Lettre de Noël des missions en Inde

Que l’Enfant Jésus, qui ne trou­va pas de place à l’auberge, trouve une place dans votre cœur !

Chers amis et bienfaiteurs,

Il fai­sait encore nuit lorsque la petite cloche tin­ta. Non pas la grande cloche d’une cathé­drale, seule­ment un frêle tin­te­ment, comme s’il crai­gnait de réveiller la nuit.

Les enfants se levèrent comme les enfants savent le faire : sans paroles, sans pro­jets, mais dans un silence docile et un mou­ve­ment prompt. L’un enfi­la ses san­dales. Un autre lis­sa le devant de sa che­mise. Le plus petit se frot­ta les yeux encore lourds de som­meil et se hâta de suivre les autres.

Dehors, le monde dor­mait dans sa plé­ni­tude et son abon­dance. On allu­ma une bou­gie. Puis une autre. Puis encore une autre. La flamme ne vain­quit pas les ténèbres en une seule vic­toire. Mais dans la clar­té de ces mul­tiples petites lumières, il y eut une douce conquête de l’obscurité.

Ainsi agit Dieu : Il ne s’impose pas, il attire, dit saint Augustin. Il ne crie pas du haut des cieux ; il mur­mure depuis une crèche. Il est un silence qui n’appartient qu’à la nuit de Noël : le silence de l’attente. Le silence de l’étable avant le cri de l’Enfant.

À l’intérieur de l’église, Hoc est enim Corpus meum fut pro­non­cé à voix basse. L’Hostie sainte fut éle­vée. Et quelque chose chan­gea chez les enfants.

Rien de spec­ta­cu­laire, rien de théâ­tral. Mais quelque chose d’indéniable.

Des visages qui, trop sou­vent, doivent apprendre à se dur­cir dans un monde rude, s’adoucirent. Des regards qui ont connu trop tôt la décep­tion s’ouvrirent, rem­plis de recon­nais­sance. Nous, les adultes, aimons dire que nous cher­chons Dieu. Mais bien sou­vent, nous ne le cher­chons qu’à nos propres condi­tions. Nous le vou­lons là où nous l’attendons : dans le gran­diose, dans le com­mode, dans l’immédiat. Or, à Noël, Dieu déjoue volon­tai­re­ment nos attentes. Il ne vient pas comme un homme fait, mais comme un Enfant, afin que nul ne soit trop effrayé pour s’approcher de Lui. Il ne vient pas dans une auberge, mais dans une étable, afin qu’aucun pécheur ne puisse jamais dire : « Il n’y a pas de place pour moi. »

Cette nuit-​là, en regar­dant les enfants age­nouillés, j’ai com­pris quelque chose que je savais pour­tant depuis tou­jours. Noël n’est pas seule­ment Dieu qui des­cend vers nous. C’est Dieu qui nous élève, qui nous fait siens. Une fête de l’adoption. Pour beau­coup de nos enfants, « la mai­son » n’est pas un lieu vers lequel la mémoire peut reve­nir. « Le père » n’est pas une voix qu’ils puissent évo­quer. Ainsi, lorsque l’Église pro­clame : Un enfant nous est né, ils entendent pour la pre­mière fois une porte qui s’ouvre. Le Ciel n’est plus une cour loin­taine réser­vée aux riches, mais une demeure pour les petits. Dieu n’est pas seule­ment Juge et Roi : Il est Père.

À Bethléem, la porte qui s’ouvre n’est pas faite de bois. C’est le Cœur de Dieu. Et une fois cette porte ouverte devant nous, elle demande silen­cieu­se­ment quelque chose en retour. Si Dieu vous a fait une place dans Sa famille, ferez-​vous une place à l’un de Ses petits ? Pensez aux plus dému­nis dans vos prières. C’est ici que votre cha­ri­té devient le pro­lon­ge­ment de cette nuit sainte. Lorsqu’un enfant apprend que quelqu’un, au loin, s’est sou­ve­nu de lui, quelque chose de dis­cret se pro­duit : le cœur se des­serre, la peur relâche son étreinte et — sans dis­cours — il com­mence à faire confiance. C’est ain­si que Dieu conti­nue de réchauf­fer l’étable : par des dons humbles, par des mains humaines. Si jamais vous crai­gnez que votre offrande soit trop modeste, souvenez-​vous de Bethléem. Le monde a été sau­vé par ce que le monde appelle petit. 

Merci d’avoir ouvert là où le monde ferme si sou­vent ses portes. Soyez assu­rés de nos prières et des saintes Messes offertes à vos inten­tions. Que l’Enfant Jésus, qui ne trou­va pas de place à l’auberge, trouve une place dans votre cœur — et que le Père, qui nous a don­né Son Fils, vous accorde la paix qui ne vient que de l’appartenance à Dieu.

Avec ma pro­fonde recon­nais­sance et ma béné­dic­tion sacerdotale.