Pie XII

260ᵉ pape ; de 1939 à 1958

24 octobre 1948

Lettre encyclique In multiplicibus

Sur un appel à la prière pour la paix en Palestine

Déjà dans son Encyclique « Auspicia quae­dam » du Ier mai 1948, SS. Pie XII fai­sait allu­sion aux évé­ne­ments de Palestine. Depuis lors les évé­ne­ments ont pro­vo­qué une situa­tion de plus en plus grave [1]. C’est pour­quoi le Pape publie un docu­ment qui énonce la pen­sée de V Eglise sur le sort des Lieux Saints.

Le Pape exprime son anxié­té en consta­tant que la Palestine est frap­pée par le fléau de la guerre :

Parmi les mul­ti­tudes de pré­oc­cu­pa­tions qui Nous assaillent, en une époque si pleine de consé­quences déci­sives pour la vie de la grande famille humaine et dont le poids se fait si lour­de­ment sen­tir sur Notre suprême Pontificat, l’anxiété que Nous cause la guerre qui bou­le­verse la Palestine occupe une place particulière.

Nous pou­vons vous dire en toute véri­té, Véné­rables Frères, qu’aucun évé­ne­ment joyeux ou triste, ne peut atté­nuer la dou­leur de Notre âme à la pen­sée que, sur la terre où Notre-​Seigneur Jésus-​Christ a ver­sé son sang pour appor­ter à la terre entière la Rédemption et le salut, conti­nue à cou­ler le sang des hommes, que, sous les cieux où reten­tit la nuit de Noël l’annonce évan­gé­lique de la paix, on conti­nue à com­battre, la misère des mal­heu­reux s’accroît et la ter­reur se répand, des mil­liers de réfu­giés, per­dus et pour­chas­sés, s’en vont errant loin de leur patrie, en quête de pain et de gîte.

Notre dou­leur est ren­due plus cui­sante encore, non seule­ment par les nou­velles qui nous arrivent conti­nuel­le­ment des des­truc­tions et des dom­mages cau­sés aux édi­fices du culte et de bien­fai­sance, sur­gis autour des Lieux Saints eux-​mêmes, dissé­minés dans toute la Palestine, en plus grand nombre sur le sol de la Cité sainte et qui furent sanc­ti­fiés par la nais­sance, la vie et la mort du Sauveur.

Il est inutile de vous don­ner l’assurance, Véné­rables Frères, qu’au spec­tacle de tant de maux, et à la pré­vi­sion de maux plus grands encore, Nous ne Nous sommes pas ren­fer­més dans Notre dou­leur, Nous avons fait tout ce qui était en Notre pou­voir pour cher­cher à y por­ter remède.

Avant même que n’eût com­men­cé le conflit armé, Nous adres­sant à une délé­ga­tion de notables arabes venus Nous rendre hom­mage, nous mani­festâmes Notre vive sol­li­ci­tude pour la paix en Palestine et, condam­nant tout recours à des actes de vio­lence, Nous décla­râmes qu’elle ne pou­vait se réa­li­ser que dans la véri­té et la jus­tice, c’est-à- dire dans le res­pect des droits de cha­cun et des tra­di­tions acquises spé­cia­le­ment dans le domaine reli­gieux, comme aus­si dans le strict accomplis­sement des devoirs et des obli­ga­tions de chaque groupe d’habitants.

Une fois la guerre décla­rée, sans Nous écar­ter de l’attitude d’impartialité, qui Nous est impo­sée par Notre minis­tère apos­to­lique, qui Nous place au-​dessus des conflits, par les­quels est agi­tée la socié­té humaine, Nous ne man­quâmes pas de Nous employer, dans la mesure où cela dépen­dait de Nous, et selon les pos­si­bi­li­tés qui Nous furent offertes, pour le triomphe de la jus­tice et de la paix, en Palestine, comme pour le res­pect et la sau­ve­garde des Lieux-Saints.

En même temps, bien que sol­li­ci­tés par de nom­breux et urgents appels adres­sés chaque jour au Saint Siège, Nous Nous sommes employés autant que pos­sible à secou­rir les mal­heu­reuses vic­times de la guerre, envoyant à cet effet, à Nos repré­sen­tants en Palestine, au Liban, en Egypte, les moyens à Notre dis­po­si­tion et en encou­ra­geant par­mi les catho­liques des divers pays les ini­tia­tives à prendre et à déve­lop­per dans ce même but.

