Le point sur la consécration de la Russie au CIM : faite ou pas faite ?

« Mais sur ce che­min si dif­fi­cile, devant les oppo­si­tions si vio­lentes, nous vous deman­dons, chers fidèles, encore une fois, de recou­rir à la prière. Il nous semble que le moment est venu de lan­cer une offen­sive d’envergure, pro­fon­dé­ment ancrée sur le mes­sage de Notre Dame à Fatima, dont elle-​même a pro­mis l’heureuse issue, puisqu’elle annonce qu’à la fin son Cœur Immaculé triom­phe­ra. C’est ce triomphe que nous Lui deman­dons, par les moyens qu’elle demande elle-​même, la consé­cra­tion de la Russie à son Cœur Immaculé par le Pasteur Suprême et tous les évêques du monde catho­lique, et la pro­pa­ga­tion de la dévo­tion à son Cœur dou­lou­reux et imma­cu­lé. C’est pour­quoi nous vou­lons lui offrir dans ce but, d’ici le 25 mars 2010, un bou­quet de 12 mil­lions de cha­pe­lets, comme une cou­ronne d’autant d’étoiles autour de sa per­sonne, accom­pa­gné d’une somme équi­va­lem­ment impor­tante de sacri­fices quo­ti­diens que nous aurons soin de pui­ser avant tout dans l’accomplissement fidèle de notre devoir d’état, et avec la pro­messe de pro­pa­ger la dévo­tion à son Cœur Immaculé. »

La très sainte Vierge Marie l’a demandée à Fatima… La consécration de la Russie : faite ou pas faite ?

La demande exacte de Notre Dame

Après avoir annon­cé, le 13 juillet 1917, à Fatima, qu’elle « vien­drait deman­der la consé­cra­tion de la Russie à (son) Cœur Immaculé », Notre Dame appa­rut à Lucie, à Tuy, le 13 juin 1929, pour venir lui deman­der de trans­mettre au Saint Père cette demande.

La voyante don­na des pré­ci­sions sup­plé­men­taires, sur cette demande, dans deux lettres adres­sées au Père Gonçalves, son confes­seur, en mai et juin 1930 : « Le bon Dieu pro­met de mettre fin à la per­sé­cu­tion en Russie, si le Saint Père daigne faire, et ordonne aux évêques du monde catho­lique de faire éga­le­ment, un acte solen­nel et public de répa­ra­tion et de consé­cra­tion de la Russie aux très saints Cœurs de Jésus et Marie, et si Sa Sainteté pro­met, moyen­nant la fin de cette per­sé­cu­tion, d’approuver et de recom­man­der la pra­tique de la dévo­tion répa­ra­trice (des pre­miers same­dis)».1

Ces lignes indiquent les condi­tions requises pour accom­plir la demande de Notre Dame :

  1. Il doit s’agir d’un acte solen­nel et public, effec­tué à la face de toute l’Eglise et du monde entier de manière claire et nette, excluant toute ambiguïté.
  2. Il est deman­dé un acte de répa­ra­tion et de consé­cra­tion de la Russie, c’est-à-dire que l’esprit de répa­ra­tion, si pré­sent dans l’ensemble du mes­sage de Fatima, doit tota­le­ment impré­gner cet acte.
  3. La Russie doit être l’objet pré­cis et unique de cette consécration.
  4. Le Saint Père doit enga­ger son auto­ri­té suprême de chef de l’Eglise uni­ver­selle, non seule­ment en fai­sant cet acte, mais en ordon­nant à tous les évêques catho­liques du monde de le faire avec lui.
  5. Enfin, le Saint Père doit pro­mettre de pro­mou­voir la dévo­tion répa­ra­trice envers le Cœur Immaculé de Marie.

Les trois bienfaits attachés par Notre Dame à l’acte solennel et public de réparation et de consécration de la Russie qu’elle venait demander

Notre Dame, dans son secret du 13 juillet 1917, a atta­ché l’obtention de trois grandes grâces à l’acte de répa­ra­tion et de consé­cra­tion de la Russie à son Cœur Immaculé :

1° la conver­sion de la Russie à la foi catho­lique ;
2° un cer­tain temps de paix dans le monde ;
3° le salut éter­nel de beau­coup d’âmes.

Les différents actes de consécration au Cœur Immaculé de Marie, effectués par les Papes, ont-​ils correspondu à la demande de Notre Dame ?

