LAB du séminaire St-​Curé-​d’Ars n° 83 – Les fruits du Saint-​Esprit, par Mgr Lefebvre

Les fruits du Saint-​Esprit, par Mgr Lefebvre

Abbé Patrick Troadec,
Directeur du séminaire

Puisque cette Lettre aux amis vous par­vien­dra aux alen­tours de la Pentecôte, je vou­drais vous livrer quelques réflexions en rap­port avec le temps litur­gique et, pour cela, je ne trouve pas de meilleure source que de recou­rir une nou­velle fois à notre véné­ré fon­da­teur, qui, ne l’ou­blions pas, avant de fon­der la Fraternité sacer­do­tale Saint-​Pie X, était supé­rieur géné­ral de la congré­ga­tion des Pères du Saint-Esprit.

Voici ce qu’il disait à ses sémi­na­ristes en 1975.

Une dévo­tion très impor­tante que nous devons avoir pour notre crois­sance spi­ri­tuelle et pour arri­ver à mettre Dieu en nous à la place qui lui revient, c’est la dévo­tion au Saint-​Esprit. Des auteurs spi­ri­tuels appellent par­fois à juste titre le Saint-​Esprit « le grand incon­nu ». Pour beau­coup, le Saint- Esprit semble presque sur­éro­ga­toire, inutile. On connaît Dieu le Père, créa­teur, on connaît Dieu le Fils, qui s’est incar­né et qui par là est plus proche de nous, d’au­tant plus qu’il se trouve pré­sent dans la sainte Eucharistie. L’Esprit-​Saint, par contre, on le défi­nit mal, on ne voit pas très bien quelle est son action, puisque nous sommes créés et rachetés.

Que peut faire encore le Saint-​Esprit ? Eh bien, en réa­li­té, tout se fait par le Saint-​Esprit. Le Père et le Fils n’a­gissent pas en dehors du Saint-​Esprit. Pourquoi ? La rai­son en est bien simple. « Dieu est cha­ri­té » (1 Jn 4, 8), nous dit saint Jean dans une de ses lettres. Donc Dieu ne peut pas agir autre­ment que par cha­ri­té, il ne peut pas se pas­ser de cette cha­ri­té qui est sa nature propre, qui est son être propre. Et cette cha­ri­té est pré­ci­sé­ment per­son­na­li­sée par le Saint-​Esprit. La per­sonne même du Saint-​Esprit est la cha­ri­té du Père envers le Fils et du Fils envers le Père. Par consé­quent, ni l’un ni l’autre ne peuvent faire quoi que ce soit si ce n’est à tra­vers leur amour, c’est-​à-​dire à tra­vers le Saint-​Esprit (1).

Ayant sou­li­gné l’im­por­tance de la dévo­tion au Saint-​Esprit, Mgr LEFEBVRE parle des fruits qu’il com­mu­nique aux âmes géné­reuses. Ces fruits du Saint-​Esprit dési­gnent des actes ver­tueux arri­vés à une cer­taine per­fec­tion et dans les­quels l’homme se délecte.

L’enseignement de saint Paul

Au-​delà des dons du Saint-​Esprit, notre orga­nisme spi­ri­tuel a reçu encore de la part de Dieu ce que les auteurs spi­ri­tuels appellent les fruits du Saint- Esprit et les béatitudes.

