Réparer l’Eglise : le grand défi du nouveau pontificat

Crédits photo : Antoine Mekary / Godong

Dès son élec­tion, Jorge Mario Bergoglio, deve­nu François, a incar­né une rup­ture. Premier pape jésuite, issu des Amériques, le pon­tife défunt a choi­si un nom inusi­té jusqu’ici, celui de François : il y avait déjà là, conte­nus vir­tuel­le­ment, toutes les ten­sions, les bou­le­ver­se­ments et sou­vent les bles­sures d’un règne de douze années que le futur pon­tife romain devra ten­ter de réparer.

Un tra­vail d’Hercule ? C’est ce qui attend celui dont la fumée blanche devrait bien­tôt annon­cer l’élection. Car le visage de l’Eglise, que le règne de François (2013–2025) a ten­té de remo­de­ler – une Eglise « en sor­tie », « hôpi­tal de cam­pagne », « pro­phé­tique » pour les chantres de l’aile pro­gres­siste – a sus­ci­té le doute par­mi ceux qui craignent une dilu­tion de l’essence même du catholicisme.

L’un des chan­tiers les plus ambi­tieux de François a été la réforme de la Curie romaine, l’appareil admi­nis­tra­tif du Vatican. Cette entre­prise, fina­li­sée par la consti­tu­tion apos­to­lique Praedicate Evangelium (2022), visait à rendre la Curie plus trans­pa­rente, effi­cace et au ser­vice des Eglises locales.

En pla­çant des laïcs et des femmes à des postes clés et en restruc­tu­rant les dicas­tères, le pape François pré­ten­dait bri­ser le bureau­cra­tisme et pro­mou­voir une gou­ver­nance col­lé­giale. Mais ces rup­tures, fai­sant fi du droit canon, de l’essence même du pou­voir d’Ordre et de gou­ver­ne­ment dans l’Eglise, ont ren­con­tré de nom­breux obs­tacles : résis­tances internes, len­teurs admi­nis­tra­tives et, par­fois, un manque de clar­té dans leur mise en œuvre.

Un autre domaine de réforme, plus média­tique, concerne la morale et la pas­to­rale. L’exhortation Amoris Laetitia (2016), et la décla­ra­tion Fiducia Supplicans (2023) ont sus­ci­té des contro­verses théo­lo­giques aus­si intenses qu’inédites. Pour les thu­ri­fé­raires de l’ancien règne, il fal­lait y voir une « flexi­bi­li­té » reflé­tant la « miséricorde ».

Pour les gar­diens de l’orthodoxie, nul besoin d’avoir un doc­to­rat en théo­lo­gie pour voir poindre une menace sur la doc­trine chré­tienne. D’ailleurs, cette ten­sion orches­trée entre pré­ten­due pas­to­rale et doc­trine, est deve­nue un trait carac­té­ris­tique du der­nier pon­ti­fi­cat, entraî­nant des frac­tures pro­fondes au sein de l’Eglise.

Sans par­ler de celles cau­sées par les res­tric­tions sur la litur­gie tra­di­tion­nelle ou la décla­ra­tion com­mune du pon­tife romain avec le rec­teur de la mos­quée d’al-Azhar (Egypte) : le chan­tier de répa­ra­tion moral et doc­tri­nal est immense…

Autre fait mar­quant du pon­ti­fi­cat : l’affaire du pro­cès du car­di­nal Angelo Maria Becciu révèle une confu­sion entre droit canon et droit pénal. Ici, l’incertitude juri­dique, illus­trée par l’absence de clar­té sur le sta­tut de Becciu – qui a annon­cé le 29 avril 2025 qu’il accep­tait de se reti­rer du conclave « pour le bien supé­rieur de l’Eglise » – ali­mente les divi­sions. La ges­tion du dos­sier, mar­quée par le retard dans la pré­sen­ta­tion de lettres signées de François contre le car­di­nal Becciu, n’est pas pour rassurer.

De plus l’attitude du car­di­nal Pietro Parolin, per­çu comme outre­pas­sant son rôle après la mort de François – il a reçu des per­son­na­li­tés poli­tiques de pre­mier plan, tel Volodymyr Zelensky, alors qu’il n’a plus de man­dat durant la vacance – contri­bue à sou­li­gner le malaise et laisse devi­ner l’ampleur de la tâche qui attend le suc­ces­seur du pon­tife argentin.

Sources : FSSPX.Actualités – (Reuters/​The Kyiv Independant).