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« La levée des excommunications (points de repère et réflexions de fond) »
J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur le sujet à trois moments : à la fin des messes, l’une célébrée à Gudmont le dimanche 25 janvier, l’autre célébrée à Biesles le dimanche 1er février, et encore sur RCF Aube-Haute-Marne dans le cadre de l’émission de L’invité de votre région, le vendredi 30 janvier à 7h20. Je voudrais maintenant donner quelques points de repère et quelques réflexions de fond.
Points de repère
La levée de l’excommunication concerne quatre évêques, Bernard Fellay, Bernard Tissier de Mallerais, Richard Williamson et Alfonso de Galarreta. L’excommunication, qui est une sanction, avait été prononcée par décret du Préfet de la Congrégation pour les évêques le 1er juillet 1988, pour ordination épiscopale illicite – ils avaient été ordonnés par Mgr Lefebvre sans mandat du pape – et pour schisme. Elle ne concerne pas les prêtres et les autres membres de la Fraternité Saint Pie X, qui adhèrent formellement au mouvement schismatique.
Une excommunication peut être levée par celui qui a autorité, ici le pape, qui a donné mandat au cardinal préfet, lorsque cette autorité a estimé que le coupable a abandonné sa » coutumace « , c’est-à-dire abandonné son refus de s’amender. Dans la lettre du 15 décembre 2008 que Bernard Fellay a adressée au Saint-Père, le pape a reconnu des propos qui manifestent la volonté de ne pas rester dans une intention de délit, d’avoir une attitude d’obéissance et de communion ecclésiastique.
À ce jour, les 4 évêques ne sont pas réintégrés dans la communion ecclésiale. Il importe de s’assurer de la nature des intentions et de la réelle volonté de la communion. Ils n’ont pas de situation canonique précise. Ils demeurent suspens a divinis. Le décret ne porte que sur la levée de la sanction de l’excommunication. Ces évêques ne peuvent pas être considérés comme des évêques émérites, puisqu’ils n’ont jamais eu de siège épiscopal.
» La levée de l’excommunication n’est pas une fin en soi, mais le début d’un processus de dialogue. Elle ne règle pas deux questions fondamentales : la structure juridique de la Fraternité Saint Pie X dans l’Église et un accord sur les questions dogmatiques et ecclésiologiques. Mais elle ouvre un chemin à parcourir ensemble. Ce chemin sera sans doute long. Il demandera une meilleure connaissance mutuelle et estime « . (Cardinal Jean-Pierre Ricard)
Réflexions de fond
Je comprends tout à fait les questions et même les inquiétudes qui sont apparues à la suite de la décision de Benoît XVI. Ces inquiétudes sont d’autant plus présentes qu’une telle décision peut être interprétée comme une sorte de victoire par ceux qui ont, pendant des années, mis en cause l’autorité du Concile Vatican II, celle des papes Jean XXIII, Paul VI, Jean-Paul II et Benoît XVI, celle des évêques français, en particulier.
Du côté de Benoît XVI, il s’agit d’un acte paternel, d’un geste de miséricorde, d’un désir d’engager un dialogue en vérité, pour que la communion visible puisse se réaliser. Il s’agit d’un préalable à d’autres étapes de dialogue et de réconciliation.
Le Concile Vatican II n’est pas remis en cause. Il demeure un acte de l’Esprit Saint, comme l’a dit Jean XXIII, et on ne discute pas l’œuvre de l’Esprit Saint. On l’accueille dans la foi comme un don. Pour ceux de la Fraternité Saint Pie X qui avaient choisi de ne pas reconnaître la validité spirituelle et la solidité doctrinale de certains textes de Vatican II, en particulier, le Décret sur l’œcuménisme, la Déclaration sur la liberté religieuse, la Déclaration sur les relations de l’Église avec les religions non chrétiennes, la Constitution pastorale sur l’Église dans le monde de ce temps, une profonde conversion sera à opérer pour être en état d’accueillir l’ensemble des textes conciliaires. Comme le dit Mgr Dagens, » Il semblerait difficile de distinguer ce qui dans les Constitutions et les Décrets du Concile, serait conforme à la Tradition et ce qui ne le serait pas. » Le Concile Vatican II s’inscrit dans la grande Tradition de l’Église. Sur ce point, la position de Benoît XVI est claire ; il l’a exprimée au lendemain de son élection : » Alors que je me prépare, moi aussi, au service qui est propre au successeur de Pierre, je veux affirmer avec force la ferme volonté de poursuivre l’engagement de mise en œuvre du Concile Vatican II, dans le sillage de mes prédécesseurs et en fidèle continuité avec la tradition bimillénaire de l’Église. »
Il convient de dépasser les déclarations et les petites phrases passionnelles ou idéologiques. Il s’agit plus profondément de percevoir dans le geste du Saint-Père une dimension spirituelle. Et si la main tendue de Benoît XVI, dont la préoccupation de la communion dans l’Église et entre les Églises et les communautés chrétiennes est constante et dont on voit qu’il ne veut pas se contenter seulement de déclarations, mais aussi de gestes concrets, était un acte inspiré par l’Esprit Saint ! Souvenons-nous. Nous nous sommes réjouis, lorsqu’en 1965, furent levées de part et d’autre les excommunications, jadis portées à Rome et à Constantinople contre l’autre Église. Il avait fallu attendre plus de neuf siècles pour que soient levées, du moins canoniquement, des séparations entre l’Église orthodoxe et l’Église catholique. En 1975, dix ans après, dans la cérémonie qui commémorait le dixième anniversaire de cet événement, le pape Paul VI s’agenouilla à l’improviste et embrassa le pied du métropolite Meliton, délégué du patriarche de Constantinople Démétrios 1er. Il y a des gestes qui en disent long sur l’humilité et la fraternité œcuménique !
J’ajoute que depuis près de trente ans, je suis engagé dans le dialogue œcuménique et dans le mouvement de communion entre les Églises et communautés chrétiennes. Dans l’histoire, catholiques, luthériens et calvinistes n’ont pas été tendres entre eux ! Si, à l’époque de la Réforme, s’étaient levés des hommes de réconciliation, de spiritualité, d’intelligence de la foi, qui se seraient tendu la main ! Je participe maintenant à des Conversations Évangéliques-Catholiques. En 1950, dans un livre sur les sectes, le Père Chéry, dominicain, y mettait les évangéliques. Aujourd’hui, en dépit de questions qui demeurent encore, le dialogue est engagé entre évangéliques et catholiques qui acceptent de s’écouter, de prier, de s’ouvrir à la parole de Dieu, ensemble. On sait que le chemin de l’union est long et que les réconciliations demandent du temps.
Enfin, je voudrais saluer la fidélité à l’Église catholique exprimée par les prêtres, les diacres, les religieux et religieuses et tous les laïcs, qui ont accueilli le Concile Vatican II comme une œuvre de l’Esprit et qui en ont fait la boussole de leur vie chrétienne, de leur vie missionnaire, de leur vie pastorale et spirituelle, de leur engagement dans la société. Je veux leur exprimer mes encouragements et mon soutien. Humblement, avec persévérance et dans un esprit d’obéissance libre, ils ont vécu et vivent encore dans la fidélité à la grande Tradition de l’Église. Ils sont aujourd’hui mis à l’épreuve avec nous, évêques. Que l’Esprit de Dieu nous soit en aide !
Mgr Philippe Gueneley, évêque de Langres