Concile de Trente

19ᵉ œcuménique ; 13 déc. 1545-4 déc. 1563

16 juillet 1562, 21e session

Doctrine et canons sur la communion sous les deux espèces et la communion des enfants.

Table des matières

Préambule

Le saint concile œcu­mé­nique et géné­ral de Trente… a pen­sé que, puisque, par les arti­fices du très per­vers démon, se sont répan­dus en divers lieux dif­fé­rentes erreurs mons­trueuses concer­nant le redou­table et très saint sacre­ment de l’eucharistie, erreurs qui semblent avoir écar­té un grand nombre de la foi et de l’obéissance de l’Église catho­lique en cer­taines pro­vinces, il fal­lait expo­ser ici ce qui concerne la com­mu­nion sous les deux espèces et la com­mu­nion des enfants. C’est pour­quoi il est inter­dit à tous les chré­tiens d’oser à l’avenir croire, ensei­gner ou prê­cher à ce sujet autre chose que ce qui est expli­qué et défi­ni par les décrets suivants.

Chapitre 1. Les laïcs et les clercs qui ne célèbrent pas ne sont pas tenus de droit divin à la communion sous les deux espèces

C’est pour­quoi ce même saint concile, ins­truit par l’Esprit Saint, qui est « Esprit de sagesse et d’intelligence, Esprit de conseil et de pié­té » [Is 11, 2], et sui­vant le juge­ment et la cou­tume de l’Église elle-​même, déclare et enseigne qu’aucun com­man­de­ment divin n’oblige les laïcs et les clercs qui ne célèbrent pas à rece­voir le sacre­ment de l’eucharistie sous les deux espèces ; et que l’on ne peut en aucune façon dou­ter, sans léser la foi, que la com­mu­nion sous l’une des deux espèces leur suf­fise pour leur salut.

En effet, sans doute, le Seigneur Christ, lors de la der­nière Cène, a‑t-​il ins­ti­tué et don­né aux apôtres ce véné­rable sacre­ment sous les espèces du pain et du vin [Mt 26, 26–29 ; Mc 14, 22–25 ; Lc 22, 19 ; 1 Co 11, 24]. Cependant cette ins­ti­tu­tion et ce don n’ont pas pour objet d’astreindre tous les chré­tiens, par un décret du Seigneur, à rece­voir les deux espèces [can. 1 et 2 ].

Et l’on ne conclut pas avec rai­son, des paroles que l’on trouve au cha­pitre 6 de Jean, que la com­mu­nion sous les deux espèces a été com­man­dée par le Seigneur [can. 3], de quelque manière qu’on les com­prenne en sui­vant les diverses inter­pré­ta­tions des saints et des doc­teurs. En effet, celui qui a dit : « Si vous ne man­gez la chair du Fils de l’homme et si vous ne buvez son sang, vous n’aurez pas la vie en vous » [Jn 6, 53], a dit aus­si : « Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éter­nel­le­ment » [Jn 6, 58]. Et celui qui a dit : « Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éter­nelle », [Jn 6, 54] et dit aus­si « Le pain que je vous don­ne­rai est ma chair pour la vie éter­nelle » [Jn 6, 51]. Enfin celui qui a dit : « Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui » [Jn 6, 56], a dit néan­moins : « Qui mange ce pain vivra éter­nel­le­ment » [Jn 6, 58]

Chapitre 2. Le pouvoir de l’Église dans l’administration du sacrement de l’eucharistie

