Éloge de la charité par Mgr Lefebvre
Abbé Patrick Troadec,
Directeur du séminaire
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Éloge de la charité par Mgr Lefebvre
Mgr Lefebvre avait choisi comme devise épiscopale : Credidimus caritati, nous avons cru à la charité. Voilà pourquoi il n’y a pas de vertu qu’il a cherché à transmettre davantage que la charité. Cette Lettre aux Amis en présente une synthèse à partir de textes et d’allocutions datant de 1945 à 1990.
La charité en Dieu
On peut, dans une certaine mesure, comprendre ou avoir une petite idée de ce qu’est la Trinité par la charité. Saint Thomas définit la charité diffusiva sui, c’est-à-dire que la charité se donne. Le Père se donne entièrement au Fils au point que son Fils est égal à lui-même. Il n’y a rien que le Père ait qu’il se réserve à lui-même avec un certain égoïsme. De toute éternité, le Père se transmet entièrement. Tout son être infini, toutes ses vertus infinies, sa toute-puissance, il les transmet au Fils de telle manière que le Fils lui est égal.
Par conséquent, imaginez ce que peut être la charité du Père pour son Fils. Il ne s’est rien réservé pour lui-même bien qu’il eût pu dire : « Oui, je veux bien engendrer mon Fils, mais il y a quand même quelque chose que je veux me réserver comme Père. » Il ne s’est rien réservé puisque le Fils lui est égal.
Et le Fils et le Père, se donnant l’un à l’autre, produisent la personne du Saint-Esprit, qui elle aussi est égale au Père et au Fils. C’est le don d’euxmêmes qui constitue la troisième personne, qui est le Saint-Esprit.
Cette circuminsession (1) de toute la substance du Père qui passe au Fils et du Fils au Saint-Esprit constitue cette charité immense qui est le modèle de toutes les créatures.
La charité, qui jette quelques lumières sur la Sainte Trinité, en jette aussi sur le Christ. La charité, c’est toute la mission du Christ sur la terre.
Pourquoi Dieu le Père a‑t-il envoyé son Fils sur la terre ? Pourquoi a‑t-il demandé au Verbe de s’incarner ? C’est pour nous racheter, bien sûr, c’est le premier motif, mais c’est aussi pour se faire connaître à nous d’une manière plus directe, plus sensible, plus adaptée à nous. (…) La charité de Dieu s’est manifestée parmi nous en ceci : « Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde afin que nous vivions par lui. » (1 Jn 4, 8–9) (2)
La charité dans les créatures
La charité est à la fois la clé du mystère de Dieu, si on peut trouver une clé de ce mystère, et aussi celle du mystère de notre vie. Parce que nous sommes faits à l’image de Dieu, nous ne pouvons pas avoir d’autre tendance, d’autre désir que celui d’aimer. Nous sommes nés avec ce désir d’aimer Dieu et notre prochain.
Si Dieu est charité, que peut-il faire d’autre que de diffuser la charité qui est en lui ? Non seulement à l’intérieur même de la Trinité, dans les opérations ad intra, mais aussi dans les opérations ad extra, que sont la création, l’Incarnation, la Rédemption. Cela ne peut être que l’expression de la charité.
Toutes les créatures peuvent se définir par la charité. Vous me direz : Mais pas les créatures qui ne sont pas spirituelles. Je dirai : Si ! Elles ne peuvent pas se définir par la charité en tant que telle, mais par une image de la charité.
Les animaux en suivant leur instinct se donnent. Voyez les oiseaux qui vont chercher la nourriture pour leurs petits, et qui se reproduisent… Voyez la sève qui se transmet dans les feuilles, les feuilles qui donnent les fleurs, les fleurs qui donnent les fruits, les fruits qui retombent à terre… C’est aussi une image de la charité. Prenez même les lois des êtres purement matériels, comme la loi de l’attraction par exemple, eh bien, l’attraction est comme un appel, qui est encore une certaine image de la charité. Ainsi toute créature a une fin, toute créature a des lois qui sont comme une expression de la loi d’amour, de la loi de la charité. Il y a un élan de charité qui est donné dans la nature entière.
Évidemment il n’y a aucune comparaison entre cette image de la charité et la charité spirituelle qui, elle, est un élan conscient, voulu, d’amour et d’union avec le bon Dieu et avec les autres. On peut donc retrouver vraiment la trace de la définition de Dieu dans absolument toutes les créatures.
Il est donc impossible que les créatures spirituelles, qui sont créées à son image, n’aient pas été créées dans l’intention qu’elles deviennent elles aussi charité.
Donc si nous voulons vraiment ressembler à la très Sainte Trinité, si nous voulons être le plus proches de la Sainte Trinité, nous y parviendrons dans la mesure où nous serons charitables, dans la mesure où nous serons nous aussi charité. C’est évident, c’est simple, et c’est tout un programme ! C’est pourquoi notre loi fondamentale, essentielle, est une loi de charité. C’est la loi que le bon Dieu a inscrite dans notre nature. C’est bien ce qu’a dit Notre- Seigneur : « Tous les commandements se résument en deux : aimer Dieu, aimer son prochain. » (D’après Mt 22, 38–40) C’est cela, la charité. Dans la mesure où nous accomplissons cette loi de charité qui est en nous, nous ressemblons à la Sainte Trinité, qui est charité.
