Aux vénérables Archevêques, Évêques et autre Ordinaires de lieu des États-Unis du Mexique, en paix et communion avec le Siège Apostolique,
Pie XI, Pape
Vénérables frères, Salut et bénédiction apostolique.
La cruelle anxiété dont Nous oppressent les tristes conditions de la société contemporaine n’atténue en rien la sollicitude toute spéciale dont Nous entourons Nos chers fils de la nation mexicaine, et vous surtout, Vénérables Frères, si dignes de Nos attentions paternelles, en raison justement des violentes persécutions qui vous déchirent depuis si longtemps.
Dès le début de Notre Pontificat, et suivant les traces de Notre Prédécesseur immédiat, Nous avons eu recours à tous les moyens en Notre pouvoir afin d’empêcher la mise en application de ces funestes lois, dites « constitutionnelles ». Ces lois violent les droits immuables et primordiaux de l’Eglise. Nous ne pouvons donc que les condamner et les réprouver ; Nous l’avons fait du reste à plusieurs reprises, dès que l’occasion Nous en était offerte. C’est également pour cette raison que Nous avons voulu être représenté par un légat auprès de votre République.
En ces derniers temps, les gouvernements de bien des Etats se sont empressés de renouer leurs relations avec le Siège Apostolique. Mais dans un pénible contraste avec ce zèle nouveau, les chefs de la République mexicaine n’ont point cessé d’entraver toute espèce de transaction ; bien plus, et contre toute attente, ils ont violé un engagement tout récent, donné par écrit. Ils ont ainsi montré de la manière la plus évidente quels étaient leurs véritables desseins à l’égard de l’Eglise. A plusieurs reprises ils ont expulsé Nos légats de leur territoire. Et pour finir ils déploient une rigueur extrême dans l’application de l’article 130 de la « Constitution ». Mais cette loi, en raison justement de son hostilité manifeste à l’égard de la religion catholique, Nous l’avons solennellement dénoncée et réprouvée dans Notre lettre encyclique Iniquis afflictisque du 18 novembre 1926.
La loi édicte également des peines très sévères contre ceux qui violeraient cet article de la « Constitution », et — nouvelle injure à la hiérarchie ecclésiastique — il est spécifié que les prêtres auxquels il serait permis, à titre privé ou en public, de célébrer les offices religieux ou de conférer les sacrements, ne devaient jamais excéder un nombre déterminé, à fixer par les législateurs de chaque Etat.
En présence de ces injustices, de celte intolérance qui mettent le sort de l’Eglise mexicaine à la merci de l’autorité civile et de gouvernants hostiles à la religion catholique, vous avez décidé, Vénérables Frères, de suspendre la célébration publique du culte divin ; en même temps vous exhortiez les fidèles à protester énergiquement contre ces lois indignes.
De ce temps votre courage apostolique, votre constance, le bannissement qui vous atteignait presque tous et vous réduisait dans votre exil à contempler de loin les saintes luttes, voire le martyre de vos prêtres et de vos fidèles, vous ont valu l’admiration de tous ; quant à ceux d’entre vous — bien peu nombreux, il est vrai— qui par une sorte de prodige sont parvenus à demeurer cachés dans leurs diocèses, ceux-là, par l’exemple d’une aussi noble fermeté, ont largement réussi à consoler et encourager le peuple chrétien.
De tous ces événements, Nous avons longuement parlé dans Nos allocutions ou Nos discours publics et, d’une façon plus étendue, plus détaillée, dans l’encyclique précitée Iniquis afflictisque ; et ce fut pour Nous un vif réconfort de voir la noble conduite des membres du clergé distribuant les sacrements au péril de leur vie, l’héroïsme de nombreux laïques endurant courageusement des souffrances incroyables et vraiment inouïes, au grand dommage de leurs intérêts personnels, et se mettant volontairement au service des ministres du culte. Le monde entier, du reste, avait éprouvé pour tous la plus profonde admiration.
Durant ce temps Nous n’avons point voulu faillir à Notre devoir. Par Nos conseils, par Nos écrits, Nous encouragions prêtres et fidèles à résister chrétiennement, dans la mesure de leurs forces, à des lois iniques. Pour apaiser la justice de l’Eternel, Nous les exhortions à la prière, à la pénitence, espérant que Dieu, en sa miséricordieuse Providence, voudrait bien mettre un frein ou un terme rapide à toutes ces vexations. Nous n’avons point manqué non plus de prier Nos fils de l’univers entier de se joindre à Nos supplications en faveur de leurs frères mexicains si indignement traités ; à Notre paternelle invitation ils ont d’ailleurs répondu avec un admirable empressement.
