Tout ce qu’il faut savoir sur le Jubilé du Puy

En 992, le Pape Jean XV décrète que chaque fois que le 25 mars, date de l’Annonciation et patronne de la Basilique, va coïn­ci­der avec le Vendredi Saint, c’est-​à-​dire en une ren­contre mer­veilleuse des mys­tères de l’Incarnation et de la Rédemption, une année jubi­laire sera accor­dée avec abon­dance de grâces. Or, en 2005, le Vendredi Saint était le 25 mars et eut lieu le 30e jubi­lé. Les pro­chains jubi­lés du Puy sont en 2016, puis en 2157 ! La Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X orga­nise un pèle­ri­nage au Puy du same­di 9 avril au dimanche 10 avril 2016.

La fondation de l’Eglise du Velay

Les antiques tra­di­tions de l’Eglise du Puy nous enseignent que le pre­mier évêque du Velay fut saint Georges, envoyé dans les Gaules par saint Pierre en vue d’é­van­gé­li­ser les hauts pla­teaux du Centre. Le Prince des Apôtres lui adjoi­gnit comme com­pa­gnon de route saint Front, futur évêque de Périgueux.

Mais à peine eurent-​ils atteint la petite ville de Bolsène – au nord de Rome – que Georges tré­pas­sa. Abattu, Front repar­tit pour Rome où Pierre lui remit son bâton de marche, lui deman­dant de le dépo­ser sur la tombe du défunt, ense­ve­li depuis six jours. Saint Front s’exé­cu­ta et Georges res­sus­ci­ta. Tous deux reprirent leur route.

Le bâton mira­cu­leux fut ensuite par­ta­gé en deux moi­tiés et saint Georges dépo­sa sa par­tie dans l’é­glise de Saint-​Paulien, siège pri­mi­tif de l’é­vê­ché du Velay. On porte au cré­dit du pre­mier évêque du Velay la très spé­ciale dévo­tion qu’il avait à la Sainte Vierge. Jamais il ne man­quait de la citer dans ses homé­lies et de chan­ter sa louange.

Les apparitions de la Sainte Vierge Marie et la Dédicace de la cathédrale

Avant de mou­rir « pour la seconde fois » de façon très pai­sible par­mi ses ouailles (en l’an 84 selon les anciennes tra­di­tions ; vers le milieu du IIIème siècle, selon d’autres), saint Georges eut le temps de se rendre sur le Mont-​Anis où une veuve venait d’être mira­cu­leu­se­ment gué­rie par l’in­ter­ces­sion de la Bienheureuse Vierge Marie. Cette pieuse femme malade, bap­ti­sée par saint Front, s’é­tait sans suc­cès sou­mise à la méde­cine des hommes. Elle s’é­tait alors adres­sée à la Sainte Vierge qui lui fit entendre ces paroles :

« Levez-​vous, ma fille, du lit où vous ne sau­riez trou­ver la san­té, et allez la cher­cher sur le Mont-​Anis où elle vous sera rendue. »

Elle se fit por­ter au lieu indi­qué, y vit une grande pierre noire et car­rée en forme d’au­tel sur laquelle elle se repo­sa et s’en­dor­mit. Cette pierre était un autel sacré sur lequel les druides accom­plis­saient les céré­mo­nies du culte. Dans son som­meil lui appa­rut une Dame rayon­nante de clar­té entou­rée d’anges. Elle s’en­har­dit à deman­der quelle était cette reine :

« C’est, répon­dit un des anges, l’au­guste Mère du Sauveur qui, entre tous les lieux du monde, s’est choi­si spé­cia­le­ment cet endroit, pour y être ser­vie et hono­rée jus­qu’à la fin des siècles ; et afin que vous ne pre­niez pas ce que vous voyez pour un vain songe, sachez que la gué­ri­son que vous dési­rez vous est accordée. »

A la nou­velle de ce miracle, saint Georges était accou­ru sur le Mont Anis et fut dou­ble­ment éton­né, en ce jour du 11 juillet, de voir le lieu cou­vert de neige et un cerf gam­ba­dant qui tra­çait l’en­ceinte du sanc­tuaire que Notre-​Dame vou­lait voir éri­ger en ce lieu. Saint Georges ne plan­ta qu’une haie d’au­bé­pines. Le len­de­main 12 juillet, la neige avait dis­pa­ru et l’au­bé­pine s’é­pa­nouis­sait comme une cou­ronne vir­gi­nale. Malgré la venue de saint Martial de Limoges, pre­mier pèle­rin du Mont-​Anis, qui dési­gna dans l’en­clos la place que devait occu­per l’au­tel de la basi­lique future et qui remit à l’Eglise du Puy une relique de très grand prix – un sou­lier de la Sainte Vierge – le pro­jet traî­na et n’a­bou­tit que plus tard. Il fal­lut attendre l’é­pis­co­pat de saint Evode ou Vosy, sep­tième évêque du Velay – vers 220 selon les uns, vers 375 de façon plus vrai­sem­blable selon les autres – et une nou­velle gué­ri­son mira­cu­leuse au même endroit, sur la pierre qu’on appel­le­ra Pierre des fièvres, pour que fût enfin entre­pris le sanc­tuaire récla­mé à nou­veau par la Vierge Marie :

« Ma fille, dit-​elle à la malade, c’en est fait, vous êtes gué­rie. Allez trou­ver mon ser­vi­teur Vosy ; dites-​lui, de ma part, qu’il ne manque pas de jeter ici au plus tôt les fon­de­ments du sanc­tuaire que n’ont pu m’y éle­ver ses pré­dé­ces­seurs… C’est ici que j’ac­cor­de­rai aux sup­pli­ca­tions de la pié­té le sou­la­ge­ment des malades et la conso­la­tion des affli­gés. J’ai choi­si cette mon­tagne entre mille pour don­ner une audience favo­rable à ceux qui vien­dront m’y pré­sen­ter leurs demandes et leurs requêtes. »

En confir­ma­tion de cela, la neige tom­ba à nou­veau en abon­dance. Saint Vosy jugea bon de trans­fé­rer le siège épis­co­pal de Saint-​Paulien à Anicium ou Mont-​Anis, deve­nant le pre­mier évêque du Puy, nom qui sera don­né au Mont-​Anis au début du XIe siècle1. Aidé de saint Scutaire, patri­cien romain, archi­tecte et l’un de ses suc­ces­seurs, il construi­sit le sanc­tuaire qui ne com­pre­nait alors que ce que l’on appelle la « chambre angé­lique », c’est-​à-​dire l’ab­side et la pre­mière tra­vée de l’ac­tuelle cathé­drale du Puy. Il enfer­mait la Pierre des fièvres.

L’église fut consa­crée du vivant de saint Vosy, non par la main des hommes mais par le minis­tère des anges, à la lueur de mil­liers de torches célestes dont plus de trois cents furent recueillies à la suite de la céré­mo­nie par la pié­té des fidèles. Elle fut ache­vée par saint Scutaire dans la pre­mière moi­tié du Ve siècle. En rai­son des appa­ri­tions de la Sainte Vierge et de la consé­cra­tion angé­lique, la cathé­drale du Puy, tout comme la ville et le dio­cèse, est pla­cée sous le patro­nage de Notre-​Dame de l’Annonciation, vocable qui unit le 25 mars et la dévo­tion à Notre-​Dame et la dévo­tion aux saints anges. De plus, la fête de la Dédicace de la cathé­drale est fixée au 11 juillet, jour de la pre­mière chute de neige. Ce sanc­tuaire angé­lique allait deve­nir le plus véné­ré des lieux de pèle­ri­nage de la chré­tien­té en l’hon­neur de Notre-​Dame, avec Sainte-​Marie-​Majeure à Rome. Accomplissant de nom­breux miracles de gué­ri­son sur cette antique pierre drui­dique du Mont- Anis, la Bienheureuse Vierge Marie appa­rut comme l’ins­tru­ment de la vic­toire du catho­li­cisme sur le paga­nisme antique.

Le Puy et Lourdes

Notre-​Dame du Puy va appa­raître éga­le­ment comme l’ins­tru­ment de la vic­toire du catho­li­cisme sur l’Islam, à l’é­poque de Charlemagne.

