Napoléon était-il athée ou catholique ? Aujourd’hui encore, il est toujours difficile de dissiper les ambiguïtés.
Évoquer la pensée religieuse de Napoléon, c’est pénétrer dans un terrain miné, c’est évoquer une pensée ondoyante, marquée par les contingences politiques d’ici-bas. Il est bien difficile de se faire une idée précise de la foi de Napoléon, suite de sinuosités, de calculs, de pistes brouillées.
« Napoléon croyait-il en Dieu ? La question sans cesse posée n’a pas encore reçu de réponse ». Ainsi s’exprime Jean Tulard au début de la préface qu’il a accordée à l’ouvrage récent de Philippe Bornet [1].
Marqué par une enfance catholique, Napoléon perd la foi à 13 ans mais il continue à croire à un Être suprême. On le retrouve déiste et, face à un catholicisme qui ne veut pas s’éteindre, il établit un Concordat entre l’Église catholique et l’État, mélange de calcul politique et d’attachement à la religion de ses pères.
Mais ce concordat s’inscrit dans un contexte de domination politique de l’Église et s’accompagne des Articles organiques qui plongent le pape dans une profonde amertume.
Ce consul qui se fera couronner empereur en présence de Pie VII se transformera quelques années plus tard en ennemi et en geôlier du pontife romain, avant de mourir quelques années plus tard dans la religion catholique, selon les propres termes de son testament.
Ce parcours complexe peut laisser sans réponse la question de sa croyance et de son appartenance à l’Église catholique. Aujourd’hui encore, il est toujours difficile de dissiper les ambiguïtés et l’unanimité est loin d’être de mise.
Le professeur Tulard souligne les confidences souvent contradictoires de Napoléon exilé à Sainte-Hélène et dit être sans réponse précise. Philippe Bornet, au terme de l’Avertissement mis en exergue de son ouvrage, écrit : « Napoléon était-il athée ? Était-il chrétien ? Était-il un bon chrétien ? On peut répondre par la négative aux première et troisième question. Pour la seconde, la réponse reste délicate ».
Essayons de suivre les aléas d’une pensée fluctuante.
I. « L’empreinte ineffaçable » de sa famille.
S’il est vrai que tout homme reste marqué par sa première enfance, Napoléon Bonaparte n’échappe pas à cette loi. Sa prime enfance est marquée par une éducation religieuse forte, imprégnée d’une religiosité méditerranéenne. Né un 15 août, ondoyé à sa naissance, il ne reçut toutefois que près de deux ans après sa naissance les compléments de baptême des mains de son grand-oncle, l’archidiacre Lucien Bonaparte.
A Autun, puis à Brienne, Napoléon se trouvera entre les mains de clercs et de religieux. L’éducation reçue auprès de sa « mamma », auprès de ses oncles, archidiacres et chanoines corses, auprès des Minimes de Brienne lui a laissé des souvenirs qu’il évoque avec attendrissement. Il avoue que la cloche de Rueil sonnant l’Angelus du soir lui rappelle les sensations de son enfance [2]. Le Génie du christianisme publié en 1802 l’enchantera également [3].
Il admirera l’aumônier du collège de Brienne, le Père Charles. Devenu Premier Consul, il le visitera à Dole où il s’était retiré et il lui écrivit : « Je n’ai pas oublié que c’est à votre vertueux exemple et à vos sages leçons que je dois la haute fortune où je suis arrivé. Sans la religion, il n’est point de bonheur, point d’avenir possible. Je me recommande à vos prières ».
A Brienne, Napoléon fit sa première communion dont il conserva non un vague souvenir, mais une empreinte profonde. Un jour, après une victoire, il avoua devant son état-major stupéfait, que le jour le plus heureux de sa vie avait été celui de sa première communion [4].
II. L’éloignement de la foi.
C’est à partir de 1782, à l’âge de treize ans, qu’il commence à perdre la foi, sans toutefois abandonner la pratique religieuse. A côté des rappels de son appartenance au catholicisme, Napoléon manifeste les signes de détachement à l’égard de la religion elle-même. A ses compagnons d’exil de Sainte-Hélène, il fait état des doutes de cette époque, comme au cours de cette conversation recueillie par Las Cases le 17 août 1816 :
J’ai eu besoin de croire, j’ai cru ; mais ma croyance s’est souvent heurtée, incertaine, dès que j’ai su, dès que j’ai raisonné ; et cela m’est arrivé d’aussi bonne heure qu’à treize ans. Peut-être croirai-je de nouveau aveuglément, Dieu le veuille ! Je n’y résiste assurément pas et je ne demande pas mieux ; je conçois que ce doit être un grand bonheur.
Emmanuel de Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène, éd. Par Marcel Dunan, Paris, Flammarion, 2 t., rééd. Garnier-Flammarion, 1983, t. 2, p. 195.
On ne pourra conclure de cela à un véritable athéisme. Cela montre au contraire combien Napoléon n’a cessé de s’interroger sur la question religieuse et combien l’idée de Dieu reste présente à son esprit.
III. Le fils de Rousseau.
Sorti de l’École militaire de Paris, Bonaparte a 16 ans en 1785. Il entre dans une phase où il est dominé par deux passions : Rousseau et la Corse. Tous les Corses admirent l’auteur du Contrat social [5], surtout lorsqu’il fut chassé par le Conseil de Genève le 15 octobre 1764 [6]. Bonaparte avait lu Rousseau et la Profession de foi du vicaire savoyard. Sa croyance déiste en l’Être suprême vient de là [7].
