Donné à Rome près Saint-Pierre, l’an du Seigneur mil neuf cent vingt-cinq,
le dix-septième jour du mois de mai, de Notre Pontificat l’an quatrièmePie évêque, serviteur des serviteurs de Dieu,
Pour perpétuelle mémoire
C’est avec les sentiments d’une joie véhémente et de la plus vive allégresse qu’en ce jour, et au cours de cette année de miséricorde, Nous, qui avons mis au nombre des Vierges Bienheureuses la jeune Thérèse de l’Enfant-Jésus, moniale de l’ordre des carmélites déchaussées, et l’avons proposée aux Fils très aimés de l’Eglise, comme un très aimable modèle, Nous célébrons, au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, des Saints Apôtres Pierre et Paul et de Notre propre autorité, sa solennelle canonisation.
Cette Vierge véritablement sage et prudente parcourut la voie du Seigneur dans la simplicité et l’ingénuité de son âme, et, consommée en peu de temps, a fourni une longue carrière. Encore dans la fleur de sa jeunesse, elle s’envola au Ciel, appelée à recevoir la couronne que l’Epoux céleste lui avait préparée pour l’éternité. Connue de peu de personnes pendant sa vie, aussitôt après sa mort précieuse, elle étonna l’Univers chrétien du bruit de sa renommée et des miracles innombrables obtenus de Dieu par son intercession. Comme elle l’avait prédit avant sa mort, elle semblait répandre sur la terre une pluie de roses. C’est à cause de ces merveilles que l’Eglise décida de lui accorder les honneurs réservés aux saints, sans attendre les délais ordinaires et fixés.
Elle naquit à Alençon, ville du diocèse de Séez, le deux janvier mil huit cent soixante-treize, de parents honorables : Louis-Stanislas Martin, et Marie-Zélie Guérin, remarquables par leur singulière et fervente piété. Le quatre du même mois, elle reçut le baptême avec les noms de Marie-Françoise-Thérèse.
Agée de quatre ans et sept mois, à sa douleur immense, sa mère lui fut ravie et la joie s’éteignit dans son cœur. Son éducation fut alors confiée à ses deux sœurs aînées Marie et Pauline, auxquelles elle s’efforça d’être parfaitement soumise, et elle vécut sous la garde assidue et vigilante de son père très aimé. A leur école, Thérèse s’élança comme un géant dans la voie de la perfection. Dès ses plus jeunes années, elle faisait ses délices de parler souvent de Dieu, et vivait dans la pensée constante de n’attrister l’Enfant Jésus en quoi que ce soit.
Ayant conçu, par une prévenance du divin Esprit, le désir de mener une vie toute sainte, elle prit la ferme résolution de ne jamais refuser à Dieu rien de ce qu’il paraîtrait lui demander, et y demeura fidèle jusqu’à la mort.
Quand elle eut atteint sa neuvième année, on la confia pour son instruction aux religieuses du monastère de l’Ordre de Saint-Benoît, à Lisieux. Elle y passait la journée entière pour assister aux leçons, et le soir revenait à la maison. Si elle cédait en âge à ses compagnes du pensionnat, elle les dépassait toutes en progrès et en piété. Elle apprenait les mystères de la religion avec tant de zèle et de pénétration, que l’aumônier de la communauté l’appelait « la théologienne » ou le « petit Docteur ». Dès ce temps-là, elle apprit de mémoire et en entier le livre de l’Imitation de Jésus-Christ, et l’Ecriture sainte lui devint si familière que, dans ses écrits, elle la cite souvent avec autorité.
Une mystérieuse et grave maladie la fit beaucoup souffrir. Elle en fut miraculeusement délivrée, ainsi qu’elle-même l’a raconté, par le secours de la Bienheureuse Vierge Marie qui lui apparut souriante, au cours d’une neuvaine où elle était invoquée sous son titre de Notre-Dame des Victoires. Alors, pleine d’une angélique ferveur, elle mit tous ses soins à se préparer au banquet sacré où le Christ se donne en nourriture.
Dès qu’elle eut goûté au Pain Eucharistique, elle éprouva une faim insatiable de cet aliment céleste. Aussi, comme inspirée, elle priait Jésus, en qui elle trouvait ses délices, de « changer pour elle en amertume toutes les consolations humaines ». Dès lors, toute brûlante d’amour pour le Christ et pour l’Eglise Catholique, elle n’eut bientôt de plus grand désir que d’entrer dans l’ordre des carmélites déchaussées, afin, par son immolation et ses continuels sacrifices, « d’aider les prêtres, les missionnaires, toute l’Eglise », et de gagner à Jésus-Christ des âmes sans nombre, comme, près de mourir, elle promit de continuer à le faire auprès de Dieu.