Par deux fois, en tant que roi des Francs puis en tant qu’empereur, Charlemagne se ren­dit au Puy. Pour mieux assu­rer le ser­vice du Mont-​Anis et mieux pour­voir à la majes­té du culte, il déve­lop­pa le cha­pitre de Notre-​Dame en créant dix cano­ni­cats sup­plé­men­taires. Voici en quels termes s’ex­prime l’empereur :

« Nous avons visi­té der­niè­re­ment la basi­lique ou très sainte et angé­lique église de la bien­heu­reuse Marie d’Anicium… Pour l’ac­crois­se­ment du culte et du ser­vice divin, dans une si sainte basi­lique où les fidèles de toutes les par­ties du monde viennent implo­rer le secours de Dieu et … la très clé­mente Mère de Dieu… nous créons dix cha­noines qui prie­ront pour l’aug­men­ta­tion et la dila­ta­tion de toute l’Eglise apos­to­lique et romaine. »

De plus, en com­pa­gnie de Rorice ou Borice, évêque du Puy, Charlemagne s’oc­cu­pa de réduire, dans les Pyrénées, la pro­vince de Bigorre où un chef sar­ra­sin s’é­tait consti­tué une sorte de sou­ve­rai­ne­té indé­pen­dante. Il l’as­sié­gea dans son impre­nable cita­delle de Mirambelle. Devant l’in­suc­cès de l’en­tre­prise, Rorice du Puy se mit en prière et invo­qua la Reine du Ciel. Grâce à l’in­ter­ces­sion de Notre-​Dame et à un miracle qu’elle accom­plit, l’é­vêque ren­con­tra le chef musul­man, jus­qu’a­lors intrai­table, qui s’a­dou­cit et fut tou­ché par la grâce. Il fit don de sa sei­gneu­rie de Bigorre à Sainte- Marie du Mont-​Anis, ce qu’ap­prou­va Charlemagne. Quelque temps plus tard, le chef maure rati­fia la conven­tion dans l’é­glise angé­lique du Puy. Il y reçut le bap­tême avec ses hommes dans les meilleures dispositions.

Le châ­teau de Mirambelle et la ville qui l’en­toure s’ap­pellent désor­mais Lourdes. Le Puy, Lourdes : deux lieux où appa­rut la Bienheureuse Vierge Marie à des siècles de dis­tance, mais lieux qui vivent de Notre-​Dame, dans un lien très étroit de paren­té spi­ri­tuelle. En 1062, devant l’é­vêque du Puy Pierre II de Mercoeur, le comte Bernard Ier de Bigorre renou­ve­la l’al­lé­geance à Notre- Dame du Puy de son domaine , exempt de toute autre suze­rai­ne­té que celle de Notre-Dame.

En 1307, l’é­vêque du Puy et son cha­pitre céde­ront à Philippe le Bel l’hom­mage de Lourdes et de la Bigorre, lequel sera rem­pla­cé par un tri­but annuel et per­pé­tuel qui sera ver­sé jus­qu’à la Révolution française.

Ainsi, l’é­glise angé­lique du Puy reven­dique hau­te­ment et à juste titre son droit d’aî­nesse et de suze­rai­ne­té sur la terre de Lourdes.

Plus près de nous, les pèle­ri­nages repren­dront de Lourdes au Puy et celui du 15 août 1829 sera l’un des plus mar­quants. De plus, le 11 février 1856, le pape Pie IX signe­ra le décret d’é­rec­tion de la cathé­drale du Puy, église-​mère de Lourdes, en basi­lique mineure, soit deux ans jour pour jour avant la pre­mière appa­ri­tion de la Bienheureuse Vierge Marie à Lourdes, église-​fille du Puy. La Sainte Vierge reste maî­tresse et du Puy et de Lourdes.

Les papes au Puy

La dévo­tion à la Vierge du Mont Anis ne ces­se­ra de croître au cours des siècles. Les pèle­rins malades pren­dront l’habitude de s’étendre sur la Pierre des fièvres pour obte­nir leur gué­ri­son. Les pèle­rins pécheurs trou­ve­ront auprès de Notre-​Dame sou­la­ge­ment et conversion.

De plus dès 951, par­ti­ra du Puy la pre­mière des quatre grandes routes qui condui­ront au tom­beau de l’apôtre saint Jacques à Compostelle ; à par­tir de la fin du Xème siècle, en 992, se met­tra en place le Grand Pardon ou Jubilé du Puy.

Papes, rois, saints, pèle­rins incon­nus sont venus innom­brables et fer­vents se pros­ter­ner dans l’é­glise angé­lique et appor­ter à Notre-​Dame le tri­but de leur véné­ra­tion et de leurs prières. Et tout d’a­bord, rele­vons l’hom­mage de six papes venus véné­rer la Vierge du Puy. Sans s’être ren­du au Puy, le pape saint Léon IX écri­vit dans une bulle célèbre de 1051 :

« Nulle part, la Sainte Vierge ne reçoit un culte plus spé­cial et plus filial de res­pect, d’a­mour et de véné­ra­tion que celui que les fidèles de la France entière lui rendent dans cette église du Mont-​Anis, autre­ment dite du Puy-Sainte-Marie .»

A cette occa­sion, il concé­da à l’é­vêque du Puy Etienne II de Mercoeur le pri­vi­lège du pal­lium. En 1095, le bien­heu­reux Urbain II, ancien grand-​prieur de Cluny, fut le pre­mier pape à se rendre au Puy, en vue de lan­cer la Croisade contre les musul­mans et pour la déli­vrance des Lieux Saints. Il y pré­si­da la fête du 15 août et pas­sa la jour­née au pied de l’au­tel de Notre-​Dame, lui confiant la for­mi­dable entre­prise qu’il avait conçue. De là, il par­tit pour Clermont où se tint le concile, convo­qué par une lettre du pape datée du Puy. Le pape choi­sit comme légat et chef spi­ri­tuel de la croi­sade l’é­vêque du Puy, Adhémar de Monteil, qui mour­ra de la peste à Antioche en 1098. C’est à l’oc­ca­sion du départ de la Croisade que, selon la tra­di­tion, l’é­vêque du Puy com­po­sa le Salve Regina appe­lé immé­dia­te­ment Antiphona de Podio ou Antienne du Puy. Elle fut pro­ba­ble­ment chan­tée pour la pre­mière fois dans la cathé­drale du Puy.

Au XIIe siècle, cinq papes se ren­dront au Puy. Pascal II s’y trou­va le 14 juillet 1107. Gélase II, fuyant l’Italie en rai­son du conflit l’op­po­sant à l’empereur Henri V se réfu­gia en France, la terre hos­pi­ta­lière des pon­tifes romains per­sé­cu­tés. Il visi­ta le Puy en 1118 avant de mou­rir à Cluny. L’année sui­vante en 1119, Callixte II, pape bour­gui­gnon élu à Cluny, vint mettre son pon­ti­fi­cat sous la pro­tec­tion de la puis­sante Reine du Mont-​Anis. En 1130, Innocent II, chas­sé de Rome par les intrigues de l’an­ti­pape Pierre de Léon, se ren­dit au Puy pour sup­plier Notre-​Dame de mettre un terme aux divi­sions de l’Eglise. Alexandre III, fuyant l’empereur Frédéric Ier Barberousse, vint rendre hom­mage à la Vierge du Puy en août 1162 et en juin 1165.

Les rois au Puy

Evoquons ma inte­nant l’hom­mage des rois venus prier la Vierge. Nous avons déjà men­tion­né le double pèle­ri­nage de Charlemagne au Puy. Son fils, Louis le Pieux, s’y ren­dit en 795 alors qu’il n’é­tait que roi d’Aquitaine. Devenu empe­reur en 814, il y revint deux fois en 832 et 833. En 877, son fils l’empereur Charles le Chauve fit éga­le­ment le pèlerinage.

En 892, le roi de France Eudes vint implo­rer la Vierge Marie pour qu’elle pro­tège le royaume des inva­sions nor­mandes. En 1029, la dévo­tion ame­na éga­le­ment le roi Robert II aux pieds de Notre-​Dame du Puy, ain­si que Louis VI un petit peu plus tard2. En 1146, Louis VII ne vou­lut pas par­tir à la seconde Croisade sans se mettre sous la pro­tec­tion de la Vierge du Puy. Son fils, Philippe-​Auguste agi­ra de la même façon en 1188 avant d’en­tre­prendre la troi­sième Croisade.

Saint Louis vint au Puy en 1245((Cette pre­mière venue est par­fois contes­tée.)) puis en 1254. Nous ver­rons plus loin que, très pro­ba­ble­ment, lors du second voyage à l’is­sue de la sep­tième Croisade, il fit hom­mage au sanc­tuaire de la fameuse « Vierge noire » détruite en 1794.

Philippe III en 1283 et Philippe IV en 1285 firent de somp­tueux pré­sents à la bien­heu­reuse Vierge Marie lors de leur venue.

