J’ai découvert la vocation de Frère de la Fraternité

En quoi Monseigneur Lefebvre a‑t-​il inno­vé en pla­çant des frères dans les prieu­rés ? Que font-​ils quo­ti­dien­ne­ment ? Quelle dif­fé­rence avec les autres religieux ?

La Fraternité Saint Pie X possède-​t-​elle de vrais religieux ? 

Monseigneur Lefebvre a fon­dé la Fraternité comme socié­té sacer­do­tale de vie com­mune sans vœux, c’est-à-dire com­po­sée de prêtres qui ne pro­noncent pas les trois vœux reli­gieux, mais vivent dans des Maisons régies par un règle­ment des­ti­né à allier la sou­plesse du minis­tère auprès des âmes à un esprit religieux.

Mais pour que l’esprit reli­gieux soit réel­le­ment pré­sent dans nos Maisons, il a vou­lu que la Fraternité pos­sède des reli­gieux qui ne soient pas prêtres, mais par­tagent leur quo­ti­dien. On les appelle les « Frères de la Fraternité ». Ceux-​ci se consacrent à Dieu dans la vie reli­gieuse, pro­non­çant le triple vœu de mener une vie obéis­sante, chaste et pauvre, qui est un enga­ge­ment stable de tendre à la per­fec­tion. Leur état de vie est ain­si plus par­fait que celui des prêtres de la Fraternité, qui ne pro­noncent pas ces vœux.

En quoi Monseigneur Lefebvre a‑t-​il innové ?

Monseigneur, en fon­dant la Fraternité comme ins­ti­tut clé­ri­cal, y a donc vou­lu des reli­gieux non-​prêtres, diri­gés par des prêtres non-​religieux. Ce fut un coup de génie.

L’audace de Monseigneur fut d’aller au-​devant du droit canon de l’Église, sans pour autant le contre­dire – à l’exemple d’un saint Vincent de Paul avec ses sœurs au contact des pauvres. En cette crise du sacer­doce, accen­tuée par les réformes post­con­ci­liaires, il fal­lait abso­lu­ment pous­ser les prêtres à recher­cher davan­tage la sain­te­té, et exal­ter le sacer­doce pour atti­rer les vocations.

Ainsi il a fait des « prêtres ayant l’esprit reli­gieux », et des « frères ayant l’esprit sacer­do­tal » en se vouant tota­le­ment au ser­vice du sacer­doce de Notre-​Seigneur dans ses prêtres.

Que font-​ils quotidiennement ?

La vie com­mune des frères est iden­tique à celle des prêtres. Leur vie de prière consiste en trois offices du Bréviaire, l’oraison silen­cieuse du matin, la sainte Messe et le cha­pe­let, tout cela en com­mun avec les prêtres. Ils ali­mentent leur esprit par une lec­ture spi­ri­tuelle selon leur goût, et la lec­ture de deux pas­sages de la Bible. Beaucoup disent leur rosaire com­plet au cours de la jour­née. Ils sou­lagent les prêtres dans les tra­vaux domes­tiques (cui­sine, jar­din, bri­co­lage, linge), rayonnent sou­vent par leur pré­sence dans les com­merces du quar­tier, accueillent les visi­teurs au prieu­ré, font le caté­chisme aux enfants, orga­nisent et enseignent le ser­vice de Messe, gèrent les sacristies. 

Puis selon leurs talents : ils éduquent et donnent des cours dans nos écoles, cultivent pota­gers et fleurs, dirigent la cho­rale, jouent de l’orgue, font de la maçon­ne­rie, de la menui­se­rie, de la comp­ta­bi­li­té, orga­nisent les fêtes parois­siales, font la relec­ture ou la tra­duc­tion d’ouvrages de la Tradition en d’autres langues, des négo­cia­tions de contrats, etc…

Quelle différence avec les autres religieux ?