Saint Paul lui-​même a énu­mé­ré les fruits du Saint-​Esprit dans son épître aux Galates, au cha­pitre 5 : « Je dis donc : Marchez selon l’es­prit et vous n’ac­com­pli­rez pas les convoi­tises de la chair. Car la chair a des dési­rs contraires à ceux de l’es­prit et l’es­prit en a de contraires à ceux de la chair ; ils sont oppo­sés l’un à l’autre de telle sorte que vous ne faites pas ce que vous vou­lez. Mais si vous êtes conduits par l’Esprit, vous n’êtes plus sous la Loi. Or les œuvres de la chair sont mani­festes, ce sont impu­di­ci­té, impu­re­té, liber­ti­nage, ido­lâ­trie, malé­fices, ini­mi­tiés, conten­tions, jalou­sies, empor­te­ments, dis­putes, dis­sen­sions, sectes, envie, meurtres, ivro­gne­rie, excès de table et autres choses sem­blables. Je vous pré­viens, comme je l’ai déjà fait, que ceux qui com­mettent de telles choses n’hé­ri­te­ront pas du Royaume de Dieu. Les fruits de l’Esprit au contraire sont la cha­ri­té, la joie, la paix, la patience, la man­sué­tude, la bon­té, la fidé­li­té, la dou­ceur, la tem­pé­rance. Contre de pareils fruits, il n’y a pas de loi. Ceux qui sont à Jésus-​Christ ont cru­ci­fié leur chair avec ses pas­sions et ses convoi­tises. Si nous vivons par l’Esprit, mar­chons aus­si par l’Esprit. » (Ga 5, 16–25)

Il ne s’a­git [pas] ici des dons du Saint-​Esprit, mais déjà du résul­tat de notre union avec Notre-​Seigneur et avec son Esprit-​Saint. On dit « fruits du Saint-​Esprit » parce que nous cueillons déjà leur effet en nous. Les fruits per­mettent déjà une jouis­sance (2). Ils nous mettent dans un état de séré­ni­té, de bon­té, de dou­ceur qui fait que nous jouis­sons déjà des grâces que le bon Dieu nous donne par la grâce sanc­ti­fiante, par les ver­tus et par les dons (3).

« On juge l’arbre à ses fruits. » (D’après Mt 12, 33) On peut juger de l’Esprit-​Saint qu’ont reçu les Apôtres et les dis­ciples par les fruits du Saint- Esprit.

Quels sont ces fruits ? Saint Paul les énu­mère. Ils sont au nombre de douze (4). On peut les réunir en trois groupes.

Le pre­mier groupe com­prend la cha­ri­té, la joie et la paix. C’est déjà le Ciel ! Qu’y aura-​t-​il d’autre au Ciel ? La cha­ri­té nous uni­ra à Dieu pour l’é­ter­ni­té. Elle pro­dui­ra dans nos cœurs une joie inef­fable et une paix immor­telle. Ainsi les fruits que les dis­ciples ont goû­tés au moment de la des­cente du Saint-​Esprit sont déjà une par­ti­ci­pa­tion à l’é­ter­ni­té. Ils ont eu un contact extra­or­di­naire avec Dieu, un contact supé­rieur à celui qu’ils avaient eu jus­qu’a­lors. Ils se ren­dirent compte que Dieu est tout, qu’ils avaient tout reçu de lui et que toute leur vie devait être orien­tée vers lui. Ce contact les a conduits à un don total, défi­ni­tif. Désormais plus rien ne pour­ra les déta­cher de Dieu. Mais s’ils ont appro­ché Dieu d’une manière mys­té­rieuse, pro­fonde, extra­or­di­naire, ils sont encore res­tés sur la terre.

Et alors quels ont été les fruits du Saint-​Esprit dans cette vie ter­restre, dans les évé­ne­ments quo­ti­diens, aux prises avec les dif­fi­cul­tés, les épreuves, les doutes, les hési­ta­tions, les angoisses ? Saint Paul énu­mère ain­si ceux du deuxième groupe : la patience, la lon­ga­ni­mi­té, la bon­té, la béni­gni­té, la man­sué­tude. Voilà les fruits de l’es­pé­rance. Les Apôtres ont eu les yeux fixés au Ciel, fixés sur Dieu, sur le bon­heur éter­nel qu’ils atten­daient à pré­sent avec un espoir pro­fond. « En vous, Seigneur, j’ai pla­cé mon espoir, je ne serai pas confon­du. » (Ps 70, 1) C’est bien ce qu’ils devaient se dire. Désormais les choses de la terre leur appa­rais­saient sous un autre jour. Ils n’y étaient plus atta­chés. Dans les dif­fi­cul­tés, dans les souf­frances, dans les angoisses, ils mani­fes­taient ces dis­po­si­tions de patience, de dou­ceur, de lon­ga­ni­mi­té. Et n’estce pas ce visage de dou­ceur, de bon­té, de patience, de lon­ga­ni­mi­té que l’on ren­contre chez les vrais catho­liques dans les épreuves, dans les dif­fi­cul­tés, dans les sou­cis quotidiens ?

