Notre-Dame du Cap, Reine du Très Saint Rosaire, Reine du Canada, a une très belle histoire. Le Cap-de-la-Madeleine est un lieu de pèlerinage national et même international érigé en l’honneur de Marie et qui a débuté dès la découverte du Canada. L’histoire de Notre-Dame du Cap démontre indubitablement que lorsque le peuple délaisse le Rosaire, tout se détériore dans la société et dans les familles. Que les familles reprennent le chapelet pour que revive notre nation !
Faits historiques
Jacques Cartier, remontant le majestueux fleuve Saint-Laurent en 1535, avait planté la croix du Christ sur une des îles du Saint-Maurice, qui sépare les villes d’aujourd’hui de Trois-Rivières et du Cap-de-la-Madeleine. C’était le 7 octobre, jour qui devait être proclamé plus tard, fête du Saint Rosaire, par le Pape Saint Pie V.
Messire Jacques de la Ferté, abbé de Sainte-Marie-Madeleine de Châteaudun, en France, et associé de la Compagnie des Cent associés, reçut en fief une étendue de terrain appelé le Cap des Trois-Rivières.
En 1651, Messire de la Ferté cédait aux Pères Jésuites, premiers missionnaires de la région trifluvienne, une seigneurie, leur donnant la charge d’y fonder un poste central de missionnaires en faveur des indigènes, qui s’y rendaient chaque année à la traite des fourrures.
Les missionnaires, en souvenir du premier bénéficiaire, l’abbé de La Ferté, appelèrent la localité Cap-de-la-Madeleine. Cette terre fut sanctifiée dès l’origine par le passage des pères Brébeuf, Daniel et Lalemant, trois des saints Martyrs canadiens. Le père Jacques Buteux fut surtout l’apôtre de cette chrétienté pendant dix-huit ans et il l’arrosa de son sang. Il tombait victime de l’Iroquois, en 1652, un an après la naissance du Cap-de-la-Madeleine.
En 1659, une modeste chapelle en bois fut érigée par le gouverneur des Trois-Rivières, Pierre Boucher. Elle fut cédée en 1661 à la paroisse naissante de Sainte-Marie-Madeleine, qui inaugura le culte de la Vierge Marie.
Le Cap-de-la-Madeleine fut érigé en paroisse le 30 octobre 1678 par Mgr de Laval, premier évêque du Canada. En 1694, le culte de la Vierge Marie s’implanta en permanence sous la forme de la Confrérie du Rosaire.
Mgr de Saint-Vallier se détermina à remplacer le modeste oratoire par une église en pierre ; mais les paroissiens, sur le conseil du curé Paul Vachon, qui avait succédé (1685) aux Récollets, successeurs eux-mêmes des Jésuites, durent solliciter les aumônes à Québec, à Ville Marie (Montréal), aux Trois-Rivières, territoire qui formait le Canada à cette époque. Dès ce moment, Notre-Dame posait les bases d’une œuvre vraiment nationale.
L’acte de naissance du Sanctuaire de la Reine du Très Saint Rosaire remonte au 13 mai 1714, et porte la signature de Mgr de Saint-Vallier, deuxième évêque de Québec. Le temple s’édifie en lenteur, si bien qu’il n’est livré au culte, encore inachevé, qu’en 1720.
Toutefois, fleurissante à ses débuts, la Confrérie du Rosaire subit, l’espace d’un siècle, un sérieux ralentissement à cause d’un prêtre peu zélé. Le chapelet fut abandonné et les paroissiens n’aillaient même plus à la messe le dimanche. Privé de sa Protectrice et de pasteurs zélés le peuple se dégrade. Il en est toujours ainsi.
150e anniversaire de la statue – 150e anniversaire du dogme de l’Immaculée
En 1854, année de la proclamation du dogme de son Immaculée Conception, Notre-Dame inspire à un généreux paroissien du Cap-de-la-Madeleine, la pensée de faire don à son église d’une Madone de belles proportions, aux yeux baissés et aux mains tendues.
Cette statue deviendra la Vierge miraculeuse dont la célébrité dépassera les frontières du pays. C’est celle-là qu’on vénère encore aujourd’hui sur le maître-autel du sanctuaire.