Au cours de sa quinzième année, elle éprouva de grandes difficultés, de la part de l’autorité ecclésiastique, pour embrasser la vie religieuse, à cause de sa grande jeunesse. Elle les surmonta cependant avec une force d’âme incroyable, et, malgré sa timidité naturelle, elle exposa son désir à Notre Prédécesseur Léon XIII, d’heureuse mémoire, lequel, cependant, remit la chose à la décision des supérieurs. Frustrée dans son espoir, Thérèse en conçut une grande douleur, mais elle acquiesça pleinement à la volonté divine.
Après cette dure épreuve de sa patience et de sa vocation, le neuf avril de l’année mil huit cent quatre-vingt-huit, elle entra enfin, avec l’approbation de son évêque et dans toute la joie de son âme, au monastère du carmel de Lisieux.
Là, Dieu opéra d’admirables ascensions dans le cœur de Thérèse, qui, imitant la vie cachée de la Vierge Marie à Nazareth, produisit, comme un jardin fertile, les fleurs de toutes les vertus, surtout d’un amour brûlant pour Dieu, et d’une éminente charité pour le prochain, car elle avait parfaitement compris ce précepte du Seigneur : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. »
Dans son désir de plaire le plus possible à Jésus-Christ, et ayant lu et médité cette invitation de la Sainte Ecriture : « Si quelqu’un est tout petit qu’il vienne à moi », elle résolut de devenir petite selon l’esprit, et, en conséquence, avec la plus filiale et la plus entière confiance, elle se livra pour toujours à Dieu comme au Père le plus aimé. Cette voie de l’enfance spirituelle, selon la doctrine de l’Evangile, elle l’enseigna aux autres, spécialement aux novices, dont ses supérieures lui avaient confié la formation aux vertus religieuses ; et ensuite, par ses écrits pleins de zèle apostolique, elle enseigna, avec un saint enthousiasme, à un monde enflé d’orgueil, n’aimant que la vanité et recherchant le mensonge, la voie de la simplicité évangélique.
Son divin Epoux Jésus l’enflamma encore du désir de la souffrance du corps et de l’âme. Considérant, de plus, avec une profonde douleur, combien l’amour de Dieu est méconnu et rejeté, – deux ans avant sa précieuse mort, – elle s’offrit spontanément en victime à son « amour miséricordieux ». Elle fut alors, selon qu’il est rapporté, blessée d’un trait de feu céleste. Enfin, consumée d’amour, ravie en extase, et répétant avec une ferveur extrême : « mon Diue, je vous aime », elle s’envola joyeuse vers son Epoux, le trente septembre de l’an mil huit cent quatre-vingt-dix-sept, à l’âge de vingt-quatre ans, méritant ainsi l’éloge si connu – déjà précité – du Livre de la Sagesse « consommée en peu de temps, elle a fourni une longue carrière ».
Inhumée au cimetière de Lisieux, avec les honneurs convenables, elle commença aussitôt à être célèbre dans l’univers entier et son sépulcre devint glorieux.
La promesse qu’elle avait formulée avant de mourir de « faire tomber sur la terre une pluie de roses » – c’est-à-dire de grâces, – à peine montée au Ciel, elle la réalisa à la lettre par d’innombrables miracles, et elle la réalise encore de nos jours. Cette insigne servante de Dieu qui, durant sa vie, s’était acquis la sympathie de tous ceux qui l’approchaient, a vu, depuis sa mort, ce sentiment prendre une force et une extension prodigieuses.
Emus d’un tel renom de sainteté, un grand nombre de cardinaux de la sainte Eglise romaine, des patriarches, archevêques et évêques, de France en particulier, beaucoup aussi de vicaires apostoliques, de supérieurs de congrégations, d’abbés de monastères et de supérieures de religieuses, adressèrent à notre prédécesseur, Pie X, de sainte mémoire, des Lettres postulatoires pour obtenir l’Introduction de la cause de la sœur Thérèse de l’Enfant-Jésus, les accompagnant de beaucoup d’instances et de témoignages.
