Pie XI

259ᵉ pape ; de 1922 à 1939

11 décembre 1922

Allocution consistoriale Vehementer gratum est

Sur les droits de l'Eglise en Palestine

Vénérables frères,

Ce Nous est une bien vive joie de pou­voir enfin, après qu’un inson­dable des­sein de Dieu Nous a, par la voie de vos suf­frages, éle­vé sur ce Siège apos­to­lique, vous voir réunis ici aujourd’hui et vous adres­ser la parole.

Et avant tout, Nous tenons à faire hau­te­ment, en cette assem­blée, l’éloge de Notre très regret­té pré­dé­ces­seur Benoit XV : en des jours dif­fi­ciles s’il en fut jamais, il gou­ver­na si sage­ment l’Eglise qu’il sou­le­va non seule­ment l’enthousiasme des catho­liques, mais l’admira­tion même des adversaires.

Alors, en effet, qu’une haine fra­tri­cide consu­mait l’humanité, Benoit XV, par ses appels inlas­sables à la paix, a rem­pli l’univers entier des bien­faits de sa cha­ri­té. Sa mémoire, Nous n’en dou­tons point, demeu­re­ra en béné­dic­tion, et Nous-​même conser­ve­rons pieu­sement et reli­gieu­se­ment son sou­ve­nir, Nous rap­pe­lant sur­tout la grande confiance qu’il Nous a témoi­gnée en Nous char­geant de mis­sions d’une haute importance.

C’est un far­deau sin­gu­liè­re­ment lourd que Nous avons accep­té en pre­nant sa suc­ces­sion ; mais, dans les mul­tiples ennuis et dif­fi­cul­tés que Nous avons eu à tra­ver­ser en ce bref laps de temps, votre zèle affec­tueux et pru­dent d’abord, Vénérables Frères, la res­pec­tueuse fidé­li­té aus­si dont les évêques, le cler­gé et les peuples chré­tiens Nous ont don­né de nom­breux et écla­tants témoi­gnages, tout cela a appor­té à Notre cœur une bien pré­cieuse conso­la­tion. Nous espé­rons que dans l’avenir encore ces mêmes sen­ti­ments vien­dront Nous récon­for­ter, car, lorsque du haut de ce Siège apos­to­lique Nous pro­me­nons nos regards sur l’ensemble du monde, Nous voyons per­sis­ter par­tout les anciennes causes de souf­frances, qui s’aggravent de mal­heurs nou­veaux et de nou­veaux périls.

Pour aller tout de suite aux plus pénibles de ces pré­oc­cu­pa­tions, Notre cœur est aujourd’hui encore pro­fon­dé­ment angois­sé au sujet de la situa­tion de la Palestine, cette terre dont Nous dirons qu’elle est pour nous, chré­tiens, comme un pays natal, et que le divin Rédempteur des hommes a, sans comp­ter, arro­sée de ses sueurs et consa­crée de son sang.

Vous savez vous-​mêmes, Vénérables Frères, avec quelle acti­vi­té Notre pré­dé­ces­seur s’est employé à sau­ve­gar­der le sta­tut des Lieux Saints ; nous en avons une preuve élo­quente dans le dis­cours qu’il pro­non­ça au Consistoire du 13 juin de l’an dernier.

Puisque, d’après cer­taines infor­ma­tions, la Société des Nations doit pro­chai­ne­ment s’occuper de nou­veau, en ses­sion plé­nière, de la ques­tion pales­ti­nienne, Nous fai­sons Nôtres à la fois la reven­di­ca­tion et le point de vue de Notre pré­dé­ces­seur : avec lui Nous deman­dons « que, quand l’heure sera venue de régler le sort de la Palestine, l’Eglise catho­lique et toute la chré­tien­té voient leurs droits res­pec­tés et sauve­gardés en ce pays ».

Bien plus, Nous ajou­tons que Notre charge apos­to­lique Nous fait un devoir de deman­der, que les droits de l’Eglise catho­lique en Palestine – en un cas où ils sont si mani­fes­te­ment supé­rieurs aux droits des autres inté­res­sés – soient res­pec­tés et sau­ve­gar­dés par prio­ri­té à l’égard non seule­ment des Juifs et des infi­dèles, mais encore des membres des confes­sions non catho­liques, quelles que soient les races ou les nations dont ils se réclament.

