Homélie prononcée par Mgr Lefebvre au séminaire d’Econe, le 15 août 1990 (13 minutes).
Mes bien chers frères,
Vous excuserez la simplicité de cette cérémonie puisque – comme vous le savez – nos séminaristes sont en vacances, alors c’est vous qui faites la chorale.
Mais si la cérémonie est simple, je pense que nos cœurs doivent tous être dans la fête. Dans la fête de la très Sainte Vierge Marie, de son Assomption qui est certainement une des plus belles fêtes de Marie et en tout cas qui est la fête qui pour les fidèles, pour nous qui sommes encore in via, qui sommes encore en chemin vers le Ciel, est une occasion de grande espérance et de grand soutien.
Si l’on cherche quelle est la leçon que l’Église nous donne dans sa liturgie d’aujourd’hui, nous la trouverons dans l’oraison. Nous allons chanter tout à l’heure dans l’oraison le vœu que l’Église demande pour nous : Que nous soyons toujours ad superna semper intenti [1], dit l’Église.
Qu’est-ce que cela veut dire ? Que nous ayons les regards de nos corps, de nos âmes, de nos cœurs toujours dirigés ad superna cœlestia, vers les choses célestes. L’oraison et l’Église ajoutent : Ipsius gloriæ mereamur esse consortes : Pour que nous soyons un jour participants de la gloire de Marie.
Qu’est-ce que l’Église peut désirer de mieux pour nous ? Quel conseil plus efficace peut-elle nous donner. Avoir les yeux, c’est-à-dire surtout, avoir notre cœur tout entier orienté vers les choses du Ciel. Et si c’est une chose qui nous est difficile, depuis que nous sommes affligés par les suites du péché originel et que notre âme est en quelque sorte aveuglée par les choses matérielles, par les choses sensibles qui forment un écran entre nous et le Ciel, alors que elles devraient être au contraire, un moyen pour nous de nous élever vers le Ciel. Eh bien, s’il est une chose et s’il est une pensée qui nous aide à regarder vers le Ciel, c’est de penser à la très Sainte Vierge Marie.
Et c’est précisément pourquoi, cette fête de l’Assomption est pour nous remplie d’espérance, remplie de joie, remplie d’encouragements. Parce que s’il est un sujet qui nous élève au Ciel c’est bien la pensée de Marie triomphante, Marie glorieuse dans le Ciel, Reine du Ciel.
Vous vous souvenez que, dans l’Évangile, à l’occasion de l’Ascension, il est dit que les apôtres demeuraient les regards tournés vers le Ciel. Notre Seigneur avait disparu pourtant, mais ils étaient tellement attirés par cette vision qu’ils avaient vue, leurs yeux demeuraient fixés vers le Ciel. Et combien cela se comprend !
Et je pense que si nous avions assisté, nous aussi, à l’Assomption de la très Sainte Vierge, nos yeux seraient restés fixés vers le Ciel, avec l’espoir un jour, de suivre notre Mère.
Et si l’on peut dire qu’une créature est vraiment céleste, c’est bien de la très Sainte Vierge que l’on peut le dire. Et le Bon Dieu en a donné la preuve par son Assomption. Elle est maintenant rayonnante non seulement dans son âme, mais aussi dans son corps.
Et c’est un fait, que chaque fois que la très Sainte Vierge a voulu se manifester ici sur terre, ceux qui ont eu cette grande grâce de la voir, ont été dans l’admiration devant la splendeur de la Sainte Vierge, devant sa lumière, devant son rayonnement, devant son état céleste. Et ces enfants étaient tellement captivés par cette vision que leurs sens ne s’exerçaient plus.
On raconte, n’est-ce pas, que Bernadette étant dans cet état d’extase devant la très Sainte Vierge Marie, on lui mettait une flamme de bougie sur la main, elle ne le sentait même pas, tellement elle était attirée par la beauté, la grandeur, par la sublimité de l’image et de la présence de la très Sainte Vierge Marie.
En effet, la Vierge Marie a eu des privilèges extraordinaires. Elle peut bien dire dans son Magnificat : Fecit mihi magna qui potens est : « Le Tout-Puissant a fait en moi de grandes choses » (), a fait pour moi de grandes choses. Oui, en effet, on a peine à s’imaginer qu’une créature puisse porter son Dieu, puisse porter Dieu, le Créateur du Ciel et de la terre, en son sein, comme la très Sainte Vierge Marie L’a porté.
Dieu est resté Dieu. Rien n’a changé en Dieu. Rien n’était modifié dans la Sainte Trinité. Dieu est immuable. Et cependant, IL a voulu habiter dans le sein de la Vierge Marie pendant neuf mois. Quelles grâces pour cette créature choisie d’une manière toute spéciale, pour être la Mère de Jésus-Christ, la Mère de notre Sauveur. Marie est vraiment céleste.