Accompagné de ses oncles, les ducs de Berry et de Bourgogne, Charles VI vint véné­rer la Vierge à l’Annonciation de 1394. Il sem­blait alors remis de deux ter­ribles accès de folie qui l’avaient ter­ras­sé en 1392 et 1393.

A l’Annonciation de 1420, le futur Charles VII confia à Notre-​Dame la situa­tion déses­pé­rée de la France, juste avant la vente du royaume aux Anglais. Devenu roi, Charles VII revien­dra quatre fois encore à l’é­glise angé­lique. En 1422, au début de son règne, il accou­rut au Mont-​Anis pour deman­der aide et pro­tec­tion. Il y revint en jan­vier 1424, et en décembre 1425 dans la « grande pitié du royaume de France ». Sans être pré­sent au Grand Pardon de 1429 qui fut un véri­table pèle­ri­nage natio­nal, du 25 mars au 3 avril, le roi, ain­si que le peuple, mit toute son espé­rance en le secours de Notre- Dame. Tant de confiance allait être récom­pen­sée. Une inter­ven­tion mira­cu­leuse se pro­dui­sit : Jeanne d’Arc appa­rut et la France fut mira­cu­leu­se­ment sauvée.

Jeanne d’Arc vou­lut elle­même mettre son entre­prise sous la pro­tec­tion de Notre-​Dame du Puy. Elle conce­vait ce jubi­lé comme le point de départ de la rédemp­tion de la France. Dans l’es­prit de l’hé­roïne, c’é­tait au moment où la prière de la France entière reten­ti­rait sous les voûtes du sanc­tuaire du Mont-​Anis que la sainte Vierge mani­fes­te­rait son inter­ven­tion mira­cu­leuse en faveur du pays occu­pé. La convic­tion de sainte Jeanne d’Arc était si forte que, ne pou­vant se rendre au Puy, rete­nue à Poitiers, elle se fit repré­sen­ter au jubi­lé par sa mère, Isabelle Romée, par ses frères Jean et Pierre et par plu­sieurs che­va­liers de son escorte de Vaucouleurs à Chinon. Jeanne d’Arc pria donc au Puy par le tru­che­ment de sa famille et de son entou­rage. Le jubi­lé s’a­che­va début avril 1429. Le 29 du même mois, Jeanne entrait dans Orléans et la déli­vrait tota­le­ment le 8 mai sui­vant. Le 17 juillet de la même année, dans l’oc­tave de la dédi­cace de Notre-​Dame du Puy, Charles VII était enfin sacré à Reims et cou­ron­né roi de France. Il n’é­tait pas ingrat. Il vou­lut mani­fes­ter sa recon­nais­sance en venant en 1434 remer­cier solen­nel­le­ment Notre- Dame du Puy qui avait dai­gné bénir sa cou­ronne et sau­ver la France.

Voici venir main­te­nant le roi Louis XI, trois fois pèle­rin du Mont-​Anis. Jeune prince, il accom­pa­gna son père en 1434. Devenu roi et inquiet de son salut au soir de sa vie, il vint au Puy en 1475 et 1476 en mani­fes­tant des lar­gesses royales à l’é­gard de tous. En 1449, fut ins­ti­tué au Puy le troi­sième Angelus, réci­té le midi. L’usage fut consa­cré en 1455 par Callixte III et Louis XI l’é­ten­dit à tout le royaume en 1476.

En 1495, Charles VIII au retour de la guerre d’Italie vint remer­cier Notre- Dame de l’a­voir puis­sam­ment protégé.

C’est du fond de sa pri­son de Madrid, après la défaite de Pavie en 1525, que François Ier s’en­ga­gea à se rendre au Puy s’il recou­vrait la liber­té. Libéré l’an­née sui­vante, il se ren­dit au Mont-​Anis en 1533. L’entrée de François Ier, accom­pa­gné de la reine, des trois princes ses fils, du car­di­nal de Lorraine, du nonce, d’é­vêques nom­breux, de six ambas­sa­deurs, d’une suite nom­breuse, fut la plus brillante dont les annales du Puy aient conser­vé le sou­ve­nir. Ce fut en même temps la der­nière des visites d’un roi de France au Puy.

Toutefois, en 1621 encore, le roi Louis XIII avoue­ra au pape sa spé­ciale dévo­tion à la Vierge du Puy à laquelle il se consa­cra per­son­nel­le­ment en 1629. Fort des grâces nom­breuses qu’il en reçut, il consa­cra son royaume à Notre- Dame en 1638. On peut d’ailleurs dire que l’Assomption est deve­nue la fête « prin­ci­pale » de la cathé­drale du Puy, accom­pa­gnée ce jours-​là de la grande pro­ces­sion dans les rues de la ville.

Plus près de nous, la reine Marie-​Amélie se ren­dra au Puy à l’oc­ca­sion du Jubilé de 18423.

Enfin, le dimanche 2 mars 1941, le maré­chal Pétain, chef de l’Etat fran­çais, effec­tua une visite offi­cielle au Puy. Il fut accueilli par les auto­ri­tés civiles et reli­gieuses. Reçu à l’évêché par Monseigneur Martin, évêque du Puy et par l’archevêque de Chambéry et les évêques de Clermont et de Viviers, il se ren­dit ensuite à la cathé­drale pour assis­ter à la Messe et véné­rer la Vierge noire. Le Maréchal enten­dait venir comme « Charles VII » selon sa propre expres­sion. La simi­li­tude était judi­cieuse puisque, dans les deux cas, il y avait « grande pitié dans le royaume de France ». L’évêque du Puy reprit dans son homé­lie l’exemple de Charles VII et éta­blit le paral­lèle entre la France d’alors, ses besoins et sa déli­vrance par la Vierge du Puy et la situa­tion pré­sente du pays qui néces­si­tait éga­le­ment le recours à la Vierge du Puy.

Les saints au Puy

Si les papes ne sont venus au Puy qu’à la fin du Xe siècle et au XIIe siècle, lors de la grande période de l’efflorescence mariale, si les rois ont ces­sé au XVIe siècle de prier la Vierge du Mont Anis sur l’emplacement même des appa­ri­tions et des miracles, les saints, eux, n’ont jamais inter­rom­pu le pèle­ri­nage du Puy. Certains, comme sainte Jeanne d’Arc, ont pui­sé leur force dans la dévo­tion à la Vierge du Puy sans pou­voir la prier sur place, mais nom­breux sont ceux qui l’ont visi­tée et lui ont ren­du hom­mage. Aujourd’hui encore, venir prier au Puy, c’est mettre ses pas dans les pas des saints qui n’ont jamais ces­sé de fré­quen­ter ce haut-​lieu marial pri­vi­lé­gié. Prier sur place la Vierge noire, c’est conti­nuer une prière qui n’a jamais été interrompue.

Rappelons main­te­nant le sou­ve­nir de quelques saints qui ont vou­lu hono­rer les gloires de la Vierge du Puy. Nous avons déjà évo­qué saint Martial, l’apôtre du Limousin, qui offrit au Puy un sou­lier de la Sainte Vierge tou­jours visible dans le tré­sor de la cathé­drale. Nous rap­pel­le­rons au début du VIIIe siècle saint Eudes, pre­mier abbé du Monastier et son suc­ces­seur et neveu saint Théodfrède, second abbé, mort mar­ty­ri­sé par les sar­ra­sins le 19 octobre 728.

Vinrent au Puy éga­le­ment les abbés de Cluny qui ne man­quèrent pas de pui­ser pru­dence et force auprès de Notre-​Dame. Saint Mayeul, 4e abbé de 948 à 994, accom­plit au Puy en 960 un miracle qui lais­sa un tel sou­ve­nir que l’Université de la cathé­drale le choi­sit pour son patron.

Son suc­ces­seur saint Odilon, abbé de 994 à 1049, fut lui-​même éle­vé au Puy. Il vint sou­vent prier la Vierge du Mont-​Anis. En 1031, l’é­vê­ché de la ville fut attri­bué à son neveu Etienne II de Mercoeur. Plus tard, saint Pierre le Vénérable, abbé de 1126 à 1156, vint au Puy en 1138 où il accom­plit un miracle fameux, puis en 1146, en même temps que Louis VII.

Saint Robert de Turlande, après un pèle­ri­nage à Rome, vint prier au Puy avant de fon­der le célèbre monas­tère de La Chaise-​Dieu où il mou­rut en 1067 entou­ré de 300 moines.

