Par cette lettre adressée au sultan al-Malik al-‘Adil (1145–1218), frère de Saladin, le pape demandait la restitution de Jérusalem en échange de prisonniers et d’une paix durable. Il n’obtint pas gain de cause.
Au noble sultan de Damas et de Babylone, vénération et amour du nom divin
Le prophète Daniel nous apprends que c’est le Dieu du ciel qui met en lumière ce qui est caché, qui change les temps et dépose les empires, afin que tout le monde reconnaisse que le Très-Haut est le maître des trônes et les distribue à son gré : c’est ce qu’il a montré clairement en mettant Jérusalem et son territoire en la puissance de votre frère, non précisément en considération de ses mérites, mais plutôt en punition des offenses par lesquelles le peuple chrétien a soulevé la colère du Tout-Puissant. Mais nous nous sommes adressé à lui, et nous espérons qu’il aura pitié de nous, puisque Dieu, pour nous servir des paroles du prophète, n’oublie pas la miséricorde, même dans sa colère. D’après l’exemple de celui qui dit dans l’Evangile : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur », nous vous demandons, en tout humilité, que la possession violente de ce pays ne fasse plus verser de sang ; que, docile à de sages conseils, vous nous rendiez cette terre bénie, puisqu’à l’exception d’une gloire vaine et stérile, il en résulte des dommages plutôt peut-être que des avantages. Si vous accédez à nos vœux, nous délivrerons réciproquement les prisonniers, nous laisserons reposer la guerre et notre peuple sera traité près de vous comme le vôtre le sera chez nous. Nous vous supplions de recevoir amicalement les porteurs de cette lettre, d’avoir pour eux les égards dus au caractère dont ils sont revêtus, enfin de leur donner une réponse convenable et conforme à notre attente.
Source : Histoire du pape Innocent III, abbé Jorry, Arras, 1853. – PL, t. 216, col. 832