En 1786, il rédige une Défense de Rousseau [8]. Bonaparte ne remet pas en cause l’idée de la nécessité de la religion dans l’État. Il s’en prend simplement au christianisme en ce qu’il détruit l’unité des États. « Le christianisme défend aux hommes d’obéir à tout ordre opposé à ses lois, à tout ordre injuste émané de la part même du peuple. Il va donc contre le premier article du pacte social, base des gouvernements car il substitue sa confiance particulière à la volonté générale constituant la souveraineté. » L’unité de l’État est donc rompue, puisque les ministres de la loi et ceux de la religion ne sont pas les mêmes. Et Bonaparte de dénoncer particulièrement les Jésuites [9].
Mais, encore une fois, Bonaparte ne met pas en cause l’idée que la religion est nécessaire dans l’État.
En revanche, on voit poindre derrière sa critique des ministres de la religion l’idée d’un clergé dévoué à l’État, d’un corps de gendarmes ecclésiastiques auquel il donnera naissance.
Du Contrat social, Bonaparte retient aussi l’idée d’un nécessaire pluralisme religieux.
Rousseau écrivait cette formule que le Premier Consul mettra en pratique : « Maintenant qu’il n’y a plus et ne peut plus y avoir de religion nationale exclusive, on doit tolérer toutes celles qui tolèrent les autres, autant que leurs dogmes n’ont rien de contraire aux devoirs du citoyen » [10]. La tolérance religieuse est donc l’un des principes fondamentaux aux yeux de Bonaparte ; c’est elle qui favorise la paix civile.
Mais il demeure également attaché à l’idée d’une religion dans l’État et fait l’analyse que cette religion en France ne peut être que le catholicisme, dans la mesure où elle est la religion de la grande majorité des Français.
Bonaparte estime de son devoir d’épouser la religion de son peuple. C’est au nom de la concorde et de l’unité nationale que Bonaparte choisira de rétablir le catholicisme. Cette logique le poussera finalement, via le Concordat, jusqu’au couronnement de 1804.
IV. Un itinéraire troublé dans une période troublée.
Autant qu’il est possible de suivre ses variations, Bonaparte se laisse d’abord séduire par la volonté de Robespierre d’établir un culte officiel civique et déiste [11]
Mais ce culte disparait avec la chute de Robespierre et, nous l’avons dit, la foi catholique persécutée ne s’éteint pas.
En Égypte, il montre qu’il était prêt à se convertir à l’islam pour des raisons d’opportunité.
Enfin, en France, Bonaparte fera du catholicisme une « religion de l’État », plus par calcul politique que par conviction religieuse.
Entretemps, il se « mariera » avec Joséphine de Beauharnais le 9 mars 1796 sans le moindre mariage religieux. C’est contraint et forcé par la volonté de Pie VII la veille de son sacre que Bonaparte se mariera religieusement, mariage religieux aussi bâclé que le « mariage » civil.
V. Les premières mesures religieuses de Bonaparte.
La fin des persécutions.
Bonaparte mit progressivement fin à la guerre contre le Christianisme lorsque, vainqueur en Italie, il renversa le Directoire, affaibli et déconsidéré, par le coup d’État du 18 brumaire (9 novembre 1799).
Le premier de ses mérites fût de mettre un coup d’arrêt définitif à la grande persécution religieuse de la Révolution, massive sous la Terreur, poursuivie sous le Directoire avec, entre autres, la « guillotine sèche » pour de nombreux prêtres (la déportation en Guyane).
Ce fut ensuite, malgré la très forte opposition de la majorité des hommes politiques en place, le rétablissement officiel de la religion en France.
Tout d’abord, Bonaparte consul abolit les divers serments de fidélité antérieurs et permit notamment aux catholiques romains d’exercer leur culte dans les mêmes conditions que les constitutionnels, moyennant toutefois serment de fidélité à la Constitution nouvelle.
Puis rapidement, à la fin de 1799, un décret décida que les honneurs seraient rendus à la dépouille mortelle de Pie VI. « Vu que, si ce vieillard, respectable par ses malheurs, a été un moment l’ennemi de la France, ce n’a été que séduit par les conseils des hommes qui environnaient sa vieillesse, vu que, il est de la dignité humaine de la nation française de donner des marques de considération à un homme qui occupa un des premiers rangs sur la terre », la dépouille du défunt reçut, en attendant son retour à Rome, les hommages qu’elle méritait.
Les premières avances faites à l’Église en faveur du rétablissement du culte catholique.
C’est à l’occasion de la seconde campagne d’Italie que Bonaparte commença à se tourner vers l’Église de façon plus positive. Ces premières ouvertures de Bonaparte firent grande impression, d’autant que le Premier Consul semblait faire sa priorité de la restauration des relations de l’Église et de l’État.
1. La première démonstration : le discours de Milan :
La seconde campagne d’Italie rendit Bonaparte maître de Milan. Fort de ce premier succès, il démasque soudain ses intentions. Le 5 juin 1800, il adresse aux patriotes et au clergé de Milan qu’il a convoqués un discours retentissant. De ce discours, un article officieux nous livre la substance dans le Journal de Paris du 3 juillet 1800 :
Aux patriotes, il dit : « Laissez vos prêtres dire la messe ; le peuple est souverain ; s’il veut sa religion, respectez sa volonté » ; s’adressant aux prêtres, il dit : « Les amis naturels de l’Italie sont les Français. Que pouvez-vous attendre des protestants, des grecs, des musulmans qu’on vous a envoyés ? Les Français au contraire sont de la même religion que vous. Nous avons bien eu quelques disputes ensemble ; mais cela se raccommode et s’arrange ».