Saint Hugues, évêque de Grenoble, vint à deux reprises en 1087 et 1130 offrir ses hom­mages et ses prières à Notre-​Dame. La seconde fois, il y ren­con­tra Innocent II. Saint Etienne de Muret, fon­da­teur de l’ordre de Grandmont vint en pèle­ri­nage au Puy avant 11244.

L’ordre de saint Dominique peut se récla­mer de très forts liens avec Le Puy. Au moment où le Sud de la France gémis­sait sous l’hé­ré­sie des Albigeois, Dieu sus­ci­ta saint Dominique. Alors qu’il la priait dans la cathé­drale du Puy, la Sainte Vierge lui appa­rut sou­dai­ne­ment. Elle l’en­cou­ra­gea dans ses labeurs :

« Si vous vou­lez arrê­ter le débor­de­ment des maux qui affligent en ce moment une por­tion notable de l’Église, prê­chez sans relâche aux pauvres éga­rés les mys­tères de la Rédemption et amenez-​les à les médi­ter, car tout le mal actuel vient de l’i­gno­rance et de l’ou­bli des véri­tés de la foi. »

Elle l’en­cou­ra­gea à déve­lop­per par­tout le Rosaire en vue de la conver­sion des héré­tiques, pra­tique qui, ain­si, se rat­tache à la dévo­tion à Notre-​Dame du Puy.

Au soir de la vie de saint Dominique fut éta­bli au Puy un couvent de reli­gieux domi­ni­cains à proxi­mi­té de l’é­glise Saint-​Laurent. Saint Thomas d’Aquin visi­ta lui-​même l’é­ta­blis­se­ment, y ensei­gna et pria la célèbre Vierge((L’affirmation de la venue de saint Thomas d’Aquin au Puy est tirée d’un dépliant sur les sanc­tuaires du Puy édi­té en 2004. )). Un peu plus tard, saint Roch, vrai­sem­bla­ble­ment ter­tiaire domi­ni­cain, vint éga­le­ment prier aux pieds de Notre-​Dame. A l’au­tomne 1416, le couvent abri­ta saint Vincent Ferrier qui, alors qu’il prê­chait pen­dant quinze jours, visi­ta la Vierge du Mont-Anis.

Plus tard encore, en 1602, naî­tra au Puy la bien­heu­reuse Agnès de Langeac, ter­tiaire domi­ni­caine, éle­vée dans l’a­mour de Notre-​Dame du Puy, à laquelle elle se consa­cra dès l’âge de sept ans. En 1631, elle fut gra­ti­fiée d’une vision lors de son orai­son l’in­vi­tant à prier pour un prêtre qu’elle ne connais­sait pas. Trois ans plus tard, en mars 1634, elle ren­con­tra ce prêtre. Il s’a­gis­sait de Monsieur Olier, futur fon­da­teur de la Société de Saint-​Sulpice venu confier son pro­jet à la Vierge du Puy. Soeur Agnès le recom­man­da à Monsieur de Condren, supé­rieur de l’Oratoire de France et le sou­tint dans son œuvre de for­ma­tion et de sanc­ti­fi­ca­tion du cler­gé de France. En 1652, l’é­vêque du Puy confie­ra son sémi­naire aux Sulpiciens, juste retour des choses.

Si saint François d’Assise ne vint pas au Puy, il ne pou­vait man­quer d’y éta­blir une mai­son de son vivant. Les Franciscains s’y fixèrent en 1223. L’illustre thau­ma­turge saint Antoine de Padoue y fut deux ans gar­dien et y ensei­gna la théo­lo­gie. Les reli­gieux se char­gèrent de répandre au loin la renom­mée et la popu­la­ri­té du pèle­ri­nage. Le Grand Pardon du Puy asso­ciait en effet deux mys­tères par­ti­cu­liè­re­ment chers à saint François, l’homme de la Crèche et des Stigmates : l’Annonciation et le Vendredi-Saint.

Fille de sainte Claire d’Assise et réfor­ma­trice, sainte Colette vint au Puy en 1425, munie d’une bulle de Martin V, en vue de fon­der un couvent de Clarisses. Elle y revint en 1432 pour y ins­tal­ler les reli­gieuses dans un éta­blis­se­ment tout neuf. Le 2 juillet, la petite troupe de 15 reli­gieuses véné­ra la Vierge Noire à la cathé­drale, et l’é­vêque « mit les soeurs en pos­ses­sion » de leur monas­tère. Il est encore aujourd’­hui le cœur du quar­tier où sainte Colette avait choi­si de l’im­plan­ter il y a plus cinq siècles.

Faut-​il évo­quer saint François-​Régis, apôtre du Velay et du Vivarais ? Il pas­sa sept années d’une vie bien rem­plie à l’ombre de Notre-​Dame du Puy. Professeur au col­lège, caté­chiste émi­nent, confes­seur infa­ti­gable, pré­di­ca­teur de mis­sions popu­laires dans les cam­pagnes du Velay et du Vivarais, sou­tien des pauvres, il mou­rut en mis­sion à La Louvesc en 1640.

La liste des saints déjà impo­sante ne peut que s’al­lon­ger. Mentionnons, plus près de nous, la venue au Puy de saint Benoît-​Joseph Labre, le pèle­rin­men­diant. Saint Bénilde, Frère des Écoles Chrétiennes vécut à Saugues, dans le dio­cèse du Puy, de 1841 à sa mort en 1862. Il fut un dévot très fervent de Notre- Dame du Puy. Il en fut de même de sainte Euphrasie Pelletier venue véné­rer la Vierge du Puy à qui elle confia cer­tai­ne­ment son œuvre de Notre-​Dame de Charité du Bon Pasteur.

Bien loin d’être exhaus­tive, cette série de saints fait mesu­rer l’am­pleur de la dévo­tion des fidèles de toute la Chrétienté à la Vierge du Puy. Mais c’est plus encore à l’oc­ca­sion des jubi­lés5 que se mani­fes­te­ra le recours des chré­tiens à Notre-​Dame du Puy.

Les statues de la Bienheureuse Vierge du Puy

C’est sur le lieu des appa­ri­tions de la Sainte Vierge et des mul­tiples miracles accom­plis sur la « Pierre des Fièvres » qu’a été construite la cathé­drale. Le cœur de l’é­di­fice en est la « chambre angé­lique » consa­crée par les anges où se trouve le maître-​autel sur­mon­té de la sta­tue de Notre-​Dame du Puy. L’actuelle repré­sen­ta­tion de celle qui est appa­rue deux fois en ce lieu et par l’in­ter­ces­sion de laquelle tant de miracles et de gué­ri­sons ont été obte­nus est une œuvre récente. Elle rem­place deux sta­tues plus anciennes aujourd’­hui détruites.

1) La première statue : la Vierge primitive

Les anciennes tra­di­tions du Puy sur cette pre­mière sta­tue sont diverses : selon les unes, elle aurait été appor­tée par les anges le jour de la Dédicace de la cathé­drale. Selon d’autres, elle serait venue avec saint Vosy lors du trans­fert du siège de l’é­vêque de Saint-​Paulien au Mont-​Anis. D’autres affirment qu’elle fut don­née au sanc­tuaire par Dagobert Ier, Clovis II ou Charlemagne. Quoi qu’il en soit, il est très dif­fi­cile de se faire une idée pré­cise et de la pro­ve­nance et de la repré­sen­ta­tion elle-​même de la Vierge. Toutefois, il semble que la sta­tue ait été conser­vée dans la Cathédrale jus­qu’aux Guerres de reli­gion au 16e siècle. Il est pro­bable que les enseignes des pèle­rins telles qu’elles étaient frap­pées au 13e siècle la repro­dui­saient ou, du moins, s’en ins­pi­raient. Ces enseignes, petites pla­quettes d’é­tain ou de plomb de deux cen­ti­mètres sur quatre que les pèle­rins cou­saient à leur cha­peau ou leur vête­ment étaient des sou­ve­nirs de pèle­ri­nage. Toutes repré­sen­taient la même image :

Notre-​Dame du Puy était assise, tenant l’en­fant sur le genou gauche et une tige fleur­de­li­sée à la main droite. Elle était entou­rée de la légende : SIGILLUM BEATE MARIE DE PODIO, c’est-​à-​dire : sceau de Notre-​Dame du Puy.

En 1096, l’exis­tence de la sta­tue nous est révé­lée par le comte de Toulouse, Raymond de Saint- Gilles. Avant de par­tir pour la pre­mière Croisade, il don­na plu­sieurs vil­lages à l’Eglise du Puy, à charge pour elle de célé­brer tous les ans la fête de saint Gilles et de « faire brû­ler, nuit et jour, un cierge devant la Sainte Vierge ». L’origine de cette pre­mière sta­tue reste bien mystérieuse.