Cette statue deviendra comme par droit de conquête, la propre Madone du pèlerinage canadien, quand un prodige du ciel l’aura marquée de son sceau, et surtout quand, plus tard, le diadème de la royauté ceindra son front.
Lorsque l’abbé Désilets fut nommé curé de la paroisse, les paroissiens avaient abandonné la pratique religieuse et la récitation du Rosaire. Les curés qui l’avaient précédé n’avaient obtenu aucun succès. On avait semé dans la paroisse un climat anticlérical.
Un soir, désolé, mais non découragé, M. l’abbé Désilets entre dans le sanctuaire. Quelle ne fut pas sa surprise d’y voir un porc mâchouillant un chapelet. Il s’est dit : « les hommes abandonnent le Chapelet et ce sont les porcs qui le reprennent. » Ce fut le sujet de son sermon suivant. Les paroissiens entendirent le message. L’abbé Désilets promit à Notre-Dame de raviver la dévotion au saint Rosaire. A partir de ce moment la paroisse changea de visage. Comme d’habitude, le chapelet avait conquis les âmes : sa vieille église revêtit l’éclat d’un pèlerinage privé, local.
Le miracle du pont de glace en 1879
En 1873, Cap-de-la-Madeleine comptait environ 1300 âmes. L’église était devenue trop étroite. Mgr Laflèche ordonna la construction d’une nouvelle église. La pierre de l’édifice devait provenir de la paroisse Sainte-Angèle, sise sur la rive sud du fleuve. Les habitants comptaient sur un pont de glace sur le fleuve au cours de l’hiver, car les paroissiens n’avaient pas les moyens financiers pour faire transporter ces pierres par bateau. Dès le mois de novembre 1878, M. le curé Désilets avait demandé de prier à cette fin. Tous les dimanches, après la messe, on récitait le chapelet pour obtenir un pont de glace, mais on avait beau prier, le fleuve restait toujours libre de glace. Janvier et février étaient passés, mars s’écoulait de même ; la saison des grands froids était terminée ; il semblait que l’on ne pouvait plus rien espérer.
Les marguilliers voulaient démolir la précieuse relique qu’était la petite église de 1714 pour se servir des pierres, afin de diminuer le nombre de pierres à charroyer à partir de Ste-Angèle, de l’autre côté du fleuve.
La Sainte Vierge en avait décidé autrement. Malgré les chapelets qu’on lui récitait, tous les dimanches après la messe, elle ne laissait pas le fleuve geler devant le Cap.
Elle attendait le vœu du curé Désilets : « Si vous nous accordez de la glace sur le fleuve pour la fête de saint Joseph, nous ne détruirons pas votre petite église, mais nous la dédierons à votre saint Rosaire », promit-il à Notre-Dame. Tout de suite, il fut exaucé ; dans la nuit du 15 au 16 mars, un dimanche, les glaces de la débâcle, serrées entre les deux rives, s’arrêtent vis-à-vis du Cap. Le vent se met à souffler. Une neige mouillée suivie d’un froid vif les soude et forme le pont de glace tant attendu. Un miracle sûrement, la veille, on avait traversé le fleuve en petit bateau, preuve que le fleuve était libre de glace.
Les paroissiens se sont risqués l’après-midi et le soir, à la brunante, sur ces tronçons de glace. L’abbé Duguay en tête marchant à quatre pattes. « N’ayons pas peur se disaient-ils, ce sont les Ave du saint curé Désilets qui nous portent. » Par une heureuse coïncidence, la première charge de pierres, conduite par M. Jos Longval, arriva sur le terrain de l’église, près de la chapelle du Saint Rosaire, juste comme sonnait l’Angelus de midi, le 18 mars.
Le lendemain, tous les paroissiens se rendirent à la grand’messe annoncée en l’honneur de saint Joseph, pour obtenir une heureuse traversée de la pierre. Après avoir entendu la messe dévotement en habit de travail, et avoir récité le chapelet comme à l’ordinaire, ils partirent, par un temps magnifique, avec une file de 80 à 100 voitures, vers le sud du fleuve pour commencer le transport des pierres. Ils le firent gratuitement.