Une autre version plus explicite diffusée en Italie prête à Bonaparte les paroles suivantes :
J’ai désiré vous voir tous rassemblés ici pour avoir la satisfaction de vous faire connaître par moi-même les sentiments qui m’animent au sujet de l’Église catholique, apostolique et romaine. Actuellement que je suis muni des pleins pouvoirs, je suis décidé à mettre en œuvre tous les moyens qui je croirai les plus convenables pour assurer et garantir cette religion… Quand je pourrai m’aboucher avec le nouveau pape, j’espère que j’aurai le bonheur de lever tous les obstacles qui pourraient encore s’opposer à l’entière réconciliation de la France et de l’Église…
Moi aussi, je suis philosophe et je sais que, dans une société quelconque, nul homme ne saurait passer pour vertueux et juste, s’il ne sait d’où il vient et où il va. La simple raison ne peut nous fournir là-dessus aucune lumière ; sans la religion, on marche continuellement dans les ténèbres et la religion catholique est la seule qui donne à l’homme des lumières certaines et infaillibles sur son principe et sa fin dernière. Une société sans religion est comme un vaisseau sans boussole.
Correspondance de Napoléon Ier, t. 6, p. 335–341.
Il n’est pas utile de souligner combien ces propos s’inscrivent dans l’esprit du XVIIIe siècle.
Le consul est porté vers les idées révolutionnaires. En partie indifférent en matière religieuse, il n’est toutefois pas libre-penseur. La religion d’un peuple souverain est considérée comme un facteur politique indispensable dans le cadre d’un État organisé. Seul le christianisme pouvait servir de base éthique à l’Europe et de ciment pour l’édifice social.
2. La deuxième démonstration : le Te Deum à Milan (18 juin 1800) :
Après la victoire de Marengo du 14 juin 1800 sur les Autrichiens, une deuxième démonstration, volontairement sensationnelle, confirme les intentions de Bonaparte. Sûr de sa puissance, il affirme sa politique religieuse avec éclat et assiste à Milan à un Te Deum solennel en l’honneur de la délivrance de la République. « Aujourd’hui, malgré ce que pourront dire nos athées de Paris, je vais en grande cérémonie au Te Deum que l’on chante dans la métropole de Milan » [12].
Le lendemain, 19 juin, Bonaparte confiera au cardinal Martiniana, évêque de Verceil, que son intention était de bien vivre avec le pape et même de traiter avec lui pour le rétablissement de la religion en France. Martiniana en fit part au pape qui répondit le 10 juillet : « Vous pourrez dire au Premier consul que nous nous prêterons volontiers à une négociation dont le but est si respectable, si convenable à notre ministère apostolique, si conforme aux vues de notre cœur ».
VI. Des milieux hostiles à l’Église et un jeu d’équilibre.
En France, d’un point de vue politique, Bonaparte doit tenir compte de son entourage, souvent peu amène à l’égard de l’Église. Napoléon devra se livrer à un subtil exercice d’équilibre. Il devra rompre avec un entourage hostile au catholicisme lorsqu’il entrera en négociation avec la papauté, mais en même temps, il le soutiendra afin de freiner l’influence de l’Église, ce qui donne à sa politique l’apparence d’un jeu de balance.
1. L’Institut de France :
L’Institut de France, fondé en 1795 pour remplacer les anciennes académies royales, foyer d’esprit « positif se montre hostile au premier chef au projet du Consul. Sous le Directoire, jusqu’en 1800, Bonaparte a partagé les idées de l’institut, où il s’était fait admettre. On y est plus déiste qu’athée. Il avouera : « Quant à moi, je suis de la religion de l’institut ».
Mais la lutte entre Bonaparte et l’institut s’engagera en 1801, lorsqu’il apparaîtra que le Premier Consul, rompant avec ses anciens amis, entrera en négociation avec Rome.
2. L’armée :
Ce ne sont pas seulement les milieux de l’institut, athées, déistes ou matérialistes, qui s’inquiètent du retour en force de la religion. Dans l’armée aussi, des voix plus ou moins feutrées se font entendre pour protester contre la signature du Concordat. Or, l’armée est l’autre berceau de Bonaparte. Il y a, comme à l’institut, puisé une partie de ses références. Et si cette armée est diverse, elle n’en conserve pas moins, en 1800, son attachement aux principes révolutionnaires. Elle est alors républicaine et profondément anticléricale. Le culte décadaire a connu en son sein un certain succès après que l’armée eût été l’un des principaux vecteurs de la déchristianisation dans le pays. Elle se montrera méfiante à l’égard de la signature du Concordat. L’impopularité de ce texte s’exprimera, au cours de l’hiver 1801–1802, par une campagne de protestations qui explique la colère de certains généraux lors de la cérémonie qui eut lieu à Notre-Dame de Paris le 18 avril 1802, le jour de Pâques, pour célébrer la promulgation de la loi des cultes. Plusieurs d’entre eux protestent, parlant de « capucinade ». Ils n’expriment pas un sentiment isolé, mais une opinion largement répandue dans l’armée. Bonaparte connaît l’opinion d’une armée à laquelle il appartient. Il passe outre, de même qu’il refuse d’écouter l’opinion des idéologues de l’institut. A ses yeux, le rétablissement de la religion est essentiel à la survie de l’État.
3. L’encouragement au développement de la franc-maçonnerie :
Toutefois, le Consulat et l’Empire seront une période d’âge d’or pour la franc- maçonnerie. Elle correspond au vœu de Napoléon d’établir son pouvoir sur le soutien des notables. Elle représente une France urbaine, et attire à elle, à côté des fonctionnaires et des militaires, des membres de la bourgeoisie libérale ou commerçante. Elle est devenue plus que jamais le refuge des hommes des Lumières, qui s’opposent pour la plupart au renouveau du catholicisme en France.