D’autre part, Nous n’avons négligé aucun des moyens humains en Notre pouvoir, afin d’apporter à Nos chers fils quelque consolation. Nous avons instamment fait appel au monde catholique, lui demandant de venir en aide à ses frères persécutés de l’Eglise mexicaine, de réunir des souscriptions ; à maintes reprises Nous avons supplié les gouvernements avec lesquels Nous sommes en relation de ne point fermer les yeux devant cette situation anormale et cruelle d’un si grand nombre de chrétiens.
Devant l’immense multitude de ces citoyens persécutés, mais qui, sans se lasser, opposaient une énergique et généreuse résistance, le gouvernement mexicain voulut résoudre, d’une manière ou d’une autre, un conflit périlleux dans lequel il ne parvenait point à triompher au gré de ses désirs. Il déclara donc sans ambages qu’il ne s’opposerait point à une transaction passée entre les représentants des deux partis. L’expérience, hélas ! Nous avons enseigné combien il était imprudent d’ajouter foi aux offres de ce genre. Nous avons jugé bon néanmoins de rechercher s’il serait avantageux ou non de prolonger l’interruption du culte divin public. Cette interruption, en effet, avait été résolue pour protester contre l’arbitraire gouvernemental ; mais, à la prolonger, on s’exposait à nuire aussi bien à l’ordre public tout entier qu’aux intérêts de la religion. Enfin, considération encore plus importante, cette interruption, ainsi que Nous l’apprenions de sources nombreuses et des plus sûres, causait grandement tort aux fidèles, qui, privés en somme des multiples secours spirituels qu’exige la vie chrétienne, forcés bien souvent de ne point assister aux offices de leur propre religion, en arrivaient graduellement à se détacher du sacerdoce catholique et perdre ainsi les bienfaits surnaturels de la vie catholique. Ajoutons que l’absence déjà prolongée des évêques hors de leurs diocèses respectifs ne pouvait que contribuer à faire fléchir le niveau de la discipline ecclésiastique. Et cette dernière conséquence était des plus regrettables, car, en face d’une persécution aussi violente de l’Eglise mexicaine, le peuple chrétien et ses prêtres avaient besoin plus que jamais de la direction et des règles de ceux que « le Saint-Esprit a établis évêques pour paître l’Eglise du Seigneur » (Act. xx, 28).
Par conséquent, aussitôt que le magistrat suprême de la République mexicaine eut déclaré, en 1929, que son intention, en appliquant la loi en cause, n’était point d’anéantir « l’identité de l’Eglise » et de méconnaître la hiérarchie ecclésiastique, Nous avons pensé, dans l’unique préoccupation du salut des âmes, qu’il ne fallait à aucun prix laisser échapper cette occasion, quelle qu’elle fût, de restaurer la hiérarchie. Bien plus, devant cette lueur d’espoir qui promettait un remède à des maux aussi graves, et puisqu’on semblait pouvoir écarter les principales causes qui avaient amené les évêques à suspendre le culte public, Nous Nous sommes demandé s’il ne serait pas opportun de le rétablir. Mais par là Nous n’entendions nullement légitimer les lois religieuses mexicaines, non plus que désavouer les protestations publiques élevées contre elles ; encore moins voulions- Nous qu’on cessât de leur faire opposition et qu’on leur obéît. Bref, toute la question pouvait se résumer ainsi : puisque les gouvernants prétendaient avoir modifié leurs intentions, il semblait indiqué de faire trêve aux mesures de résistance — ce qui aurait pu nuire davantage au peuple chrétien — et de recourir à d’autres mesures certainement plus opportunes.
