A plusieurs reprises, Pie XII a exprimé son anxiété devant les événements qui se déroulent en Palestine. Dans un nouveau document, il revient sur la question de la protection à assurer aux Lieux- Saints. Le Vendredi-Saint de l’année 1949, le Saint-Père écrit :
Les souffrances de notre Rédempteur, qui sont pour ainsi dire représentées sous nos yeux pendant ces jours de la Semaine Sainte, orientent les pensées des Chrétiens, pénétrés d’un profond respect, vers cette terre qui fut choisie, en vertu d’un dessein de la divine Providence, pour être la patrie du Verbe incarné, et dans laquelle Jésus-Christ passa sa vie terrestre et mourut, après avoir répandu son sang.
Cependant, à l’heure présente, tandis que Nous Nous remémorons, avec une plus ardente piété, ces Lieux Saints, Notre âme est remplie d’une très vive anxiété en songeant aux conditions difficiles et incertaines dans lesquelles ils se trouvent.
Déjà l’année dernière, à deux reprises, Nous vous avons, Vénérables Frères, fortement exhortés dans Nos Lettres, à faire réciter publiquement et par tous des prières, en vue d’obtenir et la fin de la lutte qui ravageait et ensanglantait cette terre, et un arrangement conforme aux normes de la justice, grâce auquel serait pleinement assurée la liberté catholique, en même temps que seraient conservés et protégés ces Lieux très saints.
Un calme relatif règne actuellement en Palestine [1] :
Et maintenant que les hostilités ont cessé, ou du moins qu’elles sont suspendues, à la suite d’armistices récents, Nous rendons de tout cœur de très grandes actions de grâces à Dieu et approuvons grandement ceux qui, par de nobles efforts, ont travaillé à ramener la paix.
Cependant des violences continuent à s’exercer dont sont victimes les chrétiens :
Mais bien qu’on ait fini de se battre, il s’en faut encore beaucoup que l’ordre et la tranquillité soient totalement rétablis en Palestine. De fait, il nous parvient encore les plaintes, bien fondées, de ceux qui déplorent très légitimement la profanation des édifices sacrés, des saintes images et des maisons de bienfaisance, ainsi que la destruction de pacifiques couvents des communautés religieuses.
De plus, des centaines de milliers de réfugiés continuent à souffrir de la faim [2] :
Parviennent aussi jusqu’à nous les appels ardents de très nombreux réfugiés de tout âge et de toute condition qui ont été refoulés par cette désastreuse guerre, dans des régions étrangères où, dans des camps de rassemblement, ils mènent une vie d’exilés, exposés à la misère, aux maladies contagieuses et à toutes sortes de dangers.
De nombreux secours sont venus porter assistance à ces réfugiés :
Nous n’ignorons pas tout ce qu’ont généreusement accompli les organismes publics aussi bien que les citoyens privés, pour adoucir le sort de cette multitude si malheureuse ; et Nous-même, continuant les œuvres charitables que Nous avons entreprises dès le début de Notre pontificat, Nous avons fait tout ce qui était en Notre pouvoir, en vue de subvenir aux besoins les plus urgents de cette foule de malheureux.
Mais il faut faire davantage :
Cependant, la situation de ces exilés est si incertaine et si précaire, qu’elle ne peut se prolonger plus longtemps. Aussi, en même temps que Nous exhortons et encourageons tous les grands et nobles cœurs à aider de toutes leurs forces ces expatriés, en proie au chagrin et à la misère, Nous adressons également un pressant appel à ceux qui en ont la responsabilité, pour que justice soit rendue à tous ceux qui, chassés loin de leurs foyers, par le tourbillon de la guerre, ne désirent rien tant que de mener à nouveau une vie paisible.
Aussi le Pape demande, une fois de plus, qu’on prie pour le retour de la paix :
Le vœu que Nous formulons en ces saints jours, et que tous les peuples chrétiens expriment avec Nous, c’est que resplendisse enfin la paix là-même où Celui que les Prophètes sacrés ont appelé Princeps Pacis (Le Prince de la Paix) (Is. IX, 6) et l’Apôtre des gentils : Pax ipsa (Notre paix) (cf. Eph. ii, 14) a vécu et versé son sang.
De plus, Pie XII implore à nouveau ceux qui portent la responsabilité de statuer sur le sort de la Palestine qu’ils accordent à Jérusalem un régime de protection internationale :
Cette paix solide et véritable, jamais Nous n’avons cessé de l’implorer, et pour qu’elle soit hâtée et signée au plus tôt, Nous avons déjà affirmé solennellement dans Notre Lettre encyclique In Multiplicibus qu’il est tout à fait opportun de donner à Jérusalem et à ses environs, où se trouvent les vénérables souvenirs de la vie et de la mort du Sauveur, un régime établi et garanti par le droit international, régime qui, dans les circonstances présentes, paraît assurer d’une façon plus convenable et plus appropriée la protection de ces souvenirs sacrés.