2) La deuxième statue : la Vierge Noire

La plus célèbre des sta­tues de la sainte Vierge véné­rée dans la cathé­drale du Puy fut sans conteste l’an­tique « Vierge noire ». Elle prit la place de l’an­cienne sta­tue, long­temps conser­vée par la suite « der­rière l’au­tel », selon les anciennes chro­niques. Nous pos­sé­dons d’elle plu­sieurs repré­sen­ta­tions, dont une dans un Livre d’Heures du XVe siècle conser­vée à Vienne et une autre dans un ouvrage de Faujas de Saint-​Fond inti­tu­lé « Recherches sur les vol­cans éteints du Vivarais et du Velay » publié à Grenoble en 1778. Désirant savoir com­ment on pou­vait tra­vailler le basalte, le savant géo­logue deman­da à étu­dier la célèbre sta­tue, car on lui avait affir­mé qu’elle était taillée dans cette pierre. Ayant obte­nu du Chapitre l’au­to­ri­sa­tion de la dévê­tir et de l’exa­mi­ner, il consa­cra quatre séances en octobre et novembre 1777 à l’é­tude de la sta­tue. Il la fit repro­duire avec la plus scru­pu­leuse exac­ti­tude par son des­si­na­teur Veyrenc.

Il écri­vit :

« …elle me parut si digne d’at­ten­tion que je l’é­tu­diai avec le plus grand soin au cours de quatre séances suc­ces­sives et la fis repré­sen­ter telle qu’elle appa­rais­sait sous le man­teau dont on la recou­vrait… La sta­tue a deux pieds trois pouces de hau­teur (envi­ron 72 cen­ti­mètres), elle est des­si­née d’une manière rude et raide, son atti­tude est celle d’une per­sonne assise sur un siège tenant un enfant sur son giron. La sta­tue, qui est en bois, paraît être d’une seule pièce et pesant envi­ron 25 livres ; le fau­teuil sur lequel elle repose est déta­ché (mobile). La sta­tue est en cèdre et paraît très ancienne mais voi­ci ce qu’il y a de remar­quable : toute la sta­tue est entiè­re­ment enve­lop­pée de plu­sieurs bandes d’une toile assez fine très for­te­ment col­lée sur le bois… Sur ces toiles col­lées, on a d’a­bord jeté une couche de blanc à gouache sur laquelle on a peint à la détrempe les dra­pe­ries accom­pa­gnées d’or­ne­ments, de dif­fé­rentes cou­leurs… La face de la Mère et celle de l’en­fant sont d’un noir fon­cé imi­tant l’é­bène, mais les mains sont peintes en blanc… La forme du visage pré­sente un ovale extrê­me­ment allon­gé. Les yeux sont consti­tués de deux por­tions demi-​sphériques d’un verre très com­mun, ce qui donne à la sta­tue une allure éton­nante… Le nez est d’une gros­seur et d’une lon­gueur déme­su­rée. La cou­ronne de cuivre qui a la forme d’un casque à oreillettes mobiles est ornée de plu­sieurs camées antiques. »

Après un exa­men minu­tieux, Faujas de Saint- Fond conclut que, fort de la tra­di­tion, et compte tenu de la façon dont la sta­tue est marou­flée et peinte, compte tenu éga­le­ment de la pré­sence de croix grecques sem­blables à celles des repré­sen­ta­tions égyp­tiennes, il pour­rait bien s’a­gir d’une sta­tue très antique en pro­ve­nance d’Egypte. Mais, en rai­son de la forme du visage de la Vierge, peut-​être la sta­tue pourrait-​elle pro­ve­nir du Liban où l’au­raient sculp­tée les pre­miers chré­tiens à par­tir d’un modèle égyp­tien. L’examen de carac­tères pro­ba­ble­ment hébreux qui se trou­vaient sur le revers de la manche gauche de la Vierge n’a rien révé­lé, l’ins­crip­tion trop défor­mée et ren­due illi­sible n’ayant pu être déchif­frée. Il ne faut pas s’en éton­ner car il est cer­tain que la sta­tue a bien sou­vent été repeinte au cours des siècles. Une per­sonne pré­sente, un des por­tiers de la Cathédrale, avait d’ailleurs expli­qué à Faujas de Saint-​Fond qu’à force de faire tou­cher des cha­pe­lets et d’autres objets à la sta­tue, les frot­te­ments l’a­vaient dété­rio­rée et que, récem­ment, un peintre avait repeint les visages. Un des auteurs du XVIIe siècle, Odo de Gissey, écri­vait que, à l’oc­ca­sion de la Semaine Sainte, il était d’u­sage de laver la sta­tue « avec une éponge bai­gnée dans le vin ».

Quelles que soient les hési­ta­tions de Faujas de Saint-​Fond sur l’exacte pro­ve­nance de la sta­tue, ses conclu­sions sou­li­gnaient de façon accu­sée le carac­tère orien­tal de la sta­tue. Au moment de sa des­truc­tion en 1794, on consta­ta à nou­veau, après avoir cou­pé d’un coup de sabre le nez de la Vierge, que la sta­tue était en bois de cèdre. Elle fut alors jetée au feu. Lorsqu’elle fut brû­lée d’un côté, un sol­dat la retour­na avec une barre. Les toiles dont elle était cou­verte ayant flam­bé, une petite porte s’ou­vrit alors dans le dos de la Vierge et il sor­tit de la cavi­té qu’elle fer­mait un petit par­che­min rou­lé que per­sonne n’o­sa reti­rer. Ainsi par­tit en fumée l’ul­time moyen de per­cer le mys­tère de l’o­ri­gine et de la pro­ve­nance de la statue.

La tra­di­tion rela­tée au XVIe siècle par plu­sieurs auteurs et reprise au siècle sui­vant affirme qu’elle était l’œuvre du pro­phète Jérémie, l’un des grands pro­phètes de Juda qui avait annon­cé la venue de la Bienheureuse Vierge Marie et l’Incarnation du Verbe.

Ces his­to­riens relatent avec plus ou moins de détails les vicis­si­tudes de cette sta­tue sculp­tée par le pro­phète : soit celui-​ci la remit aux prêtres de Moïse qui l’au­raient gar­dée dans leur tré­sor de Babylone avant qu’elle n’ar­rive en pos­ses­sion d’un sul­tan qui l’au­rait don­née à un roi de France ; soit elle fut sculp­tée par Jérémie lors de sa cap­ti­vi­té d’Egypte. D’abord conser­vée par les Juifs, elle serait entrée par la suite dans les col­lec­tions des princes d’Egypte. C’est ain­si qu’elle aurait appar­te­nu aux chefs païens, puis aux princes chré­tiens avant d’en­trer en pos­ses­sion des monarques musul­mans qui véné­raient à leur façon Jésus et sa Mère. En 1250, le sou­dan d’Egypte la remit à saint Louis qui la dépo­sa au Puy en 1254((Il est à noter que Le Caire s’appelait Babylone à l’époque de saint Louis. )).

Que saint Louis ait fait don de cette sta­tue au Puy est l’o­pi­nion la plus com­mune sur l’ar­ri­vée de la sta­tue dans le sanc­tuaire. Etait-​elle déjà véné­rée en ce lieu avant 1254 ? Rien ne per­met de l’af­fir­mer avec certitude.

Il faut rele­ver que, Vierge noire, elle n’a pas de simi­li­tude artis­tique avec les Vierges noires romanes si répan­dues en Auvergne et en Velay ; il nous faut admettre une ori­gine orien­tale à la Vierge véné­rée au Puy pen­dant plus de cinq siècles et qui atti­ra tant de fidèles.

Louis XI, étant venu en pèle­ri­nage au Puy en 1475, don­na 1200 écus d’ar­gents et 100 marcs d’or pour faire une niche digne d’a­bri­ter la Vierge pour laquelle il avait une dévo­tion par­ti­cu­lière. Ce tra­vail fut confié à un orfèvre de la ville, ori­gi­naire du Limousin, qui fon­dit et cise­la une sorte d’é­di­cule en ver­meil qu’on appe­la la « cha­da­raï­ta » : l’as­pect de ce monu­ment est conser­vé par des tableaux et des gra­vures anciennes. Puis, en 1729, un nou­veau maître-​autel rem­pla­ça l’an­cien et fut spé­cia­le­ment amé­na­gé pour rece­voir la célèbre sta­tue dans une niche située au-​dessus du taber­nacle. La « cha­da­raï­ta » dis­pa­rut alors et fut envoyée à la fonte. L’autel dédié à l’Annonciation et la niche du XVIIIe siècle sont tou­jours là.