Mais personne n’ignore que cette paix et cette conciliation, depuis longtemps souhaitées, n’ont répondu ni à Nos désirs ni à Nos vœux. Les conditions de l’accord intervenu furent, en effet, ouvertement violées ; on sévissait encore et toujours contre les évêques, les prêtres, les fidèles ; on les condamnait, on les emprisonnait ; avec une affliction profonde Nous constations non seulement que tous les évêques n’étaient pas rappelés de l’exil, mais que le petit nombre de ceux qui vivaient encore dans leur patrie étaient, au mépris dos lois, expulsés du sol national ; en beaucoup de diocèses, les églises, les Séminaires, les résidences des évêques et autres établissements sacrés n’étaient pas rendus à leur usage premier ; enfin, par une violation ouverte des promesses faites, nombre de prêtres ou de laïques qui avaient courageusement défendu la foi de leurs ancêtres étaient livrés à la haine et aux vengeances de leurs ennemis.
De plus, à peine la suspension du culte divin public avait-elle été abrogée que la presse rivalisait d’infamie dans une campagne d’accusations contre les ministres sacrés, contre l’Eglise, contre Dieu lui- même. Personne n’ignore que le Siège Apostolique a cru devoir réprouver et condamner un de ces libelles, qui, par sa coupable impiété, par ses calomnies visant ouvertement à provoquer la haine de la religion, avait vraiment dépassé toute espèce de mesure.
Ajoutons que dans les écoles primaires il est non seulement interdit par la loi d’enseigner les préceptes de la doctrine catholique, mais que trop souvent les maîtres chargés de l’instruction des enfants sont encouragés à répandre dans les âmes juvéniles les mensonges de l’impiété et les germes de l’immoralité. Les parents chrétiens subissent de ce chef un tort grave, s’ils tiennent à conserver intacte l’innocence de leurs enfants.
Aussi bénissons-Nous de tout Notre cœur ces pères et mères de famille, ces instituteurs et ces maîtres qui déploient tout leur zèle à seconder les parents sur ce terrain. C’est pourquoi, Vénérables Frères, Nous vous exhortons instamment dans le Seigneur, Nous exhortons de même les deux clergés et tous les fidèles à veiller sans cesse et dans la mesure du possible sur les écoles et sur l’éducation de la jeunesse, celle surtout des masses populaires ; exposée plus que toute autre aux doctrines si largement propagées des athées, des francs- maçons et des communistes, elle a grand besoin de votre vigilance apostolique. N’oubliez pas, du reste, que votre patrie sera dans l’avenir ce que vous l’aurez faite, en donnant à la jeunesse une saine éducation.
Mais il est un objet d’une importance encore plus grande, objet fondamental d’où découle la vie même de toute l’Eglise et qui est en butte aux attaques les plus violentes : Nous voulons parler du clergé, de la hiérarchie catholique. Il est manifeste qu’on veut arriver insensiblement à les faire disparaître au sein de l’Etat. Libre à l’Etat mexicain d’édicter une Constitution ; libre à ses citoyens de juger, de penser, de croire ce qu’ils veulent ! Mais — comme Nous l’avons déploré en bien des occasions — c’est une preuve manifeste d’antipathie et d’hostilité, quand on vient décréter que chaque Etat de la Fédération doit fixer immuablement le nombre des prêtres auxquels il sera permis, soit dans les édifices sacrés, soit même entre les quatre murs des demeures particulières, de célébrer le culte et d’administrer les sacrements aux fidèles.
Et cette monstrueuse injustice est encore aggravée par la manière et les motifs d’appliquer la loi. En effet, si la « Constitution » ordonne de ne pas dépasser un certain nombre de prêtres, elle prévoit cependant que le nombre de ces prêtres, en chaque région, ne doit pas être inférieur aux besoins du troupeau catholique ; encore moins se permet-elle de prescrire qu’il ne faut tenir aucun compte de la hiérarchie ecclésiastique ; car celle-ci, dans l’accord intervenu à titre de modus vivendi, est franchement et clairement reconnue et approuvée.
Or, dans l’Etat de Michoacan, il a été décrété qu’il n’y aurait qu’un seul prêtre pour 33 000 fidèles ; dans celui de Chihuahna, un pour 45 000 ; dans celui de Chiapas, un pour 60 000 ; et enfin, dans l’Etat de Vera Cruz, un seul pour 100 000.
Avec de pareilles limitations il est impossible de répondre aux besoins spirituels d’une population chrétienne occupant le plus souvent des territoires extrêmement vastes : le fait est absolument incontestable.
