Pie XI

259ᵉ pape ; de 1922 à 1939

2 février 1926

Lettre apostolique Paterna sane

Au sujet de la situation inique faite à l'Eglise dans ce pays et des règles à suivre pour y développer l’Action catholique

A S. Gr. Mgr Joseph Mora Y Del Rio, Archevêque de Mexico, et à l’é­pis­co­pat Mexicain

PIE XI, PAPE

Vénérables frères,
Salut et béné­dic­tion apostolique,

La sol­li­ci­tude pater­nelle, qu’en ver­tu de la charge suprême reçue de Dieu Nous témoi­gnons à tous les fidèles répan­dus à la sur­face de la terre, demande sans aucun doute que Nous aimions d’un amour parti­culier ceux d’entre eux que nous voyons souf­frir davan­tage et récla­mer à cause de cela des soins plus atten­tifs de la part du Père com­mun. Ces soins aus­si dévoués que pos­sible, Nous vous les avons don­nés bien volon­tiers, Vénérables Frères, dès Notre élé­va­tion sur la chaire du bienheu­reux Pierre, car Nous vous avons trou­vés sou­mis à des mau­vais trai­tements tels qu’ils sont une honte pour un pays civi­li­sé, avide de pro­grès et de science et presque entiè­re­ment catholique.

Combien sont iniques les lois et les décrets que dans votre nation un gou­ver­ne­ment hos­tile à l’Eglise a por­tés contre les citoyens mexi­cains catho­liques ! C’est presque inutile de vous le dire, à vous qui depuis long­temps déjà en devez sup­por­ter avec souf­france le joug tyran­nique. Vous savez très bien que ces ordon­nances du pou­voir sont si loin d’être basées sur les prin­cipes de la droite rai­son et de concou­rir, comme cela convient, au bien com­mun, qu’elles ne méritent pas même le nom de lois. Aussi, Notre pré­dé­ces­seur d’heureuse mémoire, le Pape Benoît XV, vous a légi­ti­me­ment féli­ci­tés lorsque, à cause de la jus­tice et de la reli­gion, vous avez refu­sé d’accepter ces pres­crip­tions injustes et fait entendre une solen­nelle pro­tes­ta­tion. Cette pro­tes­ta­tion, par la pré­sente Lettre, et Nous l’approuvons et Nous la fai­sons Nôtre.

Nous sommes d’autant plus pous­sé à pro­tes­ter et à condam­ner que le gou­ver­ne­ment mexi­cain fait de jour en jour une guerre plus achar­née à la reli­gion catho­lique et ain­si rend tout à fait inutile et inef­fi­cace, au grand détri­ment de votre pays si aimé, tout ce que légi­ti­me­ment, dans le pas­sé et le pré­sent, Nous avons essayé de faire pour sau­ve­gar­der la paix au sein de la nation mexi­caine. Notre Délégué que vous avez reçu, il y a deux ans, avec les plus grandes marques de res­pect et de joie, a été expul­sé de ce pays, per­sonne ne l’i­gnore, au mépris de toute jus­tice et loyau­té ; on l’a trai­té comme un dan­ge­reux enne­mi pour la sécu­ri­té de l’Etat, infli­geant ain­si à Notre per­sonne sacrée, à l’é­pis­co­pat et à la nation mexi­caine le plus grand des affronts.

