N° 13 – Septembre 2007
hère Madame,
Chère Madame,
La reconnaissance est une vertu qui protège et établit les liens de charité dans une famille. Pourquoi ? Parce qu’elle est une condition de la paix, du bonheur et surtout de la bonne humeur au sein d’une famille. Elle maintient un esprit optimiste et ceci est très important, surtout de nos jours.
En effet, l’ingratitude ne paye pas. Elle donne mauvaise conscience et brise ou relâche les liens d’amitié et de confiance qui constituent la trame la plus solide des relations divines ou humaines. Au contraire, le témoignage sincère d’un « merci » crée un climat favorable à l’union des esprits et des cœurs.
Je vous entends, Chère Madame, me dire peut-être : « Oh ! c’est bien peu de chose, ce petit « merci » que l’on prononce à chaque instant pour de menus services. N’est-ce pas là la marque d’une politesse dépassée de nos jours ? » Personnellement, je ne le pense pas. Un grand homme disait justement : « la politesse amortit les chocs de l’existence ». Oui, elle nous fait accepter les heurts inévitables de la vie, suite aux différents caractères de chacun.
Malheureusement, aujourd’hui, les mamans négligent trop souvent d’apprendre ces notions de politesse qui façonnent le cœur de l’enfant et qu’il faut commencer très tôt. Si vous attendez l’âge de 4 ans, c’est déjà plus difficile ; l’enfant aura déjà contracté de fâcheuses habitudes. Vous le savez, tout petit, l’enfant est plus apte à recevoir les bonnes ; si vous ne les lui enseignez pas, il en acquerra rapidement les mauvaises. Et cela va très vite ! Mais pour l’aider dans cette tâche, il faut votre présence, votre vigilance, et ne pas cesser de le lui répéter. Et c’est cela le plus difficile. Je constate combien la maman se lasse vite et manque de persévérance. N’oubliez pas que par votre vocation d’éducatrice, votre persévérance sans relâche est une condition essentielle pour que l’éducation porte ses fruits !
Une qualité qui rend cette reconnaissance aisée en est la sobriété : pas d’effusion ni d’exagération, la règle reste dans la simplicité et la loyauté du cœur. C’est le cœur qui doit s’exprimer, un cœur qui sait apprécier l’effort d’autrui en notre faveur. C’est le cœur de l’enfant qui se projette dans celui de la maman par le moyen de la reconnaissance. Ce langage ne doit pas être « plaqué », c’est-à-dire forcé, comme extorqué, mais qu’il monte du cœur. Si vous atteignez ce but, votre enfant gardera toute sa vie ce langage de la reconnaissance vis-à-vis du prochain. N’est-ce pas lui apprendre à pratiquer une des nombreuses formes de la charité fraternelle ? Est-ce si difficile d’aimer ainsi le prochain ? Que d’enfants actuellement manquent à cette politesse élémentaire ! Nous en faisons l’expérience quotidiennement. Si son cœur n’est pas ainsi formé dans sa première enfance, il est très difficile par la suite de le réformer. Rien n’est impossible, certes, dans la correction de l’enfant plus âgé, mais cela demande un plus grand effort de sa part mais aussi de l’adulte (à la maison ou à l’école).
Comment, dans la pratique, apprendre à votre enfant à dire « merci » ? Il ne suffit pas de lui dire à chaque fois : « dis merci Madame, merci Maman, merci Papa », etc.,… mais lui montrer par votre comportement que vous dites, vous aussi, merci. Par exemple, à table, si votre enfant vous entend dire « merci » à votre mari quand il vous passe un plat, ou vous rend un service, il saura que lui aussi, il doit dire merci. Ou bien, quand votre enfant vous aura rendu un service, n’hésitez pas à lui dire un simple merci (pas d’effusion inutile qui rendra votre merci inefficace parce qu’il le déformera en le considérant comme un dû unilatéral).
Ce petit geste de votre part, en lui ouvrant son cœur vers vous, l’encouragera à faire des efforts dans ce sens. L’enfant a besoin d’être encouragé.
