Béni soit Dieu pour la plus grande entrée de séminaristes depuis la création de la Fraternité Saint Pie X.
Cependant, rappelons que le nombre n’est pas forcément un signe de bénédiction.
Ce que Dieu cherche, c’est la sainteté.
Éditorial de M. l’abbé Guillaume Gaud
Chers amis,
La rentrée académique vient d’avoir lieu dans nos séminaires, et c’est un cri d’étonnement et d’action de grâces qui monte vers Dieu. Car nous venons d’avoir la plus grande entrée de séminaristes depuis la création de la Fraternité Saint Pie X par Son Excellence Monseigneur Lefebvre en 1970.
97 jeunes hommes sont entrés cette année en première année de formation dans nos séminaires, dont 79 en vue du sacerdoce et 18 en vue de la vie religieuse (Frères de la Fraternité). Ici à Flavigny, nous venons d’accueillir une promotion de 21 séminaristes et 3 postulants frères.
Pour les séminaristes : un Anglais, un Suisse, un Autrichien, un Hongrois, un Serbe, un Croate, un Danois, un Néerlandais, un Indien, un Sri Lankais, un Chilien, un Nicaraguayen, un Nigérian, 2 Canadiens, 2 Argentins, 2 Mexicains, 2 Italiens, 4 Brésiliens, 6 Allemands, 9 Polonais, 14 Français, 25 Américains.
Pour les postulants frères : un Suisse, un Argentin, un Brésilien, 2 Canadiens, 2 Polonais, 3 Français, 8 Américains.
Nous vous invitons à chanter les miséricordes du Seigneur avec nous ; béni soit Dieu mille et mille fois car nous sommes les témoins de l’activité de Dieu dans les âmes et de sa force douce et patiente. Il est vraiment à l’œuvre, malgré tous nos défauts.
N’hésitons pas à nous approprier les mots de saint Vincent de Paul, pour nous maintenir dans l’humilité : « Estimons la Fraternité Saint Pie X, comme la plus petite de toutes les Compagnies ; pas même la pénultième, mais la dernière… Ne mettons jamais les yeux sur ce qu’il y a de bien en nous, mais sur ce qui est mal, c’est un grand moyen de conserver l’humilité [1]».
Il faut d’ailleurs bien se garder de s’imaginer que le nombre est forcément un signe de bénédiction, puisque ce que Dieu cherche, c’est la sainteté.
Cependant cette augmentation du nombre de séminaristes suit une courbe générale, d’une croissance lente mais constante, parallèle à la croissance du nombre de fidèles. Il est éclairant d’en dresser brièvement les facteurs.
Les facteurs intérieurs
En premier lieu, c’est le fruit des familles cherchant à vivre conformément à l’Évangile, et à combattre l’infiltration de l’esprit du monde actuel en leur sein, avec un bon équilibre naturel. Cette année, 79% des jeunes hommes entrés à Flavigny proviennent de familles gardant la fidélité à la Tradition catholique.
C’est aussi le fruit des écoles de la Tradition, puisque 70% des candidats de cette promotion y ont été formés, et parmi eux tous les français y ont passé un bon nombre d’années.
C’est en outre le fruit du développement de l’apostolat missionnaire des confrères. En effet, cette année nous accueillons, parmi ces 79 séminaristes, 22 nationalités différentes, ce qui est encore un record. Pensons aux prêtres, missionnaires en tous ces pays, qui sèment année après année, et nous confient ces vocations. Ceci est possible grâce à la relative liberté de la Fraternité dans ses fondations, et son élan missionnaire non entravé par l’œcuménisme. Chaque vocation est presque un miracle de la grâce, en tout cas le fruit d’années de dévouement et de prières.
Chers amis, vous le voyez, Dieu écoute vos prières pour les vocations. Un grand merci pour votre persévérance.
Les facteurs extérieurs
La hausse des vocations suit à peu près la hausse du nombre de fidèles. Or ces dernières années ont vu une considérable augmentation de ceux-ci, quoique de façon très inégale selon les pays.