La traverse était continuellement couverte de voitures. On charroya pendant huit jours consécutifs, jusqu’à l’octave de la Saint-Joseph, sans aucun accident … Quand les dernières charges nécessaires furent traversées, la glace commença à se détériorer, dévorée qu’elle était intérieurement par la rapidité du courant.
Flavien Lapointe, de Saint-Maurice de Champlain, avait 19 ans, il a travaillé sur le pont de glace obtenu grâce aux chapelets de l’abbé Désilets et de ses paroissiens. Il partait dès 8.30 heures du matin et ne revenait que dans la soirée pendant une semaine de temps. Il raconta : « Tous les hommes et jeunes gens du Cap ont participé à cette corvée. Il y en avait de plus peureux que les autres, surtout quand ils voyaient l’eau monter sur le bord de la glace et le chemin onduler sous la pesanteur de la charge. Le transport se faisait avec des « sleighs » de 10 à 20 pieds de long, chaque « sleigh » était tirée par un seul cheval. Le pont de glace était étroit mais il y avait quelques endroits pour se rencontrer. Il n’y a pas eu d’accident, ni de panique. Les gens travaillaient avec confiance, ils voyaient M. le curé réciter son chapelet dans le haut de son presbytère. »
Sœur Ste-Gertrude (Montplaisir), des Sœurs de l’Assomption de Nicolet, avait 12 ans au moment du miracle du « pont des chapelets », elle a certifié avoir vu le pont de glace qui s’est fait à la suite des prières demandées par M. le curé Désilets. Elle a été témoin de la procession des voitures qui allaient du nord au sud, charroyant les pierres. M. L’abbé Duguay, vicaire, était passé de porte en porte pour inviter tous les hommes à prendre part à cette corvée. Il demanda aux femmes de rester à la maison et de réciter le chapelet avec les enfants. Tous les paroissiens du Cap ont réalisé que le pont de glace ne s’était formé que par miracle.
Les paroissiens du Cap n’ont pas hésité à reconnaître l’intervention divine dans ce pont de glace. Spontanément, ils l’ont baptisé : LE PONT DES CHAPELETS.
1879–2004, 125e anniversaire du « pont des chapelets »
En 1924, en souvenir de cet événement miraculeux, les Oblats de Marie Immaculée, gardiens du Pèlerinage à Notre-Dame du Cap, construisirent le « pont des chapelets ». Le 15 août, de la même année, Mgr Cloutier le bénissait solennellement et dit à l’immense foule qui l’entourait : « Quand on examine dans son ensemble la façon dont le pont s’est formé à l’heure où tout semblait désespéré, les fardeaux qu’il a portés, et que l’on se rend compte surtout des merveilleux développements du pèlerinage dont il a marqué le point de départ, ne doit-on pas l’attribuer à une intervention surnaturelle ? C’est Seigneur qui a fait cela. »
Le Pont des chapelets affirme donc de façon éclatante la présence de Marie au Cap-de-la-Madeleine. S’il subsiste des doutes à ce sujet, un autre prodige achèvera de les dissiper.
Le prodige des yeux de la statue le 22 juin 1888
La nouvelle église de Sainte-Madeleine s’édifie lentement et, quoique inachevée, elle est bénite et livrée au culte le 3 octobre 1880.
Durant les années qui suivirent, on restaure l’ancienne en vue de sa dédicace solennelle à Notre-Dame du saint Rosaire, selon la promesse de M. le curé Désilets. Enfin ce grand jour se lève. Le 22 juin 1888, jour de joie, jour d’intenses prières. Monsieur le curé Luc Désilets accomplit solennellement son vœu. A la suite d’une belle cérémonie, la statue a été placée sur l’autel principal.
Le bon Père Frédéric, qui deviendra l’un des plus fervents prédicateurs des gloires de Marie au Cap-de-la-Madeleine, (béatifié par Jean-Paul II en 1988) arrivait d’Europe au Canada comme commissaire de Terre Sainte. Il fit plusieurs instructions ce jour-là à la foule rassemblée.