Et d’ailleurs, cette fête de l’Assomption manifeste que chez les fidèles et dans l’Église d’une manière générale, les foules se précipitent à la suite de la Vierge Marie. Des foules de catholiques se sont réunies à l’occasion de cette fête, partout, soit en faisant des processions en l’honneur de la très Sainte Vierge Marie, soit en allant dans des pèlerinages.
Et la fête de l’Assomption ne date pas de la proclamation du dogme de l’Assomption de la très Sainte Vierge, c’est-à-dire du 1er novembre 1950, lorsque le pape Pie XII a proclamé que l’Assomption de la Vierge Marie était un dogme, une vérité que nous devons croire pour être vraiment catholiques. Non la fête de l’Assomption date du temps des apôtres. On a fêté la Vierge Marie – et la meilleure preuve c’est ce qui est inscrit dans nos cathédrales, dans nos églises, les prières elles-mêmes parlent de l’Assomption, de la très Sainte Vierge.
Les peintures, la fameuse peinture de Murillo qui se trouve dans le musée de Madrid (en sont la preuve). Depuis de longues années, on fête la très Sainte Vierge Marie dans sa fête de l’Assomption et en particulier lorsqu’en 1638, le roi Louis XIII a consacré la France à la très Sainte Vierge Marie, le jour de l’Assomption.
Ce sont autant de manifestations qui montrent l’attachement des fidèles, l’attachement de l’Église à la Vierge Marie dans son Assomption et particulièrement évidemment à cette conclusion de toute cette Histoire de l’Assomption de Notre Dame, qui est la proclamation du dogme par le pape Pie XII où j’ai eu le bonheur de me trouver (ce jour à Rome).
Alors quel doit être, mes bien chers frères, la conclusion pour nous de ces considérations sur la fête de l’Assomption de la très Sainte Vierge Marie ? Eh bien que nous devons tout faire pour ne pas empêcher nos cœurs d’être orientés vers le Ciel, d’être orientés vers la Vierge Marie.
Il faudrait que nous puissions nous dire lorsque nous sommes chez nous, dans notre vie quotidienne, dans notre activité coutumière, que nous puissions penser que si la Vierge Marie était là, est-ce qu’elle serait d’accord avec nous, avec ce que nous faisons, avec ce que nous pensons, avec ce que nous regardons, avec ce que nous aimons. Il faut vivre avec la très Sainte Vierge Marie et ainsi nous vivrons vraiment du Ciel.
Il est bon de réfléchir et de faire comme un petit examen de conscience et se dire : Que penserait la Vierge Marie si elle était maintenant présente auprès de moi, pour ce que je fais, pour ce que je dis, pour ce que je pense, pour ce que j’aime.
Alors songez à permettre à la très Sainte Vierge Marie, de se trouver toujours avec vous, partout où vous êtes. Partout où nous sommes, que nous puissions vivre avec notre Mère. Qu’elle ne soit pas obligée de nous quitter, parce qu’elle ne peut pas rester dans notre ambiance, parce qu’elle ne veut pas accepter ce que nous faisons ou ce que nous aimons.
Voilà je pense la résolution que nous devons prendre si nous voulons vivre avec la Vierge Marie. Et par conséquent réaliser ce vœu que l’Église a manifesté dans son oraison : Que nous soyons toujours les yeux tournés vers le Ciel.
Qu’est-ce que nous apprendra la Vierge Marie ? Elle nous apprendra a être saint, comme elle a été sainte, à être purs, comme elle a été pure ; à aimer Dieu comme elle L’a aimé. Et à aimer surtout son Fils Jésus-Christ. Et à nous enseigner qu’il n’y a pas d’autre Dieu que Notre Seigneur Jésus-Christ, en qui résident le Père et le Saint-Esprit.
Voilà surtout la grande leçon que nous donne la très Sainte Vierge Marie. Et cette leçon est très importante aujourd’hui, parce que Notre Seigneur est mis de côté. Notre Seigneur est mis à l’égal de toutes les religions. La très Sainte Vierge Marie ne peut pas supporter cela. C’est impossible ! Pour elle, il n’y a que Notre Seigneur Jésus-Christ, son divin Fils qui est la Voie, la Vérité et la Vie, qui est le chemin pour aller au Ciel. Il n’y en a pas d’autre. Elle est venue Le donner au monde. Elle a été choisie pour Le donner au monde, ce chemin, cette voie.
Alors demandons à la Vierge Marie de rester, qu’elle nous prenne par la main, qu’elle nous conduise, qu’elle soit vraiment notre Mère au cours de cette vie terrestre pour qu’un jour, comme le dit l’oraison, nous puissions un jour aussi partager sa gloire dans le Ciel.
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.
- Oraison de la messe de l’Assomption. Littéralement : « attentifs aux choses d’en-haut »[↩]