On n’utilise pas assez ce moyen de l’encouragement. Pour l’enfant, être encouragé par sa maman, produit dans son cœur un élan, une force vers le bien à accomplir et le mal à combattre qui, suite au péché originel, l’attire sur la pente de la facilité. L’enfant est faible parce qu’il est né ainsi. Trop souvent, les parents agissent avec leur petit comme s’il était un « petit adulte ». Non, un bébé est un bébé, un enfant est un enfant avec ses qualités d’enfant qui normalement sont basées sur la confiance, la dépendance et l’amour envers ses parents. Cultivez les vertus de l’enfance qui faciliteront l’apprentissage et l’acquisition de la vertu de l’obéissance. Sinon, il sera vite indépendant, vous jugeant comme s’il était adulte (et votre égal).
A ce propos, permettez-moi une petite remarque. Pourquoi l’enfant juge-t-il sa maman ? Savez-vous que c’est vous qui le lui apprenez ? L’enfant, aujourd’hui assiste trop souvent aux conversations d’adultes et très vite y participe. Et vous commettez l’erreur de le laisser donner son avis et peut-être parfois vous en tenez compte. En acceptant son jugement sur des choses sur lesquelles il n’est pas apte normalement à donner son avis (parce que cela n’est pas de son âge), vous confortez votre enfant dans sa manière d’agir en adulte vis-à-vis de vous. Il continuera d’avoir cette attitude avec assurance vis-à-vis de toutes les personnes qui ont une certaine autorité sur lui : l’instituteur ou tout responsable dans le cadre d’une activité quelconque, dans les jeux ou autres,…et bientôt le prêtre. C’est cette habitude qui lui apprendra très vite à contester et à répondre, parfois avec manque de respect. Et par là vous déformez l’enfant, le rendant incapable d’obéir, c’est-à-dire de soumettre son esprit à un autre qui a autorité sur lui. Je dis bien : vous rendez votre enfant dans l’incapacité d’obéir spontanément. Pourquoi ? Parce que avant d’obéir, habitué à tout juger, il devra réfléchir sur le mobile de l’acte que vous lui demandez de faire (l’opportunité…). Cela détruit en lui la confiance qu’il devrait avoir en vous. Cela lui rend l’obéissance impossible ou du moins difficile. Et vous vous plaignez que votre enfant ne vous obéisse pas et vous manque de respect ! Conséquences regrettables au sein d’une famille ! C’est le désordre. Suivez le plan de Dieu, déjà du point de vue naturel. Ne poussez pas l’enfant à grandir plus vite que son âge, mais aidez-le dans son cheminement, progressivement et sans brûler les étapes, tout en sachant que c’est Dieu le Maître.
Je vous rappelle une notion du catéchisme sur la vertu d’obéissance : « Il faut obéir exactement, promptement et sans murmure. » Quel est l’enfant qui obéit de cette manière ? C’est à la maman de le lui apprendre. Qui le fera à votre place ? Apprenez cette obéissance (avec les qualités précitées) à votre premier enfant. Les plus jeunes ont toujours tendance à suivre l’exemple de l’aîné. Dans le cas contraire, vous serez très vite dépassée et démunie. C’est le cas de beaucoup de mamans actuellement.
Vous ne saurez jamais assez, Chère Madame, combien votre enfant, même tout petit, imite les adultes et principalement ses parents. Et je constate trop combien, aujourd’hui, l’adulte lui-même néglige cette élémentaire politesse, fruit de la charité chrétienne.
Enfin, la reconnaissance, en nous rendant attentifs sur ce que nous avons reçu, nous aide à être plus courageux et, de ce fait, plus optimistes. N’est-ce pas cela qui manque à nos jeunes ? C’est trop souvent que nous les entendons « râler », « rouspéter », « objecter » et contester pour peu de choses ! Quel dommage ! Oui, au lieu de s’hypnotiser sur ce qu’il n’a pas, la reconnaissance ouvre aux yeux émerveillés de votre enfant l’étendue des richesses qu’il a déjà et stimule sa confiance vis-à-vis du prochain de qui il reçoit tout ; (et plus spécialement de ses parents). Ainsi, du point de vue spirituel, Sainte Thérèse d’Avila disait : « Un souvenir fidèle des bienfaits reçus augmente notre amour envers le Créateur et nous donne plus de courage pour le servir ». Combien cette vérité enseignée à votre enfant fera grandir en lui l’amour envers Jésus d’où découlera, par voie de conséquence, la vertu de générosité si utile elle aussi.
(à suivre)
Une Religieuse.