Les églises de pierre et la foi de Pierre

Jean-Germain Drouais, La Cananéenne aux pieds du Christ, 1784, Rennes, musée des Beaux-Arts / Wikimedia Commons

Une église du Vaucluse est confiée aux Anglicans

Le dio­cèse d’Avignon com­mu­nique ces jours-​ci : « Le 2 juillet 2025, par conven­tion l’église parois­siale d’Oppède a été mise à dis­po­si­tion de la com­mu­nion Anglicane [1]. » Faut-​il y voir un geste de communion ?

Inutile de dire qu’il n’est tou­jours pas ques­tion de confier des églises à la Fraternité Saint Pie X, répu­tée « catho­lique mais pas en pleine com­mu­nion[2]». Rien de nou­veau sous le soleil.

Y a‑t-​il une rai­son qui jus­ti­fie de faire ce type de gestes envers des groupes aca­tho­liques (et pour être pré­cis héré­tiques et schis­ma­tiques) de pré­fé­rence à des catho­liques ? Une réflexion tirée du docu­ment pré­pa­ra­toire du synode sur la syno­da­li­té pour­rait l’indiquer : dans l’Église, outre les trois « acteurs » que sont Jésus, les Apôtres et la foule, « il existe aus­si l’acteur “de plus”, l’antagoniste, qui apporte sur la scène la divi­sion dia­bo­lique entre les trois autres… Le piège qui divise – et qui entrave donc un che­mi­ne­ment com­mun – se mani­feste aus­si bien sous les formes de la rigueur reli­gieuse, de l’injonction morale, qui se pré­sente comme plus exi­geante que celle de Jésus, ou sous celles de la séduc­tion d’une sagesse poli­tique mon­daine qui se veut plus effi­cace qu’un dis­cer­ne­ment des esprits[3]. »

En pra­tique, celui qui ne veut pas ren­trer dans le che­mi­ne­ment du groupe, sur­tout au motif de prin­cipes doc­tri­naux ou moraux, voyant que ce che­min syno­dal res­semble plus aux auto­routes du monde qu’à la voie étroite, celui-​là est l’ennemi, celui qui divise. Bref, le diable. On ne rentre pas en com­mu­nion avec le diable.

Le Nouveau Testament marque pour­tant bien qu’il y a des per­sonnes membres de l’Église, et d’autre qui n’en sont pas[4]. Saint Paul exhorte à faire du bien à tous, mais sur­tout à ceux qui sont de la « famille de la foi » (Gal 6, 10). Ce qui doit bien faire une dif­fé­rence, bien dis­tincte de celle entre les par­ti­ci­pants du dia­logue et ceux qui ne dia­loguent pas !

Bien sûr il ne man­que­ra pas de théo­lo­giens pour dire que saint Paul est encore mar­qué de pré­ju­gés, que saint Pierre a été conduit à regar­der les païens autre­ment lorsque le Saint Esprit l’a conduit à bap­ti­ser Corneille et sa famille[5](Ac 10), et que même Jésus a eu besoin d’une conver­sion pour admettre de faire du bien à la cha­na­néenne, après avoir « fait le théo­lo­gien » en réser­vant la misé­ri­corde au peuple élu[6] !

Pourtant la simple lec­ture de l’Évangile montre que chaque miracle de Jésus est fait pour conduire à la foi, ou pour la réveiller chez ceux en qui elle est éteinte. « Qui ne croi­ra pas sera condam­né. » (Mc 16, 16) Lesdits théo­lo­giens pour­ront se contor­sion­ner tant qu’ils vou­dront pour conci­lier leurs théo­ries avec l’Évangile, la géo­mé­trie de leur com­mu­nion sera trop variable pour être bien euclidienne !

Notes de bas de page
  1. https://​www​.chan​cel​le​rie​.dio​cese​-avi​gnon​.fr/​R​e​n​t​r​e​e​-​2​0​2​5​-​N​o​m​i​n​a​t​i​o​n​s​-​e​t​-​i​n​f​o​r​m​a​t​i​o​n​s​.​h​tml[]
  2. https://www.la-croix.com/Religion/Pape/Pape-Francois-Nous-sommes-sortis-differents-Synode-2016–05-16–1200760524[]
  3. Synode 2021–2023 – Pour une Eglise syno­dale – com­mu­nion – par­ti­ci­pa­tion – mis­sion – docu­ment pré­pa­ra­toire, 7 sep­tembre 2021, n°20–21.[]
  4. Par exemple I Cor 5, 12–13 6, 15–17 ; II Cor 6, 14–18 ; Apoc 7, 4 sq.[]
  5. Ibidem, n°21 sq.[]
  6. Antonio Spadaro sj, « Semi del­la rivo­lu­zione », Il fat­to quo­ti­dia­no, 20 août 2023. Peu après, ce Père jésuite était nom­mé par le pape François sous-​secrétaire du Dicastère pour la Culture et l’Education. Voir les com­men­taires en https://​cami​nante​-wan​de​rer​.blog​spot​.com/​2​0​2​3​/​1​0​/​l​a​-​g​r​a​n​-​i​n​v​e​r​s​i​o​n​.​h​tml, ou https://​katho​lisches​.info/​2​0​2​4​/​0​8​/​2​3​/​i​s​t​-​j​o​r​g​e​-​b​e​r​g​o​g​l​i​o​-​e​i​n​-​s​t​r​a​t​e​g​e​-​iv/.[]