Mais ils n’é­taient pas néces­sai­re­ment deve­nus des saints. Des ten­ta­tions les guet­taient encore. Il y a la ten­ta­tion de l’or­gueil humain qui ne veut pas se sou­mettre aux mys­tères que le bon Dieu nous révèle. C’est une épreuve très dure pour notre intel­li­gence, pour notre rai­son, une épreuve d’hu­mi­li­té. Et puis il y a l’or­gueil de la chair. Cette chair veut tou­jours se révol­ter contre l’es­prit, veut satis­faire ses dési­rs désor­don­nés, sa volup­té, son intem­pé­rance. Alors quels seront les fruits de l’Esprit-​Saint [pour sur­mon­ter ces ten­ta­tions] ? Devant cet orgueil, devant cette révolte qui couve tou­jours dans nos âmes, les fruits du Saint-​Esprit seront la foi (5) et la modestie.

La foi et la modes­tie s’u­nissent par­fai­te­ment. Nous devons faire preuve de modes­tie dans notre rai­son pour nous sou­mettre à la foi. Nous sommes de petites intel­li­gences, nous sommes au bas de l’é­chelle des esprits. Si les anges sont sou­mis à l’in­tel­li­gence de Dieu et à la véri­té que Dieu leur enseigne, com­ment nous, pauvres humains, ne le serions-​nous pas ? Nous devons être modestes devant Dieu qui nous révèle ses grandes véri­tés, ses grands mys­tères : mys­tère de la Trinité, mys­tère de l’Incarnation, de la Rédemption et mys­tères aux­quels nous sommes confron­tés rien que dans la nature, dans la créa­tion. Eh bien, notre esprit doit se sou­mettre à la véri­té de Dieu et à la volon­té de Dieu. Voilà les fruits du Saint-​Esprit en nous : la foi, la modestie.

Et puis enfin, avec la foi et la modes­tie, la conti­nence et la chas­te­té forment le der­nier groupe des fruits du Saint-​Esprit. Elles modèrent les dési­rs désor­don­nés de la chair qui veut se révol­ter contre l’esprit.

Voyez com­ment saint Paul, en décri­vant les fruits de l’Esprit, nous donne une image admi­rable de ce que sont deve­nus les Apôtres en quelques ins­tants le jour de la Pentecôte (6).

Les fruits du Saint-​Esprit en nous

Nous aus­si, nous avons été asso­ciés en quelque sorte aux Apôtres qui se trou­vaient dans le Cénacle au moment de notre bap­tême et à celui de notre confir­ma­tion, sacre­ment qui n’est que le com­plé­ment de l’ef­fu­sion du Saint- Esprit reçu au bap­tême. Nous avons vrai­ment reçu l’Esprit-Saint.

En avons-​nous reçu les fruits ? Examinons-​nous. Avons-​nous conscience d’a­voir Dieu en nous ? Avons-​nous conscience de la cha­ri­té de Dieu envers nous, cha­ri­té que décrit saint Paul dans sa magni­fique épître aux Éphésiens, où il parle de la hau­teur, de la pro­fon­deur, de l’im­men­si­té de la cha­ri­té de Dieu ? (Ep 3, 18–19) Est-​ce que nous vivons vrai­ment près de Dieu ? Par consé­quent, est-​ce que nous par­ta­geons la paix et la joie de Dieu par la pré­sence du Saint-​Esprit en nous ?

