Déjà dans son Encyclique « Auspicia quaedam » du Ier mai 1948, SS. Pie XII faisait allusion aux événements de Palestine. Depuis lors les événements ont provoqué une situation de plus en plus grave [1]. C’est pourquoi le Pape publie un document qui énonce la pensée de V Eglise sur le sort des Lieux Saints.
Le Pape exprime son anxiété en constatant que la Palestine est frappée par le fléau de la guerre :
Parmi les multitudes de préoccupations qui Nous assaillent, en une époque si pleine de conséquences décisives pour la vie de la grande famille humaine et dont le poids se fait si lourdement sentir sur Notre suprême Pontificat, l’anxiété que Nous cause la guerre qui bouleverse la Palestine occupe une place particulière.
Nous pouvons vous dire en toute vérité, Vénérables Frères, qu’aucun événement joyeux ou triste, ne peut atténuer la douleur de Notre âme à la pensée que, sur la terre où Notre-Seigneur Jésus-Christ a versé son sang pour apporter à la terre entière la Rédemption et le salut, continue à couler le sang des hommes, que, sous les cieux où retentit la nuit de Noël l’annonce évangélique de la paix, on continue à combattre, la misère des malheureux s’accroît et la terreur se répand, des milliers de réfugiés, perdus et pourchassés, s’en vont errant loin de leur patrie, en quête de pain et de gîte.
Notre douleur est rendue plus cuisante encore, non seulement par les nouvelles qui nous arrivent continuellement des destructions et des dommages causés aux édifices du culte et de bienfaisance, surgis autour des Lieux Saints eux-mêmes, disséminés dans toute la Palestine, en plus grand nombre sur le sol de la Cité sainte et qui furent sanctifiés par la naissance, la vie et la mort du Sauveur.
Il est inutile de vous donner l’assurance, Vénérables Frères, qu’au spectacle de tant de maux, et à la prévision de maux plus grands encore, Nous ne Nous sommes pas renfermés dans Notre douleur, Nous avons fait tout ce qui était en Notre pouvoir pour chercher à y porter remède.
Avant même que n’eût commencé le conflit armé, Nous adressant à une délégation de notables arabes venus Nous rendre hommage, nous manifestâmes Notre vive sollicitude pour la paix en Palestine et, condamnant tout recours à des actes de violence, Nous déclarâmes qu’elle ne pouvait se réaliser que dans la vérité et la justice, c’est-à- dire dans le respect des droits de chacun et des traditions acquises spécialement dans le domaine religieux, comme aussi dans le strict accomplissement des devoirs et des obligations de chaque groupe d’habitants.
Une fois la guerre déclarée, sans Nous écarter de l’attitude d’impartialité, qui Nous est imposée par Notre ministère apostolique, qui Nous place au-dessus des conflits, par lesquels est agitée la société humaine, Nous ne manquâmes pas de Nous employer, dans la mesure où cela dépendait de Nous, et selon les possibilités qui Nous furent offertes, pour le triomphe de la justice et de la paix, en Palestine, comme pour le respect et la sauvegarde des Lieux-Saints.
En même temps, bien que sollicités par de nombreux et urgents appels adressés chaque jour au Saint Siège, Nous Nous sommes employés autant que possible à secourir les malheureuses victimes de la guerre, envoyant à cet effet, à Nos représentants en Palestine, au Liban, en Egypte, les moyens à Notre disposition et en encourageant parmi les catholiques des divers pays les initiatives à prendre et à développer dans ce même but.
Convaincu par ailleurs de l’insuffisance des moyens humains pour l’adéquate solution d’un problème dont l’exceptionnelle complexité n’échappe à personne, Nous avons surtout fait constamment appel aux grands moyens de la prière, et, dans Notre récente Encyclique « Auspicia Quaedam », Nous vous invitions, Vénérables Frères, à prier et à faire prier les fidèles confiés à votre sollicitude pastorale, afin que, sous les auspices de la Très Sainte Vierge, la concorde et la paix puissent refleurir heureusement en Palestine, les différends se trouvant enfin réglés dans la justice.
Nous savons que Notre invitation n’est pas restée sans écho, Nous n’ignorons pas non plus que, tandis que par Notre activité Nous Nous employions en union avec le monde catholique pour la paix en Palestine, des hommes de bonne volonté ont multiplié dans les mêmes intentions, bravant dangers et sacrifices, leurs nobles efforts, auxquels il Nous plaît de rendre hommage.
Toutefois la durée du conflit et l’accumulation croissante de ruines, morales et matérielles qui en sont l’inexorable accompagnement, Nous engagent à vous renouveler Notre appel avec une insistance accrue, dans l’espoir qu’il soit entendu dans le monde chrétien.
Comme Nous le déclarâmes le 2 juin dernier aux membres du Sacré Collège des Cardinaux, en leur confiant Notre anxiété pour la Palestine, Nous ne croyons pas que le monde chrétien puisse rester indifférent ou ne nourrir qu’une stérile indignation devant cette Terre Sainte, dont on ne s’approchait qu’avec le plus profond respect pour en baiser avec un ardent amour le sol sacré, aujourd’hui encore foulé aux pieds par les troupes en guerre et frappé par des bombardements aériens. Nous ne pensons pas que le monde chrétien puisse ainsi laisser s’accomplir la dévastation des Lieux Saints et assister à la destruction du Sépulcre du Christ.
Nous avons, au contraire, pleine confiance que les supplications et ces aspirations, indices de la valeur qu’attache aux Lieux-Saints une si grande partie de la famille humaine, renforcent dans les Hautes-Assemblées où sont discutés les problèmes de la paix, la persuasion de l’opportunité de donner à Jérusalem et à ses environs, où se trouvent tant et tant de précieux souvenirs de la vie et de la mort du Sauveur, un caractère international qui dans les circonstances présentes semble mieux garantir la protection des sanctuaires.
Il faudra même assurer par des garanties internationales aussi bien le libre accès aux Lieux-Saints disséminés sur le territoire de la Palestine que la liberté du culte et les respects des coutumes et des traditions religieuses.
Puisse arriver ainsi bientôt le jour où les hommes auront de nouveau la possibilité d’accourir en pèlerinage aux Lieux-Saints pour retrouver, révélé par ces monuments divins de l’amour exalté jusqu’au sacrifice de la vie pour ses frères, le grand secret de la pacifique vie en commun des hommes.
Avec cette confiance, Nous vous accordons de tout cœur, Vénérables Frères, ainsi qu’à vos fidèles et à tous ceux qui accueilleront avec bonne volonté Notre appel, en gage des divines faveurs et comme gage de Notre bienveillance, la Bénédiction Apostolique.
Source : Document Pontificaux de S. S. Pie XII, Edition Labergerie. – D’après le texte des A. A. S. XL, 1948, p. 483, traduction française dans La Documentation Catholique, t. XLV, col. 1473.
- En 1946 et 1947 la guerre entre Juifs et Arabes prit une nouvelle ampleur ravageant le pays et n’éppargnant ni Jérusalem, ni les Lieux-Saints. Ce n’est que le 17 juillet 1948 qu’un armistice fut signé entre les armées belligérantes. Cependant de temps à autre des escarmouches continuent à ensanglanter le pays.[↩]