a) Doctrines et canons sur le sacrifice de la messe.
Préambule.
Pour que l’on garde dans la sainte Église catholique la foi et la doctrine anciennes, absolues et en tout point parfaites sur le grand mystère de l’eucharistie, et qu’on les conserve dans leur pureté, après avoir repoussé erreurs et hérésies, le saint concile œcuménique et général de Trente… instruit par la lumière de l’Esprit Saint, enseigne, déclare et décrète ce qui suit, qui doit être prêché aux peuples fidèles, concernant l’eucharistie en tant que véritable et unique sacrifice.
Chapitre 1. L’institution du sacrifice de la messe
Parce que la perfection n’avait pas été réalisée sous la première Alliance, au témoignage de l’apôtre Paul, en raison de la faiblesse du sacerdoce lévitique, il a fallu, Dieu le Père des miséricordes l’ordonnant ainsi, que se lève un autre prêtre « selon l’ordre de Melchisedech » [Ps 110, 4 ; He 5, 6 ; He 5, 10 ; He 7, 11 ; He 7, 17 ; Gn 14, 18] notre Seigneur Jésus Christ, qui pourrait amener à la plénitude [He 10, 14] et conduire à la perfection tous ceux qui devaient être sanctifiés.
Sans doute, lui, notre Dieu et Seigneur, allait-il s’offrir lui-même une fois pour toutes à Dieu le Père sur l’autel de la croix par sa mort [He 7, 27] afin de réaliser pour eux (là même) une Rédemption éternelle. Cependant, parce qu’il ne fallait pas que son sacerdoce fût éteint par la mort [He 7, 24] lors de la dernière Cène, « la nuit où il fut livré » [1 Co 11, 23], il voulut laisser à l’Église, son épouse bien-aimée, un sacrifice qui soit visible (comme l’exige la nature humaine). Par là serait représenté le sacrifice sanglant qui devait s’accomplir une fois pour toutes sur la croix, le souvenir en demeurerait jusqu’à la fin du monde, et sa vertu salutaire serait appliquée à la rémission de ces péchés que nous commentons chaque jour.
Se déclarant établi prêtre pour toujours selon l’ordre de Melchisedech [Ps 110, 4 ; He 5, 6 ; He 7, 17] il offrit à Dieu le Père son Corps et son Sang sous les espèces du pain et du vin ; sous le symbole de celles-ci, il les donna aux apôtres (qu’il constituait alors prêtres de la Nouvelle Alliance) pour qu’ils les prennent ; et à ceux-ci ainsi qu’à leurs successeurs dans le sacerdoce, il ordonna de les offrir en prononçant ces paroles : « Faites ceci en mémoire de moi » [Lc 22, 19 ; 1 Co 11, 24], etc., comme l’a toujours compris et enseigné l’Église catholique [can. 2].
En effet, ayant célébré la Pâque ancienne, que la multitude des enfants d’Israël immolait en souvenir de la sortie d’Égypte [Ex 12], il institua la Pâque nouvelle où lui-même doit être immolé par l’Église par le ministère des prêtres, sous des signes visibles en mémoire de son passage de ce monde à son Père, lorsque, par l’effusion de son sang il nous racheta et « nous arracha à la puissance des ténèbres et nous fit passer dans son Royaume » [Col 1, 13]
Et c’est là l’oblation pure, qui ne peut être souillée par aucune indignité ou malice de ceux qui l’offrent, dont le Seigneur a prédit par Malachie qu’elle devrait être offerte pure en tout lieu en son nom, qui serait grand parmi les nations [Ml 1, 11], que l’apôtre Paul a désigné sans ambiguïté lorsque, écrivant aux Corinthiens, il dit : ceux qui se sont souillés en participant à la table des démons ne peuvent participer à la table du Seigneur [1 Co 10, 21] entendant par le mot « table », dans l’un et l’autre cas, l’autel. C’est elle enfin, qui, au temps de la nature et de la Loi, était figurée par les diverses images des sacrifices [Gn 4, 4 ; Gn 8, 20 ; Gn 12, 8 ; Gn 22, 1–19] (Ex : passim), en tant que renfermant en elle tous les biens que ceux-ci signifiaient, en étant la consommation et la perfection de tous.
Chapitre 2. Le sacrifice visible, expiation pour les vivants et les morts.
Parce que, dans ce divin sacrifice qui s’accomplit à la messe, ce même Christ est contenu et immolé de manière non sanglante, lui qui s’est offert une fois pour toutes de manière sanglante sur l’autel de la croix [He 9, 14 ; He 9, 27] le saint concile enseigne que ce sacrifice est vraiment propitiatoire [can. 3], et que par lui il se fait que, si nous nous approchons de Dieu avec un cœur sincère et une foi droite, avec crainte et respect, contrits et pénitents, « nous obtenons miséricorde, et nous trouvons la grâce d’un secours opportun » [He 4, 16] Apaisé par l’oblation de ce sacrifice, le Seigneur, en accordant la grâce et le don de la pénitence, remet les crimes et les péchés, même ceux qui sont énormes. C’est, en effet, une seule et même victime, c’est le même qui, s’offrant maintenant par le ministère des prêtres, s’est offert alors lui-même sur la croix, la manière de s’offrir étant seule différente.
