L’abbé Bernard de Lacoste-Lareymondie, prieur de versailles, lors de son sermon dans la collégiale de Poissy
Le sermon de M. l’abbé de Lacoste-Lareymondie
Mes biens chers frères,
Je voudrais d’abord remercier le Père Courtois pour son chaleureux accueil dans cette collégiale de Poissy, terme de notre pèlerinage paroissial.
Saint Louis est né à Poissy en 1214 et fut baptisé dans cette belle église qui conserve encore quelques fragments des fonds baptismaux de l’époque. Devenu roi, il aimait à s’en souvenir. Un de ses contemporains rapporte le fait suivant. Il advint, un jour que le roi Louis était à Poissy, qu’il dit en riant à ses familiers que le plus grand bien et le plus grand honneur qu’il avait eu en ce monde, NS lui avait fait à Poissy. Quand ils entendirent cela, ses gens se demandèrent de quel honneur il parlait, car ils pensaient qu’il eût mieux dit cela de la cité de Reims, où il reçut la sainte Onction et la couronne du royaume de France. Alors le bon roi se mit à rire, puis il leur dit qu’en la cité de Poissy, il avait reçu la grâce du saint baptême, laquelle chose, par-dessus tous les honneurs et les dignités du monde, il tenait sans comparaison plus grand don de Dieu et plus grande dignité. Et c’est pourquoi il advint parfois que, quand il envoyait des lettres secrètes à certains de ses familiers, il ne voulait pas mettre le nom de roi, il s’appelait Louis de Poissy.
Ses biographes nous racontent qu’il communiait au moins six fois par an, à Pâques, à l’Ascension, à la Pentecôte, à la Toussaint, à Noël et à la Purification de Marie. C’est peu, mais il recevait la sainte Eucharistie avec une telle dévotion, une telle humilité, un tel amour de Notre Seigneur, qu’il édifiait tous les assistants par ses dispositions
Saint Louis assistait à la messe, non pas une, mais deux fois par jour, tôt le matin. Si son emploi du temps le lui permettait, il assistait même à une 3ème messe en fin de matinée. Des courtisans lui ont suggéré que peut-être il se surmenait en assistant si souvent à la Messe. Le roi a répondu :
» Si je passais bien plus de temps à m’adonner aux plaisirs de la chasse, ou à recevoir mes amis au cours de banquets somptueux, ou si je fréquentais plusieurs heures par jour les théâtres et les lieux d’amusement, vous ne me reprocheriez pas de consacrer trop de temps aux plaisirs. Vous oubliez, mes bons amis, qu’en entendant la Messe je n’obtiens pas seulement pour moi-même d’innombrables bénédictions, mais que je confère ainsi à mon royaume les avantages les plus importants, bien plus que je ne pourrais le faire d’aucune autre manière. »
Quant au sacrement de pénitence, le roi très chrétien le recevait chaque semaine. Tous les vendredis, il confessait humblement tous ses péchés à un prêtre, représentant de Jésus Christ, pour en recevoir la sainte absolution qui purifiait son âme. D’où venaient, chez saint Louis, un tel amour et un tel respect pour la messe et les sacrements ? De son profond esprit de foi. Et s’il a pu bénéficier du trésor que constitue la réception fréquente des sacrements, c’est parce que les prêtres, au XIIIème siècle, étaient très nombreux en France.
Notre pays manque cruellement de prêtres. Si une société se trouve privée de prêtres, qui répandra sur les âmes le précieux sang du Calvaire ? Qui enseignera le catéchisme aux enfants ? Qui consacrera la sainte Eucharistie qui nourrit les âmes et leur donne la force nécessaire pour atteindre le ciel ? Qui prononcera sur les pécheurs les paroles de l’absolution par lesquelles la miséricorde de Dieu efface les péchés ? Qui donnera aux malades l’extrême-onction ? En un mot, qui guidera les âmes vers le ciel ? Louis de Poissy, donnez à la France beaucoup de saints prêtres !
Saint Louis avait aussi en grande estime la vie religieuse. Il a soutenu et multiplié les ordres religieux à travers tout le pays. Par exemple, il fit édifier pour les cisterciens l’abbaye de Royaumont, où il se plaisait à séjourner. En même temps, sa mère Blanche de Castille fondait pour les religieuses cisterciennes les monastères de Dammarie les lys, près de Melun, et de Maubuisson, près de Pontoise. Saint Louis a soutenu efficacement les ordres mendiants, franciscains et dominicains. Il a fait construire une maison près de Charenton pour les Carmes. Il a offert aux Augustins un monastère près de la porte de Montmartre. Il a installé les servites de la Mère de Dieu, surnommés religieux des blancs manteaux, près de la porte du temple.
Ce saint roi avait compris qu’un pays ne peut pas vivre seulement de commerce et de biens matériels. Un pays ne peut pas rester longtemps civilisé sans vie contemplative, parce que l’homme n’est pas seulement un corps, il est aussi une âme immortelle appelée à contempler Dieu dans l’éternité. Lorsqu’une société juge inutile les ordres contemplatifs, elle est sur le chemin de la décadence. Or, notre pauvre monde est une conspiration contre toute forme de vie contemplative. La France ne pourra se relever de son triste état actuel que si les âmes contemplatives se multiplient.
Louis de Poissy, vous qui contemplez Dieu dans l’éternité, daignez jeter un regard sur le pays que vous avez autrefois gouverné. Aujourd’hui, les hommes qui gouvernent la France ne sont pas chrétiens. Leur premier souci semble consister à arracher de l’âme des français toute trace de catholicisme. Non contents de renier les racines chrétiennes de la France, ils encouragent au vice, au blasphème et à l’apostasie.
Comment la France se relèvera-t-elle de cette décadence, sans une légion d’âmes consacrées ? Pour que notre pays revive, il est nécessaire que de nombreuses jeunes filles, que de nombreux jeunes hommes, quittent le monde et se consacrent à Jésus Christ dans un esprit de pauvreté, de chasteté et d’obéissance. Seul l’exemple héroïque de ces âmes qui abandonnent tout pour suivre le Christ, peut redonner un idéal à la France et attire sur elle les bénédictions du ciel. Notre pays a besoin de prêtres qui célèbrent chaque jour le Saint Sacrifice de la messe, qui récitent le bréviaire et qui nourrissent les âmes des sacrements et de la doctrine catholique traditionnelle. Notre pays a besoin de religieux et de religieuses qui, dans l’obscurité du cloître ou dans l’apostolat extérieur, offrent à Dieu une vie de prière et de sacrifice pour réparer les péchés du monde et implorer la grâce divine.
Saint Louis, vous avez tout quitté pour répondre à l’appel de Dieu et partir en croisade. Vous y avez même laissé votre vie. Aux jeunes filles et aux jeunes gens que le bon Dieu appelle à son service, donnez la même force et le même détachement. Qu’ils sachent dire oui sans regarder en arrière. Qu’ils donnent tout sans rien garder pour eux.
Abbé Bernard de Lacoste-Lareymondie, le 21 mars 2015 en la collégiale de Poissy
Les photos du pèlerinage
Comment la France se relèvera-t-elle de cette décadence, sans une légion d’âmes consacrées ? |