Les autres contrées orien­tales sont éga­le­ment pour Nous un sujet de vive anxié­té ; leur situa­tion, récem­ment bou­le­ver­sée par des évé­ne­ments très graves, a, du fait des incen­dies, des mas­sacres et du pillage, empi­ré au point que per­sonne, semble-​t-​il, n’est en état de remé­dier à une pareille détresse, à un état de choses presque désespéré.

Pour sou­la­ger cette immense infor­tune, Nous avons employé avec le plus grand empres­se­ment tous les moyens en Notre pou­voir ; de plus, Nous avons dépê­ché à Constantinople Notre nonce apos­to­lique de Roumanie à l’effet d’alléger, dans la plus large mesure pos­sible, les nou­veaux mal­heurs des Orientaux.

Dieu veuille qu’en ces régions tout rentre au plus vite dans l’ordre sui­vant les règles de la jus­tice et de la cha­ri­té ! Puissent-​elles retrou­ver le plus tôt pos­sible la paix et la tran­quilli­té de l’ordre, et connaître de nou­veau les jours heu­reux où elles étaient célèbres par l’abondance de leurs richesses, la sain­te­té et la sagesse d’hommes illustres ! Elles ne pour­ront, au sur­plus, voir ces vœux se réa­li­ser com­plè­te­ment tant qu’elles ne seront point ren­trées dans le sein de leur Mère l’Eglise, ont la com­mu­nion leur impri­mait un si puis­sant essor dans les voies de la fra­ter­ni­té et de la civilisation.

Notre angoisse n’est pas moindre si nous tour­nons les yeux vers la Russie ; là, ce n’est plus seule­ment la liber­té reli­gieuse et civile qui est entra­vée1, ce sont des foules très mal­heu­reuses que fauchent encore, à l’heure qu’il est, l’épidémie et la famine dans les rangs sur­tout des plus inno­cents et des plus faibles, enfants, femmes, vieillards. S’il n’est per­sonne, ayant conser­vé un cœur d’homme, que n’émeuve ce triste spec­tacle, il n’a pu man­quer de tou­cher jusqu’au fond de l’âme le Père com­mun des peuples.

Aussi, toutes les ini­tia­tives com­pa­tis­santes que Notre der­nier prédé­cesseur Nous avait don­né comme tes­ta­ment de pour­suivre, Nous y avons tenu, et, dans la mesure du pos­sible, Nous les avons déve­lop­pées sui­vant les exi­gences des néces­si­tés gran­dis­santes. Comme, par ailleurs, Nos res­sources étaient inégales à une si immense entre­prise, Nous avons adres­sé des appels réité­rés aux catho­liques, et même à tous les hommes sans dis­tinc­tion, et ils y ont si bien répon­du que leurs lar­gesses Nous ont per­mis jusqu’ici d’envoyer des secours ininterrompus.

Vous le savez, un groupe d’hommes d’élite, man­da­té par Nous, par­court ces steppes immenses pour dis­tri­buer aux mal­heu­reux vivres, vête­ments, remèdes – et cela sans aucune dis­tinc­tion de per­sonnes, en ne tenant compte que de la misère, – sans perdre de vue, tou­te­fois, les égards que l’on doit, comme l’enseigne saint Paul, aux frères dans la foi.

En exer­çant cette mis­sion de cha­ri­té, Nous n’avons fait que suivre, Vénérables Frères, l’usage et les tra­di­tions de l’Eglise romaine, dont le mar­tyr Ignace a pu dire en toute véri­té qu’elle est, en ce sens aus­si, la Présidente de la cha­ri­té ; c’est le même accent d’hommage qui se retrouve dans la lettre où Denys, évêque de Corinthe, exprime au Pape Soter sa pleine admi­ra­tion et sa gra­ti­tude à l’égard de l’Eglise romaine pour les bien­faits que, aux heures d’extrême disette, elle a d’une main si mater­nelle pro­cu­rés à son trou­peau et spé­cia­le­ment aux confes­seurs de la foi.