Ce pontife les accueillit très favorablement, et, le neuf juin de l’an mil neuf cent quatorze, il signa, de sa propre main, la commission de lintroduction de la cause, confiée au très diligent postulateur général de l’ordre des carmes déchaussés, le R.P. Rodrigue de Saint-François de Paule.
Toutes les phases du procès ayant été parcourues selon les règles, et la question de l’héroïcité des vertus examinée, la congrégation générale se tint, le deux août mil neuf cent vingt et un, en présence du pape Benoît XV, notre prédécesseur, d’heureuse mémoire. Le très éminent et très révérend cardinal Antoine Vico, ponent de la cause, y proposa à la discussion le doute suivant : « Est-il certain que les vertus théologales de foi, d’espérance et de charité envers Dieu et le prochain, ainsi que les vertus cardinales de prudence, de justice, de force et de tempérance, et les vertus annexes, ont été pratiquées à un degré héroïque par la servante de Dieu Thérèse de l’Enfant-Jésus, dans le cas et pour l’effet dont il s’agit ? » Tous les cardinaux de la sainte église romaine présents et les pères consulteurs, donnèrent chacun leur sentiment. Le même pontife, les ayant écoutés avec bienveillance, réserva cependant son suprême jugement, voulant d’abord implorer de Dieu une plus grande lumière dans une chose de tant d’importance.
La veille de la fête de l’assomption de la Bienheureuse Vierge Marie, notre prédécesseur manifesta enfin sa décision et prononça solennellement :
« Il est certain que les vertus théologales de foi, d’espérance et de charité, envers Dieu et le prochain, ainsi que les vertus cardinales de prudence, de justice, de force et de tempérance et les vertus annexes, ont été pratiquées par la vénérable servante de Dieu, Thérèse de l’Enfant-Jésus et à un degré héroïque. »
II ordonna d’en publier le décret, de l’insérer parmi les actes de la sacrée congrégation des rites sous la date du quatorze août mil neuf cent vingt et un.
Cette Cause avait une marche si rapide et si heureuse, accompagnée de tant d’allégresse, que deux miracles furent aussitôt proposés à l’examen, choisis entre une multitude de divers prodiges que l’on disait avoir été obtenus dans tout l’Univers chrétien, par l’intercession puissante de la vénérable Thérèse. Le premier concerne la sœur Louise de Saint-Germain, de la congrégation des Filles de la Croix, souffrant d’une maladie organique, à savoir : d’une lésion anatomique et pathologique, c’est-à-dire d’un ulcère très grave de l’estomac, de forme hémorragique. Après avoir imploré l’intercession auprès de Dieu de la vénérable Thérèse de l’Enfant-Jésus, la malade recouvra une parfaite santé, comme trois éminents médecins le reconnurent unanimement, ayant chacun donné son sentiment, par écrit, à la demande de la Sacrée Congrégation des Rites. Le second miracle, assez semblable au premier, est la guérison du jeune séminariste, Charles Anne, malade de tuberculose pulmonaire hémoptysique en période cavitaire. Il invoqua avec confiance l’aide de la servante de Dieu et guérit parfaitement, comme cela résulte avec évidence des conclusions de trois médecins et de la série d’arguments sur lesquels se basait leur décision.
Aussi tous ceux qui étaient appelés à donner leur sentiment furent en mesure, après avoir mûrement pesé toutes choses, de formuler un jugement certain et indubitable sur la question soumise à l’examen. Après donc les deux congrégations anté-préparatoire et préparatoire, vint la congrégation générale, le trente janvier mil neuf cent vingt-trois, dans laquelle fut discuté, en Notre présence, le doute suivant : « Y a‑t-il certitude de miracles, et de quels miracles, dans le cas et pour l’effet dont il s’agit ? » Les cardinaux de la sainte église romaine présents, et les pères consulteurs exposèrent, chacun à leur tour, leur manière de voir. Après les avoir écoutés avec attention, Nous avons cru pouvoir suspendre notre décision, suivant l’usage, pour obtenir, en une chose si grave, un secours plus abondant du père des lumières.
