… Je ne trouve plus le couteau-qui-coupe ! » Il n’y a en effet dans la plupart des foyers qu’un seul couteau qui coupe. Pas deux. Un seul. Les autres servent à décorer la table, à étaler le beurre et c’est à peu près tout. Le Couteau-qui-coupe lui, sert à tout : à éplucher les légumes, à trancher le pain rassis ou trop moulu. Il est utile aux beefsteaks parce qu’il les fait passer pour plus tendres qu’ils ne sont. Bien sûr, il ne paye pas de mine : c’est un couteau de cuisine. Mais il nous est cher : on le suit de l’œil partout et nous voilà inquiets lorsque nous le perdons de vue. Sans exagérer, ou en exagérant un peu… que de fois seul dans l’ombre à minuit demeuré, j’ai cherché après lui et bien souvent pleuré ! Il me fallait un couteau qui coupe, un vrai.
Si je parle de ça, c’est que j’ai une idée derrière la tête. Dans la maison du bon Dieu, aujourd’hui, beaucoup de fidèles cherchent en pleurant des prêtres qui soient prêtres, des vrais. Pas des prêtres qui fassent des tartines de démagogie, d’économie politique, de sociologie molle comme du beurre à étendre. Pas de ces prêtres dont l‘œcuménisme a tellement émoussé les angles qu’ils sont devenus incapables de plus rien trancher. Pas des prêtres pour faire chic avec des initiales gravées : CCFD, ADAP, ACO, FFS en pantalon, XYZ. Mais un prêtre qui s’occupe simplement des affaires du bon Dieu. Un glaive tranchant comme dit St Paul. J’ai souri de l’attendre et plus souvent pleuré. Entendrez-vous les pleurs du fidèle aux abois ?
Abbé Philippe Sulmont
Cet article est tiré du Bulletin paroissial de Domqueur, dans la Somme.