Au sein des dif­fé­rentes voca­tions reli­gieuses, nos frères ont une place excep­tion­nelle : en effet, le point com­mun entre tous les reli­gieux est la consé­cra­tion de soi à Dieu par le moyen des trois vœux. Ensuite la dis­tinc­tion se fait selon la fina­li­té propre de chaque congré­ga­tion reli­gieuse et en consé­quence selon le mode de vie, qui va du contem­pla­tif cloî­tré à la sœur hos­pi­ta­lière au milieu du monde. Mais nos frères ont une fina­li­té si pro­fonde qu’elle atteint la nature même de leur consé­cra­tion reli­gieuse : ce n’est pas sim­ple­ment à Dieu qu’ils se consacrent, mais à Jésus dans son sacer­doce éter­nel : « cette consé­cra­tion reli­gieuse sera faite dans un esprit de consé­cra­tion au sacer­doce de Notre-​Seigneur qui se conti­nue dans ses ministres et sur l’autel [1]». Ils sont les reli­gieux du sacer­doce, les sou­tiens des prêtres, dans leur per­sonne, leur sanc­ti­fi­ca­tion et leur minis­tère : « C’est pour­quoi ils auront le désir pro­fond de ser­vir le prêtre res­pec­tueu­se­ment et fidè­le­ment, consi­dé­rant en lui le carac­tère sacer­do­tal plus que la per­sonne… Pour le même motif ils auront une dévo­tion sans borne pour le saint sacri­fice de la messe… Qu’ils nour­rissent une grande dévo­tion aus­si pour tout ce qui touche au saint sacri­fice : litur­gie, lieux de culte, etc…[2] ».

On a dit que la crise actuelle est une crise du sacer­doce ; le remède sera alors dans le sou­tien et la sanc­ti­fi­ca­tion du sacer­doce. Nos frères ont ain­si une place de choix dans le relè­ve­ment de l’Église. Place humble, cachée, mais fruc­tueuse comme le levain dans la pâte.

Quelle place ont-​ils dans l’Église ?

La pen­sée de notre véné­ré fon­da­teur est claire : Les frères sont avant tout membres de la Fraternité. Ils vont donc unir toute leur vie quo­ti­dienne au Saint Sacrifice de la Messe, centre de notre dévo­tion : « qu’ils trouvent dans cette convic­tion – que toute leur vie a un aspect pro­fon­dé­ment sur­na­tu­rel et apos­to­lique du fait qu’elle est offerte en par­ti­ci­pa­tion au Saint Sacrifice de la Messe – et dans cette réa­li­té plus céleste que ter­restre leur joie inal­té­rable, leur conso­la­tion inces­sante, leur séré­ni­té constante [3]».

Le propre des reli­gieux de la Fraternité est de faire dépendre l’ensemble de leur vie quo­ti­dienne de la Sainte Messe, de l’orienter sur celle-​ci, et de fon­der ain­si leur vie reli­gieuse sur le Trésor de l’Église, son Cœur, la Source de toute per­fec­tion. Comme un saint François qui vou­lait redres­ser l’Église par la pau­vre­té, un saint Dominique par la pré­di­ca­tion, un saint Vincent de Paul par la cha­ri­té, un saint Bruno par la contem­pla­tion, en des époques où ces ver­tus étaient mena­cées, Monseigneur Lefebvre a vou­lu redres­ser l’Église par le retour à ce qui en est le centre, la Sainte Messe, en notre époque où elle est si incom­prise et attaquée.

Et Monseigneur, sachant que les frères pour­raient être ten­tés de cher­cher une dévo­tion secon­daire, les met en garde : « Qu’ils évitent de cher­cher toute autre solu­tion à leur désir de per­fec­tion [4]».

Cependant leurs supé­rieurs, prêtres, n’ont pas les mêmes enga­ge­ments reli­gieux : une dif­fi­cul­té pour­rait alors en résulter.

N’est-ce pas imprudent d’avoir dans la FSSPX des frères religieux, qui obéissent à des prêtres non-religieux ?