Le soutien à la franc-maçonnerie permet enfin à Napoléon Bonaparte de rassurer les milieux réticents face aux avances faites à l’Église et exprime la volonté de pluralisme exprimée par le Premier Consul. Généraux et préfets francs-maçons sont toutefois priés de ne pas entraver la réorganisation religieuse, mais ils ont pu, au moment de la crise du sacerdoce et de l’Empire, servir d’utiles auxiliaires au régime dans sa volonté de contenir l’Église catholique.
« A la fois encouragée et surveillée, la maçonnerie allait devenir une manière de parti. Elle pouvait conserver ses rites variés et ses organisations souvent rivales, mais composée dans les villes et les provinces de notables, de magistrats, de fonctionnaires placés à tous les niveaux, d’officiers de toutes armes et de tous grades, elle allait permettre en France de contrôler l’opinion » [13].
Plus tard, c’est un Napoléon déchu qui s’exprimera de la façon suivante sur les francs-maçons :
C’est un tas d’imbéciles qui s’assemblent pour faire bonne chère et exécuter quelques niaiseries ridicules. Néanmoins, ils font quelques bonnes actions. Ils ont aidé dans la Révolution et dans ces derniers temps encore à diminuer la puissance du pape et l’influence du clergé.
Au docteur O’Meara le 2 novembre 1816 ; dans Relation des événements arrivés à Sainte-Hélène postérieurement à la nomination de Sir Hudson au gouvernement de cette île, Paris, Chaumerot jeune, 1819.
VII. Un homme d’ordre, le législateur du Concordat.
Ne perdons pas de vue que Bonaparte reste très méfiant à l’égard des religions positives. A l’époque du Concordat, Napoléon continue à être obnubilé par la question de l’existence de Dieu : « Je ne crois pas aux religions, mais à l’existence de Dieu… Qu’est-ce qui a fait tout cela ? » s’interroge-t-il en 1801.
Les vues utilitaires de Bonaparte.
Cependant, il fit les premières avances de Concordat, considérant le pouvoir spirituel comme le plus précieux auxiliaire du temporel et jugeant en outre indispensable de tenir en main le clergé. L’Église sera gardienne de l’ordre de la société.
Le projet de Concordat fut repris par Bonaparte dans un discours au Conseil d’État le 16 août 1800. Son point de vue est très utilitaire ; la religion est considérée comme un élément politique nécessaire : « Ma politique est de gouverner les hommes comme le plus grand nombre veut l’être. C’est, je crois, la vraie manière de reconnaître la souveraineté du peuple. C’est en me faisant catholique que j’ai gagné la guerre de Vendée, en me faisant musulman que je me suis établi en Égypte, en me faisant ultramontain que j’ai gagné les esprits en Italie. Si je gouvernais un peuple de Juifs, je rétablirais le temple de Salomon [14] ».
Il se dit « catholique pour le bien du peuple ». En réalité, il est déiste. Il brocarde les athées, il est sensible aux aspirations religieuses, il se borne à un spiritualisme fataliste, il n’a pas la foi.
S’il croit aux religions, c’est par raison d’État, car elles garantissent l’ordre. Celle du Christ lui semble efficace : elle prêche le respect de l’autorité, l’obéissance au pouvoir établi, le dévouement, la charité, la résignation devant l’inégalité nécessaire des conditions, la sanction des actes par des récompenses et des châtiments éternels. Il ne lui déplaît pas que les Français professent cette dernière ; il la préfère même à toutes les autres.
Il manifeste un très fort réalisme politique : il y aurait difficulté de gouverner sans l’accord des catholiques. « Une société sans religion est comme un vaisseau sans boussole » disait déjà Bonaparte en Italie. Il considérait le pouvoir spirituel comme le plus précieux auxiliaire du temporel et jugeait en outre indispensable de tenir en main le clergé. Bonaparte, qui obéissait avant tout à des préoccupations politiques dans son projet de Concordat et dont le génie ne comportait guère l’intelligence du spirituel, ne pouvait donc se rencontrer sans heurts avec Pie VII, pape essentiellement religieux. Le Concordat projeté, qui permettait au premier de se servir de l’Église pour appuyer son régime, risquait de devenir pour celle-ci un asservissement.
Tout en se prêtant, pour obtenir le traité si désirable, aux concessions nécessaires, Rome devait maintenir l’indépendance du spirituel contre les ingérences de l’État. Si l’entente se réalise assez rapidement sur les modalités, le débat se centre donc immédiatement sur les principes. Il faudra de longs mois pour trouver les formules qui sauvegardent ceux-ci. Et, même une fois ces formules trouvées et acceptées, il restera les germes de conflits sans cesse renaissants, qui aboutiront, après 1806, à la lutte du Sacerdoce et de l’Empire. Selon le Concordat du 15 juillet 1801, la religion catholique apostolique et romaine peut s’exercer librement et publiquement, mais seulement comme la religion de la grande majorité des citoyens français et en observant les règlements de police (préambule et art. I).[15]
On ne peut nier les avantages que retirera l’Église du Concordat auquel les catholiques se rallieront :
- la restauration du culte ;
- la fin du schisme et de l’anarchie ;
- contre la Révolution, la nécessaire intervention du pape ; rien ne s’arrange sans le pape [16]. La Constitution Civile du Clergé est par là désavouée.
- contre le gallicanisme, est consacrée la primauté de juridiction du pape qui institue et dépose les évêques.[17] Le gallicanisme connaîtra en soi un fort déclin.
Mais les sacrifices du Saint-Siège seront également réels. [18]
Malgré le refus de démission des évêques d’Ancien régime et la naissance de la Petite Église, ce concordat servira de modèle pour une trentaine de concordats signés entre le Saint-Siège et les États au XIXe siècle.