Enfin, le dimanche de la quinquagésime, fête de l’apparition de l’Immaculée Vierge Marie, à Lourdes, et veille du premier anniversaire de notre couronnement, nous avons voulu, en ce jour doublement heureux, manifester notre décision ; et, en présence de l’éminentissime cardinal Antoine Vico, Evêque de Porto et de Sainte-Rufine, préfet de la sacrée congrégation des rites et ponent de la cause, ainsi que des autres dignitaires de cette congrégation, nous avons déclaré solennellement : « II y a certitude de miracle dans les deux cas proposés, à savoir : la guérison instantanée et parfaite de la Sœur Louise de Saint-Germain, de la Congrégation des Filles de la Croix, d’un très grave ulcère de l’estomac, de forme hémorragique, et la guérison instantanée et parfaite du séminariste Charles Anne, d’une tuberculose pulmonaire hémoptysique en période cavitaire. » Et nous avons donné ordre d’en publier le décret et de l’insérer dans les Actes de la Sacrée Congrégation, le onze février de l’an mil neuf cent vingt-trois.
Peu de temps après, c’est-à-dire le six mars de la même année, dans une réunion générale de la même congrégation, le même cardinal-Ponent de la cause proposa, en notre présence, la question suivante : « Etant donné la reconnaissance des vertus et des deux miracles, peut-on, en toute sûreté, procéder à la solennelle béatification de la vénérable servante de Dieu, sœur Thérèse de l’Enfant-Jésus ? » Tous les assistants répondirent d’une même voix : « on le peut en toutte sûreté. »
Pour prononcer cependant notre jugement définitif, nous avons choisi le jour heureux de la Fête du saint patriarche Joseph, illustre époux de la Bienheureuse Vierge Marie et patron de l’église universelle, et nous avons solennellement déclaré :
« On peut, en toute sûreté, procéder à la b éatification de la vénérable servante de Dieu, sœur Thérèse de l’Enfant-Jésus. »
Et nous avons ordonné d’en publier le décret et de l’insérer dans les actes de la sacrée congrégation des rites, à la date du dix-neuf mars mil neuf cent vingt-trois, et d’expédier des lettres apostoliques, en forme de Bref, pour la célébration des cérémonies de la béatification dans la basilique vaticane.
Ces solennités de la béatification furent célébrées dans la basilique patriarcale de Saint-Pierre, prince des apôtres, le vingt-neuf avril suivant, avec un grand concours de clergé et de peuple et dans l’effusion de la joie universelle.
Sur le récit de nouveaux prodiges de la bienheureuse Thérèse de l’Enfant-Jésus, nous avons ordonné à sa sacrée congrégation des rites, le vingt-cinq juillet de l’an mil neuf cent vingt-trois, de reprendre la cause de cette même bienheureuse. Deux miracles ayant été proposés à son examen, les procès instruits et les témoins entendus, la sacrée congrégation rendit ce décret : « On est assuré de la validité des procès accomplis, par l’autorité apostolique, dans les diocèses de Parme et de Malines, au sujet de miracles attribués à l’intercession de la bienheureuse Thérèse qui avait été sollicitée, dans le cas et pour l’effet dont il s’agit. » Ce décret a été ratifié et confirmé par dous, le onze juin de l’an mil neuf cent vingt-quatre.
Les deux miracles proposés à la discussion étaient les suivants : le premier est la guérison de Gabrielle Trimusi, le second, la guérison de Maria Pellemans.
Gabrielle, entrée à vingt-trois ans dans la congrégation des « Pauvres Filles des Sacrés-Cœurs », dont la maison-mère est dans la ville de Parme, commença à souffrir du genou gauche en mil neuf cent treize. Employée aux travaux domestiques, elle avait coutume de briser sur son genou, à la force de son bras, le bois à brûler. La répétition de cet acte finit par produire, sans qu’elle s’en aperçût, une lésion à la jointure, qui dégénéra en affection tuberculeuse. Elle n’éprouva d’abord qu’une sensation de douleur sourde, puis vinrent un tremblement du genou, la perte de l’appétit et l’amaigrissement de la malade.
Deux médecins appelés visitèrent la sœur et ordonnèrent des remèdes, mais sans aucun succès, si bien qu’au bout de trois ans, elle fut envoyée à Milan où l’on employa l’héliothérapie, les bains, les vésicatoires, les injections et autres choses semblables, sans aucun résultat ; au contraire, au bout de quatre ans, l’épine dorsale était atteinte à son tour. La sœur Gabrielle revint à Parme où plusieurs médecins qui la visitèrent reconnurent une lésion de nature tuberculeuse, et ordonnèrent des remèdes généraux. Le médecin ordinaire de la communauté, constatant que l’état de l’épine dorsale allait aussi en empirant, conseilla de conduire la malade à l’hôpital. En attendant, il effectua l’examen radioscopique du genou malade et constata une périostite du sommet du tibia. Reçue à l’hôpital, elle fut de nouveau soumise à l’application des rayons X. Pendant ce séjour à l’hôpital de Milan, atteinte de la grippe, dite espagnole, elle éprouva dans la partie dorsale de la colonne vertébrale de nouvelles douleurs qui allèrent toujours en augmentant.