L’abbé Duguay, vicaire de M. le curé Désilets et son successeur, raconte le miracle qui s’est produit le soir même de cette journée inoubliable :
« Vers sept heures du soir, arrive un handicapé du nom de Philippe Lacroix. Je le vis entrer dans le Sanctuaire en marchant entre M. le Curé, Luc Désilets et le Rev. Père Frédéric. Je les vis à genoux au balustre… Or voici ce qui s’est passé tel que M. le curé Désilets me l’a raconté bien des fois avec émotion : pendant qu’ils étaient tous les trois en prière, ils virent la statue de Notre-Dame du Cap, les yeux grandement ouverts, elle qui normalement a les yeux baissés…»
L’enthousiasme et le zèle du bon Père Frédéric ne connurent plus de limites. Propagantiste-né, le Père Frédéric ne se contenta pas de raconter le « prodige des yeux » à ses auditeurs, il en publia le récit en première page du journal « la Presse » le 22 mai 1897.
« La statue, y écrit-il, qui a les yeux entièrement baissés, avait les yeux grandement ouverts : le regard de la Vierge était fixe : elle regardait devant elle, droit à sa hauteur. L’illusion était difficile : son visage se trouvait en pleine lumière, par suite du soleil qui luisait dans une fenêtre et éclairait parfaitement tout le sanctuaire. Ses yeux étaient noirs, bien formés et en pleine harmonie avec l’ensemble du visage. Le regard de la Vierge était celui d’une personne vivante ; il avait une expression de sévérité, mêlée de tristesse. »
Ecoutons maintenant Pierre Lacroix, l’handicapé, lui aussi témoin oculaire du prodige :
« J’entrai dans la chapelle vers 7 heures du soir, accompagné par monsieur Désilets et le Père Frédéric. Je marchais supporté par eux. Nous sommes allés nous placer à la table de communion … Après avoir prié un moment, je levai les yeux vers la statue de la sainte Vierge en face de moi. Immédiatement, je vis que ses yeux étaient bien ouverts ; d’une manière absolument vivante, comme si elle regardait par-dessus nos têtes en direction des Trois-Rivières. J’observai sans dire un mot. Alors, M. Désilets qui était à ma droite, quitta sa place pour aller rejoindre le Père Frédéric. Je l’entends demander : « Avez-vous remarqué ? »
« Oui, répondit le Franciscain, la statue a ouvert les yeux, n’est-ce pas ?»
« Oui, dit M. le curé, mais est-ce bien réel ? »
« C’est à ce moment que je leur dis que je voyais la même chose qu’eux depuis quelques instants. »
Après avoir commandé aux vents, aux flots, à la neige et à la glace, pour que lui soit élevé un sanctuaire, Notre-Dame du Cap manifestait son contentement d’y avoir été établie à demeure sous son vocable Notre-Dame du Rosaire.
Pour le curé Désilets, ces yeux ouverts de la Madone avaient leur langage : celui que Dieu lui-même avait jadis tenu au roi Salomon :
« J’ai exaucé ta prière et la supplication que tu m’as présentée. J’ai consacré cet édifice pour y fixer mon nom à jamais ; mes yeux et mon cœur y seront perpétuellement » (I Rois 9,3.)
Le 22 juin 1888, à sept heures du soir, Notre-Dame du Cap devenait de par la volonté expresse de Marie, la Madone des Canadiens. (Rosario Desnoyers, O.M.I.) Ce jour-là, lors de la consécration du Sanctuaire à la Reine du Rosaire, en cette fameuse journée où la statue ouvrit les yeux, le Père Frédéric s’était écrié :
« Des pèlerins viendront de toutes les familles de la paroisse ; de toutes les paroisses du diocèse ; de tous les diocèses du Canada. Cette petite Maison de Dieu sera trop petite pour contenir les foules qui viendront invoquer la puissance et la munificence de la douce Reine du Très Saint Rosaire. »
Une couronne royale
En 1898, cinq cents Tertiaires franciscains de l’Immaculée Conception de Montréal, offrent, à Notre-Dame du Cap, au nom de leurs confrères irlandais, un magnifique cœur en or et un très riche diadème. Le cœur et le diadème devront être inséparables puisqu’ils signifient que Marie est Mère et Reine. Le cœur est transpercé d’un glaive et surmonté d’un lis, représentant le Cœur douloureux et Immaculé de Marie.