Dieu ne nous a pas dit : Faites ce que vous voulez. Il nous a dit : Votre loi, c’est d’aimer Dieu et le prochain. Voilà votre loi, qui résume tous les préceptes. Je vous ai créés pour que vous suiviez cette loi de charité qui est en vous… Le bon Dieu nous demande de mettre en application cette loi pour que nous y trouvions notre bonheur, comme les animaux trouvent leur bonheur dans l’application de leur loi et de leur instinct.
Ne nous imaginons pas que la spiritualité chrétienne est faite d’impératifs catégoriques qui n’ont de raison d’être qu’une loi positive voulue par l’Église, sans autre explication qu’un commandement. Dieu n’agit pas par humeur ou caprice. De toute éternité, tout est prévu et tout provient de lui avec une inéluctable charité, libre, certes, mais immuable. Une fois bien établie la nature de notre volonté et de la charité qui réside en la volonté, telle que le bon Dieu l’a voulue, toute la spiritualité s’épanouit logiquement et il devient facile de comprendre qu’il y a, à vrai dire, une seule façon d’être, une seule attitude de l’âme vis-à-vis de Dieu, c’est la charité (3).
La vertu par excellence
Si vous recherchez en quoi consiste la perfection, prenez les livres, en particulier, du Père Garrigou-Lagrange (4). Le Père Garrigou-Lagrange vous dira que la perfection consiste dans la charité.
La charité est vraiment ce qu’il y a de plus divin ! Mais encore faut-il bien la comprendre. Il ne faut pas que ce soit une espèce de sentimentalisme. Dieu sait si on parle de l’amour aujourd’hui, n’est-ce pas ? Mais on dégrade cet amour.
La charité dépasse ce que peut par sa seule nature notre puissance volontaire. Saint Thomas dit qu” « il faut que la volonté soit mue par le Saint- Esprit de telle sorte qu’elle produise cet acte d’amour qu’est la charité (5) ».
Le dynamisme de la charité disposé en nous n’est autre que le souffle de l’Esprit-Saint, lorsque ce dynamisme est bien orienté vers la vraie fin. Alors toutes les facultés corporelles et spirituelles s’épanouissent sous l’influence divine de la loi et de la grâce. Les diverses facultés acquièrent des habitus qu’on appelle des vertus. Les hommes deviennent vertueux à l’image de Notre-Seigneur et de la Vierge Marie. Les hommes se sanctifient et imprègnent toutes leurs pensées et leurs actions de l’esprit de foi et de charité (6).
Les exigences de la charité
Si nous voulons être charité, il ne faut rien retenir pour nous-mêmes. La charité n’a pas de mesure, de même que la foi et l’espérance n’ont pas de mesure. Dès qu’on parle de mesure pour la charité, par le fait même on retient quelque chose, c’est comme un flot qu’on veut retenir, qu’on veut limiter alors qu’il est fait pour se donner tout entier. Tout égoïste qui retient quelque chose limite la charité.
La charité est exigeante ! Quand saint Augustin dit : « aime et fais ce que tu veux (7) », le terme aime sous-entend qu’on ne fait que la volonté de celui que l’on aime.
Alors, efforçons-nous de méditer sur la progression de notre charité. Où en sommes-nous ? Sommes-nous toujours des débutants ? Sommes-nous des progressants ? Sommes-nous des parfaits ? À nous de nous demander quels sont les efforts que nous avons à faire pour nous unir toujours davantage à Dieu.
[Faisons nôtre cette prière de] saint Thomas d’Aquin : « Bonté suprême, ô Jésus, je vous demande un cœur épris de vous, qu’aucun spectacle, aucun bruit ne puisse distraire, un cœur fidèle et fier qui ne chancelle, qui ne descende jamais, un cœur indomptable, toujours prêt à lutter après chaque tempête, un cœur libre, jamais séduit, jamais esclave, un cœur droit, qu’on ne retrouve jamais dans les voies tortueuses. » (8)
Voilà, chers fidèles, des pensées bien encourageantes pour avancer dans la vertu.
Abbé Patrick Troadec, Directeur,
Le 31 janvier 2014, en la fête de saint Jean Bosco
Notes
1 – La circuminsession décrit l’attraction mystérieuse par laquelle les trois personnes divines sont portées l’une vers l’autre, vont l’une à l’autre.
2 – Retraites, 18 septembre 78 et 26 septembre 84 ; conférences spirituelles, 1945, 6 juin 74 et 3 novembre 80.
3 – Conférences spirituelles, 1945, 6 juin 74, 13 février 78 et 3 novembre 80.
4 – Perfection chrétienne et contemplation, Éditions de La Vie Spirituelle, Tome I, art. II, p. 151.
5 – Somme théologique, II-II, q. 23, a. 2.
6 – Conférences spirituelles, 1945, 6 juin 74 et 3 novembre 80 ; Itinéraire spirituel, Écône, 1990, p. 38–39.
7 – 1ère Épître de saint Jean, Tr. 7, n° 8 ; P.L., XXXV, col. 2033.
8 – Conférences spirituelles, 1945, 6 juin 74 et 6 avril 81.
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