Vénérables frères, Chers fils,
Béni soit Dieu, Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, Père des miséricordes et Dieu de toute consolation (2 Co 1, 3.), qui, parmi les nombreuses sollicitudes de Notre charge apostolique, Nous a accordé cette consolation de placer la première au nombre des Saints la vierge que, au début de Notre Pontificat, la première aussi, Nous avions élevée au rang des Bienheureux, la vierge qui pratiqua l’enfance spirituelle, celle voie aussi inséparable de la grandeur d’âme que tout à fait digne, selon les promesses mêmes de Jésus-Christ, d’être glorifiée solennellement dans la Jérusalem du ciel et au sein de l’Eglise de la Terre.
Nous sommes encore reconnaissant à Dieu de Nous permettre aujourd’hui, à Nous, qui tenons la place de son Fils, de vous rappeler à tous et de faire pénétrer en vos âmes, du haut de celle Chaire de vérité, au cours des solennités augustes du Sacrifice, un avis très salutaire du divin Maître. Un jour que ses disciples lui avaient demandé qui serait, à son jugement, le plus grand dans le royaume des cieux, il appela un tout petit enfant, le plaça au milieu d’eux, et dit cette parole mémorable : En vérité, je vous le déclare, si vous ne vous convertissez et ne devenez semblables à ce petit enfant, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux (Mt 18, 2–3.).
Thérèse, notre nouvelle Sainte, imprégna bien à fond son âme de celte doctrine évangélique ; elle la fit passer dans la pratique de sa vie quotidienne ; bien mieux, elle enseigna cette voie de l’enfance spirituelle, d’abord, par ses leçons et ses exemples aux jeunes novices de son couvent, puis, par ses écrits, à toutes les âmes. Ces écrits ont été répandus dans le monde entier ; nul ne les peut parcourir sans les aimer, sans les lire et les relire, avec le plus vif plaisir et le plus grand profit.
Thérèse n’est-elle pas, en effet, la fleur épanouie dans le jardin fermé du Carmel, la jeune fille d’une pureté sans tache ? Dès le jour où elle joignit à son nom celui de Jésus Enfant, elle reproduisit en elle-même, en traits vivants, l’image de cet Enfant ; et, de la sorte, vénérer Thérèse, c’est vraiment vénérer et louer le divin modèle qu’elle faisait revivre en elle.
Aussi aujourd’hui nourrissons-Nous l’espoir de voir dans les âmes des fidèles naître le désir de cette enfance spirituelle qui consiste à être, par vertu, dans nos pensées et nos actions, ce qu’est l’enfant, par l’instinct de sa nature, dans ses sentiments et dans ses actes.
Nulle faute ne voile de son ombre le regard du petit enfant ; nulle passion ne l’amollit de ses attraits ; il se repose eu sécurité dans la possession de son innocence ; il ignore la ruse et le mensonge ; ce qu’il pense, il le dit sans fard, il le fait sans détour : tel il est au dedans de lui-même, tel il se montre au dehors.
Ainsi nous est apparue Thérèse : d’une nature plus angélique qu’humaine, elle a introduit dans son âme la simplicité de l’enfant, selon les lois de la vérité et de la justice.
Mais la vierge de Lisieux avait présentes à la mémoire ces invitations et ces promesses de l’Époux divin : Si quelqu’un est tout petit, que celui-là vienne à moi (Pr 9, 4.). — Vous trouverez un sein sur lequel vous serez portés, et des genoux sur lesquels vous serez caressés ; comme une mère caresse son enfant, c’est ainsi que moi je vous consolerai (Is 66, 12–13). Elle avait conscience de sa faiblesse, et elle se donna et s’abandonna avec confiance et sans réserve à la divine Providence, afin de pouvoir, sans autre appui, franchir les pires difficultés du chemin, et atteindre cette parfaite sainteté de vie à laquelle elle avait décidé de tendre en une pleine et joyeuse abdication de sa volonté propre.
Nous n’avons pas à nous étonner de voir s’accomplir en celle religieuse les paroles du Christ : Quiconque se sera abaissé comme ce petit enfant, celui-là sera le plus grand dans le royaume des cieux (Mt 18, 4.). Il a donc plu, en effet, à la bonté divine de la combler, de l’enrichir d’une sagesse toute spéciale.
Elle avait puisé avec abondance dans le catéchisme les authentiques enseignements de la foi, sa doctrine ascétique dans le livre d’or de l’Imitation, ses connaissances mystiques dans les ouvrages de son Père Jean de la Croix ; elle nourrissait son intelligence et son cœur de la méditation assidue des Saintes Ecritures ; mais, par-dessus tout, l’Esprit de vérité lui ouvrit et lui découvrit les mystères qu’il a coutume de cacher aux sages et aux prudents et de révéler aux tout petits : car, au témoignage de Notre prédécesseur, elle posséda une telle science des choses d’en haut qu’elle put indiquer aux âmes une voie certaine de salut.
Cette abondance des lumières et des grâces divines qui furent départies à Thérèse avait allumé dans son cœur un tel incendie de charité qu’enfin elle en fut consumée, après avoir vécu pour ainsi dire dans une perpétuelle extase ; et, dans cet ordre d’idées, elle put, peu de temps avant sa mort, avouer naïvement que « jamais elle n’avait donné à Dieu que de l’amour ».
D’ailleurs, il est évident que l’élan de cette ardente charité fut chez la vierge de Lisieux le principe de son dessein et de son désir instant de « travailler pour l’amour de Jésus, uniquement pour lui plaire, pour consoler son Cœur sacré et pour procurer le salut éternel de beaucoup d’âmes destinées à aimer éternellement le Christ ».
Qu’elle ait commencé, dès l’instant de son arrivée dans l’éternelle patrie, à accomplir et à réaliser ce dessein, nous en avons la preuve éclatante dans cette mystique pluie de roses que, par la permission de Dieu, elle a dès maintenant répandue sur la terre, et qu’elle ne cesse d’y répandre, selon la promesse qu’ingénument elle en avait faite de son vivant.
C’est pourquoi, Vénérables Frères, Chers Fils, Nous désirons ardemment que tous les chrétiens se montrent dignes de participer à l’effusion des grâces si nombreuses obtenues par l’intercession de la petite Thérèse ; mais, plus ardemment encore, Nous souhaitons que, fixant sur elle des regards attentifs pour prendre modèle sur elle, tous deviennent comme de petits enfants ; car, selon la sentence du Christ, s’ils ne sont pas comme de tout petits, ils seront exclus du royaume des cieux.
Si cette voie de l’enfance spirituelle était suivie par la masse, combien facile apparaîtrait à tous la restauration de l’ordre moral dans la société humaine, restauration dont nous avons fait le but de nos efforts dès le début de Notre Pontificat, et surtout lors de la publication du grand Jubilé.
Nous faisons donc Nôtre cette prière par laquelle la nouvelle sainte, Thérèse de l’Enfant-Jésus, terminait le précieux livre de sa vie : « Je te supplie, ô bon Jésus, d’abaisser ton regard divin sur un grand nombre de petites âmes ; je te supplie de te choisir en ce monde une légion de petites victimes dignes de ton amour. » Ainsi soit-il.
Source : Actes de S. S. Pie XI, tome 3, pp. 30–35.