Et cependant, comme s’ils se repentaient de trop de générosité, les persécuteurs continuent à imposer restrictions sur restrictions : de nombreux Séminaires ont été fermés par plusieurs gouverneurs d’Etat ; les presbytères ont été remis au fisc ; en beaucoup de localités, c’est dans quelques églises seulement et dans les limites d’un périmètre donné qu’il est permis d’officier aux prêtres approuvés par l’autorité civile.
Certains gouverneurs d’Etat ont prescrit que les magistrats publics, en accordant l’autorisation de se livrer au ministère ecclésiastique, n’avaient nullement à se préoccuper d’une hiérarchie quelconque ; bien plus, ils veulent qu’on empêche tous les prélats, c’est-à-dire les évêques et même ceux qui remplissent les fonctions de délégué apostolique, de faire usage de leur autorité. De pareilles mesures prouvent manifestement que leur but est de supprimer et de détruire l’Eglise catholique.
Nous avons voulu rappeler en quelques mots et sous ses principaux aspects la très cruelle situation de l’Eglise mexicaine. En la dépeignant, Nous voulons que tous ceux qui ont à cœur le bon ordre et la paix des peuples ne cessent point de songer à cette persécution vraiment abominable et qui, dans quelques Etats surtout, ne se distingue guère de celle qui fait rage dans les plus sombres régions de la Russie ; en considérant le but de ces pernicieuses manœuvres ils puiseront une nouvelle ardeur pour s’opposer, comme un rempart, à des passions subversives qui menacent l’ordre social tout entier.
A vous aussi, Vénérables Frères et fils bien-aimés de la nation mexicaine, Nous désirons témoigner de nouveau la sollicitude paternelle dont Nous vous entourons au milieu de vos souffrances ; c’est de Notre sollicitude pour vous que dérivent les renies que Nous vous avons données, en janvier dernier, par Notre cher Fils le cardinal secrétaire d’Etat et que Nous avons communiquées par Notre Délégué apostolique.
Comme il s’agit d’une question intimement liée à la religion, c’est Notre droit et Notre devoir de fixer les principes et les règles de conduite les plus appropriés ; tous ceux donc qui se font gloire du nom de catholique ne peuvent que s’y conformer.
Mais Nous tenons à déclarer ouvertement que toutes les nouvelles ou informations que Nous avons reçues de la hiérarchie ecclésiastique ou de laïques, Nous les avons attentivement méditées et considérées sous tous leurs aspects ; toutes, disons-Nous, celles mêmes qui semblaient réclamer le retour à un mode de résistance plus énergique — et qui fut déjà utilisé en 1926, — c’est-à-dire à la suppression des offices religieux sur toute l’étendue du territoire de la République.
Quelle est donc la conduite à tenir ? Etant donné que les prêtres ne sont pas réduits dans chaque Etat aux mêmes difficultés et qu’on n’a point rompu en tout lieu, et d’une manière égale, avec l’autorité et les dignitaires de la hiérarchie ecclésiastique, il s’ensuit que la mesure différente en laquelle ces funestes décrets sont appliqués exige que la ligne de conduite de l’Eglise et des fidèles soit, elle aussi, différente.
Par suite, Nous devons en toute justice louer expressément et bien haut les évêques mexicains qui, d’après Nos informations, ont appliqué avec le plus de soin possible les règles que Nous avions données. D’aucuns, en effet — obéissant à Tardent besoin de défendre leur foi plutôt qu’à la grande prudence requise en des circonstances aussi difficiles, — ont attribué aux évêques‑, à cause des manières d’agir différentes que suggéraient les différentes conditions locales, des directives contradictoires ; mais ils doivent être bien persuadés qu’un reproche de ce genre est absolument dénué de tout fondement.
De toute façon, pourtant, une restriction du nombre des prêtres ne peut pas ne pas être une violation grave des droits divins.
Il faut absolument que les évêques, l’ensemble du clergé et les laïques repoussent totalement une aussi funeste mesure et s’y opposent de toute leur énergie par tout moyen légitime. Alors même que leurs protestations auprès des pouvoirs publics seraient vaines, elles n’en convaincraient pas moins les fidèles, surtout peu instruits, que les autorités civiles, par leur manière d’agir, foulent aux pieds la liberté de l’Eglise que Nous, en dépit des efforts des persécuteurs, Nous ne pouvons aucunement abdiquer.
