Pie XII

260ᵉ pape ; de 1939 à 1958

15 avril 1949

Lettre encyclique Redemptoris nostri

Sur la guerre en Palestine

Table des matières

A plu­sieurs reprises, Pie XII a expri­mé son anxié­té devant les évé­ne­ments qui se déroulent en Palestine. Dans un nou­veau docu­ment, il revient sur la ques­tion de la pro­tec­tion à assu­rer aux Lieux- Saints. Le Vendredi-​Saint de l’année 1949, le Saint-​Père écrit :

Les souf­frances de notre Rédempteur, qui sont pour ain­si dire repré­sen­tées sous nos yeux pen­dant ces jours de la Semaine Sainte, orientent les pen­sées des Chrétiens, péné­trés d’un pro­fond res­pect, vers cette terre qui fut choi­sie, en ver­tu d’un des­sein de la divine Providence, pour être la patrie du Verbe incar­né, et dans laquelle Jésus-​Christ pas­sa sa vie ter­restre et mou­rut, après avoir répan­du son sang.

Cependant, à l’heure pré­sente, tan­dis que Nous Nous remé­mo­rons, avec une plus ardente pié­té, ces Lieux Saints, Notre âme est rem­plie d’une très vive anxié­té en son­geant aux condi­tions dif­fi­ciles et in­certaines dans les­quelles ils se trouvent.

Déjà l’année der­nière, à deux reprises, Nous vous avons, Vénérables Frères, for­te­ment exhor­tés dans Nos Lettres, à faire réci­ter publi­que­ment et par tous des prières, en vue d’obtenir et la fin de la lutte qui rava­geait et ensan­glan­tait cette terre, et un arran­ge­ment conforme aux normes de la jus­tice, grâce auquel serait plei­ne­ment assu­rée la liber­té catho­lique, en même temps que seraient conser­vés et pro­té­gés ces Lieux très saints.

Un calme relatif règne actuellement en Palestine [1] :

Et main­te­nant que les hos­ti­li­tés ont ces­sé, ou du moins qu’elles sont sus­pen­dues, à la suite d’ar­mistices récents, Nous ren­dons de tout cœur de très grandes actions de grâces à Dieu et approu­vons gran­de­ment ceux qui, par de nobles efforts, ont tra­vaillé à rame­ner la paix.

Cependant des violences continuent à s’exercer dont sont vic­times les chrétiens :

Mais bien qu’on ait fini de se battre, il s’en faut encore beau­coup que l’ordre et la tran­quilli­té soient tota­le­ment réta­blis en Palestine. De fait, il nous par­vient encore les plaintes, bien fon­dées, de ceux qui déplorent très légi­ti­me­ment la pro­fa­na­tion des édi­fices sacrés, des saintes images et des mai­sons de bien­fai­sance, ain­si que la des­truc­tion de paci­fiques cou­vents des com­mu­nau­tés religieuses.

De plus, des centaines de milliers de réfugiés continuent à souffrir de la faim [2] :

Parviennent aus­si jusqu’à nous les appels ar­dents de très nom­breux réfu­giés de tout âge et de toute condi­tion qui ont été refou­lés par cette désas­treuse guerre, dans des régions étran­gères où, dans des camps de ras­sem­ble­ment, ils mènent une vie d’exilés, expo­sés à la misère, aux mala­dies conta­gieuses et à toutes sortes de dangers.

De nombreux secours sont venus porter assistance à ces réfugiés :

Nous n’ignorons pas tout ce qu’ont généreuse­ment accom­pli les orga­nismes publics aus­si bien que les citoyens pri­vés, pour adou­cir le sort de cette mul­titude si mal­heu­reuse ; et Nous-​même, conti­nuant les œuvres cha­ri­tables que Nous avons entre­prises dès le début de Notre pon­ti­fi­cat, Nous avons fait tout ce qui était en Notre pou­voir, en vue de sub­venir aux besoins les plus urgents de cette foule de malheureux.