Le Pape Pie XI (1922–1939) : Il refu­sa de faire l’acte deman­dé par Notre Dame à Tuy, à tel point que le Ciel s’en plai­gnit, Notre Seigneur adres­sant ces ter­ribles paroles à Sœur Lucie (révé­la­tion de Rianjo, août 1931) :
« Fais savoir à mes ministres, étant don­né qu’ils suivent l’exemple du roi de France en retar­dant l’exécution de ma demande, qu’ils le sui­vront dans le mal­heur. Jamais il ne sera trop tard pour recou­rir à Jésus et à Marie. »2

Le Pape Pie XII (1939–1958) : Devant la grande cala­mi­té de la Seconde Guerre mon­diale, il fit une consé­cra­tion du monde au Cœur Immaculé de Marie, le 31 octobre 1942. Voici ce qu’a écrit le grand spé­cia­liste de Fatima, le Père Alonso, à ce sujet : « Cet acte n’était pas la consé­cra­tion sin­gu­lière de la Russie et il n’avait pas été réa­li­sé avec tous les évêques du monde. (…) La consé­cra­tion qui aurait tout obte­nu, et d’une manière émi­nente, eût été la consé­cra­tion de la Russie »3.
Le 7 juillet 1952, Pie XII consa­crait et vouait « d’une manière très spé­ciale tous les peuples de la Russie au Cœur Immaculé de Marie », dans la Lettre Apostolique « Sacro Vergente Anno ». Mais ce n’était pas un acte solen­nel et public, aucun acte de répa­ra­tion n’y était joint et Pie XII n’avait pas ordon­né aux évêques de s’unir à lui.

Les Papes Jean XXIII (1958–1963) et Paul VI (1963–1978) n’ont effec­tué aucun acte de consé­cra­tion au Cœur Immaculé de Marie.

Le Pape Jean-​Paul II (1978–2005) a fait deux actes d’offrande du monde au Cœur Immaculé de Marie. Le pre­mier eut lieu le 13 mai 1982 à Fatima. Dès le len­de­main, Sœur Lucie fai­sait savoir que cet acte ne cor­res­pon­dait pas à ce qu’avait deman­dé Notre Dame, car le Pape n’avait pas ordon­né aux évêques de s’unir à lui, et que la Russie n’avait pas été l’objet de cet acte. Or, Dieu vou­lait « la consé­cra­tion de la Russie et uni­que­ment de la Russie, sans aucune adjonc­tion ».4

Le second eut lieu le 25 mars 1984, à Rome : le texte était à très peu de choses près le même que celui de 1982, mais Jean Paul II avait infor­mé les évêques du renou­vel­le­ment de l’acte de 1982, sans tou­te­fois leur ordon­ner de s’unir à lui.

Jusqu’en 1989, Sœur Lucie répé­ta sou­vent, dans ses par­loirs, que la consé­cra­tion deman­dée par Notre Dame n’avait pas été faite. Ainsi elle affir­ma, en mai 1989, au car­di­nal Law, arche­vêque de Boston : « Le Saint Père consi­dère qu’elle a été faite, faite au mieux des pos­si­bi­li­tés dans les cir­cons­tances. Faite sur le che­min étroit de la consé­cra­tion col­lé­giale qu’elle a deman­dée et qu’elle dési­rait ? Non, cela n’a pas été fait. »5

A par­tir de 1989, le Vatican exer­ça une pres­sion for­mi­dable sur Sœur Lucie pour lui faire dire que l’acte de 1984 cor­res­pon­dait à la demande de Notre Dame. Il semble que la voyante ait cédé à cette pres­sion. Pourtant, dans son der­nier livre, « Appels du Message de Fatima », paru en 2000, Sœur Lucie ne parle abso­lu­ment pas de la Russie et de la ques­tion de sa consé­cra­tion : silence élo­quent et révé­la­teur, qui montre son désac­cord avec la posi­tion du Vatican. En revanche, elle montre clai­re­ment l’absence com­plète, dans le monde actuel, des deux grandes grâces atta­chées à cette consécration :

1°) Absence totale de la paix dans le monde : la des­crip­tion du monde actuel qu’elle fait ne laisse aucun doute à ce sujet, et montre la per­sis­tance, par­mi les gou­ver­nants, d’un fol orgueil qui pro­voque « tou­jours plus de sang répan­du, sang qui forme une mer dans laquelle ils noient les peuples »6.

2°) Au sujet du salut éter­nel de beau­coup d’âmes, Sœur Lucie ne semble guère opti­miste, en par­ti­cu­lier lorsqu’elle débute les cha­pitres 29 et 32 où elle traite des sixième et neu­vième com­man­de­ments de Dieu.7

La conclu­sion logique s’impose donc d’elle-même : la consé­cra­tion de la Russie au Cœur Immaculé de Marie, telle que Notre Dame l’a deman­dée à Fatima en 1917, puis à Tuy en 1929, n’a été faite par aucun pape jusqu’à ce jour.

Abbé Fabrice Delestre.

Article paru dans Fideliter n° 187 de janvier-​février 2009

  1. Fr. François de Marie des Anges : Fatima, joie intime, évé­ne­ment mon­dial, 2e éd., 1993, p. 199. []
  2. Op. cit., p. 213. []
  3. Op. cit., p. 247. []
  4. Op. cit., p. 359. []
  5. Op. cit., p. 374 []
  6. Sœur Lucie, Appels du Message de Fatima, 1e éd. fran­çaise, 2003, Ch. 8, p. 94. []
  7. Appels., p. 249 et 262. []