Comme tous les remèdes restaient inutiles, un ecclésiastique qui la visitait conseilla, le treize juin mil neuf cent vingt-trois, de faire une neuvaine en l’honneur de la Bienheureuse Thérèse de l’Enfant-Jésus, devant une petite image où était aussi imprimée une prière à la Bienheureuse.
La malade s’y unit, plus préoccupée de la santé des autres sœurs que de la sienne propre. Comme le dernier jour de cette neuvaine coïncidait avec la clôture d’un triduum solennel, célébré en l’honneur de la bienheureuse dans l’église des carmes, toute proche du couvent, quelques-unes des sœurs, et la malade elle-même, demandèrent la permission d’y aller. Au retour, après avoir parcouru cette courte distance d’un pas lent et très douloureux, la sœur Trimusi entra dans la chapelle de la communauté où les autres sœurs étaient réunies, comme de coutume. La supérieure exhorta la malade à prier avec confiance, et lui enjoignit de regagner sa place. Chose merveilleuse ! l’infirme, inconsciemment, se mit à genoux sans ressentir aucune douleur et, sans plus de difficulté que s’il avait été parfaitement sain, resta ainsi, reposant sur son genou malade, et ne s’apercevant pas de cette merveille, parce que son attention était absorbée par les douleurs dorsales qui, à ce moment, la tourmentaient plus cruellement. Elle alla au réfectoire avec les sœurs. Le repas fini, elle monte l’escalier avec lenteur, entre dans la première chambre qu’elle rencontre, enlève son appareil et crie à haute voix : « Je suis guérie ! Je suis guérie ! »
Aussitôt, elle reprit les emplois et les travaux de sa condition et les exercices de la vie religieuse, sans aucune souffrance, ni fatigue, rendant grâce à Dieu du miracle opéré par l’intercession de la bienheureuse Thérèse de l’Enfant-Jésus.
Les médecins, désignés par la sacrée congrégation, discutèrent longuement cette guérison, et statuèrent que la lésion du genou était une arthrosynovite chronique, et celle de l’épine dorsale, une spondylite également chronique. Ces deux lésions organiques, rebelles à tous les remèdes, ont cédé à la toute-puissance de Dieu, et sœur Gabrielle a recouvré par miracle la santé, et y a persévéré.
L’histoire du second miracle, telle que l’a racontée Maria Pellemans qui en fut favorisée, est plus courte. Au mois d’octobre mil neuf cent neuf, elle était malade d’une tuberculose pulmonaire bien constatée ; puis se déclarèrent une entérite et une gastrite, également de nature tuberculeuse. Elle reçut les soins des médecins, d’abord chez elle, puis dans un sanatorium appelé « La Hulpe ». Revenue à sa maison, elle entreprit, au mois d’août mil neuf cent vingt, un pèlerinage au sanctuaire de Lourdes, dans l’espoir d’obtenir sa guérison, mais ce fut sans succès. Au mois de mars mil neuf cent vingt-trois, elle se joignit à un groupe de pèlerins qui visitaient le Carmel de Lisieux, et, sur le tombeau de la bienheureuse Thérèse de l’Enfant-Jésus, ayant invoqué avec confiance son intercession, elle recouvra aussitôt une parfaite santé.
Trois médecins, convoqués d’office par la Sacrée Congrégation des Rites pour donner leur avis sur ces deux miracles, exprimèrent tous, et par écrit, une réponse favorable.
Dans ces guérisons, la vérité du miracle apparut hors de doute, elle brilla même avec une splendeur inaccoutumée, à cause des particularités dont ces prodiges étaient entourés. C’est pourquoi ceux qui ont été appelés à donner leur suffrage ont pu le faire, en s’appuyant sur l’autorité qui résulte de l’accord unanime des hommes de l’art ; dans la congrégation générale, tenue, en notre présence, le dix-sept mars de l’année courante, et au cours de laquelle notre cher fils Antoine Vico, cardinal de la sainte église romaine, ponent de la cause, proposa le doute suivant : « Y a‑t-il certitude de miracle, et de quels miracles, dans le cas et pour l’effet dont il s’agit ? » Les révérendissimes pères cardinaux de la sainte église romaine, les prélats et les pères consulteurs exprimèrent leur avis, chacun à son tour. Après les avoir entendus, dans la joie de notre âme, nous avons cependant sursis à faire connaître notre pensée, voulant implorer encore, par d’instantes prières, pour une décision si importante, un secours plus puissant et plus efficace du père des lumières.