Monseigneur Lefebvre était sage, il avait une expé­rience per­son­nelle hors du com­mun de la vie reli­gieuse (il a pro­non­cé ses vœux reli­gieux chez les Spiritains en 1932) ; de la col­la­bo­ra­tion entre reli­gieux et sécu­liers (Délégué Apostolique du pape Pie XII, il fut arti­san de l’implantation en Afrique de nom­breuses com­mu­nau­tés reli­gieuses dans les dio­cèses) ; de la vie apos­to­lique (supé­rieur de plu­sieurs mis­sions en brousse, supé­rieur géné­ral d’une congré­ga­tion apos­to­lique) ; de la vie de com­mu­nau­té ; de la coha­bi­ta­tion entre prêtres et frères (dans sa propre congré­ga­tion spi­ri­taine), de la vie des prêtres sécu­liers (supé­rieur des prêtres dio­cé­sains de Tulle ou de Dakar). Fort de cette expé­rience excep­tion­nelle, il lui a sem­blé pru­dent et sage de faire vivre ensemble frères reli­gieux et prêtres non-​religieux, leurs supé­rieurs. En ceci, Monseigneur a inno­vé, mais il a mis en place des condi­tions pré­cises pour le rendre possible.

Comment s’y est-​il pris ?

En pre­mier lieu, il a don­né une uni­té par­faite de but à tous les membres de la Fraternité.

Monseigneur défi­nit ain­si le but spé­ci­fique de la Fraternité : « elle est cen­trée sur le sacer­doce de Notre-​Seigneur, en consé­quence sur le Saint-​Sacrifice de la Messe, acte prin­ci­pal de ce sacer­doce, et sur tout ce qui auréole la Messe [5] ».

Ensuite il donne le moteur de cette spé­ci­fi­ci­té, carac­té­ris­tique des membres de la Fraternité : « Un grand amour de Dieu embra­se­ra le cœur des membres de la Fraternité. Cette cha­ri­té devra être telle qu’elle engendre natu­rel­le­ment…[6]» et suivent les autres ver­tus deman­dées, notam­ment la dévo­tion à la Sainte Messe. Monseigneur Lefebvre a donc clai­re­ment vou­lu que la cha­ri­té à un haut degré soit le moteur véri­table de notre dévo­tion et de notre com­bat pour le sacer­doce catholique.

Ce n’est pas parce que frères et prêtres auront un même but et un même esprit que leur vie commune sera facile, puisqu’ils ont des missions très différentes… 

Cette uni­té pro­fonde dans l’âme des prêtres et des frères, cause une uni­té dans l’agir : « Les membres de la Fraternité auront une dévo­tion véri­table et conti­nuelle pour leur sainte messe, pour la litur­gie qui l’auréole, et tout ce qui peut rendre la litur­gie expres­sive du mys­tère qui s’y accom­plit. Ils auront à cœur de tout faire pour pré­pa­rer spi­ri­tuel­le­ment et maté­riel­le­ment les saints mys­tères [7] » ; « Les membres non-​prêtres auront le culte des lieux et des objets ser­vant à la litur­gie. Ils auront le sou­ci de contri­buer à la splen­deur de la litur­gie par la musique, le chant et tout ce qui peut contri­buer légi­ti­me­ment à éle­ver les âmes vers les réa­li­tés célestes [8]».

Oui, mais demeure toujours cette différence entre religieux et non-religieux…

Deux dif­fé­rences peuvent exis­ter entre reli­gieux et non-​religieux : l’état d’esprit, et les règles canoniques.

Quant aux règles cano­niques, les prêtres ne pro­noncent pas les vœux de reli­gion, car ceux-​ci, tels que réglés par le droit de l’Église, peuvent les mettre en porte-​à-​faux vis-​à-​vis de leur minis­tère dans les cir­cons­tances actuelles, comme l’expérience le manifeste.

Mais quant à l’esprit, il n’y a aucune dif­fé­rence entre frères et prêtres : les prêtres de la Fraternité ont l’esprit reli­gieux et les frères de la Fraternité ont l’esprit sacerdotal.