Le diadème aura, en 1904, l’insigne honneur de servir au couronnement solennel de la statue de Notre-Dame du Cap proclamée officiellement par l’Eglise, la Madone des Canadiens.
Cette couronne d’or, de platine et de diamants venus des milliers de bijoux offerts par les Canadiens, est d’une valeur symbolique infiniment supérieure à sa richesse matérielle. Les armoiries des dix provinces de notre immense pays encerclent la base de cette couronne et proclament Notre-Dame du Cap : Madone nationale de tous les Canadiens.
C’est à Mgr Cloutier, évêque de Trois-Rivières, de 1899 à 1934, que revint l’honneur de l’approbation officielle et définitive du culte voué à Notre-Dame du Cap. Il a officiellement déclaré miraculeux le « pont de glace » de 1879 et reconnu le caractère surnaturel du « prodige de yeux » de la statue.
Quand un pèlerinage, marqué à sa naissance du sceau divin, s’anémie, s’étiole et meurt, la faute n’en est pas à Dieu, mais aux prêtres trop peu nombreux ou trop peu zélés.
Alors Mgr Cloutier a confié la garde du sanctuaire aux Oblats de Marie Immaculée.
1904, couronnement de la Reine du Rosaire
Le cinquantenaire de la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception crée un climat d‘enthousiasme marial extraordinaire dans l’univers catholique. Au Canada, les cœurs exultent de joie ! Une nouvelle vient d’être publiée : Le Pape va couronner Notre-Dame du Cap.
Le couronnement d’une statue revêt une très haute signification. Par ce geste, le Vicaire de Jésus-Christ scelle de son autorité apostolique le culte rendu à cette statue, les miracles qu’on lui attribue, la renommée et la gloire dont on l’entoure. Seule la statue de Notre-Dame de Guadaloupe, au Mexique, avait reçu cet honneur dans toute l’Amérique.
La veille de la fête, le Délégué apostolique Mgr Sbarretti présida à la procession aux flambeaux. Enfin se leva le jour glorieux pour Notre-Dame du Cap. Jamais auparavant, le Cap-de-la-Madeleine n’avait été témoin d’une aussi grande affluence de pèlerins et d’un aussi grandiose spectacle.
Le matin de cette inoubliable journée, Son Excellence le Délégué Apostolique, Mgr Sbarretti célébre la sainte Messe, entouré des représentants de tout l’Episcopat canadien. Deux Archevêques, celui d’Ottawa, Mgr Duhamel, et celui de Québec, Mgr Bégin, exaltent, le premier en anglais et le second en français, les gloires et les bienfaits de Notre-Dame du Cap.
Puis, c’est l’instant palpitant entre tous. Monseigneur Cloutier, revêtu des habits pontificaux, s’avance vers la Madone. Derrière lui vient le bon père Frédéric portant sur un coussin de soie, la couronne d’or, ornée de trèfles. L’Evêque bénit la couronne, la prend dans ses mains et, au nom de Sa Sainteté le Pape Pie X, la pose sur la tête de Notre-Dame du Cap. Au même moment des salves de canon déchirent l’air, les cloches sonnent à toute volée… La foule vit des moments d’indicible émotion… Les cœurs se gonflent de joie, les yeux s’embuent de larmes. Notre-Dame du Cap devient, par la Volonté du Vicaire du Christ, La Reine du Canada, la Madone nationale des Canadiens !
Pendant les cinquante années qui suivirent notre Reine du Rosaire continua à attirer des foules toujours plus nombreuses à ses pieds. La saison des pèlerinages atteint son point culminant en août. Le 15 août est célébré, au Sanctuaire, de façon grandiose.
Introduite au Sanctuaire depuis longtemps, depuis le 5 juin 1898, alors que le cœur fleuri d’un lis fut suspendu au cou de la Madone, la dévotion au cœur immaculé de Marie n’a toutefois pris de l’ampleur et du rayonnement qu’à partir de 1947. Cette année-là, en effet, notre madone quitte le Cap-de-la-Madeleine et commence une tournée à travers le pays. Partout sur son passage, elle montre le lis de son cœur.
