Cher Monsieur l’abbé Cériani,
C’est à vous que mes paroles s’adresseront d’une manière toute particulière aujourd’hui, en cette belle cérémonie de votre première messe.
Il me semble qu’il est bien juste aujourd’hui que vous tourniez un peu vos regards vers le passé et que vous rendiez grâces à Dieu, de tous les dons qu’il vous a donnés par l’intermédiaire de votre famille chrétienne, votre enfance, votre adolescence, vos études mêmes au séminaire de La Plata et aussi par le choix que le Bon Dieu a fait de vous pour venir dans ce séminaire d’Écône.
Autant de grâces que le Bon Dieu vous a faites et dont vous devez le remercier aujourd’hui. Sans doute il eut été plus agréable pour vous, pour vos parents aussi, que vous puissiez célébrer cette première messe parmi eux soit à Buenos Aires, soit au séminaire de Buenos Aires. Mais enfin, dans quelques semaines, quelques jours même, vous serez au milieu d’eux et vous pourrez à nouveau célébrer une messe à laquelle ils participeront avec joie, avec reconnaissance, avec action de grâces.
Heureusement, quelques personnes ici, de votre parenté ont pu venir et c’est encore une grâce que le Bon Dieu vous fait.
Et vous voici prêtre. Prêtre pour l’éternité, marqué de ce caractère sacerdotal qui fait le prêtre ; qui vous désigne comme prêtre, non seulement ici-bas, mais dans le Ciel déjà, devant Dieu, devant l’Église triomphante, devant tous les anges et les saints du Ciel, vous êtes désormais prêtre pour l’éternité.
Et ce caractère sacerdotal, nous ne devons pas l’oublier, est une participation à la grâce sacerdotale de Notre Seigneur Jésus-Christ. Et cette grâce sacerdotale Notre Seigneur Jésus-Christ l’a reçue au moment de son union hypostatique. C’est-à-dire au moment où l’âme de Jésus a pris possession de son Corps et que la divinité de Notre Seigneur Jésus-Christ a été unie à son Âme et à son Corps, cette grâce d’union qui fait que Notre Seigneur Jésus-Christ est essentiellement prêtre, essentiellement. Comme Il est Sauveur et comme Il est Roi, Il est Prêtre.
C’est à cette grâce que vous participez et c’est par cette grâce que les paroles que vous prononcerez tout à l’heure à l’autel feront descendre Dieu Lui-même sur cet autel.
C’est par ces paroles que vous prononcerez aussi, lorsque vous serez au tribunal de la pénitence, que vous absolverez les pénitents de leurs péchés, dans la grâce de Jésus.
C’est aussi auprès des mourants, lorsque vous prononcerez les paroles du sacrement de l’extrême-onction que ces mourants recevront le pardon de leurs péchés qui les préparera à la vie éternelle.
Sans doute aussi, lorsque vous aurez la joie de baptiser des enfants, c’est aussi par cette grâce que vous leur donnerez la grâce du baptême. Mais d’autres que les prêtres peuvent également baptiser.
Et cette grâce sacerdotale que vous avez reçue, vous allez maintenant l’exercer d’une manière toute particulière dans la formation des futurs prêtres, dans ce séminaire de Buenos Aires qui rassemble des séminaristes de toutes les contrées d’Amérique du Sud, depuis le Mexique jusqu’à l’Argentine.
Vous allez donc avoir à participer aussi à ce rôle particulier que Notre Seigneur a voulu remplir : la formation des prêtres, comme Il a formé ses apôtres. Quelle grande fonction, quel grand ministère, quel ministère sublime et important aujourd’hui : former des prêtres !
Qu’est-ce que cela veut dire, sinon en faire d’autres Christ. Et donc les remplir de la Lumière de l’Esprit Saint, de l’Esprit de Jésus, Esprit de Lumière qui chasse les ténèbres, qui chasse les erreurs ; qui leur donnera toute la Vérité, dans toute sa splendeur.
Et tout cela par l’intermédiaire de la Lumière de la foi, de la Révélation que Notre Seigneur nous a donnée, que le Grand Prophète nous a apportée. Lumière de la foi qui éclaire aussi les lumières de notre raison. Nous savons par la foi, que Jésus, que Dieu a créé toutes choses. Nous savons par la foi que Dieu a créé les choses visibles et les choses invisibles.
Ainsi même la philosophie est illuminée par la Lumière de la foi. C’est cette science de la foi que vous aurez à infuser dans ces chers séminaristes, afin qu’il n’y ait plus d’erreur, de ténèbres dans leur esprit afin qu’ils soient vraiment conduits par la Lumière de Notre Seigneur.
Et puis vous aurez aussi à leur communiquer ces grâces qui sont l’onction de l’Esprit Saint, l’onction de Notre Seigneur qui est le Christ, l’Oint.
Onction de toutes les vertus de Notre Seigneur Jésus-Christ, de tous ces dons du Saint-Esprit qui remplissent l’âme chrétienne et à plus forte raison l’âme sacerdotale. Quel programme magnifique, quel apostolat sublime !
Et vous le ferez dans cette Amérique du Sud, dans ce pays qui a été si magnifiquement choisi par Dieu pour devenir chrétien, pour devenir catholique. Aucun continent au monde n’a reçu les grâces qu’ont reçues les habitants de l’Amérique du Sud.