Le concile déclare, en outre, que dans l’administration des sacre­ments il y eut tou­jours dans l’Église le pou­voir de déci­der ou de modi­fier, la sub­stance de ces sacre­ments étant sauve, ce qu’elle juge­rait mieux conve­nir à l’utilité de ceux qui les reçoivent et au res­pect des sacre­ments eux-​mêmes, selon la diver­si­té des choses, des temps et des lieux. Ce que l’Apôtre a sem­blé indi­quer assez net­te­ment en disant : « Que l’on nous consi­dère comme des ministres du Christ et les dis­pen­sa­teurs des mys­tères de Dieu » [1 Co 4, 1]. Et il est assez évident qu’il a lui-​même usé de ce pou­voir aus­si bien pour de nom­breuses autres choses que pour ce sacre­ment lui-​même, lorsqu’il dit, après avoir pris quelques ordon­nances sur son usage : « Je régle­rai le reste quand je vien­drai » [1 Co 11, 34]

C’est pour­quoi, bien qu’au début de la reli­gion chré­tienne l’usage des deux espèces n’ait pas été rare, cette cou­tume ayant très géné­ra­le­ment chan­gé avec le cours du temps, notre sainte Mère l’Église, sachant quelle auto­ri­té est la sienne dans l’administration des sacre­ments, fut ame­née par des graves et justes causes à approu­ver cette cou­tume de com­mu­nier sous l’une des deux espèces et à décré­ter que ce serait une loi qu’il n’est pas per­mis de blâ­mer ou de chan­ger à son gré sans l’autorité de l’Église elle-​même [can. 2].

Chapitre 3. Sous chaque espèce, le Christ est reçu totalement et entièrement,

Il déclare en outre que, bien que notre Rédempteur, comme il a été dit plus haut, lors de la der­nière Cène, ait ins­ti­tué et don­né aux apôtres ce sacre­ment sous les deux espèces il faut pour­tant recon­naître que même sous l’une des deux espèces seule­ment on reçoit le Christ tota­le­ment et entiè­re­ment ain­si que le sacre­ment en toute véri­té, et qu’en consé­quence, en ce qui concerne le fruit du sacre­ment, ceux qui reçoivent une seule espèce ne sont pri­vés d’aucune grâce néces­saire au salut [can. 3].

Chapitre 4. Les enfants ne sont pas obligés à la communion sacramentelle

Enfin le même saint concile enseigne qu’aucune néces­si­té n’oblige les enfants, qui n’ont pas l’âge de rai­son, à la com­mu­nion sacra­men­telle de l’eucharistie [can. 4], puisque régé­né­rés par le bain du bap­tême [Tt 3, 5] et incor­po­rés au Christ, ils ne peuvent pas à cet âge perdre la grâce des enfants de Dieu qu’ils ont reçue.

Et pour­tant il ne faut pas pour cela condam­ner l’Antiquité, si on y a par­fois obser­vé cette habi­tude en cer­tains lieux. En effet, de même que ces très saints Pères ont eu un motif louable d’agir en rai­son de leur temps, de même faut-​il très cer­tai­ne­ment croire sans contes­ta­tions qu’ils ont agi ain­si sans qu’il y ait aucune néces­si­té pour le salut.

Canons sur la communion sous les deux espèces et la communion des enfants

1. Si quelqu’un dit que, en rai­son d’un com­man­de­ment de Dieu ou par néces­si­té pour le salut, tous et cha­cun des chré­tiens doivent rece­voir les deux espèces du très saint sacre­ment de l’eucharistie : qu’il soit anathème.

2. Si quelqu’un dit que la sainte Église catho­lique n’a pas été ame­née par de justes causes et rai­sons à ce que les laïcs, ain­si que les clercs qui ne célèbrent pas, ne com­mu­nient que sous la seule espèce du pain, ou qu’elle a erré en cela qu’il soit anathème.

3. Si quelqu’un nie que le Christ, source et auteur de toutes les grâces soit reçu tota­le­ment et entiè­re­ment sous la seule espèce du pain, parce que – comme cer­tains l’affirment faus­se­ment – il n’est pas reçu sous les deux espèces confor­mé­ment à l’institution du Christ lui-​même : qu’il soit anathème.

4. Si quelqu’un dit que la com­mu­nion eucha­ris­tique est néces­saire aux enfants avant qu’ils aient l’âge de rai­son : qu’il soit anathème.