Aussi avons-Nous éprouvé une grande consolation en lisant les différentes pétitions émises par les évêques et les prêtres des diocèses opprimés au nom des lois iniques. Mais Nous y avons joint Nous-même Nos protestations et Nous les avons fait entendre à l’univers entier. Nous les avons adressées spécialement à ceux qui tiennent les rênes des gouvernements, dans la pensée qu’ils se convaincront un jour que cette persécution du peuple mexicain est une grave injure non seulement au Dieu éternel dont elle opprime l’Eglise, non seulement aux fidèles chrétiens, dont elle blesse la foi et la conscience religieuse, mais qu’elle est encore un acheminement vers cette révolution que les athées et les ennemis de Dieu poursuivent par tous les moyens.
En attendant, il faut remédier autant que possible à cette calamiteuse situation. On emploiera donc toutes les mesures dont on peut disposer pour maintenir partout, si faire se peut, les cérémonies du culte divin ; on évitera ainsi que la lumière de la foi et le feu de la charité chrétienne ne s’éteignent dans le peuple. Bien qu’il s’agisse, comme Nous l’avons dit, de décrets impies en opposition avec les droits sacrés de Dieu et de l’Eglise, décrets qui rien que de ce chef sont réprouvés par la loi divine, il n’en est pas moins vrai qu’on céderait à un vain scrupule si l’on pensait qu’on coopère avec les magistrats pour une œuvre inique en leur demandant, après tant de vexations, l’autorisation d’accomplir les cérémonies sacrées et si, pour cette raison, on se croyait tenu de renoncer à toute espèce ne demande. Ce serait là une erreur, et pareille manière d’agir, puisqu’il en résulterait la suppression de tout office religieux en tout lieu, causerait le plus grand dommage à tout le troupeau des fidèles.
Il est bien vrai qu’approuver une loi inique ou lui prêter un appui volontaire est incontestablement illicite et par suite formellement interdit. Mais bien différent est le mode d’agir par lequel on se soumet involontairement et à contre-cœur à des ordres indignes ; il peut même arriver qu’on diminue pour sa part le mortel effet des décrets promulgués.
Quand donc un prêtre est contraint de demander aux magistrats publics l’autorisation de célébrer les offices religieux et quand il ne peut sans elle exercer le culte divin, il n’endure cette situation que par force, afin d’éviter un mal plus grand ; bref, il ne se comporte pas autrement que l’homme, dépouillé de son bien, qui serait contraint de demander à l’injuste ravisseur le droit d’user au moins de sa propriété.
D’ailleurs, le soupçon d’une sorte de « coopération formelle », ainsi qu’on la qualifie, et d’approbation de la loi, disparaît devant les protestations solennelles et véhémentes non seulement du Siège Apostolique, mais des évêques et du peuple mexicain.
Ajoutons la prudence usuelle des prêtres et les garanties qui les entourent : bien qu’institués canoniquement par mandat de leur évêque en vue du ministère sacré, ils sont forcés de demander au gouvernement de leur Etat l’autorisation et la liberté d’exercer leur ministère. En ce faisant, ils n’approuvent ni la loi ni ses prescriptions, mais à des règlements injustes ils ne se soumettent « matériellement », suivant l’expression admise, que pour faire disparaître l’entrave qui leur interdit l’accomplissement des fonctions sacrées. Et si cette entrave n’est point supprimée, elle s’opposera partout au culte divin, pour le plus grand détriment des âmes. Ainsi qu’en témoigne l’histoire des premiers temps du catholicisme, les ministres sacrés demandaient, même au prix d’or, la faculté de visiter les martyrs dans leur prison, afin de leur apporter les sacrements. Or, aucun homme sensé n’a jamais songé à les accuser de légitimer et d’approuver, sous une forme quelconque, l’œuvre des persécuteurs.
Telle est, en toute certitude et en toute vérité, la doctrine de l’Eglise catholique ; si, dans l’application de cette doctrine, quelques-uns viennent à se tromper, vous aurez la charge, Vénérables Frères, de les informer aussitôt et en termes précis de la doctrine que Nous venons d’exposer.
Que si l’un d’eux, après que vous lui aurez expliqué Notre pensée, persiste dans son erreur, vous lui ferez savoir qu’il n’évite pas le reproche d’opiniâtreté et d’entêtement.
