Le modernisme ? Mais ça date d’un siècle ! C’est complètement dépassé ! Personne ne s’intéresse plus à ça, hormis des historiens perdus dans leurs grimoires poussiéreux !
L’aspect par lequel une erreur peut séduire, c’est la part de vérité qu’elle contient. Or il est exact que le modernisme appartient à l’histoire, l’encyclique Pascendi ayant désormais 100 ans.
Les « grands modernistes », ceux que l’on cite volontiers sur ce chapitre, les Loisy, Tyrrell, Houtin, Hébert, Turmel, Alfaric, Buonaiuti, Fogazzaro, von Hügel, etc. sont morts depuis des années, et leurs ouvrages oubliés.
Donc le modernisme est mort et enterré ? Voire ! Ce n’était certainement pas l’avis de saint Pie X qui, quelques mois avant sa mort, alors que tous les hommes cités ci-dessus avaient déjà été lourdement sanctionnés et dénoncés, s’inquiétait de la progression sans cesse grandissante du complot moderniste.
Ce n’était pas l’avis du pape Pie XII décrivant dans Humani generis un « néo-modernisme » à côté duquel, pour reprendre l’expression de Maritain dans Le paysan de la Garonne, « le modernisme du temps de saint Pie X n’était qu’un modeste rhume des foins ».
Ce n’est enfin pas notre impression spontanée en face de ce qui s’est fait depuis Vatican II, car nous ne pouvons évacuer cette impression troublante de « déjà vu », cette ressemblance frappante avec les descriptions de saint Pie X.
La réalité, c’est qu’une erreur qui a été dénoncée et condamnée dans l’Église, mais non totalement éradiquée, va lutter pour sa survie, comme le fait un virus mortel menacé par des anticorps. Et pour échapper à la vigilance, cette erreur va recourir à deux stratagèmes principaux : se camoufler et muter.
Ceux qui voulaient être les disciples de Loisy et de Tyrrell, après Pascendi, se gardèrent de le proclamer. Ils agirent désormais dans le secret. De la même manière, les écrits de Teilhard de Chardin, interdits de publication, circulèrent clandestinement dans les séminaires français au cours des années 50–60, et contaminèrent de nombreux séminaristes, futurs prêtres et évêques.
L’autre ruse de l’erreur pour échapper aux condamnations, c’est de changer de forme et de présentation. La vigilance des censeurs risque d’en être trompée, et dans tous les cas l’erreur y gagne une longueur d’avance.
Donc, pour détecter aujourd’hui le « néo-néo-modernisme » (si l’on peut risquer ce mot), il convient de repérer les filiations historiques (de qui tel hétérodoxe actuel a‑t-il reçu sa formation, fût-ce à travers des intermédiaires ?) et les nouveaux emballages de l’erreur.
Il se trouve que Pascendi peut nous aider dans ce travail de détection des modernistes actuels (plus ou moins repeints et mis au goût du jour). En effet, ce document tranche, non seulement avec le reste de l’arsenal antimoderniste. mais même avec tout le reste des documents pontificaux.
Jamais avant, et jamais depuis, n’a été proposée une telle synthèse sur le moderniste philosophe, croyant, théologien, historien, apologète et réformateur. Il y a là une grille de lecture capable de décrypter les textes les plus subtilement rédigés, une clé apte à ouvrir les coffres les plus hermétiquement clos où l’erreur pourrait se cacher.
Le dossier du présent numéro s’y applique, comme le fera dans quelques semaines notre symposium sur Pascendi. Mais c’est toute la révolution conciliaire qu’il conviendrait, petit à petit, de passer à ce crible, afin que triomphe la seule vérité catholique pour le salut des hommes d’aujourd’hui.
Abbé Régis de Cacqueray-Valménier, Supérieur du District de France
Extrait de Fideliter n° 179 de septembre-octobre 2007