Peu après, cependant, nous avons choisi et fixé le dix-neuvième jour de mars, auquel l’église se réjouit en la fête du saint patriarche Joseph, époux de la Bienheureuse Vierge Marie et patron de l’église universelle, et, en présence du cardinal préfet de la sacrée congrégation des rites et des principaux dignitaires, nous avons prononcé solennellement : « Il y a certitude de miracle dans les deux cas proposés. »
Puis, le vingt-neuvième jour du même mois, après avoir recueilli les suffrages unanimes des cardinaux de la sainte église romaine et des pères consulteurs, nous avons solennellement déclaré : « onpeut en toute sûreté procéder à al canonisation solennelle de la bienheureuse Thérèse de l’Enfant-Jésus, vierge, moniale professe de l’ordre des carmélites déchaussées, du monastère de Lisieux. »
Après tous ces préliminaires et ces décrets, afin d’observer jusqu’au bout toutes les sages prescriptions de nos Prédécesseurs en vue de la célébration et de l’éclat d’une si auguste cérémonie, nous avons d’abord convoqué nos chers fils, les cardinaux de la sainte église romaine, à un consistoire secret, le trente du mois de mars, pour leur demander leur avis. Dans ce consistoire, notre vénérable frère Antoine Vico, cardinal de la sainte église romaine, évêque de Porto et de Sainte-Rufine, et préfet de la sacrée congrégation des rites, nous exposa éloquemment, à nous, et aux cardinaux de la sainte église romaine, la vie et les miracles de la bienheureuse Thérèse de l’Enfant-Jésus et des autres nouveaux saints, et demanda avec beaucoup d’ardeur qu’elle fût élevée aux suprêmes honneurs. Ce discours achevé, nous avons recueilli les suffrages des cardinaux de la sainte église romaine sur cette question : « Faut-il en venir à la canonisation solennelle de cette bienheureuse ? » et chacun des Cardinaux exprima son avis.
Puis, le second jour d’avril, nous avons tenu un consistoire public dans lequel, après avoir entendu avec plaisir un très savant discours sur la bienheureuse Thérèse de l’Enfant-Jésus, denotre cher fils Jean Guasco, avocat de notre cour consistoriale, tous les cardinaux de la sainte église romaine, d’une voix unanime, nous ont exhorté à la décision suprême de cette cause.
Nous avons pris soin encore d’expédier des lettres de la sacrée congrégation consistoriale aux vénérables évêques, non seulement aux plus voisins, mais même aux plus éloignés, pour les aviser de cette solennité, afin, que, s’il leur était possible, ils vinssent près de nous, pour nous donner aussi leur sentiment. Il en vint de divers pays, et ils assistèrent, le vingt-deux du mois d’avril, à un consistoire semi-public, en notre présence, après avoir pris connaissance de la cause, par un résumé, qui fut remis à chacun, tant de la vie, des vertus et des miracles de la bienheureuse Thérèse de l’Enfant-Jésus, que de tous les actes faits en notre présence et dans la sacrée congrégation des rites. Et, non seulement nos chers fils, les cardinaux de la sainte église romaine, mais aussi nos vénérables frères les patriarches, archevêques et évêques, d’un accord unanime, nous ont pressé de célébrer cette canonisation. De tous ces suffrages, nos chers fils, les protonotaires apostoliques, ont dressé les actes pour être conservés dans les archives de la sacrée congrégation des rites.
Nous avons donc décidé de célébrer la solennité de cette canonisation en ce jour, dix-septième du mois de mai, en la basilique vaticane, et, en attendant, nous avons vivement exhorté les fidèles du Christ à redoubler de ferventes prières, spécialement dans les églises où le très saint sacrement est exposé à l’adoration ; afin qu’eux-mêmes goûtent plus abondamment les fruits d’une si grande solennité, et que le Saint-Esprit daigne nous assister plus efficacement dans un si grave exercice de notre charge.