Le peuple comprend son message et se consacre au Cœur immaculé de Marie.
Lors du voyage de Notre-Dame du Cap vers Ottawa, en 1947, plus d’un million de canadiens ont récité avec ferveur la prière de Pie XII consacrant le genre humain au Cœur Immaculé de Marie, ont signé cette consécration et l’ont déposé au pied de notre Madone pendant que la foule chantait avec conviction :
« A votre cœur, ô Mère,
«Je veux me consacrer ;
«C’est le désir du Très Saint Père,
«Votre message au monde entier. »
Ce cœur de Notre-Dame du Cap nous enseigne le plus bel amour du plus beau des cœurs ; celui de notre Mère du Ciel.
L’apothéose ; Année mariale 1954
L’année mariale célébrée avec ferveur dans tout le Canada, atteignit son apogée au Cap-de-la-Madeleine, où la nation entière s’était donné rendez-vous, au pied de la Reine du Rosaire.
Le centenaire de la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception coïncidait en effet, chez-nous avec le « jubilé d’or » du couronnement de Notre-Dame du Cap.
Longtemps à l’avance, les Oblats de Marie Immaculée, gardiens attitrés du Sanctuaire de Notre-Dame du Cap, préparèrent les célébrations de ce glorieux anniversaire.
A Son Excellence Mgr Georges-Léon Pelletier, évêque de Trois-Rivières, revient le mérite et la gloire d’avoir sollicité et obtenu de Rome non seulement un nouveau couronnement de Notre-Dame du Cap, mais aussi un Légat a latere et un message par radio du Vicaire de Jésus-Christ au peuple canadien.
D’une voix unanime et enthousiaste, les évêques du Canada, de Terre-Neuve à la Colombie Canadienne, répondirent à l’invitation conjointe de l’Evêque de Trois-Rivières et des Gardiens du Sanctuaire de Notre-Dame du Cap : tous seraient présents.
Dans les dix jours qui précédèrent immédiatement le couronnement, chacune des dix provinces du Canada eut sa journée officielle aux pieds de Notre-Dame du Cap. Se pouvait-il plus éloquente proclamation du caractère national de notre Madone ?
Enfin se leva le jour tant désiré ! Tout le pays « d’une mer à l’autre », en ce quinze août mil neuf cent cinquante-quatre, est représenté au pied de sa Reine et se joint au Vicaire du Christ, le Pape.
En effet, Sa Sainteté Pie XII, par son envoyé personnel, rassemble dans son cœur toute la nation canadienne pour la présenter au divin Maître par les mains très pures de Marie Immaculée.
Ils sont en foule ce matin-là les pèlerins du 15 août. Avec joie et confiance on envahit le Sanctuaire de Notre-Dame du Cap dont les terrains seront bientôt bondés de pèlerins pieux et attentifs. Dès 9 heures, il n’y a plus d’espace libre. Soixante confesseurs succèdent aux deux-cents de la nuit. Quelques minutes avant dix heures, le cortège s’ébranle du Monastère des Oblats. En tête, le célébrant, Son Eminence Révérendissime le Cardinal Vallerio Valeri. Le légat s’avance en souriant, escorté de sa cour, au milieu de deux rangées de zouaves pontificaux et suivi des deux Cardinaux et de tous les évêques du Canada.
La messe de l’Immaculée Conception débute dans la sérénité toute spirituelle. A l’issue de la messe, Son Ém. le cardinal Légat, par privilège du Saint-Père, donne la bénédiction apostolique à tous les fidèles assistants et leur accorde l’indulgence plénière.
Les organisateurs de cette journée inoubliable ont eut l’idée d’une parade précédant la cérémonie du couronnement. Un défilé de chars allégoriques illustrait les épisodes locaux ou nationaux d’histoire mariale et formait une escorte grandiose à la Madone dans cette marche vers l’autel de son triomphe. Le Nouvelliste écrivait dans son édition du 16 août, « Jamais de mémoire d’homme, on a vu pareille démonstration à Trois-Rivières. »
La cérémonie du couronnement eut lieu au Parc de l’exposition de Trois-Rivières. Le trône tout blanc sur lequel on plaça la statue miraculeuse était encadré par un arc qui portait à 35 pieds dans le ciel les mots : FULGENS CORONA et A Mari USQUE AD MARE, devise du congrès marial qui se déroulait en ferveur et en splendeur depuis dix jours. Fixés au bord de la marquise et garnis des drapeaux papal et marial, les blasons des dix provinces proclamaient avec éloquence la royauté de Notre-Dame sur le peuple canadien.