De 1255 à 1723, la sta­tue sera, par quinze fois, por­tée en pro­ces­sion dans les rues de la ville. Un impo­sant tableau, qui orne le bas-​côté nord de la nef de la Cathédrale, rap­pelle la trei­zième pro­ces­sion, celle de 1630, en action de grâce de la déli­vrance de la peste de 1629. Le 2 mai 1723, après que la grande peste de Marseille eut éten­du ses ravages dans tout le midi et jus­qu’aux portes du Puy en épar­gnant la ville, Mgr de Conflans, pour remer­cier Notre-​Dame d’une pro­tec­tion si sen­sible, fit por­ter, pour la quin­zième fois, la sta­tue mira­cu­leuse en pro­ces­sion. Ce fut le der­nier triomphe de la Vierge noire. Elle ne sor­tit plus de la cathé­drale que pour être igno­mi­nieu­se­ment détruite et brû­lée. Le 19 jan­vier 1794, elle fut dépouillée de ses vête­ments et arra­chée du maître-​autel pour faire place à la déesse Raison. Le 8 juin 1794, jour de la Pentecôte, elle fut mise dans la char­rette de l’é­boueur et brû­lée sur la place du Martouret, face à l’Hôtel de Ville. Après cela, les cendres furent dis­per­sées. Ainsi dis­pa­rut celle qui était peut-​être la plus antique sta­tue de Notre-​Dame de toute la chrétienté.

3) L’actuelle statue de Notre-​Dame du Puy

Une confé­rence ecclé­sias­tique tenue au Puy en 1844 fit remar­quer que la « dévo­tion à Notre-​Dame du Puy était atta­chée au lieu et non à une sta­tue dont on s’é­tait pas­sé depuis si long­temps ». Toutefois, conti­nuait la Conférence, « si par un crime irré­pa­rable, on ne pos­sé­dait plus la Vierge Noire qui avait été l’ob­jet de la véné­ra­tion publique pen­dant plu­sieurs siècles, il ne fal­lait pas pour cela lais­ser inoc­cu­pée la place qui lui avait été réser­vée dans la construc­tion de l’au­tel au siècle pré­cé­dent ». Aussi fut-​il déci­dé d’ins­tal­ler à nou­veau une sta­tue à l’emplacement et en rem­pla­ce­ment de l’an­cienne. On alla la cher­cher dans la cha­pelle voi­sine Saint- Maurice, proche de la Visitation Sainte-​Marie où une sta­tue de la Vierge était en grande véné­ra­tion et on la por­ta à la Cathédrale.

L’actuelle sta­tue, expo­sée dans la niche au-​dessus du taber­nacle du maître-​autel, fut solen­nel­le­ment intro­ni­sée en 1844. Datant du XVIIe siècle et de même taille que l’an­cienne (72 cen­ti­mètres), il s’a­git d’une copie assez fidèle de l’an­cienne telle qu’on la voyait revê­tue de son man­teau d’ap­pa­rat, ne lais­sant émer­ger que les deux têtes noires, celle de Notre-​Dame et celle de l’Enfant-Jésus.

En pré­sence de soixante mille per­sonnes, elle fut cou­ron­née au nom du pape Pie IX et par déci­sion du Chapitre de Saint-​Pierre de Rome le 8 juin 1856, soixante-​deux ans après le sacri­lège du 8 juin 1794. Ce cou­ron­ne­ment avait été deman­dé par l’é­vêque du Puy, Mgr de Morlhon. A cette occa­sion, elle fut por­tée en pro­ces­sion dans les rues de la ville et reçut, place du Martouret où avait brû­lé l’an­cienne sta­tue, l’hom­mage offi­ciel de répa­ra­tion du maire et des auto­ri­tés civiles du Puy.

Elle a pré­si­dé les six der­niers jubi­lés, ceux de 1853, 1864, ceux de 1910, 1921, 1932 et celui de 2005. Elle a éga­le­ment enten­du les sup­pli­ca­tions et les appels angois­sés de nom­breuses mères et épouses lors des guerres en 1870, 1914 et 1940. Elle a accueilli de fer­vents pèle­ri­nages comme celui de la Jeunesse Française du 15 août 1942 qui fut, à plus d’un titre, com­pa­rable au Jubilé de 1429. Venus de toute la France et des Colonies, plus de 10.000 membres de diverses asso­cia­tions de jeu­nesse vinrent prier Notre-​Dame du Puy pour leur patrie. La veille de la fête, un impo­sant che­min de croix se dérou­la dans toute la ville et sur les pentes abruptes qui conduisent à la Cathédrale. Deux messes pon­ti­fi­cales furent célé­brées le 15 août, et l’a­près­mi­di, la gran­diose pro­ces­sion de la Vierge du Puy par­cou­rut les grandes artères de la ville. Au cours d’une sta­tion sur la place du Breuil, les Vierges de France furent suc­ces­si­ve­ment pré­sen­tées : Notre-​Dame de Boulogne, Notre-​Dame de Strasbourg, Notre-​Dame de Metz, etc. Comme l’é­cri­vait un témoin :

« c’é­tait la fille aînée de l’Eglise qui priait sa douce Reine. »

De grandes solen­ni­tés, pré­si­dées par le car­di­nal Feltin, arche­vêque de Paris, eurent lieu en 1956, pour fêter le cen­te­naire du cou­ron­ne­ment de la Vierge du Puy. Tous les ans, au 15 août, elle pro­ces­sionne dans les rues de la ville au milieu des mani­fes­ta­tions de joie et des élans de prière.

En dehors de ces mani­fes­ta­tions, elle trône au-​dessus de l’au­tel majeur de la cathé­drale. Tout autour d’elle et de son Fils dans le taber­nacle, brûlent en per­ma­nence vingt-​et-​une lampes de cuivre, ornées de splen­dides émaux. Les plus grandes et les plus belles sont sus­pen­dues devant l’au­tel. Les plaques d’é­mail, ser­ties sur leurs flancs, repré­sentent des scènes de la vie de Notre- Dame ou des épi­sodes de la vie de son Fils : l’Annonciation, la Nativité de Jésus, la Présentation de Jésus au Temple, la fuite en Egypte, la Sainte Famille, la Crucifixion au Calvaire, la dépo­si­tion de Croix, l’ap­pa­ri­tion de Jésus res­sus­ci­té à sa Mère, l’Assomption de Marie et son cou­ron­ne­ment comme Reine du Ciel et de la terre. Les artistes ont éga­le­ment évo­qué sur ces émaux les grandes dates de l’his­toire de la ville mariale comme la suze­rai­ne­té du Puy sur Lourdes ou le don d’une épine de la Sainte Couronne du Christ par saint Louis. Sont évo­qués éga­le­ment les saints spé­cia­le­ment liés au Puy.

La vie de Notre-​Dame ici-​bas s’a­chève par son Assomption au Ciel avec son corps et son âme, magni­fi­que­ment repré­sen­tée à l’a­vant du choeur de la cathé­drale, en sur­plomb, accro­chée à l’arc triom­phal. Elle se conti­nue ici-​bas au Puy, dans cette ville des appa­ri­tions de Notre-​Dame, dans ce plus véné­rable sanc­tuaire marial de France.

La Cathédrale du Puy

Du paganisme au Christianisme

Si les tra­di­tions rela­tives à la fon­da­tion de l’Eglise du Puy res­tent assez bien connues, il est beau­coup plus dif­fi­cile de se faire une idée pré­cise des construc­tions édi­fiées sur le rocher du Mont Anis, à l’époque païenne ou au début de l’époque chré­tienne. On se sou­vient que la Pierre des fièvres, où était appa­rue Notre-​Dame, appar­te­nait à un dol­men ou à un autel sacré sur lequel les druides accom­plis­saient les céré­mo­nies du culte. Cette pierre fut pro­ba­ble­ment enfer­mée dans un temple à l’époque gallo-romaine.