Mais il faut faire davantage :

Cependant, la situa­tion de ces exi­lés est si in­certaine et si pré­caire, qu’elle ne peut se pro­lon­ger plus long­temps. Aussi, en même temps que Nous exhor­tons et encou­ra­geons tous les grands et nobles cœurs à aider de toutes leurs forces ces expa­triés, en proie au cha­grin et à la misère, Nous adres­sons éga­le­ment un pres­sant appel à ceux qui en ont la res­pon­sa­bi­li­té, pour que jus­tice soit ren­due à tous ceux qui, chas­sés loin de leurs foyers, par le tour­billon de la guerre, ne dési­rent rien tant que de mener à nou­veau une vie paisible.

Aussi le Pape demande, une fois de plus, qu’on prie pour le retour de la paix :

Le vœu que Nous for­mu­lons en ces saints jours, et que tous les peuples chré­tiens expriment avec Nous, c’est que res­plen­disse enfin la paix là-​même où Celui que les Prophètes sacrés ont appe­lé Princeps Pacis (Le Prince de la Paix) (Is. IX, 6) et l’Apôtre des gen­tils : Pax ipsa (Notre paix) (cf. Eph. ii, 14) a vécu et ver­sé son sang.

De plus, Pie XII implore à nouveau ceux qui portent la respon­sabilité de statuer sur le sort de la Palestine qu’ils accordent à Jérusalem un régime de protection internationale :

Cette paix solide et véri­table, jamais Nous n’avons ces­sé de l’implorer, et pour qu’elle soit hâtée et signée au plus tôt, Nous avons déjà affir­mé solen­nel­le­ment dans Notre Lettre ency­clique In Multiplicibus qu’il est tout à fait oppor­tun de don­ner à Jérusalem et à ses envi­rons, où se trouvent les véné­rables sou­ve­nirs de la vie et de la mort du Sau­veur, un régime éta­bli et garan­ti par le droit inter­national, régime qui, dans les cir­cons­tances pré­sentes, paraît assu­rer d’une façon plus conve­nable et plus appro­priée la pro­tec­tion de ces sou­ve­nirs sacrés.

Cependant, Nous ne pou­vons Nous empê­cher de renou­ve­ler cette solen­nelle décla­ra­tion dans cette pen­sée qu’elle sera un encou­ra­ge­ment pour Nos fils ; eux, en quelque lieu qu’ils habitent, doivent em­ployer les moyens légi­times pour que les chefs de gou­ver­ne­ments et tous ceux qui ont qua­li­té pour régler une si impor­tante affaire, soient bien per­sua­dés qu’il faut don­ner à Jérusalem et aux régions envi­ron­nantes un sta­tut juri­dique dont, seules, l’union et l’entente com­mune des nations amies de la paix et res­pec­tueuses des droits d’autrui peuvent, dans les condi­tions actuelles, assu­rer et garan­tir la stabilité.

Il faut aussi garantir la protection des Lieux-​Saints situés hors de Jérusalem, à travers la Palestine :

Mais il est, en outre, abso­lu­ment néces­saire de garan­tir juri­di­que­ment la conser­va­tion et la protec­tion conve­nables de tous les Lieux Saints de la Pa­lestine qui se trouvent non seule­ment à Jérusalem, mais encore dans les autres villes et loca­li­tés de la Palestine.

Par suite des évé­ne­ments de la guerre, et des dévas­ta­tions cau­sées par elle, un grand nombre d’entre eux ont été expo­sés à de grands dan­gers et ont souf­fert de graves dom­mages. Il faut donc que ces Lieux — qui conservent de si grands monu­ments de la reli­gion, véné­rables pour cha­cun, et qui entre­tiennent et favo­risent si puis­sam­ment la pié­té — soient pro­té­gés d’une façon conve­nable et par un sta­tut juri­dique déter­mi­né qui sera garan­ti par un accord ou un enga­ge­ment international.