Cette pri­mau­té de la cha­ri­té découle de la pri­mau­té d’honneur et de juri­dic­tion, et le Pontife romain la détient du fait de sa pater­ni­té uni­verselle ; celle-​ci, d’une part, émane de Dieu, puisque c’est de lui que toute pater­ni­té dérive au ciel et sur terre2, et, d’autre part, par Je Christ Jésus, elle a été confé­rée au Pape dans la per­sonne de Pierre quand il a dit : Pais mes agneaux, pais mes bre­bis3, for­mule qui englobe tous les hommes, ceux qui font déjà par­tie du trou­peau ou ceux qui doivent venir s’y joindre jusqu’au jour où il n’y aura plus qu’un trou­peau et qu’un Pasteur4.

Mais de même que Nous avons por­té secours dans la mesure de nos moyens aux plus mal­heu­reux de Nos fils, Nous Nous sommes appli­qué avec les plus grands efforts à assu­rer à tous sans excep­tion les avan­tages de la paix, cette paix qui, en dépit des appels ardents de Notre pré­dé­ces­seur, n’a pas encore éclai­ré le monde.

C’est pour­quoi Nous avons deman­dé aux délé­gués des Puissances assem­blés à Gênes de prendre en sérieuse consi­dé­ra­tion la crise redou­table que tra­versent tous les peuples et de recher­cher les moyens de remé­dier à de si grands mal­heurs ; Nous exhor­tions en même temps les fidèles à se joindre à Nous pour implo­rer du Christ, Prince de la paix, le suc­cès de cette Conférence.

Mais voi­ci qu’on annonce que vont se réunir sous peu à Bruxelles les délé­gués des Etats en vue de redres­ser la situa­tion éco­no­mique de l’Europe, qui s’est beau­coup aggra­vée ces der­niers mois ; Nous leur adres­sons le même appel et les mêmes exhor­ta­tions. Par ailleurs, ces réunions offi­cielles qui se suc­cèdent sans inter­rup­tion ne pro­dui­ront, il est cer­tain, à peu près aucun résul­tat, cau­se­ront même aux peuples une dan­ge­reuse décep­tion dans leur com­mune attente, tant que les chefs de gou­ver­ne­ment ne se résou­dront pas à conci­lier les exi­gences de la jus­tice avec les pres­crip­tions de la cha­ri­té, ce qui, en défi­ni­tive, tour­ne­ra à l’avantage tout ensemble des vain­queurs et des vaincus.

Nous avons l’espoir, Vénérables Frères, que ces efforts mis au ser­vice de la cha­ri­té et de la paix par l’Eglise et le Pontife romain con­tribueront puis­sam­ment à la paci­fi­ca­tion et à la res­tau­ra­tion de la socié­té. Le pro­gramme d’action que Nous Nous tra­çons est celui-​là même qu’ont sui­vi, pour le bien du monde catho­lique, Nos deux der­niers pré­dé­ces­seurs : celui-​là s’est effor­cé de tout res­tau­rer dans le Christ, celui-​ci a recom­man­dé sans relâche aux hommes la paix chrétienne.

Ces buts que l’un et l’autre se sont fixés comme pro­gramme de pon­tificat, Nous vou­lons les grou­per en syn­thèse en cette for­mule qui sera comme Notre devise : La paix du Christ dans le royaume du Christ.

Nous comp­tons trai­ter à loi­sir cette ques­tion dans l’Encyclique que Nous adres­se­rons pro­chai­ne­ment à tous les évêques en guise du pré­sent tra­di­tion­nel à l’occasion des fêtes de Noël et du nou­vel an.

Source : Actes de S. S. Pie XI, La Bonne Presse

  1. Note de LPL : L’expression de liber­té reli­gieuse [reli­gio­sa liber­tas] employée par Pie XI désigne, confor­mé­ment au magis­tère, la liber­té de la seule vraie reli­gion catho­lique. Le contexte de l’é­poque per­met d’en tirer cette conclu­sion cer­taine. []
  2. Ep 3, 15. []
  3. Jn 21, 15–17. []
  4. Jn 10, 16. []
15 août 1936
Que doivent observer les tribunaux diocésains chargés de juger les actions en nullité de mariage.
  • Sacrée Congrégation de la Discipline des Sacrements
  • /Pie XI
19 mai 1935
Prononcée à la Messe pontificale solennelle, après l'Evan­gile, le jour de la Canonisation des bienheureux mar­tyrs Jean Fisher et Thomas More
  • Pie XI