Toutefois, de façon unilatérale, Bonaparte ajoutera les Articles organiques (loi du 8 avril 1802).
VIII. Le gallicanisme et les préfets violets.
Les Articles organiques (loi du 8 avril 1802). Œuvre de Talleyrand, ils sont rédigés à l’insu du pape pour calmer les Jacobins et la forte opposition au Concordat du Corps Législatif, présidé par Dupuis, ancien Conventionnel « modéré », auteur d’un ouvrage hostile au catholicisme L’origine de tous les cultes, et du Sénat, auquel appartient l’abbé Grégoire. Les Articles organiques sont rédigés par Portalis, premier titulaire de la Direction générale des Cultes créée le 7 octobre 1801.
Ces Articles unilatéraux déterminent et organisent les règles de police pour l’exercice public du culte. En réalité, ils réintroduisent les principes gallicans d’un spirituel sous l’étroite tutelle et dépendance de l’État [19]
Le 24 mai 1802, Pie VII plein d’amertume proteste contre les Articles organiques ; Bonaparte ne revint pas sur eux. Les protestations romaines dureront jusqu’à l’abolition du Concordat en 1905.
Mais dans une lettre de 1817 adressée au cardinal Consalvi, Pie VII, reconnaissant et plein d’indulgence, écrira : « Nous devons nous souvenir tous les deux qu’après Dieu, c’est à lui principalement qu’est dû le rétablissement de la religion dans ce grand royaume de France. Le concordat fut un acte chrétiennement et héroïquement sauveur » [20].
IX. Le catholicisme au service de l’Empire.
Malgré les inquiétudes suscitées par les Articles organiques, Pie VII accepta de venir à Paris procéder au sacre impérial de Napoléon le 2 décembre 1804.
Si le sacre de 1804 montre chez Napoléon le souci d’assumer le passé catholique de la France, c’est également un moyen de marginaliser le futur Louis XVIII qui n’a pas reçu l’onction.
Dans ses campagnes, Napoléon ne manifeste aucune religiosité à l’exemple de ces Romains qu’il admirait tant. Pas de Messe à la veille d’Austerlitz, nulle invocation à un saint protecteur.
En 1806, l’invention de la saint Napoléon célébrée en grande pompe le 15 août, jour de naissance de l’Empereur, et celle du Catéchisme impérial font de la religion un instrument politique. Elles s’accompagnent de la création de l’Université impériale.
1. La saint Napoléon :
Un décret du 19 février 1806 ordonne que saint Napoléon, jusqu’alors inconnu, soit solennisé le 15 août dans toute l’étendue de l’Empire. On devine les raisons qui motivèrent ce choix. Sous l’Ancien Régime, l’Assomption, où se renouvelait le vœu de Louis XIII, avait le caractère d’une fête nationale et royale. Dût-on détrôner la sainte Vierge, on lui donnerait un autre saint qu’on annexerait au régime nouveau. Mgr Bernier, évêque d’Orléans, trouva le moyen de composer pour le bréviaire des leçons historiques et édifiantes de ce saint nouveau. Les évêques rivalisèrent de dévotion à la louange du héros et du saint. Le Saint-Siège s’émut, trouvant inadmissible cette substitution et condamnant cette ingérence temporelle dans le spirituel mais le pape, en pratique, se résigna au silence, dans une situation déjà tendue par ailleurs.
2. Le Catéchisme impérial :
Rédigé par Mgr Bernier et l’abbé d’Astros et remanié par Napoléon lui-même, il insiste sur les obligations civiques qui l’emportent sur le dogme ; le 4e commandement a droit à de longs développements :
- vénérer l’Empereur ;
- payer ses impôts ;
- obéir à la loi de la conscription, sinon on s’expose à la damnation éternelle.
Pie VII ne l’approuve pas ; la Congrégation romaine chargée de l’examiner ne l’approuve pas non plus ; seul, le cardinal Caprara, « pape à domicile » accordera, en tant que légat, l’approbation le 30 mai 1806.
Bernier présentera le Catéchisme à l’usage de toutes les églises de l’Empire comme directement émané de Rome.
3. L’Université impériale :
L’Université devait enseigner la fidélité à l’empereur et à la monarchie impériale, « dépositaire du bonheur du peuple ». A la tête de l’édifice était placé le « grand maître » (Fontanes) et dans le Conseil figuraient Mgr de Bausset et M. Emery.
De droit, l’Université possède le monopole de l’enseignement, au détriment de l’Église.
Le 17 mars 1808, l’empereur créa dix facultés de théologie, afin que l’État pût surveiller l’enseignement donné au clergé. Des facultés de théologie protestante furent également créées.
Les collèges et lycées sont pourvus d’aumôniers. Toutefois, l’attitude officielle est l’incroyance et les évêques se plaignent du péril de la foi.
X. Des années difficiles.
Et puis l’initiateur du Concordat, le restaurateur de l’Église en France va devoir s’opposer au pape qui refuse d’entrer dans les vues politiques de l’Empereur.
En 1806, Pie VII n’entend pas entrer dans le Blocus continental en raison de la neutralité qui s’imposait au souverain pontife. Napoléon se fit menaçant et écrivit au pape que son pouvoir temporel dépend de son bon vouloir : « Votre Sainteté est souveraine de Rome, mais j’en suis l’Empereur » [21].
Napoléon fit occuper Rome en 1808. Lui et « les auteurs, fauteurs et exécuteurs des injustices exercées à l’égard du Saint-Siège » furent excommuniés. Exilé à Savone en juillet 1809, Pie VII devint le prisonnier de l’Empereur, transformé en geôlier. Installé finalement à Fontainebleau, Pie VII sera libéré puis regagnera Rome en mai 1814.