Est-​ce que nous par­ti­ci­pons aus­si aux fruits qui nous sont don­nés pour mar­cher vers notre éter­ni­té, au milieu des dif­fi­cul­tés, des ten­ta­tions, des attraits du péché dans ce monde cor­rom­pu ? Est-​ce que nous vivons vrai­ment des fruits du Saint-​Esprit que sont la patience, la lon­ga­ni­mi­té, la bon­té, la dou­ceur ? Combien il nous est bon de nous rap­pe­ler ces choses ! Tous les jours, peut-​être, nous avons à pra­ti­quer ces ver­tus. Nous souf­frons aujourd’­hui dans l’Église et par l’Église. Est-​ce que nous sommes dans ces dis­po­si­tions de patience, de dou­ceur, de man­sué­tude dans les épreuves per­mises par Dieu, même de la part de nos frères ? Ou bien est-​ce que nous nous révol­tons ? Est-​ce que nous nous oppo­sons à la volon­té de Dieu ?

Et puis, est-​ce que nous réa­li­sons vrai­ment, dans notre vie cette humi­li­té de l’in­tel­li­gence ? « Ramener tous les esprits à l’o­béis­sance à Notre Seigneur Jésus-​Christ » (2 Co 10, 5), voi­là la devise que nous donne saint Paul. Il s’a­git de sou­mettre notre intel­li­gence qui vou­drait se révol­ter, cette Raison qui s’est fait ado­rer au moment de la Révolution fran­çaise, contre la volon­té de Dieu. Contre la foi qui demande à la rai­son de se plier, et d’o­béir, et d’ac­cep­ter la Révélation et les com­man­de­ments de Dieu, l’homme se dresse dans son orgueil et il adore sa raison.

Enfin faisons-​nous ce que nous pou­vons pour que les fruits du Saint-​Esprit nous aident à modé­rer les dési­rs de notre chair, qui elle aus­si veut se révol­ter, qui elle aus­si vou­drait ne pas obéir aux com­man­de­ments de Dieu ? Est-​ce que les dons du Saint-​Esprit agissent en nous de telle sorte que nous pra­ti­quions la ver­tu de tempérance ?

Demandons tous ces fruits à l’Esprit-​Saint, afin que désor­mais nous vivions vrai­ment en catho­liques (7).

Puissent ces paroles si pro­fondes de Mgr LEFEBVRE nous inci­ter à mani­fes­ter dans notre vie ces si bons fruits que l’Esprit-​Saint désire nous communiquer.

Abbé Patrick Troadec, Directeur,

Le 24 mai 2014, en la fête de Notre-​Dame auxiliatrice

Notes

1 – Retraite pas­cale, Écône, 6e confé­rence, mars 1975.
2 – Somme théo­lo­gique, I‑II, q. 70, a. 1.
3 – Retraite pas­cale, Écône, 25 mars 1975.
4 – Somme théo­lo­gique, I‑II, q. 70, a. 3.
5 – Selon saint Thomas d’Aquin, la foi en tant que fruit du Saint-​Esprit peut dési­gner aus­si bien la ver­tu de foi que la fidé­li­té (Somme théo­lo­gique, I‑II, q. 70, a. 3).
6 – Homélie, Écône, 18 mai 1986.
7 – Homélie, Écône, 18 mai 1986.

Bon de com­mande du livret Le Carême au jour le jour

166 pages, au prix de 10 € (port com­pris), valable jus­qu’au 15 mars, à envoyer au : Séminaire Saint-​Curé d’Ars – 21 150 Flavigny–sur-Ozerain.

Dédicace au nom de : .….….….….….….….….….….….….….….…. à adres­ser à :
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Chèque à l’ordre du Séminaire Saint-​Curé d’Ars.

Chronique du séminaire Saint-​Curé-​d’Ars de Flavigny de janvier à mai 2014

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