A 3h30, la foule n’avait pas cessé de grossir depuis la matinée. Le cortège d’honneur de la madone, une alternance de chars allégoriques et de gardes paroissiales, défilèrent pendant deux heures devant l’estrade, sous le regard émerveillé des fidèles.
Des applaudissements prolongés marquèrent l’arrivée du char du couronnement. Le Légat du Pape, entouré des membres de la mission pontificale et des deux cardinaux, Léger et McGuigan, et les Evêques revêtus de la chape et portant la mitre montèrent majestueusement sur l’estrade.
Le rituel du couronnement comportait en premier lieu le message radiodiffusé du Saint-Père. Après avoir exalté les grandeurs de la très Sainte Vierge et proclamé la continuité de sa protection sur l’Eglise du Canada, Sa Sainteté Pie XII exhortait les fidèles à une vigilance constante dans l’exercice de leur devoir religieux, à l’accomplissement énergique et intégral de leurs obligations sociales en tant que citoyens catholiques.
« Nous vous choisissons et nommons notre légat, avait écrit S.S. le Pape Pie XII, à S. Eminence le cardinal Valerio Valeri, pour que, au Sanctuaire de Notre-Dame du Cap, dans le diocèse de Trois-Rivières, au Canada, en Notre nom et par Notre autorité, vous orniez d’une couronne d’or l’insigne statue de la Madone. »
Après avoir bénit la couronne, le Légat du Pape la prit et la déposa solennellement sur la tête de la Reine du Rosaire, Reine des Canadiens, pendant qu’éclatait de toute part le chant du Regina Coeli (Reine du Ciel).
Le Légat entonna le Te Deum. Puis les cardinaux et archevêques de Toronto et de Montréal, lurent, dans les deux langues officielles du pays, l’acte de consécration du Canada au Cœur Immaculé de Marie.
Par ordre de séniorité, archevêques et évêques vinrent présenter leurs crosses à Notre-Dame du Cap, Reine et gardienne de l’autorité spirituelle dont sont investis les premiers pasteurs des diocèses.
Puis les Cardinaux canadiens prononcèrent de vibrants discours sur la portée sociale et spirituelle de la dévotion à Marie. Et le dernier mot fut réservé à Son Ém. le Cardinal Valerio Valeri : « exhortation à tous et à chacun de demeurer loyaux serviteurs de Marie ; vœux pour le salut et la prospérité de la nation. » Son Eminence donna ensuite la bénédiction papale.
Enfin suivie d’un immense cortège au milieu des chants, des prières et des acclamations le char de la Reine retourne triomphalement à sa demeure du Cap, qu’Elle-même s’est si judicieusement choisie.
La foule se dispersa et Notre-Dame est revenue sur son autel du petit sanctuaire en Reine doublement couronnée, en Mère doublement aimée ». La couronne que porte habituellement Notre-Dame du Cap, est celle du couronnement de 1904. Aux grandes solennités, elle portait le diadème du deuxième couronnement papal de 1954 [photo n° 1 ci-dessus]. Mais, malheureusement, il y a quelques années des mains sacrilèges se sont emparé de ce trésor.
Que Notre-Dame du Cap, Reine du Rosaire, Reine du Canada, daigne faire refleurir l’Eglise au Canada comme au temps de son glorieux couronnement !
NDLR : Pour cet article, nous nous sommes servis de trois beaux livres : l’un dont l’auteur a signé « Un gardien du Sanctuaire» ; le deuxième, par le Père Rosario Cournoyer, o.m.i., imprimatur Mgr Arthur Douville, évêque de St-Hyacinthe, 8 septembre 1958 ; le troisième, par James G. Shaw © 1954. Les trois livres portent le titre « Notre-Dame du Cap ».