Fort des fouilles entre­prises en 1865–1866 sous la « chambre angé­lique » de la cathé­drale, c’est-à-dire à l’emplacement pri­mi­tif de la Pierre des fièvres et dans les par­ties envi­ron­nantes, on put consta­ter qu’un temple païen y avait été édi­fié pri­mi­ti­ve­ment. En témoignent encore aujourd’hui d’importants frag­ments encas­trés dans les murs de construc­tion de l’actuelle cathé­drale. Nous pos­sé­dons deux témoins notables de cette époque :

L’un se trouve au-​dessus de la porte papale de la cathé­drale, don­nant sur le midi de l’église. Ce frag­ment antique, sous forme de lin­teau retra­vaillé au VIe siècle, com­porte une ins­crip­tion en l’honneur de saint Scutaire, com­pa­gnon de saint Vosy , l’évêque bâtis­seur de la cathé­drale à qui il suc­cé­da. Au centre, un chrisme entre l’Alpha et l’Omega domine l’inscription chré­tienne : « Scutari papa vive Deo » : Scutaire, Père, vivez en Dieu. Le haut de ce lin­teau s’orne d’une frise qui se pour­suit au che­vet de la cathé­drale et qui paraît avoir une ori­gine cel­tique. Sur l’autre face du lin­teau, on pou­vait lire, avant qu’elle ne soit encas­trée dans le mur, une ins­crip­tion païenne du type de celles qu’on ren­contre dans la région lyon­naise, dédiée à Auguste et à un dieu orien­tal. Le texte en est le sui­vant : « Adidoni et Augusto Sex Talonius Musicus D.S.P.P.6 » : à Adidon et Auguste, Sextus Talonius Musicus de son argent a éle­vé ce monument.

Le deuxième témoin de cette époque païenne se trouve au rez-​de-​chaussée du clo­cher et sur le mur exté­rieur de l’abside. Sont encas­trés des bas reliefs de fac­ture alexan­drine repré­sen­tant des amours jouant au latron­cule – un thème de ban­quet funé­raire – un Hercule désar­mé par des amours ; de plus quatre blocs de pierres sont sculp­tés sur le thème de la chasse : des lions ter­ras­sant un cerf ou pour­sui­vant des onagres, des cerfs et des biches fuyant dans la forêt ; on y voit aus­si des monstres emprun­tés au bes­tiaire orien­tal : chi­mère, grif­fon, aigle. A proxi­mi­té, se trouvent les restes d’une fon­taine antique dont les eaux sont louées sur une ins­crip­tion qui court au-​dessus de ces reliefs : « Fons ope divi­na lan­guen­ti­bus est medi­ci­na sub­ve­niens gra­tis ubi defi­cit ars Hypocratis » : cette fon­taine, par secours divin, sert de remède aux malades, venant gra­tui­te­ment en aide quand fait défaut l’art d’Hippocrate. Au-​dessus de l’ensemble, se trouve une frise déco­ra­tive iden­tique à celle qui domine le lin­teau de la porte papale.

Pierre drui­dique, frag­ments cel­tiques et gréco-​romains, tout cela confirme les antiques tra­di­tions du Puy. Lorsque ce temple fut démo­li, la Pierre des fièvres se retrou­va à décou­vert et c’est à son empla­ce­ment que Notre-​Dame vou­lut appa­raître par deux fois. Victorieuse de tous les faux cultes, Notre-​Dame reti­ra ce lieu du paga­nisme et, en quelque sorte, le bap­ti­sa. Les anges le consa­crèrent par la suite. On a vu que la « chambre angé­lique » pri­mi­tive enfer­mant la Pierre des fièvres se trou­vait à l’emplacement du sanc­tuaire actuel et de la tra­vée la plus rap­pro­chée du sanctuaire.

L’église angélique

La pre­mière basi­lique reste mal connue. Lors des tra­vaux de recons­truc­tion du che­vet de la cathé­drale en 1865–1866, on décou­vrit, sous le pavé du chœur, les restes de l’édifice pri­mi­tif fon­dé sur le rocher, long de 24 mètres envi­ron sur 11 mètres 72 de large, à nef unique. L’église angé­lique subi­ra bien des modi­fi­ca­tions au cours des siècles.

Au VIe siècle, on y ajou­ta pro­ba­ble­ment des col­la­té­raux, celui du sud devant rece­voir l’inscription de saint Scutaire, tou­jours en place au-​dessus de la porte papale.

Au VIIIe siècle, on allon­gea vers l’ouest l’édifice et on y trans­por­ta la Pierre des fièvres qui se trou­vait encore près de l’autel. La Pierre des fièvres va d’ailleurs connaître bien des dépla­ce­ments au cours des siècles. « Devant l’affluence des malades qui s’y cou­chaient sur­tout dans la nuit du same­di au dimanche et en étaient gran­de­ment sou­la­gés », elle fut ins­tal­lée au-​delà du chœur, près de l’actuelle sta­tue de sainte Jeanne d’Arc. Puis, elle fut dépla­cée et ins­tal­lée sous le porche d’entrée peu avant la Révolution de 1789. Enfin, à l’occasion des grandes res­tau­ra­tions entre­prises de 1995 à 1999, elle fut à nou­veau chan­gée de place et remon­tée dans la cha­pelle du Saint Crucifix, proche de son lieu pri­mi­tif où elle se retrouve mise à l’honneur depuis 1999.

Au XIe siècle, la cathé­drale occu­pait toute la par­tie plane du rocher d’Anis. C’est celle que connut le bien­heu­reux Urbain II, le pre­mier des six papes venus au Puy. C’est celle éga­le­ment où reten­tit pour la pre­mière fois le Salve Regina.

Le fort afflux de pèle­rins en ce lieu où, selon saint Léon IX, la Vierge était véné­rée plus que par­tout ailleurs, le déve­lop­pe­ment des pèle­ri­nages à Saint-​Jacques qui assi­gnait au Puy le rang de tête d’une des routes de Compostelle firent que la ville sainte du Puy irra­dia sur une bonne par­tie de la Chrétienté. Urbain II venant au Puy consa­cra ce pres­tige en ins­ti­tuant l’évêque du Puy Adhémar de Monteil comme son légat à la Première Croisade. Cela condui­sit éga­le­ment à agran­dir la cathé­drale deve­nue trop petite. L’actuel édi­fice résulte des modi­fi­ca­tions et ajouts du XIIe siècle.

L’actuelle cathédrale

Les tra­vaux qui élè­ve­ront la cathé­drale que nous voyons aujourd’hui com­men­cèrent vrai­sem­bla­ble­ment à la fin du XIe siècle et se pour­sui­virent en plu­sieurs étapes tout au long du XIIe siècle. Ces tra­vaux lais­sèrent sub­sis­ter l’ancienne église ser­vant de che­vet et sans doute déjà bien rema­niée. On y ajou­ta d’abord le clo­cher angé­lique. Le tran­sept et les deux pre­mières tra­vées en par­tant du sanc­tuaire furent recons­truites ou lar­ge­ment reprises.

Dans une deuxième cam­pagne, on pous­sa le vais­seau en direc­tion de l’Ouest en ajou­tant les troi­sième et qua­trième tra­vées, en même temps qu’on accro­chait un porche à la mon­tagne. Toujours intactes aujourd’hui, ces tra­vées sont les plus belles de la cathé­drale. Ce pre­mier pro­lon­ge­ment dans le vide, sur le flanc de la col­line, per­mit d’ajouter sous les bas-​côtés deux cha­pelles en forme de crypte fer­mées par les fameuses « portes de cèdre » du XIIe siècle. Situées de chaque côté du porche d’entrée, elles sont dédiées à saint Gilles, le saint du sud de la France et à saint Martin, le saint du nord : deux saints dont les tom­beaux sont éga­le­ment points de départ des routes de Compostelle.

Un quart de siècle plus tard, dans une der­nière étape, on s’aventura com­plè­te­ment dans le vide en y jetant les deux der­nières tra­vées de la nef por­tées par de forts piliers en même temps qu’on éle­vait le grand porche d’entrée et la façade.

Il faut admi­rer l’accord de la masse archi­tec­tu­rale de l’édifice avec son pres­ti­gieux décor : les col­lines envi­ron­nantes, la cha­pelle Saint-​Michel d’Aiguilhe au som­met de son rocher ver­ti­gi­neux et la ville ancienne. Il faut de plus contem­pler la science qui pré­si­da à l’accord des laves, des cal­caires, des tuiles, spé­cia­le­ment dans les poly­chro­mies de la façade de la cathé­drale et dans celles des arcades du cloître atte­nant qui évoquent l’Espagne ommeyade et la mos­quée de Cordoue. Ce décor mani­feste la forte influence orien­tale qui arri­va au Puy par les che­mins d’Espagne.