Que tous continuent donc à faire preuve de ce zèle pour l’obéissance et de cette unanimité de pensée que Nous avons plus d’une fois loués dans le clergé et qui furent pour Nous une profonde consolation. Rejetant les doutes et les craintes de toute sorte que peut faire naître le premier assaut des persécutions, que les prêtres, avec leur résolution bien connue de tout endurer courageusement, accomplissent leur œuvre apostolique avec toujours plus de soin, notamment à l’égard de la jeunesse et des classes populaires.
Qu’ils s’efforcent également d’inspirer le sens de l’équité, de la concorde et de la charité à ceux qui combattent l’Eglise par cela même qu’ils la connaissent imparfaitement.
Nous ne pouvons non plus Nous abstenir de recommander à nouveau un objet qui, vous le savez, est constamment présent à Notre esprit : organisez partout l’Action catholique suivant les règles (voir aussi la lettre apostolique Paterna sane sollicitudo du 2 février 1926) que Nous avons transmises par Notre délégué apostolique et développez-la chaque jour davantage.
Nous savons qu’à l’origine, surtout dans les conditions présentes, le but est extrêmement difficile à atteindre ; Nous savons de même qu’il faut parfois bien du temps avant de recueillir les fruits désirés ; mais Nous savons aussi que l’Action catholique est nécessaire et qu’elle est plus efficace que tout autre mode d’action : la preuve en est donnée par toutes les nations qui ont fini par sortir ainsi de ces crises persécutrices.
Nous exhortons eu outre Nos chers fils du Mexique, et Nous ne cesserons de les exhorter, au nom du Seigneur, à maintenir l’étroite union qui les distingue avec l’Eglise leur mère, ainsi qu’avec sa hiérarchie. Qu’ils s’efforcent donc pour leur part avec ardeur d’observer les règles et les prescriptions données.
La participation aux sacrements, source de la grâce divine et des vertus chrétiennes, ne doit pas être négligée. Qu’ils s’appliquent avec zèle à l’étude de la religion. Que du Père des miséricordes ils implorent la paix et la prospérité pour leur patrie éprouvée. Enfin qu’ils regardent comme un devoir et comme un honneur de prendre rang parmi les troupes de l’Action catholique et de collaborer à l’œuvre du clergé.
Quant à ceux qui, dans les deux clergés ou dans le laïcat, par amour pour la religion et par fidélité envers ce Siège Apostolique, ont accompli des actes mémorables dignes d’être enregistrés dans les fastes les plus récents de l’Eglise mexicaine, Nous ne pouvons que les glorifier hautement ; et Nous les supplions instamment au nom du Seigneur d’employer toutes leurs forces à défendre sans cesse les droits sacro-saints de l’Eglise, d’endurer au besoin généreusement et les souffrances et les peines ainsi qu’ils en ont donné jusqu’ici le très noble exemple.
Nous ne pouvons terminer cette encyclique sans vous dire, Vénérables Frères, vous qui êtes les interprètes de Notre pensée, que Notre attention se reporte tout spécialement vers vous ; Nous vous dirons aussi que Nous vous sommes d’autant plus étroitement uni et que vous Nous sentirez d’autant plus étroitement uni à vous que vous souffrirez de peines plus cruelles dans l’accomplissement de votre ministère apostolique. Quant à Nous, Nous sommes certain que, conscients de voire union avec le Vicaire de Jésus-Christ, vous puiserez dans ce fait une consolation et un stimulant à remplir chaque jour avec plus d’ardeur votre œuvre si difficile, mais si sainte : celle de conduire au port du salut éternel le troupeau qui vous est confié.
Afin cependant que la grâce divine ne cesse point de vous assister et que la miséricorde de Dieu grandisse votre résolution, Nous vous accordons, Vénérables Frères et très chers fils, en témoignage de Notre paternelle affection et comme gage des faveurs célestes, la Bénédiction apostolique.
Donné à Rome, auprès de Saint-Pierre, le 29 septembre, en la Dédicace de saint Michel Archange, en l’année 1932, la onzième de Notre Pontificat.
PIE XI PAPE.
Source : Actes de S. S. Pie XI, tome 8, pp. 94–113. – A. A. S., vol. XXIV, 1932, p. 321. – Traduction de la Documentation catholique, tome 28, 1932, col. 579, etc.