Les fruits de cette oblation – celle qui est sanglante – sont reçus abondamment par le moyen de cette oblation non sanglante ; tant il s’en faut que celle-ci ne fasse en aucune façon tort à celle-là [can. 4]. C’est pourquoi, conformément à la tradition des apôtres, elle est légitimement offerte, non seulement pour les péchés, les peines, les satisfactions et les autres besoins des fidèles vivants, mais aussi pour ceux qui sont morts dans le Christ et ne sont pas encore pleinement purifiés [can. 3].
Chapitre 3. Messes en l’honneur des saints.
Bien que l’Église ait coutume de célébrer parfois quelques messes en l’honneur et en mémoire des saints, elle enseigne que ce n’est pourtant pas à eux que le sacrifice est offert, mais à Dieu seul qui les a couronnés [can. 5]. Aussi le prêtre n’a‑t-il pas l’habitude de dire : « Je vous offre le sacrifice, Pierre et Paul », mais, en rendant grâces à Dieu de leurs victoires, il implore leur protection, « pour que daignent intercéder pour nous dans les cieux ceux mêmes dont nous faisons mémoire sur la terre »
Chapitre 4. Le canon de la messe
Comme il convient que les choses saintes soient saintement administrées et comme la plus sainte de toutes est ce sacrifice, pour qu’il soit offert et reçu avec dignité et respect, l’Église catholique a institué, il y a de nombreux siècles, le saint canon si pur de toute erreur [can. 6], qu’il n’est rien en lui qui ne respire grandement la sainteté et la piété et n’élève vers Dieu l’esprit de ceux qui l’offrent. Il apparaît clairement, en effet, qu’il est fait soit des paroles mêmes du Seigneur, soit des traditions des apôtres et des pieuses instructions des saints pontifes.
Chapitre 5. Les cérémonies du sacrifice de la messe
La nature humaine est telle qu’elle ne peut facilement s’élever à la méditation des choses divines sans les aides extérieures. C’est pourquoi notre pieuse Mère l’Église a institué certains rites, pour que l’on prononce à la messe certaines choses à voix basse [can. 9] et d’autres à voix plus haute. Elle a aussi introduit des cérémonies [can. 7], telles que les bénédictions mystiques, les lumières, les encensements, les vêtements et de nombreuses autres choses de ce genre, reçues de l’autorité et de la tradition des apôtres. Par là serait soulignée la majesté d’un si grand sacrifice, et les esprits des fidèles seraient stimulés, par le moyen de ces signes visibles de religion et de piété, à la contemplation des choses les plus hautes qui sont cachées dans ce sacrifice.
Chapitre 6. La messe à laquelle seule le prêtre communie
Le saint concile souhaiterait, certes, que les fidèles assistant à chaque messe ne communient pas seulement par un désir spirituel, mais aussi par la réception sacramentelle de l’eucharistie, par quoi ils recueilleraient un fruit plus abondant de ce très saint sacrifice. Cependant, s’il n’en est pas toujours ainsi, il ne condamne pas pour cela, comme privées et illicites [can. 8], les messes où seul le prêtre communie sacramentellement ; mais il les approuve et les recommande, puisque ces messes doivent elles aussi être regardées comme vraiment publiques, en partie parce que le peuple y communie spirituellement, en partie parce qu’elles sont célébrées par un ministre public de l’Église, non pas pour lui seulement, mais pour tous les fidèles qui appartiennent au corps du Christ.
Chapitre 7. L’eau mêlée au vin.
Le saint concile avertit ensuite que l’Église a prescrit aux prêtres de mêler de l’eau au vin que l’on doit offrir dans le calice [can. 9], aussi bien parce que l’on croit que le Seigneur Christ a fait ainsi que, aussi, parce que de son côté a coulé de l’eau en même temps que du sang [Jn 19, 34], ce que le sacrement rappelle par ce mélange. Et puisque, dans l’Apocalypse de saint Jean, les eaux sont dites être les peuples [Ap 17, 15], ainsi est représentée l’union du peuple fidèle avec le Christ, sa tête.