Hélas partout les erreurs ont serpenté et ont divisé même l’Europe catholique, partout les hérésies ont été semées. Ce continent est devenu catholique entièrement. Et si aussi les effets de la Révolution et de toutes les suites de la Révolution n’avaient pas eu lieu dans ce continent, ce serait un modèle encore de chrétienté. Hélas, ce continent qui avait été évangélisé par tous ces saints religieux : capucins, dominicains, carmes et puis, quelque temps plus tard, par les jésuites, ce continent qui avait répondu à la grâce du Bon Dieu d’une manière extraordinaire, voici que maintenant, hélas, que ceux mêmes qui sont les successeurs de ces religieux et de ces religieuses innombrables qui sont allés là-bas porter la lumière de l’Évangile, détruisent de leurs propres mains, ce magnifique édifice de la chrétienté qui avait été construit. Quelle pitié ! Oui, c’est vraiment une grande pitié, dans ce continent d’Amérique du Sud.
Alors que les gouvernements eux-mêmes se glorifiaient d’avoir des constitutions où la religion catholique était considérée comme la religion de l’État, où Notre Seigneur Jésus-Christ était le Roi des États, voici que maintenant, par cette influence moderniste partie du Vatican – il faut bien le dire – a soufflé sur ces pays la séparation de l’Église et de l’État. Et par ce moyen c’est l’invasion de toutes les sectes protestantes et de toutes les sectes païennes, qui viennent envahir ce continent, où des populations qui sont encore incapables de résister à cette poussée et, hélas, perdent la foi.
Alors dans cette situation, vous voilà envoyé dans ce séminaire qui doit rétablir le règne de Notre Seigneur Jésus-Christ dans cette Amérique du Sud. Sans doute on pourra dire : Qu’est-ce que quarante séminaristes, cinquante séminaristes et par conséquent quelques dizaines de prêtres, pour rétablir le règne de Notre Seigneur dans un immense continent comme celui-là. Mais enfin, les douze apôtres que Notre Seigneur a envoyés à travers le monde, ont bien converti aussi des régions entières et le monde.
Alors avec le même esprit – et c’est là l’importance de votre vocation, l’importance de votre mission et de celle de vos chers confrères d’Amérique du Sud – c’est vraiment de faire en sorte que le règne de Notre Seigneur Jésus-Christ s’établisse d’abord dans le séminaire, d’abord dans l’esprit et dans le cœur des séminaristes eux-mêmes et par conséquent dans le vôtre, dans celui des formateurs. Que Jésus règne, qu’il n’y ait pas autre chose que sa Lumière, que la Lumière de sa foi ; qu’il n’y ait pas d’erreurs qui serpentent à nouveau, comme ces erreurs subtiles du modernisme, du laïcisme, de la désacralisation. Cette sécularisation du monde qui partout s’infiltre ; cet athéisme en définitive qui gagne les cœurs et qui fait perdre la foi, qui fait perdre l’esprit de foi. Chassez tout cela de l’esprit de ces chers séminaristes, afin qu’ils soient vraiment tout entiers à Notre Seigneur Jésus-Christ. Apprenez-leur les vertus chrétiennes afin qu’eux ensuite, soient des lumières aussi dans le monde, qu’ils soient le sel de cette terre, de l’Amérique du Sud ou des saints comme saint Pierre Claver, saint Jean de Brito à Lima, sainte Rose de Lima bien sûr.
Mais les saints prêtres qui ont converti tous ces pays ont été vraiment remplis de la Lumière de Jésus.
Je pense encore au Père Matteo, né à Arequipa, au Pérou, dont j’ai eu la joie d’entendre la voix étant enfant, dans ma paroisse, il galvanisait les foules par sa prédication : la dévotion au Sacré Cœur de Jésus.
Eh bien que ces prêtres que vous allez former, soient eux aussi des apôtres, qui convertissent à nouveau les foules et qui les ramènent à Notre Seigneur Jésus-Christ.
Vous demanderez ces grâces toutes particulières à Notre-Dame de Luján. Je souhaite qu’avant de prendre votre fonction, vous alliez vous recueillir dans ce sanctuaire de Notre-Dame de Luján qui n’est pas loin du séminaire – Patronne de l’Argentine – pour lui demander de vous donner ces grâces.
Tout à l’heure, nous chantions dans le Trait (Messe du 3ème dimanche de Carême) :
Sicut oculi ancillæ suæ in manibus Domine suæ ita oculi nostri ad Dominum Deo nostrum (Ps 122,2).
Que vos yeux soient aussi dans les mains de la très Sainte Vierge pour lui demander ce qu’il faut faire, afin que vous soyez vraiment son interprète auprès de ces séminaristes, qu’elle soit vraiment elle aussi la Reine du séminaire. Ce séminaire mis sous la protection de Notre-Dame Co-Rédemptrice. C’est un titre qui est tout un programme : Vierge Co-Rédemptrice.
Oui, que ces séminaristes et ces futurs prêtres soient vraiment des fils de Notre-Dame Co-Rédemptrice. Et ils retrouveront dans leur pays, dans leur contrée, partout, que ce soit au Mexique, que ce soit en Colombie, que ce soit au Brésil, en Bolivie, que sais-je, partout il y a des magnifiques sanctuaires dédiés à la très Sainte Vierge Marie.
Comment ne pas évoquer celui de Notre-Dame de Guadalupe, à Mexico ?
Voilà ce à quoi le Bon Dieu vous appelle aujourd’hui. Demain, déjà, vous nous quitterez pour rejoindre ces régions lointaines.
Dites à vos confrères, dites aux séminaristes, dites à tous les amis fidèles qui entourent les prêtres là-bas, que nous sommes de cœur avec eux ; que nous prions pour eux – et surtout et particulièrement pour le séminaire – afin que Jésus règne dans le séminaire et dans ce magnifique continent de l’Amérique du Sud.
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.