Malgré toutes ces difficultés, Napoléon, au faîte de sa puissance, n’oublie pas l’importance du catholicisme et, de façon bien pragmatique, confie l’éducation de son fils [22] à la comtesse de Montesquiou. Il s’exprime ainsi en public :
- Madame, je vous confie les destinées de la France, faites de mon fils un bon Français et un bon chrétien, l’un ne saurait être sans l’autre.
Et comme quelques courtisans présents souriaient, il ajoute :
- Oui, Messieurs, la religion est à mes yeux l’appui de la morale et des bonnes mœurs [23].
XI. Au soir de sa vie.
Les témoignages relatifs au séjour à Sainte-Hélène sont assez nombreux, chaque personne de l’entourage de l’Empereur déchu se piquant de rédiger son journal.
Détaché des pratiques du catholicisme, l’Empereur exilé continue à ne pas renoncer à l’idée de Dieu. En cela, il ne peut être considéré comme athée. A Sainte-Hélène, il persiste à ne pas être convaincu des explications matérialistes de la formation du monde, celles de Monge, Berthollet, Laplace, et il continue de s’interroger sur l’existence d’un Dieu horloger — pour reprendre une expression qu’il utilise la tenant de Voltaire —, d’un Être Suprême, d’un Grand architecte de l’Univers.
Mais s’il s’interroge sur les origines de l’homme, il paraît peu hanté par l’idée de la mort et ne croit pas à un au-delà. Las Cases relate un entretien de 1816. Toujours lui-même, déiste, fils du XVIIIe siècle, l’empereur déchu déclare : « Je suis loin d’être athée, assurément ; mais je ne puis croire tout ce que l’on m’enseigne en dépit de ma raison, sous peine d’être faux et hypocrite ». Mais au terme de cet entretien, Napoléon se fera apporter les Évangiles et les lit longuement.
Si l’on se fie à l’intuition féminine d’Albine de Montholon qui le connut intimement « Il avait rompu dès sa jeunesse avec la pratique de la religion, pourtant, il avait gardé l’empreinte de sa première éducation et de la foi de son enfance, il était chrétien et catholique au fond du cœur, …Il s’est beaucoup occupé de religion à Longwood [24]. Il a lu l’Ancien Testament, tous les Évangiles, les Actes des Apôtres, Bossuet, Massillon, etc. Il professait une grande admiration pour saint Paul. » Son exemplaire de l’Ancien Testament était ce même volume qu’il avait avec lui en Égypte et qu’il faisait lire à Monge, le soir sous la tente. Napoléon disait : « II y a un sentiment inné dans le cœur de l’homme qui le porte à croire. Il est impossible qu’il ne se dise pas sans cesse : D’où suis-je venu ? Où vais-je ? Et il ajoutait avec un accent ému : personne ne peut dire : je ne serai pas dévot. » [25] Dans une lettre du 11 août 1819, Montholon écrit : « Les lectures à la mode à Longwood sont l’Évangile, Bossuet, Massillon, Fléchier, Bourdaloue ».
Le mois suivant, deux prêtres arrivent à Sainte-Hélène, les abbés Buonavita et Vignali. Chargés d’assister Napoléon, ils ont été souhaités dès 1816, à la suite des démarches entreprises par le cardinal Fesch auprès du gouvernement britannique et encouragées par Pie VII.
Quand son état s’aggrave, le surnaturel semble s’affirmer. Il rédige son Testament du 15 avril, écrivant en exergue : « Je meurs dans la religion apostolique et romaine, dans le sein de laquelle je suis né, il y a plus de cinquante ans ».
Mais le 19 avril 1821, Jeudi Saint, Napoléon manifeste sa foi en la vie éternelle dans une vision personnelle qui reste assez éloignée de la réalité : « Quand je serai mort, chacun de vous aura la douce consolation de retourner en Europe. Vous reverrez, les uns vos parents, les autres vos amis. Et moi je retrouverai mes braves aux Champs- Elysées. Oui, continua-t-il en haussant la voix, Kléber, Desaix, Bessières, Duroc, Ney Murat, Massena, Berthier, tous viendront à ma rencontre ; ils me parleront de ce que nous avons fait ensemble. Je leur conterai les derniers événements de ma vie. En me voyant, ils redeviendront tous fous d’enthousiasme et de gloire. Nous causerons de nos guerres avec les Scipion, les Annibal, les César, les Frédéric. Il y aura du plaisir à cela ! » Voilà donc la représentation du Paradis que se fait l’Empereur : un cercle pour officiers anciens combattants [26].
Le Samedi Saint suivant, l’Empereur demande l’installation d’une chapelle ardente et la célébration de la Messe et s’adressant à l’abbé Vignali lui dit : « Lorsque je serai à l’agonie, vous ferez dresser un autel dans la pièce voisine, vous exposerez le Saint-Sacrement, et vous direz la prière des agonisants ; je suis né dans la religion catholique, je veux remplir les devoirs qu’elle impose et recevoir les secours qu’elle administre [27]. »
Le 1er mai, « l’abbé Vignali nous annonce qu’il a administré le viatique à l’Empereur » [28]. En réalité, il fût seulement extrémisé, n’étant plus capable de recevoir la Sainte Communion en raison de ses indispositions.
Napoléon s’éteint le 5 mai 1821, marqué par l’« empreinte ineffaçable » de sa famille, de son baptême, de son enfance.
XII. Après la mort.
Le parcours religieux de Napoléon a été singulièrement complexe. Baptisé, fils des Lumières, déiste, croyant, sceptique, catholique, conformiste, provocateur ? Quelle pensée religieuse ? Que conclure ?
La réponse est embarrassée, puisque la question l’est tout autant.