Bien déli­bé­ré­ment Nous Nous sommes abs­te­nu alors de faire entendre la solen­nelle pro­tes­ta­tion qu’appelait tout natu­rel­le­ment, et à bon droit, une pareille conduite. Pendant long­temps Nous avons sup­por­té avec patience cette injure et vous avons deman­dé les mêmes dis­po­si­tions. Ce silence et cette lon­ga­ni­mi­té étaient dic­tés non seule­ment par le sou­ci de la paix, mais aus­si par l’espoir très ardent, entre­te­nu dans Notre cœur pater­nel, qu’un jour le gou­ver­ne­ment mexi­cain recon­naîtrait et pro­cla­me­rait de son propre mou­ve­ment les droits les plus légi­times et les plus indis­cu­tables de Notre délé­gué. Cette dis­po­si­tion conci­liante et modé­rée n’eut pas de mau­vais résul­tats, puisque le gou­vernement mexi­cain prit ouver­te­ment l’engagement de rece­voir Notre délé­gué et de ne rien faire qui pût por­ter atteinte à sa digni­té et à ses hautes fonc­tions. Dès lors, vous com­pre­nez Notre afflic­tion, lorsque Nous arri­va la nou­velle impré­vue et bru­tale que le même gouver­nement fai­sant fi, par une conduite sans pré­cé­dent, de ses obli­ga­tions et enga­ge­ments, inter­di­sait, sans rai­son ou motif légi­time, à Notre Véné­rable Frère Séraphin Cimino, accré­di­té comme Délégué apos­to­lique au Mexique, mais momen­ta­né­ment absent de son poste pour rai­sons de san­té, de reve­nir dans le pays.

En refu­sant la pré­sence de Notre Délégué, les chefs de l’Etat mexi­cain refusent par le fait même, et d’une manière abso­lue, d’accueillir Notre minis­tère de paix accep­té pour­tant par les gou­ver­ne­ments de presque toutes les nations, et pour pou­voir conso­li­der un état de chose ou une situa­tion gra­ve­ment pré­ju­di­ciable aux citoyens catho­liques, ils recourent dans leur gou­ver­ne­ment à l’injustice et à l’illé­galité. En effet, de jour en jour, ils pour­suivent avec plus d’achar­nement l’exécution de leur inique légis­la­tion. Si cette der­nière est appli­quée, par le fait même il n’est plus per­mis aux citoyens catho­liques de pou­voir jouir des droits com­muns ni de rem­plir les obli­ga­tions et les devoirs de leur reli­gion. Pendant ce temps, cette liber­té que les gou­ver­nants refusent à l’Eglise catho­lique, ils l’accordent lar­ge­ment et de bon gré à une secte schis­ma­tique dénom­mée « Eglise natio­nale » ; comme cette secte est l’adversaire des droits sacrés de l’Eglise romaine, le gou­ver­ne­ment mexi­cain la favo­rise dans ses ori­gines et ses entre­prises, tan­dis qu’il regarde les évêques comme des enne­mis de la République, uni­que­ment parce qu’ils défendent, quant à son inté­gri­té et à sa sécu­ri­té, le patri­moine de la foi ancestrale.

Tous ces évé­ne­ments Nous causent, certes, la plus grande dou­leur ; une chose cepen­dant Nous console beau­coup : Nous voyons le peuple mexi­cain intré­pide dans son hos­ti­li­té et sa résis­tance aux per­fides menées des schis­ma­tiques. C’est pour­quoi, tout en remer­ciant beau­coup pour cette grâce la divine Providence, il est cepen­dant très à pro­pos de vous adres­ser à vous, Vénérables Frères, ain­si qu’à tous les fidèles du Mexique, les plus grands éloges en vous exhor­tant, en même temps avec force, à conti­nuer de lut­ter cou­ra­geu­se­ment pour la défense delà reli­gion catho­lique. Nous aimons à vous redire ici les paroles que Nous avons pro­non­cées au Consistoire du 14 décembre de l’année der­nière, en pré­sence de l’auguste assem­blée des car­di­naux, pro­fon­dé­ment ému par les mau­vais trai­te­ments qui vous étaient infliges : « Nous ne pou­vons avoir l’espérance de temps meilleurs, sinon en comp­tant sur un secours encore plus immé­diat du Dieu des misé­ri­cordes et Nous le lui deman­dons chaque jour dans la prière, et sur les efforts dis­ci­pli­nés et coor­don­nés faits en vue de pro­mou­voir et de déve­lop­per l’Action catho­lique dans le peuple lui-même. »

Nous vous adres­sons donc Nos conseils pres­sants et Nos avis pater­nels qui ne tendent qu’à vous encou­ra­ger et à pro­pa­ger de plus en plus « l’Action catho­lique », dans un esprit de concorde et de stricte disci­pline, par­mi les fidèles confiés à votre zèle.

