Alexandra Vonlanthen (Suisse allemande) : comment faire ?
Un spectacle de désolation où les plus démunis payent un lourd tribu…
Le typhon Washi a ravagé le 20 décembre 2011 la partie nord de l’île de Mindanao. A ce jour, il a fait 1 300 morts, et ce chiffre sera probablement porté à 2 000. Il y a 450 000 réfugiés et un nombre indéterminé de disparus.
Apparemment, les fidèles traditionnalistes ont beaucoup souffert. Au moins un mort, plusieurs familles ont tout perdu, notamment leur maison. La seule indication qu’il reste aux sauveteurs est l’odeur des cadavres recouverts de boue et ceux que la mer fait échouer sur la grève.
Le scénario est toujours le même. Des vents violents emportent les arbres et les maisons. Conjointement les pluies massives décrochent des pans entiers des montagnes et un fleuve de boue se déverse brutalement vers les villes inondées, ravageant les rives des fleuves. C’est autour des cours d’eau que se rassemblent les plus pauvres, car ils n’ont pas les moyens de se payer le matériel élémentaire que sont les lavabos et les toilettes. De nuit, brutalement la boue et la pluie envahissent tout. Les pauvres abris des habitants sont emportés et les habitants noyés en quelques minutes. Or ces malheureux se nomment « personne ». La plupart du temps on ne sait qui ils sont : ils ne peuvent payer l’équivalent des cinq euros leur permettant d’être inscrits à l’Etat civil. Les flots et la boue effaceront les souvenirs de leurs proches…s’ils en ont.
L’Acim-Asia sur le pied de guerre fait, encore une fois, des miracles !
La permanence de l’ACIM se situe au sud de l’île. 400 km à vol d’oiseau. Douze heures d’une route ravinée.
Ce typhon posait problème. En effet la mission médicale Rosa Mystica précisément en raison de la mousson a été déplacée du mois d’août au mois de février. Car l’an dernier à Manille nous n’avions soigné que 2 800 personnes : la ville était inondée et les malades étaient obligés de rester près de leurs maisons. Or, en six mois, nous étions loin d’avoir rassemblé l’argent nécessaire qui habitude nous arrive sur une année entière. Après hésitation, j’ai donné le feu vert pour que le stock de médicaments qui était à Manille soit transféré à Cagayan de Oro. Une équipe sous la direction de Father Pfeiffer partit de Davao ( la deuxième ville du pays et dans la même île) pour se rendre compte des dégâts. Mais à AcimAsia, à la permanence de Mindanao, il y avait aussi des volontaires, essentiellement des infirmières ‑dont une Suisse allemande- et notre pharmacienne. Il fallait partir. Mais on ne part pas pour une telle expédition la fleur au fusil, muni de sa seule bonne volonté.
Et dans ce cas et comme dans la quasi totalité des actions humanitaires menées par l’ACIM, l’armée répond toujours présent. Elle protège, véhicule, manutentionne, est à disposition. Nous n’avons au cours des années rencontré que des hommes au cœur immense.
Le déroulement de toutes ces opérations se passe de manière identique. Acheter le matériel. Un voyage terriblement éprouvant en camion militaire. Trouver un point de chute, en général des amis paroissiens s’il y en a ; mais peut-être faudra-t-il dormir sur un banc dans une école ou par terre comme 18 de nos volontaires en 2010. Puis il faudra trouver un endroit pour travailler. Ce pourra être un préau, des tentes montées par l’armée, une église.
Puis vient la distribution des vivres, vêtements rassemblés, des couvertures.
Cagayan de Oro, la « ville de l’or » est une ville de 700 000 habitants. Il suffit en pratique de s’installer n’importe où. Les deux équipes, celle de Davao et celle de General Santos, ont fait leur jonction et s’organisent.
Quand la mission commence il n’y a pas de médecin. Mais se joint au groupe un médecin allemand avec lequel les trois volontaires françaises du typhon Ketsana avaient travaillé à Manille en 2008. Le monde du volontariat sur place est petit. Le 27 quand l’équipe est en place ce praticien verra 148 personnes. Un exploit.
Mais il y a aussi toute la région…Des endroits où personne n’a été à ce jour. Qu’importe ! Le quotidien suffit.
Mais les soldats en première ligne se disent comme il en a été de toutes les guerres : « Pourvu que l’Arrière tienne ».
L’Arrière ce sont les dons qui nous arrivent. Il faut remercier ceux qui aident. Peut-être d’autres pourraient-ils le faire. Pour réhydrater un enfant atteint du choléra, il faut entre cinq et dix euros. Il y en a à ce jour 45 000.
Notre réveillon nous semble alors amer.
Prions pour que le Bon Dieu permette d’abréger la souffrance d’un peuple qui n’a souvent que sa foi catholique pour se défendre.
Dr Jean-Pierre Dickès , 28 décembre 2011, en la fête des Saints Innocents