Le premier facteur a été l’attitude de nombreux prêtres et évêques progressistes, à l’occasion de la covid, qui choquèrent beaucoup de leurs fidèles. Ils interdirent la sainte communion sur la langue, acceptèrent sans réellement s’y opposer la fermeture de nombreuses églises, voire même l’arrêt total des sacrements. La stupeur des chrétiens fut au comble quand ils virent des prêtres refuser de baptiser. Tout cela a laissé l’impression forte d’un immense manque de foi dans une grande partie du clergé.
Le deuxième facteur, comme une vague de fond, est beaucoup plus durable et lucide, c’est ce que nous appelons le « phénomène François ». Depuis des années, le pape François, par ses déclarations répétées et argumentées, par ses condamnations, par les appuis qu’il semble donner aux agents du Nouvel Ordre Mondial et l’apparence de soutien à certains de leurs lobbies, par son opposition à ceux qui se montrent résistants à ce Novus Ordo sæculorum, se met à dos la population mondiale conservatrice. Ces dernières années, nous voyons continûment un afflux de personnes qui s’approchent de la FSSPX pour des raisons d’opposition à ce qu’ils appellent l’idéologie politique du pape. Ce sont souvent des catholiques non pratiquants, ou des non-baptisés d’ascendance catholique. Ce sont aussi des jeunes voulant agir pour leur pays, qui dépassent l’approche politique en découvrant les trésors de la grâce.
Nouveau phénomène, nous voyons arriver de plus en plus de « catholiques conservateurs », pratiquant habituellement dans les paroisses conciliaires, ou Ecclesia Dei, mais très sensibles à la défense de la Vie, de la Famille nombreuse, de la morale catholique, de l’autorité du père, des « racines chrétiennes de l’Europe ». Ils ont compris une chose : il faut se battre, défendre l’Europe chrétienne, c’est-à-dire lutter contre l’islamisation, contre le monstrueux lobby contre-nature, contre la « cancel-culture et le wokisme », contre la neutralité désarmante, contre la destruction des enfants. Les derniers synodes, à commencer par celui sur la famille et ses applications, les révoltent car ils y voient le désarmement des catholiques et la justification du progressisme.
Enfin, les derniers documents de Rome au sujet de la Messe ont mieux mis en lumière la lutte doctrinale qui se joue depuis le Concile.
Bref, le Bon Dieu nous montre qu’on ne doit pas s’enorgueillir, car les causes de l’augmentation sont visiblement extérieures à nous. Mais nous espérons bien que les prières de tous, renoncements et efforts y contribuent, quoique sans gloire, mais non sans fruit.
Appel en vue d’une élite dans la Tradition
Chers amis, à la suite du pape Pie XII [2], nous voudrions vous encourager à continuer à travailler pour développer toujours plus une élite, même s’il ne faut pas viser seulement cela.
Donnons à nos jeunes l’envie de se jeter dans l’arène pour prendre part au combat pour l’avancement et la défense des bonnes causes. La noblesse a toujours été l’honneur de la France. Elle doit le rester. Je parle de la vraie noblesse, celle de l’âme, qu’on doit faire admirer à tout jeune catholique.
Montrons-leur que l’amour du travail sera le titre le plus solide qui leur assurera plus tard une place parmi les dirigeants de la Société. Montrons-leur que la valeur d’un homme est en dépendance étroite de son engagement pour le bien commun. Montrons-leur qu’il restera toujours aux catholiques une large place dans la société s’ils se montrent vraiment des élites, des optimales, c’est-à-dire des personnes remarquables par la sérénité de leur âme, leur promptitude à l’action, leur généreux dévouement, et la recherche de l’excellence dans leur profession, quelle qu’elle soit. Il faut bannir l’abattement et la pusillanimité en face de l’évolution des temps.
Cette promotion de séminaristes voit entrer des jeunes hommes qui ont développé cette ardeur et remporté des diplômes de doctorat, d’ingénieur, masters ou licences diverses ; qui furent engagés dans des mouvements de jeunesse, d’apostolat ou de politique catholique.