Les frères sanctifient-​ils les prêtres ?

Les sta­tuts de la FSSPX portent l’esprit reli­gieux chez ses membres ; Monseigneur Lefebvre le répète à trois reprises sous divers angles de vue [9].

Plus encore, Monseigneur Lefebvre insiste sur le fait que dans la Fraternité cet esprit reli­gieux sera le fruit de la qua­li­té de notre cha­ri­té : « Un grand amour de Dieu embra­se­ra le cœur des membres de la Fraternité. Cette cha­ri­té devra être telle qu’elle engendre natu­rel­le­ment la vir­gi­ni­té et la pau­vre­té, qu’elle sus­cite constam­ment le don de soi-​même, par la foi et l’obéissance prompte, géné­reuse et aimante [10] ». Nous avons là l’esprit des trois vœux religieux.

Il est évident qu’un esprit reli­gieux n’existe que s’il est vécu. Voilà pour­quoi la pré­sence des frères au milieu des prêtres est un atout, car ils rendent vivant cet esprit, le dis­til­lent dans la com­mu­nau­té. Parce qu’ils sont dis­crets dans cette exem­pla­ri­té, mais fidèles, ils touchent le cœur des prêtres beau­coup plus pro­fon­dé­ment qu’ils ne peuvent l’imaginer. Combien de fois nous pou­vons admi­rer la gran­deur de l’humilité, de l’obéissance ou du sens du ser­vice de cer­tains frères !

La relation profonde entre prêtres et frères de la Fraternité

On com­prend dès lors com­bien il est impor­tant pour les prêtres d’apprendre à diri­ger des reli­gieux, de bien connaître et res­pec­ter chez les frères non seule­ment l’engagement des vœux, mais sur­tout les condi­tions de vie, d’organisation et de gou­ver­ne­ment ren­dant cette vie reli­gieuse facile et sanc­ti­fiante : « Les supé­rieurs locaux s’efforceront d’aider à la sanc­ti­fi­ca­tion des frères [11] ».

Cela signi­fie que dans le cœur des prêtres, les frères sont à la pre­mière place. Prêtres et frères déve­loppent des rela­tions de grande ouver­ture mutuelle, hié­rar­chiques mais empreintes de confiance affec­tueuse et respectueuse.

« C’est dans la litur­gie véri­table et dans la prière com­mune que se for­ge­ront l’unité et la cha­ri­té de la com­mu­nau­té [12]».

Le mode de vie de la Fraternité (prieu­rés, écoles, mis­sions) rend ain­si souple l’alliance de l’obéissance et de l’autonomie, l’épanouissement de l’humilité et des talents naturels.

Quel sou­tien et enri­chis­se­ment mutuels alors !

Pour tout renseignement :

Abbé Monnier
Noviciat des Frères
Séminaire Saint-Curé‑d’Ars, Flavigny.
Vous êtes le bienvenu !

Source : Lettre n° 105 aux Amis et Bienfaiteurs du Séminaire Saint-Curé-d’Ars

Notes de bas de page
  1. Règle des Frères, § 9[]
  2. Règle des Frères, § 9 à 11[]
  3. Règle des Frères, § 5[]
  4. Règle des Frères, § 5[]
  5. Statuts II,1,2,3[]
  6. Statuts II,1,2,3[]
  7. Statuts II,3[]
  8. Statuts II,4[]
  9. Statuts I,1 /​VI,1 /​VI, 5,6,7[]
  10. Statuts VI,1[]
  11. Statuts V,10[]
  12. Statuts V,10[]

FSSPX

M. l’ab­bé Guillaume GAUD est actuel­le­ment Directeur du Séminaire Saint Curé d’Ars de Flavigny sous l’au­to­ri­té de la Maison Générale et donc supé­rieur majeur. Il est connu pour ses com­pé­tences à pro­pos de l’Islam.