L’accès de ces Lieux-​Saints doit être rendu libre et aisé aux pèlerins :

Nous savons per­ti­nem­ment que Nos fils ont un brû­lant désir de faire à nou­veau les pèle­ri­nages tra­ditionnels en ces Lieux, dont l’accès leur a été inter­dit depuis long­temps par des bou­le­ver­se­ments qua­si uni­ver­sels. Ce désir est ren­du plus ardent encore par l’imminence de l’Année Sainte, année au cours de laquelle les fidèles éprou­ve­ront, comme il est natu­rel, un plus grand désir de visi­ter cette terre qui fut pour ain­si dire le théâtre de la divine Rédemption. Dieu veuille que ces sou­haits soient au plus tôt réalisés.

Mais pour que cet heu­reux évé­ne­ment se pro­duise, il faut assu­ré­ment que soient prises et adop­tées toutes les mesures grâces aux­quelles les pèle­rins pour­ront avoir libre­ment accès aux édi­fices sacrés ; pra­ti­quer publi­que­ment et sans obs­tacle leurs exer­cices de pié­té et séjour­ner dans ces Lieux sans cou­rir de dan­ger ni éprou­ver de crainte. Nous esti­mons, par ailleurs, que ce serait une injure de leur offrir le spec­tacle de la pro­fa­na­tion de cette contrée par d’indignes diver­tis­se­ments et par des amu­se­ments cou­pables, pro­fa­na­tion qui offen­se­rait cer­tai­ne­ment le divin Ré­dempteur et la conscience chrétienne.

Les œuvres et institutions catholiques doivent être pleinement libres d’exercer leurs activités :

Nous sou­hai­tons aus­si ardem­ment que les nom­breux éta­blis­se­ments catho­liques de Palestine, des­tinés à sou­la­ger les pauvres, à édu­quer la jeu­nesse, à hos­pi­ta­li­ser les étran­gers, puissent, comme il est juste exer­cer leur acti­vi­té propre, sans en être em­pêchés par aucun obs­tacle ain­si qu’ils le fai­saient naguère avec tant de mérite.

Tous les droits acquis par les catholiques sur les Lieux-​Saints doivent être maintenus et respectés :

Nous ne pou­vons non plus ne pas rap­pe­ler qu’il faut conser­ver intact tous les droits sur les Lieux Saints que les catho­liques ont acquis depuis de longs siècles, qu’ils ont vaillam­ment défen­dus à plu­sieurs reprises et que Nos pré­dé­ces­seurs ont solen­nellement et effi­ca­ce­ment proclamés.

Enfin Pie XII demande que les évêques du monde entier pro­voquent une campagne afin que l’opinion publique soit alertée sur le problème de l’avenir des Lieux-Saints :

Voilà, Vénérables Frères, les choses sur les­quelles Nous avions le des­sein d’attirer votre atten­tion et vos pensées.

Faites donc en sorte que les fidèles, confiés à votre sol­li­ci­tude, se sou­cient tou­jours plus du sort de la Palestine et affirment publi­que­ment et réso­lu­ment leurs dési­rs et leurs droits auprès des chefs de gou­vernements. Mais sur­tout que, par leurs prières, in­stantes, ils obtiennent l’aide de Celui qui dirige les hommes et les nations. Que Dieu jette un regard bien­veillant sur le monde entier et tout particulière­ment sur cette terre arro­sée du sang du Verbe in­carné, afin que la cha­ri­té de Jésus-​Christ triomphe des haines et des conflits, elle qui, seule, peut appor­ter la tran­quilli­té et la paix.

En atten­dant qu’elle soit le gage des célestes faveurs et de Notre bien­veillance, la Bénédiction Apostolique que Nous vous don­nons très affectueuse­ment à vous, Vénérables Frères, et aux fidèles dont vous êtes les pasteurs.

Source : Documents Pontificaux de S. S. Pie XII – D’après les A. A. S., XXXXI, p. 1949, p. 161 ; tra­duc­tion fran­çaise dans La Documentation Catholique, t. XLVI, col. 641.

Notes de bas de page
  1. Le 24 février 1948, l’Egypte et Israël ont signé un armis­tice. De leur côté, les autres pays de la Ligue arabe et l’Arabie saou­dite négo­ciaient éga­le­ment un armis­tice avec Israël.[]
  2. En 1949 on esti­mait qu’il y avait 940.000 réfu­giés dans les camps du Proche- Orient.[]