L’influence de l’élite sur le renouveau moral de l’Église
Avant tout nous devons nous appliquer à mener une conduite religieuse et morale irrépréhensible, spécialement au sein de nos familles, et pratiquer une vie saintement austère. Le confort paresseux est le pire ennemi de l’élite. La connexion constante à l’internet l’est donc conséquemment.
Faisons en sorte que les autres hommes s’aperçoivent du patrimoine de vertus et de qualités qui nous distinguent, souvent fruit de longues traditions familiales. Telles sont l’imperturbable force d’âme, la fidélité et le dévouement aux causes les plus dignes, la piété tendre et généreuse envers les plus faibles et pauvres, le comportement ferme, mesuré et délicat dans les affaires graves, le respect constant envers tous. La mise en œuvre de ces qualités et l’exercice des vertus religieuses et civiques sont la réponse la plus convaincante aux préjugés et aux soupçons, car ils manifestent l’intime vitalité de notre esprit chrétien.
Dresser un rempart contre le relâchement des mœurs
Notre influence dans la société peut viser à détourner un grave danger propre à l’époque actuelle. Il faut bien saisir que la société tombe en décadence quand les vices et les abus se communiquent entre les différents milieux (et au risque de se répéter : les films et médias ne doivent pas pénétrer chez vous sans discernement, car vous seriez les seuls fauteurs de la perte de votre entourage et de vous-mêmes), de même qu’elle s’élève quand les vertus d’une catégorie de personnes se communiquent aux autres.
Les catholiques eux-mêmes peuvent agir dans les deux sens : on peut facilement devenir des foyers de dérèglement des mœurs, notamment par ces abus qui menacent la sainteté du mariage, l’éducation de la jeunesse, la tempérance chrétienne dans les divertissements, le respect de la pudeur. La tradition de nos familles et de nos patries doit être mise en lumière et défendue dans ces domaines aussi, et maintenue sacrée et inviolable. Elle ne doit pas seulement être protégée des germes de corruption, mais elle doit être conquérante et fière. Soyons une élite. Soyons nobles et magnanimes. Que ce profond respect des traditions que nous cultivons, et par lequel nous nous distinguons dans la société, soit notre honneur revendiqué.
Vous pouvez être cette élite
Vigueur et fécondité des œuvres ! Voilà les deux caractéristiques de la vraie noblesse d’âme engendrant l’élite. Cela s’éduque dès le jeune âge, notamment par l’exemple des parents, qui ne traînent pas devant les écrans, mais savent contribuer avec mesure au bien commun, hors de la famille.
Pour reprendre les mots d’Ernest Hello : « Si vous êtes vivants, excitez en vous la vie. Prenez votre âme et apportez-la dans la mêlée ! Prenez vos désirs, prenez votre pensée, votre prière, votre amour ! Prenez dans vos mains les instruments dont vous savez vous servir et jetez-vous tout entiers dans la balance où tout pèse. Si vous êtes endormis, réveillez-vous. Si vous êtes morts, ressuscitez. Cherchez dans votre vie passée, dans votre vie éteinte le meilleur de vos souvenirs. Rappelez-vous le parfum matinal des rosées d’autrefois que vous avez dû sentir, et voyez si vous avez la force de dire : qu’importe !
Placés entre le feu de ceux qui aiment et le feu de ceux qui haïssent, il faut prêter main forte aux uns ou aux autres. Sachez-le donc ! ce n’est pas à l’homme en général, c’est à vous en particulier que l’appel est fait ; car toutes les forces morales, intellectuelles, matérielles, qui se trouvent à votre disposition, sont autant d’armes que Dieu vous a mises dans les mains, avec la liberté de vous en servir pour lui ou contre lui. Il faut vous battre ; vous vous battez nécessairement.
Il ne vous est laissé que le choix du camp ».
Source : Lettre aux amis et bienfaiteurs du séminaire Saint-Curé-d’Ars N° 106