Malgré les nom­breuses réfec­tions très radi­cales entre­prises au XIXe siècle pour sau­ver un monu­ment mal en point, la cathé­drale mérite une visite appro­fon­die. Elle fut peu imi­tée et, avec sa façade cou­ron­née de clochers-​arcades simu­lés, ses cou­poles peu éle­vées et por­tées par d’épais piliers, son plan d’origine orien­tal, la cathé­drale attire par son étrangeté.

L’accès des pèle­rins se fait habi­tuel­le­ment par le grand porche de façade qui conduit à la Porte dorée, sous la cathé­drale. Un riche pro­gramme ico­no­gra­phique appa­raît à cet endroit, pré­sen­tant aux pèle­rins, avec ordre et clar­té, ce que la Sainte Ecriture contient d’essentiel. Le peuple chré­tien médié­val, ordi­nai­re­ment illet­tré mais reli­gieu­se­ment bien for­mé, pou­vait com­prendre plus faci­le­ment que nous les ensei­gne­ments spi­ri­tuels pré­sen­tés par la pein­ture, la sculp­ture, le vitrail, etc.

Le décor de la troi­sième tra­vée du porche d’entrée mérite qu’on s’y arrête. Il com­porte deux portes romanes sculp­tées appe­lées « portes de cèdre » et des fresques murales.

Les fameuses « portes de cèdre » du XIIe siècle en bois sculp­té ferment les deux cha­pelles laté­rales, Saint-​Gilles au nord et Saint-​Martin au sud : la porte du nord pré­sente des scènes de l’enfance du Christ, de la Nativité à la Présentation au Temple. Court sur cette porte, douze fois répé­tée, une ins­crip­tion arabe : « al mulk lilah » : sou­ve­rai­ne­té à Allah. La porte du sud retrace des épi­sodes allant de la résur­rec­tion de saint Lazare à la Pentecôte en pas­sant par la Crucifixion. Quant aux fresques murales des XIIe et XIIIe siècles, elles repré­sentent la Vierge en majes­té por­tant l’Enfant et une Transfiguration imi­tées de l’art byzan­tin. Sur les portes et sur les fresques , la Vierge de la Nativité ou la Vierge glo­rieuse est asso­ciée aux épreuves et au triomphe de son Fils, parce que l’iconographie est conçue pour les pèle­rins venant en foule assis­ter au Jubilé qui unit, le Vendredi Saint 25 mars, l’Incarnation et la Rédemption.

A l’intérieur de la cathé­drale, les pèle­rins ne dis­po­saient que d’un espace réduit. D’une part, le chœur des cha­noines, fer­mé par un jubé dis­pa­ru en 1781, occu­pait un empla­ce­ment impo­sant. D’autre part, la cathé­drale n’avait ces­sé d’accumuler les béquilles des mira­cu­lés qui s’amoncelaient, ain­si que de nom­breux ex-​voto et des tableaux offerts par les cor­po­ra­tions. De plus, la dévo­tion des grands se mani­fes­tait par l’offrande de reli­quaires somp­tueux ou par la créa­tion de cha­pelles adjointes au chevet.

La nef est cou­verte de cou­poles octo­go­nales très rema­niées au XIXe siècle, sauf celles des troi­sième et qua­trième tra­vées res­tées intactes. L’influence arabe s’y fait for­te­ment sen­tir : cintres aux cla­veaux de pierres de cou­leurs dif­fé­rentes, arcs poly­lo­bés, mosaïque poly­chrome. On se sou­vient que les liens entre le Puy et l’Espagne s’étaient mul­ti­pliés dès le milieu du Xe siècle. L’influence byzan­tine déjà signa­lée dans les fresques du porche d’entrée et que l’on retrouve éga­le­ment dans celles qui sont peintes dans le bras gauche du tran­sept, se mani­feste ici par la forme des cou­poles. Le poids des cou­poles repose sur huit arcs sou­te­nus par vingt-​quatre colon­nettes jumelles qui s’appuient elles-​mêmes sur une cor­niche sur­mon­tant les arcades aveugles. Ces cou­poles sont celles qui imitent le mieux les cou­poles de la croi­sée du Couvent rouge et du Couvent blanc d’Assouan en même temps qu’elles s’inspirent des tech­niques sas­sa­nides et byzantines.

L’actuel sanc­tuaire ou « chambre angé­lique » est une recons­truc­tion du XIXe siècle. En 1865, l’architecte Mimey détrui­sit presque tota­le­ment la par­tie la plus ancienne de l’église, reste de la pre­mière construc­tion. N’épargnant que très peu de choses, il la recons­trui­sit avec un plan et une élé­va­tion très dif­fé­rents de ce qui exis­tait. Il reste aujourd’hui le lieu le plus saint de la basi­lique. La Vierge Noire s’y trouve au-​dessus du maître-autel.

Entre 1855 et 1888, l’architecte Petitgrand réédi­fia le clo­cher pyra­mi­dal situé au che­vet, abat­tu à plu­sieurs reprises par la foudre, mais res­pec­té par les révo­lu­tion­naires à cause du coq qui le sur­mon­tait. Il sui­vit, semble-​t-​il, les don­nées originales.

Ce n’est par d’abord pour sa grande beau­té que la cathé­drale doit être visi­tée. C’est parce son his­toire est un cha­pitre de l’histoire de l’Eglise et de l’histoire natio­nale de la France. Il faut venir au Puy et faire revivre la splen­deur pre­mière de ce sanc­tuaire. Il faut que la Vierge reçoive à nou­veau la véné­ra­tion enthou­siaste des foules. Il faut que per­sonne ne manque le Grand par­don de 2016.

Nous accé­de­rons au sanc­tuaire « in spi­ri­tu humi­li­ta­tis et in ani­mo contri­to ». C’est ce que deman­dait une antique ins­crip­tion qu’on lisait encore au XVIe siècle vers la porte papale :

« Si ta vie est impure, alors garde-​toi d’entrer ;
Tant que tu vis dans le mal, ne viole pas ce sanctuaire ».

C’est ce que demande encore l’inscription gra­vée sur les marches du grand porche d’entrée :

« Si tu ne te gardes du crime, garde-​toi de fran­chir ce seuil ;
car la Reine du Ciel veut un culte exempt de toute souillure ».

Mais nous y accé­de­rons éga­le­ment « fortes in fide », pleins de confiance et d’espérance en Notre-​Dame. Plus puis­sante et plus forte qu’une armée ran­gée en bataille, elle a lar­ge­ment prou­vé ici plus qu’ailleurs qu’elle est l’instrument des vic­toires de Dieu.

Abbé Claude Boivin †, 25 décembre 2015

Sources : Hermine n° 48 de décembre 2015 et sup­plé­ment four­ni par M. l’ab­bé Boivin

  1. Dans divers tra­vaux d’érudition publiés en 1978, le cha­noine Fayard a mis en évi­dence les étapes com­plexes de l’élaboration des divers groupes de manus­crits racon­tant les ori­gines de la fon­da­tion de l’église du Puy. 1) Le récit le plus ancien de la fon­da­tion, com­po­sé vers 1125, reprend un texte de fond conser­vé depuis le VIIIe siècle. 2) Un second récit com­po­sé au XIIIe siècle reprend un docu­ment fixé au XIe siècle. 3) Un auteur ano­nyme écri­vant en 1470 se base sur un autre récit du XIIIe siècle dont le noyau pri­mi­tif pour­rait remon­ter à l’an mil. []
  2. La pré­sence de Louis VI le Gros est affir­mée par Michel Pommarat dans : La Vierge noire du Puy p. 3, note 3, Le Puy, sans date (début 1997). []
  3. L’affirmation de la venue au Puy de la reine Marie-​Amélie en 1842 est tirée de la pla­quette de Raymond Faux : Le Puy-​en-​Velay, cité de la Vierge : his­to­rique du pèle­ri­nage , p. 19, Le Puy, 2002. []
  4. Certains auteurs anciens affirment éga­le­ment la venue de saint Bernard de Clairvaux au Puy. []
  5. Le mot jubi­lé a été inven­té par saint Jérôme pour trans­crire le mot hébreu yôbel. Il le défi­nit comme une année de rémis­sion. L’étymologie du mot reste pro­blé­ma­tique : pour les uns, il dérive de jôbel, la corne de bélier uti­li­sée pour inau­gu­rer l’année jubi­laire ; pourd’autres, il vien­drait de yobil (rap­pel) ou de yobal (rémis­sion). Lire sur La Porte Latine l’his­toire du « Grand Pardon ou Jubilé de Notre-​Dame du Puy » par M. l’ab­bé Claude Boivin, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X. []
  6. D.S.P.P. : de sua pecu­nia posuit. []