Chapitre 8. Rejet de la langue vulgaire dans la messe ; explication de ses mystères
Bien que la messe contienne un grand enseignement pour le peuple fidèle, il n’a pas cependant paru bon aux pères qu’elle soit célébrée çà et là en langue vulgaire [can. 9]. C’est pourquoi, tout en gardant partout le rite antique propre à chaque Église et approuvé par la sainte Église romaine, Mère et maîtresse de toutes les Églises, pour que les brebis du Christ ne meurent pas de faim et que les petits ne demandent pas du pain et que personne ne leur en donne [Lm 4, 4], le saint concile ordonne aux pasteurs et à tous ceux qui ont charge d’âme de donner quelques explications fréquemment, pendant la célébration des messes, par eux-mêmes ou par d’autres, à partir des textes lus à la messe, et, entre autres, d’éclairer le mystère de ce sacrifice, surtout les dimanches et les jours de fête.
Chapitre 9. Remarques préalables aux canons qui suivent.
Mais parce que, aujourd’hui, contre cette foi ancienne fondée sur le saint Évangile, sur les traditions des apôtres et sur l’enseignement des saints Pères, de nombreuses erreurs se sont répandues, et quantité de choses ont été enseignées et discutées par quantité de gens, le saint concile, après avoir abondamment, sérieusement et mûrement traité de ces choses, a l’unanimité de tous les pères, a décidé de condamner et d’éliminer de la sainte Église ce qui va à l’encontre de cette foi très pure et de cette sainte doctrine, par les canons ci-dessous.
Canons sur le très saint sacrifice de la messe
1. Si quelqu’un dit que, dans la messe, n’est pas offert à Dieu un véritable et authentique sacrifice ou qu’« être offert » ne signifie pas autre chose que le fait que le Christ nous est donné en nourriture : qu’il soit anathème.
2. Si quelqu’un dit que par ces mots : « Faites ceci en mémoire de moi » [1 Co 11, 25 ; 1 Co 11, 24] le Christ n’a pas institué les apôtres prêtres, ou qu’il n’a pas ordonné qu’eux et les autres prêtres offrent son Corps et son Sang qu’il soit anathème .
3. Si quelqu’un dit que le sacrifice de la messe n’est qu’un sacrifice de louange et d’action de grâces, ou simple commémoration du sacrifice accompli sur la croix, mais n’est pas un sacrifice propitiatoire ; ou qu’il n’est profitable qu’à celui-là seul qui reçoit le Christ et qu’il ne doit pas être offert pour les vivants et les morts, ni pour les péchés, les peines, les satisfactions et les autres nécessités : qu’il soit anathème .
4. Si quelqu’un dit que, par le sacrifice de la messe, on commet un blasphème contre le très saint sacrifice du Christ accompli sur la croix ou qu’il en constitue un amoindrissement : qu’il soit anathème .
5. Si quelqu’un dit que c’est une imposture de célébrer la messe en l’honneur des saints et pour obtenir leur intercession auprès de Dieu, comme l’entend l’Église : qu’il soit anathème .
6. Si quelqu’un dit que le canon de la messe contient des erreurs et qu’il doit être abrogé : qu’il soit anathème .
7. Si quelqu’un dit que les cérémonies, les vêtements et les signes extérieurs dont l’Église se sert dans la célébration de la messe sont plutôt des dérisions de l’impiété que des marques de piété : qu’il soit anathème .
8. Si quelqu’un dit que les messes où seul le prêtre communie sacramentellement sont illicites et doivent donc être abrogées : qu’il soit anathème .
9. Si quelqu’un dit que le rite de l’Église romaine, selon lequel une partie du canon et les paroles de la consécration sont prononcées à voix basse, doit être condamné ; ou que la messe ne doit être célébrée qu’en langue vulgaire ; ou que l’eau ne doit pas être mêlée, dans le calice, au vin que l’on doit offrir, parce que cela est contraire à l’institution du Christ : qu’il soit anathème.
b) Décret sur la demande de concession du calice.
De plus, le même saint concile, dans sa dernière session, s’était réservé d’examiner et de définir en un autre temps, quand l’occasion s’en présenterait, deux articles qui lui avaient été proposés par ailleurs et n’avaient pas encore été discutés : Les raisons pour lesquelles la sainte Église catholique a été amenée à donner la communion aux laïcs et aussi aux prêtres qui ne célèbrent pas sous la seule espèce du pain doivent-elles être retenues en sorte que l’usage du calice ne soit permis à personne pour aucune raison ? – et : Si l’usage du calice, pour des raisons honnêtes et conformes à la charité chrétienne, doit être accordé à un pays ou à un royaume, sous quelles conditions cela doit-il être concédé ? et quelles sont ces conditions ?
Voulant maintenant pourvoir au mieux au salut de ceux pour qui la demande a été faite, le concile a décrété que toute l’affaire devrait être déférée à notre très Saint-Père, comme il le défère par le présent décret ; selon sa singulière prudence, celui-ci fera ce qu’il jugera devoir être utile pour les États chrétiens et salutaire pour ceux qui demandent l’usage du calice.