En ce jour donc, si heureux et si désiré, les ordres du clergé séculier et régulier, les prélats et les dignitaires de la curie romaine et tout ce que Rome compte de cardinaux, patriarches, archevêques, évêques et abbés, se rassemblèrent dans la Basilique Vaticane magnifiquement ornée. En leur présence, nous fîmes nous-même notre entrée.
Alors notre vénérable frère Antoine Vico, cardinal de la sainte église romaine, évêque de Porto et de Sainte-Rufine, préfet de la sacrée congrégation des rites et préposé à la poursuite de cette cause de canonisation, après un discours de notre cher fils Virgile Jacoucci, avocat de notre cour consistoriale, nous présenta les vœux et les prières de l’épiscopat et de tout l’ordre des carmes déchaussés, pour que nous mettions au nombre des saints la bienheureuse Thérèse de l’Enfant-Jésus que nous avons déjà déclarée patronne des missions et des noviciats de l’ordre du carmel.
Le même cardinal et le même avocat renouvelèrent une seconde et une troisième fois leur demande avec une plus grande et suprême instance. Nous, alors, ayant imploré avec ferveur la lumière céleste, « pour l’honneur de la sainte et indivisible Trinité, pour l’accroissement et la gloire de la foi catholique, par l’autorité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, les saints apôtres Pierre et Paul et la nôtre, après mûre délibération et du suffrage de nos vénérables frères les cardinaux de la sainte église romaine, ainsi que les patriarches, archevêques et évêques, nous avons déclaré que ladite bienheureuse Thérèse de l’Enfant-Jésus, moniale professe de l’ordre des carmélites déchaussées, est sainte et doit être inscrite au catalogue des saints. »
Nous avons ordonné que sa mémoire de cette sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus soit célébrée chaque année, le trois octobre, et notée au martyrologe romain.
Enfin, nous avons rendu au Dieu très bon et très grand de ferventes actions de grâces pour un si grand bienfait, et nous avons célébré solennellement le saint sacrifice, et accordé très affectueusement une indulgence plénière à tous les assistants : et, pour perpétuelle mémoire, nous avons ordonné de rédiger et publier les présentes lettres qui seront signées de notre main et des cardinaux de la sainte église romaine.
Fidèles du Christ, l’église vous présente aujourd’hui un nouveau et admirable modèle de vertus que tous vous devez contempler sans cesse car le caractère propre de la sainteté à laquelle Dieu appela Thérèse de l’Enfant-Jésus, consiste surtout en ce qu’ayant entendu l’appel de Dieu, elle lui obéit avec la plus grande promptitude et la plus entière fidélité. Sans que sa manière de vivre sortît de l’ordinaire, elle suivit sa vocation et la consomma avec tant de ferveur, de générosité et de constance qu’elle atteignit à l’héroïcité des vertus.
C’est de notre temps, où les hommes recherchent avec tant de passion les biens temporels, que vécut cette jeune vierge, dans la pratique sereine et courageuse des vertus, en vue de la vie éternelle et pour procurer la gloire de Dieu. Puisse son exemple, confirmer dans l’exercice des vertus, non seulement ceux qui habitent les cloîtres, mais les fidèles qui vivent dans le monde, et les conduire à une vie plus parfaite !
Implorons tous, en nos nécessités présentes, la protection de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, afin que, sur nous aussi, par son intercession, descende une pluie de roses, c’est-à-dire les grâces dont nous avons besoin.
De science certaine, et dans toute la plénitude de notre autorité apostolique, nous affirmons et confirmons tout ce qui précède, et de nouveau nous le décrétons et ordonnons, et nous voulons que les copies de ces lettres, même imprimées, pourvu cependant qu’elles soient signées d’un notaire public et munies du sceau d’un personnage constitué en dignité ecclésiastique, aient la même valeur que si nos Lettres originales elles-mêmes étaient produites ou montrées.
Que personne donc n’ose attaquer ou contredire ces lettres de notre décision, décret, mandat ou volonté ; si quelqu’un avait la témérité de le tenter, qu’il sache qu’il encourrait l’indignation du Dieu Tout-Puissant et de ses saints apôtres Pierre et Paul.
Donné à Rome près Saint-Pierre, l’an du Seigneur mil neuf cent vingt-cinq, le dix-septième jour du mois de mai, de notre Pontificat l’an quatrième.
Pie XI, Pape