Ils ont fini par le tuer – Communiqué de l’ACIM

Quelques jours après l’ar­rêt des soins de leur fils, ses parents, Viviane et Pierre Lambert, ont décla­ré : « La mort de Vincent est désor­mais iné­luc­table. Elle lui a été impo­sée à lui comme à nous. Si nous ne l’ac­cep­tons pas, nous ne pou­vons que nous rési­gner dans la dou­leur, l’in­com­pré­hen­sion, mais aus­si dans l’es­pé­rance » (Le Figaro du mar­di 9 juillet 2019). Vincent est mort ce jeu­di matin, 11 juillet, au centre hos­pi­ta­lier de Reims, vic­time d’un véri­table assas­si­nat à peine déguisé. 

Donnez-​lui Seigneur le repos éter­nel, et que votre lumière luise à jamais sur lui.

L’exécution de Vincent Lambert offi­cia­lise le concept de « vie ne valant pas la peine d’être vécue ». Hitler avait char­gé le Dr Brandt du pro­gramme d’élimination des han­di­ca­pés et des incu­rables ; lequel ira jusqu’à la mise à mort des per­sonnes hos­pi­ta­li­sées depuis plus de trois mois. Ce qui est arri­vé à Vincent ouvre une porte que seul un miracle réus­si­ra à refer­mer. La concep­tion uti­li­ta­riste de la vie ne sau­rait faire dépen­ser de l’argent pour entre­te­nir l’existence des plus vul­né­rables d’entre nous. Voilà qui nous mène droit à l’euthanasie.

Pourtant médi­ca­le­ment par­lant le cas de Vincent Lambert pose de mul­tiples ques­tions. Il a été pré­sen­té comme étant dans un état végé­ta­tif. Un légume est-​il capable de pleu­rer, d’ouvrir les yeux quand on l’appelle ? Est-​il incons­cient comme on nous le raconte ? Or même si c’était le cas, il a été décou­vert que 15 % des per­sonnes dites en état végé­ta­tifs ou incons­cientes, réa­lisent très bien ce qui se passe autour d’elles. (The New England Journal of Medicine du 27 juin 2019). L’imagerie médi­cale montre que si ces per­sonnes sont inca­pables de bou­ger, elles peuvent tout à fait com­prendre ce qui se dit autour d’elles. D’où les pleurs de Vincent quand il a com­pris qu’on allait mettre fin à ses jours. Maître Jérôme Triomphe me fai­sait remar­quer que Vincent était plus ou moins réac­tif selon les moments et que les exa­mens pra­ti­qués notam­ment à Liège l’avaient été à un moment où il était très fati­gué. Il conve­nait de faire ces tests d’imagerie médi­cale de manière répé­tée, si pos­sible dans la même journée.

En ce qui concerne la para­plé­gie (para­ly­sie des quatre membres), d’importants pro­grès ont été réa­li­sés tout récem­ment par la neu­ro­lo­gie. La célèbre revue The Lancet pré­sente le 4 juillet der­nier la tech­nique dite de « trans­ferts de nerfs » ou neu­ro­pro­thèse et aus­si celle des ten­dons. 14 patients tétra­plé­giques ont ain­si récu­pé­ré la mobi­li­té de leurs membres supé­rieurs. Les résul­tats ont été consi­dé­rés comme excellents.

De plus les cher­cheurs de l’Impérial Collège de Londres ont iden­ti­fié une pro­téine appe­lée CBP (CREB-​Binding-​Protéine) capable de sti­mu­ler l’expression de divers gènes per­met­tant d’augmenter la capa­ci­té de régé­né­ra­tion des nerfs endom­ma­gés. Le neu­ros­cien­ti­fique fran­çais, Grégoire Courtine avec une équipe Suisse, avait réus­si à faire remar­cher plu­sieurs patients tétra­plé­giques en réa­li­sant une sti­mu­la­tion élec­trique de leur moelle épi­nière par voie épi­du­rale (Revue Nature du 21/​10/​2018). L’université du Minnesota (Pr Uzma Samadani, de New York) depuis 2010 sti­mule la moelle épi­nière lésée par les trau­ma­tismes graves. Cette tech­nique a abou­ti à une récu­pé­ra­tion rapide des para­ly­sies. À l’Université de Lausanne des réus­sites impor­tantes ont été obte­nus par des élec­trodes implan­tées au niveau de la moelle épi­nière (31/​10/​2018). Enfin depuis 2016, à la suite du suc­cès obte­nu au Centre de réha­bi­li­ta­tion de l’université de Californie du Sud par injec­tion de cel­lules souches à tro­pisme ner­veux, un cer­tain nombre d’équipes mon­diales s’est lan­cé dans cette technique.

Tôt ou tard, Vincent Lambert aurait pu béné­fi­cier de ces pro­to­coles de soins. Son état céré­bral aurait pu s’améliorer ; on sait que les neu­rones sont rem­pla­cés très vite ; ceci jusqu’à un âge avan­cé. Mais un cer­tain nombre de condi­tions sont néces­saires dont la sti­mu­la­tion par la parole, les mou­ve­ments, la kiné­si­thé­ra­pie au niveau des membres, la sor­tie de l’isolement. Or Vincent a été lit­té­ra­le­ment aban­don­né par les méde­cins de Reims, séques­tré dans sa chambre ; ne béné­fi­ciant d’aucun trai­te­ment en dehors d’une sto­mie, abou­che­ment de l’estomac à la peau. Ceci per­met­tant l’alimentation.

Normalement le méde­cin est tenu par la déon­to­lo­gie à don­ner les soins connus en rap­port avec l’état de son patient. Cela n’a pas été le cas. Toutes les tech­niques décrites ci-​dessus auraient pu être uti­li­sées un jour pas­sé ou futur pour Vincent Lambert. Cela n’a pas été fait. 

Il fal­lait qu’il meure afin de pou­voir jus­ti­fier l’élimination future des han­di­ca­pés. C’est tou­jours le pre­mier pas qui compte.

Dr Jean-​Pierre DICKES, Président ACIM 

Le 09 juillet 2019

Sources : Association catho­lique des Infirmières et Médecins /​La Porte Latine du 10 juillet 2019