Nous par­lons d’Action catho­lique, car dans les cir­cons­tances dif­fi­ciles où vous vous trou­vez il est plus que jamais néces­saire, Véné­rables Frères, que vous et votre cler­gé tout entier, comme aus­si les asso­ciations catho­liques, vous res­tiez com­plè­te­ment à l’écart de tout par­ti poli­tique, afin de ne four­nir à vos adver­saires aucun pré­texte pour confondre la reli­gion avec une frac­tion poli­tique quelconque.

Ainsi donc, que tous les catho­liques de la répu­blique mexi­caine se gardent, comme tels, de consti­tuer un par­ti poli­tique ; en par­ti­cu­lier que les évêques et les prêtres s’abstiennent – comme ils l’ont déjà fait, et Nous les en féli­ci­tons – de s’enrôler dans aucun par­ti poli­tique et de col­la­bo­rer à aucun jour­nal de par­ti, atten­du qu’ils sont les ministres de tous les fidèles, bien plus, de tous les citoyens.

Ces conseils et ces pres­crip­tions, Vénérables Frères, n’empêchent nul­le­ment les fidèles qui les met­tront fidè­le­ment en pra­tique de rem­plir leurs devoirs et d’exercer leurs droits com­muns à tous les autres citoyens. Bien au contraire, leur titre même de catho­liques exige qu’ils fassent le meilleur usage de ces droits et devoirs, pour le bien de la reli­gion, insé­pa­rable de celui de la patrie.

Les membres du cler­gé eux-​mêmes ne doivent pas se dés­in­té­res­ser des affaires civiles et poli­tiques, loin de là ; tout en se tenant complè­tement en dehors de tout par­ti poli­tique, ils doivent, en qua­li­té même de prêtres, et en se gar­dant de tout ce qui pour­rait être contraire à leur minis­tère, contri­buer au bien de la nation en exer­çant leurs droits et en pra­ti­quant leurs devoirs de citoyens avec la plus grande conscience. Ils doivent encore veiller à ce que les catho­liques s’acquittent comme il convient de leurs obli­ga­tions de citoyens, d’après les pres­crip­tions des lois de Dieu et de l’Eglise.

Pour atteindre à ce noble but, votre cler­gé – Nous le répé­tons avec la plus grande insis­tance – trou­ve­ra devant lui, bien qu’en res­tant à l’écart de toute com­pé­ti­tion de par­ti, un large champ d’action reli­gieuse, morale, intel­lec­tuelle, éco­no­mique et sociale, où il pour­ra for­mer la conscience des citoyens, sur­tout des ouvriers et de la jeu­nesse des écoles, à pen­ser et à agir sui­vant l’esprit catholique.

Si vous écou­tez doci­le­ment Nos avis, obser­vez fidè­le­ment Nos pres­criptions, comme Nous en avons le plus ferme espoir, vous trou­ve­rez enfin, Dieu aidant, la solu­tion des pro­blèmes si graves qui angoissent depuis si long­temps la très noble nation mexicaine.

En atten­dant, comme gage des faveurs célestes et en témoi­gnage de Notre par­ti­cu­lière bien­veillance, Nous accor­dons affec­tueu­se­ment la Bénédiction Apostolique à vous, Vénérables Frères, à votre cler­gé et à vos dio­cé­sains ain­si qu’à tout le peuple mexicain.

Donné à Rome, près Saint-​Pierre, le 2 février 1926, de Notre Ponti­ficat la qua­trième année.

PIE XI, PAPE.

Source : Actes de S. S. Pie XI, tome 3, pp. 131–138