Cependant, Nous ne pouvons Nous empêcher de renouveler cette solennelle déclaration dans cette pensée qu’elle sera un encouragement pour Nos fils ; eux, en quelque lieu qu’ils habitent, doivent employer les moyens légitimes pour que les chefs de gouvernements et tous ceux qui ont qualité pour régler une si importante affaire, soient bien persuadés qu’il faut donner à Jérusalem et aux régions environnantes un statut juridique dont, seules, l’union et l’entente commune des nations amies de la paix et respectueuses des droits d’autrui peuvent, dans les conditions actuelles, assurer et garantir la stabilité.
Il faut aussi garantir la protection des Lieux-Saints situés hors de Jérusalem, à travers la Palestine :
Mais il est, en outre, absolument nécessaire de garantir juridiquement la conservation et la protection convenables de tous les Lieux Saints de la Palestine qui se trouvent non seulement à Jérusalem, mais encore dans les autres villes et localités de la Palestine.
Par suite des événements de la guerre, et des dévastations causées par elle, un grand nombre d’entre eux ont été exposés à de grands dangers et ont souffert de graves dommages. Il faut donc que ces Lieux — qui conservent de si grands monuments de la religion, vénérables pour chacun, et qui entretiennent et favorisent si puissamment la piété — soient protégés d’une façon convenable et par un statut juridique déterminé qui sera garanti par un accord ou un engagement international.
L’accès de ces Lieux-Saints doit être rendu libre et aisé aux pèlerins :
Nous savons pertinemment que Nos fils ont un brûlant désir de faire à nouveau les pèlerinages traditionnels en ces Lieux, dont l’accès leur a été interdit depuis longtemps par des bouleversements quasi universels. Ce désir est rendu plus ardent encore par l’imminence de l’Année Sainte, année au cours de laquelle les fidèles éprouveront, comme il est naturel, un plus grand désir de visiter cette terre qui fut pour ainsi dire le théâtre de la divine Rédemption. Dieu veuille que ces souhaits soient au plus tôt réalisés.
Mais pour que cet heureux événement se produise, il faut assurément que soient prises et adoptées toutes les mesures grâces auxquelles les pèlerins pourront avoir librement accès aux édifices sacrés ; pratiquer publiquement et sans obstacle leurs exercices de piété et séjourner dans ces Lieux sans courir de danger ni éprouver de crainte. Nous estimons, par ailleurs, que ce serait une injure de leur offrir le spectacle de la profanation de cette contrée par d’indignes divertissements et par des amusements coupables, profanation qui offenserait certainement le divin Rédempteur et la conscience chrétienne.
Les œuvres et institutions catholiques doivent être pleinement libres d’exercer leurs activités :
Nous souhaitons aussi ardemment que les nombreux établissements catholiques de Palestine, destinés à soulager les pauvres, à éduquer la jeunesse, à hospitaliser les étrangers, puissent, comme il est juste exercer leur activité propre, sans en être empêchés par aucun obstacle ainsi qu’ils le faisaient naguère avec tant de mérite.
Tous les droits acquis par les catholiques sur les Lieux-Saints doivent être maintenus et respectés :
Nous ne pouvons non plus ne pas rappeler qu’il faut conserver intact tous les droits sur les Lieux Saints que les catholiques ont acquis depuis de longs siècles, qu’ils ont vaillamment défendus à plusieurs reprises et que Nos prédécesseurs ont solennellement et efficacement proclamés.
Enfin Pie XII demande que les évêques du monde entier provoquent une campagne afin que l’opinion publique soit alertée sur le problème de l’avenir des Lieux-Saints :
Voilà, Vénérables Frères, les choses sur lesquelles Nous avions le dessein d’attirer votre attention et vos pensées.
Faites donc en sorte que les fidèles, confiés à votre sollicitude, se soucient toujours plus du sort de la Palestine et affirment publiquement et résolument leurs désirs et leurs droits auprès des chefs de gouvernements. Mais surtout que, par leurs prières, instantes, ils obtiennent l’aide de Celui qui dirige les hommes et les nations. Que Dieu jette un regard bienveillant sur le monde entier et tout particulièrement sur cette terre arrosée du sang du Verbe incarné, afin que la charité de Jésus-Christ triomphe des haines et des conflits, elle qui, seule, peut apporter la tranquillité et la paix.
En attendant qu’elle soit le gage des célestes faveurs et de Notre bienveillance, la Bénédiction Apostolique que Nous vous donnons très affectueusement à vous, Vénérables Frères, et aux fidèles dont vous êtes les pasteurs.
Source : Documents Pontificaux de S. S. Pie XII – D’après les A. A. S., XXXXI, p. 1949, p. 161 ; traduction française dans La Documentation Catholique, t. XLVI, col. 641.