Convaincu par ailleurs de l’insuffisance des moyens humains pour l’adéquate solu­tion d’un pro­blème dont l’exceptionnelle com­plexi­té n’échappe à per­sonne, Nous avons sur­tout fait constam­ment appel aux grands moyens de la prière, et, dans Notre récente Encyclique « Auspicia Quaedam », Nous vous invi­tions, Vénérables Frères, à prier et à faire prier les fidèles confiés à votre sol­li­ci­tude pas­to­rale, afin que, sous les aus­pices de la Très Sainte Vierge, la concorde et la paix puissent refleu­rir heu­reu­se­ment en Palestine, les dif­fé­rends se trou­vant enfin réglés dans la justice.

Nous savons que Notre invi­ta­tion n’est pas res­tée sans écho, Nous n’ignorons pas non plus que, tan­dis que par Notre acti­vi­té Nous Nous employions en union avec le monde catho­lique pour la paix en Palestine, des hommes de bonne volon­té ont mul­ti­plié dans les mêmes inten­tions, bra­vant dan­gers et sacri­fices, leurs nobles efforts, aux­quels il Nous plaît de rendre hommage.

Toutefois la durée du conflit et l’accumulation crois­sante de ruines, morales et maté­rielles qui en sont l’inexorable accom­pa­gne­ment, Nous engagent à vous renou­ve­ler Notre appel avec une insis­tance accrue, dans l’espoir qu’il soit enten­du dans le monde chrétien.

Comme Nous le décla­râmes le 2 juin der­nier aux membres du Sacré Collège des Cardinaux, en leur confiant Notre anxié­té pour la Palestine, Nous ne croyons pas que le monde chré­tien puisse res­ter indif­fé­rent ou ne nour­rir qu’une sté­rile indi­gna­tion devant cette Terre Sainte, dont on ne s’approchait qu’avec le plus pro­fond res­pect pour en bai­ser avec un ardent amour le sol sacré, aujour­d’hui encore fou­lé aux pieds par les troupes en guerre et frap­pé par des bom­bar­de­ments aériens. Nous ne pen­sons pas que le monde chré­tien puisse ain­si lais­ser s’accomplir la dévas­ta­tion des Lieux Saints et assis­ter à la des­truc­tion du Sépulcre du Christ.

Nous avons, au contraire, pleine confiance que les sup­pli­ca­tions et ces aspi­ra­tions, indices de la valeur qu’attache aux Lieux-​Saints une si grande par­tie de la famille humaine, ren­forcent dans les Hautes-​Assemblées où sont dis­cu­tés les pro­blèmes de la paix, la per­sua­sion de l’opportunité de don­ner à Jérusalem et à ses envi­rons, où se trouvent tant et tant de pré­cieux sou­ve­nirs de la vie et de la mort du Sauveur, un carac­tère inter­na­tio­nal qui dans les cir­cons­tances pré­sentes semble mieux garan­tir la pro­tec­tion des sanctuaires.

Il fau­dra même assu­rer par des garan­ties inter­na­tio­nales aus­si bien le libre accès aux Lieux-​Saints dis­sé­mi­nés sur le ter­ri­toire de la Palestine que la liber­té du culte et les res­pects des cou­tumes et des tra­di­tions religieuses.

Puisse arri­ver ain­si bien­tôt le jour où les hommes auront de nou­veau la pos­si­bi­li­té d’accourir en pèle­ri­nage aux Lieux-​Saints pour retrou­ver, révé­lé par ces monu­ments divins de l’amour exal­té jusqu’au sacri­fice de la vie pour ses frères, le grand secret de la paci­fique vie en com­mun des hommes.

Avec cette confiance, Nous vous accor­dons de tout cœur, Vénérables Frères, ain­si qu’à vos fidèles et à tous ceux qui accueille­ront avec bonne volon­té Notre appel, en gage des divines faveurs et comme gage de Notre bien­veillance, la Bénédiction Apostolique.

Source : Document Pontificaux de S. S. Pie XII, Edition Labergerie. – D’après le texte des A. A. S. XL, 1948, p. 483, tra­duc­tion fran­çaise dans La Documentation Catholique, t. XLV, col. 1473.

Notes de bas de page
  1. En 1946 et 1947 la guerre entre Juifs et Arabes prit une nou­velle ampleur rava­geant le pays et n’éppargnant ni Jérusalem, ni les Lieux-​Saints. Ce n’est que le 17 juillet 1948 qu’un armis­tice fut signé entre les armées bel­li­gé­rantes. Cependant de temps à autre des escar­mouches conti­nuent à ensan­glan­ter le pays.[]