Pie VII soutiendra que la grâce de la douzième heure a pu faire revenir l’Empereur vers Dieu :
« Lorsque Pie VII apprit la mort de Napoléon, il montra le même esprit qui l’avait porté à prier le cabinet britannique d’adoucir la captivité du grand guerrier, et il permit qu’un service funèbre fût célébré à Rome par les soins du cardinal Fesch… [29]
Pie VII demandait avec avidité à connaître les détails relatifs à la mort de celui qu’il espérait avoir rendu à Dieu. Le pape avait franchement pardonné et les assurances de bienveillance qu’il envoyait à Sainte-Hélène ne devaient pas peu contribuer à réveiller dans l’esprit de Napoléon ces anciens sentiments de religion dont nous l’avons trouvé quelquefois animé…
Les relations arrivées à Rome prouvent que les consolations de la religion furent reçues par l’Empereur avec vénération et recueillement : il prononça le nom du Saint-Père, que plusieurs fois dans ses entretiens de l’exil, il avait appelé un agneau ; il prononça son nom avec un accent vrai d’effusion et de douceur. Il dit quelques mots sur la cathédrale d’Ajaccio. Sa figure dans ces terribles moments était gracieuse et sereine » [30].
D’autre jugeront de façon plus pragmatique, et sans doute avec plus de réalisme :
« Napoléon accepte de mourir dans la religion de ses pères, considérant de plus qu’il remplit son devoir de souverain chrétien. Cet ultime geste ne signifie pas un profond revirement de ses convictions mais, à ses yeux, un souverain se doit de mourir en affichant l’appartenance à la religion de son peuple. Jusque dans sa mort, il reste fidèle à l’idée que les princes doivent sur ce point donner l’exemple [31] ».
« Napoléon croyait-il en Dieu ? La question sans cesse posée n’a pas encore reçu de réponse ». Napoléon était-il athée ? Était-il chrétien ? Était-il un bon chrétien ? On peut répondre par la négative aux première et troisième question. Pour la seconde, la réponse reste délicate » [32] L’empreinte ineffaçable de sa famille ? Deux siècles après sa mort, la pensée religieuse de l’Empereur continue de diviser.
Source : Courrier de Rome n°646
- Philippe Bornet, Napoléon et Dieu, Via Romana, 2021.[↩]
- Louis Madelin, Histoire du Consulat et de l’Empire. t. IV, p. 106.[↩]
- Publié en 1802, l’influence de cet ouvrage de Chateaubriand sera considérable, d’autant plus qu’il répondra à l’attente d’une génération conquise par le romantisme et séduite par cette nouvelle manière d’aborder l’essence du christianisme. Il accompagnera en ce sens l’effort de reconstruction de l’Église engagé par Bonaparte à l’occasion des négociations avec la papauté. Chateaubriand en fera parvenir un exemplaire au Premier consul et Bonaparte acceptera que la seconde édition, publiée en avril 1803, lui soit dédiée. C’est dire combien la publication du Génie du Christianisme servira les intérêts du pouvoir. Le livre légitimera le rétablissement des autels par le Concordat et sera utilisé comme une arme contre les opposants à la politique religieuse de Bonaparte. Chateaubriand s’attribuera du reste un rôle dans la restauration religieuse du pays : – Ce fut au milieu des débris de nos temples que je publiai Le Génie du Christianisme » écrira-t-il dans les Mémoires d’outre-tombe. Ce choix en faveur du rétablissement de l’Église, n’allait pourtant pas de soi, tant Bonaparte et son entourage paraissaient nourris de l’esprit des Lumières.[↩]
- Testament religieux de Napoléon ler. Paris, J.-L. Paulmier, 1861. Mais, à Sainte-Hélène, il pourra également affirmer que le plus beau souvenir de sa vie restait la fulgurante campagne d’Italie de 1796–1797 ![↩]
- On sait que, dans le Contrat social, Rousseau fait l’éloge de la Corse. Dans le Discours de Lyon, écrit en 1791, Bonaparte manifeste une forte passion pour Rousseau : – O Rousseau ! Pourquoi faut-il que tu n’aies vécu que soixante ans ? Pour l’intérêt de la vertu, tu eusses dû être immortel ! ». Plus tard, il mettra en sommeil son admiration. « Il eût mieux valu pour le repos de la France que cet homme n’eût jamais existé » (Bonaparte à Ermenonville en 1802).[↩]
- Philippe Bornet, Napoléon et Dieu, Via Romana, 2021, p. 28. Rousseau avait envisagé de se rendre en Corse.[↩]
- « L’Être Suprême ne l’a pas permis ; sa volonté est immuable, lui peut nous consoler », Napoléon à son grand-oncle, l’archidiacre Lucien Bonaparte après la mort de son père, 28 mars 1785. Napoléon Bonaparte, Correspondance générale, Fayard, 2004, tome 1, p. 47.[↩]
- Défense de Rousseau, dans Napoléon Bonaparte, Œuvres littéraires et écrits militaires, éd. établie et annotée par Jean Tulard, Paris, Claude Tchou, « Bibliothèque des Introuvables », 2001. ; vol., 1.1, p. 49–60.[↩]
- Supprimés par Clément XIV et non encore restaurés.[↩]
- Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social, livre IV, chapitre VIII, Paris, Gallimard, La Pléiade, 1964, p. 469.[↩]
- Le culte de l’Être Suprême (7 mai 1794) fut établi par le déiste Robespierre et la Convention le 7 mai 1794. La divinité est appelée au secours de la Révolution. L’Être suprême se trouve déjà mentionné dans la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789.
Deux dogmes sont affirmés : l’Être suprême et l’immortalité de l’âme. Le Grand Pontife est Robespierre lui-même. Fête solennelle le 8 juin 1794 (20 prairial an II). Sont prévues quatre fêtes commémorant les 14 juillet 1789, 10 août 1792, 21 janvier 1794 et 31 mai 1793, plus 36 fêtes décadaires, consacrées à « l’Être Suprême et à la Nature », aux vertus, aux âges de la vie, à l’agriculture et à l’industrie.
Ce culte s’inspire de l’Émile de Rousseau. A partir de l’âge mûr, se met en place la vie religieuse de l’adulte par l’adoption de la Profession de foi du vicaire savoyard, spiritualiste :
Deux dogmes essentiels :- l’existence de Dieu, être suprême et l’existence de l’âme humaine spirituelle et très probablement immortelle.
- à cela s’ajoute le dogme de la sainteté du contrat social.
[↩]
- Correspondance de Napoléon Ier t. 6, n° 4523.[↩]
- François Collaveri dans le Dictionnaire Napoléon de Jean Tulard, Fayard, 1555.[↩]
- Roederer, Mémoires, t. 2, p. 334.[↩]
- Les 17 articles du Concordat :
- art. 1 : « culte libre et public en se conformant aux règlements de police ».
- art. 2 : nouvelles circonscriptions diocésaines.
- art. 3 : demande de démission des évêques.
- art. 4 et 5 : nomination des évêques par le Premier Consul de la République et investiture canonique par le pape.
- art. 6 et 7 serment de fidélité des évêques et des prêtres au gouvernement (et non aux lois).
- art. 8 : prière pour la république et les consuls.
- art. 9 : nouvelles circonscriptions paroissiales, avec accord du gouvernement.
- art. 10 : les évêques nomment aux cures avec l’agrément du gouvernement.
- art. 11 : chapitres et séminaires non dotés.
- art. 12 : toutes les églises non aliénées mises à la disposition des évêques.
- art. 14 : les acquéreurs de biens nationaux non inquiétés.
- art. 14 : traitement convenable aux évêques et aux curés.
- art. 15 : fondations possibles en faveur des églises.
- art. 16 : le Premier Consul succède à l’ancien gouvernement.
- art. 17 : nouvelle convention si chef d’État non catholique.
[↩]
- « Le prestige de l’Église et de la papauté d’abord s’est accru d’une manière prodigieuse par le fait que la Révolution elle-même, qui voulait, à l’origine, s’émanciper complètement de Rome et régler la situation de l’Église suivant son bon plaisir, devait comprendre qu’elle ne pourrait aboutir sans le pape, même pour l’établissement de la paix religieuse indispensable » (Schmidlin, Histoire des papes à l’époque contemporaine, t. I, p. 67).[↩]
- « Les papes qui ont porté le plus haut leur autorité n’ont point fait dans la suite des siècles des coups d’autorité aussi grands » (M. Emery, p.s.s.).[↩]
- Les sacrifices du Saint-Siège :
- sur le catholicisme non reconnu comme religion d’État.
- d’ordre matériel : sur les biens ecclésiastiques spoliés et sur les clercs non dotés (vicaires généraux, chanoines, desservants, vicaires, séminaires).
- sur les personnes : démission demandée de tous les évêques.
- sur les nominations épiscopales abandonnées au Premier Consul et en partie sur les nominations curiales.
- rien sur les religieux.
- sur la liberté extérieure : entraves de police.
[↩]
- 77 articles en 4 titres, selon l’article Ier du Concordat :
- Titre I : du régime de l’Église catholique dans ses rapports généraux avec les droits et la police de l’État.
- art. 1 et 2 : les actes du Saint-Siège et des conciles généraux soumis au placet du gouvernement.
- art. 3 : les appels comme d’abus sont établis.
- Titre II : des ministres, des séminaires, des chapitres :
En étroite dépendance de l’État. - art. 13–14, 20–23 : ils déterminent les devoirs pastoraux des évêques.
- art. 20 : les évêques ne peuvent sortir de leur diocèse qu’avec permission du Premier consul (les préfets violets).
- art. 24 : la déclaration gallicane des Quatre articles de 1682 sont imposés dans les séminaires.
- Titre III : du culte.
Liturgie et catéchisme. - Titre IV : des circonscriptions et du traitement des ministres.
[↩]
- Ercole Consalvi, Mémoires. édités par Jacques Crétineau Joly, Maison de la Bonne Presse, 1895.[↩]
- Napoléon à Pie VII, 13 février 1806, Correspondance de Napoléon N. t. 12, n° 9805, p. 47–48.[↩]
- 20 mars 1811 : naissance à Paris du roi de Rome.[↩]
- Marchand, Mémoires. Tallandier, 1991, tome 2, p. 254.[↩]
- Résidence de Napoléon Ier à Sainte-Hélène, de 1815 à sa mort en 1821.[↩]
- Comtesse de Montholon, Souvenirs de Sainte-Hélène. E. Paul, 1901, p. 161–162.[↩]
- Général Bertrand, Cahiers de Sainte-Hélène, Paris, Albin Michel, 1959, p. 128.[↩]
- Marchand, Mémoires[↩]
- Dr François Autommarchi, Mémoires[↩]
- Pie VII se montra très généreux pour les parents de son persécuteur, accueillant à Rome la mère de l’Empereur et l’oncle de celui-ci, le cardinal Fesch. Il envoya même sa bénédiction au proscrit de Sainte-Hélène et fut le seul souverain d’Europe à solliciter du cabinet de Londres un adoucissement de son sort[↩]
- Arthaud, Histoire du pape Pie VII, t. 3, p. 262 et 264[↩]
- Jacques-Olivier Boudon, Napoléon et les cultes, Paris, Fayard, 2002, p. 44.[↩]
- Cf. Introduction.[↩]