31 juillet 2013, décès de Jean MADIRAN – « Rendez-​nous l’Écriture, le catéchisme et la messe ! »

Jean MADIRAN, 1920–2013

Parmi les grandes figures de la résis­tance catho­lique à l’aggiornamento, le nom de Jean Madiran figu­re­ra cer­tai­ne­ment par­mi les plus cités et si on réduit la liste aux seuls laïcs fran­çais, rares sont ceux qui pour­ront lui dis­pu­ter la pre­mière place. Ce qui est incon­tes­table, c’est qu’il était l’un des der­niers repré­sen­tants de cette géné­ra­tion qui a écrit, qui a contre­dit, qui a bataillé pour mettre en garde les auto­ri­tés de l’Église, pour redon­ner cou­rage à ses prêtres fidèles et pour for­mer les géné­ra­tions de demain.

Très mar­qué dans sa jeu­nesse par l’affaire de l’Action fran­çaise et par les dom­ma­geables réper­cus­sions reli­gieuses et sociales de sa condam­na­tion, Jean Madiran enga­gea sans les comp­ter ses dons au ser­vice de la pen­sée catho­lique fran­çaise : Plume d’exception qui par­ve­nait tou­jours à trou­ver le mot juste, la for­mule adé­quate et un rai­son­ne­ment convain­quant, il était tout à la fois un his­to­rien rigou­reux, un phi­lo­sophe pro­fond, un écri­vain dis­tin­gué et un contra­dic­teur de talent. Ces qua­li­tés, il les déploya à mer­veille dans la célèbre revue qu’il diri­gea à par­tir de 1956 : Itinéraires. Déjà, au sein de l’Église de France, pro­gres­si­ve­ment inon­dée par les eaux de l’aggiornamento, les esprits recher­chaient ces rocs solides où la pen­sée tho­miste était assu­rée et l’ouverture intel­lec­tuelle pri­vi­lé­giée. Les articles d’Itinéraires étaient de ceux-​là. A leur lec­ture, les jeunes fran­çais s’armaient intel­lec­tuel­le­ment face à la des­truc­tion pro­gram­mée du catho­li­cisme et aux erre­ments d’un cler­gé en proie à la créativité.

Mais ce bras de fer ne pou­vait que se sol­der par la per­sé­cu­tion. Dès 1966, la revue fut mise au ban par l’épiscopat fran­çais qui mit en garde les fidèles contre la pen­sée d’Itinéraires, laquelle était cou­pable de contes­ter « les prin­cipes du renou­veau entre­pris ». Cent ans aupa­ra­vant, les évêques de notre pays avaient pro­cé­dé de la même manière à l’encontre d’un Louis Veuillot, mais celui-​ci béné­fi­ciait alors de la pro­tec­tion pater­nelle d’un Pie IX. A l’inverse, Jean Madiran dut éga­le­ment mettre en garde Paul VI contre les nou­veau­tés mises en place et il lui adres­sa en 1972 son vibrant appel qu’il des­ti­nait aus­si à tous ses suc­ces­seurs : « Rendez-​nous l’Écriture, le caté­chisme et la messe ! » Cette cou­ra­geuse offen­sive, cou­ron­née par une mise au ban n’était pas sans rap­pe­ler celle du fon­da­teur du sémi­naire d’Écône où il fut lui-​même un confé­ren­cier régu­lier et appré­cié. En 1976, il lui dédia un numé­ro hors-​série d’Itinéraires, inti­tu­lé : « la condam­na­tion sau­vage de Mgr Lefebvre ».

L’amitié et l’estime des deux hommes fut la vic­time de l’âpreté des temps, laquelle enjoi­gnait à opter pour des solu­tions de sur­vie. Jean Madiran mar­qua un moment ses réti­cences à l’égard des sacres épis­co­paux confé­rés, avant de mou­rir, par le prélat. 

La dis­pa­ri­tion de ce der­nier pro­lon­gea cette éphé­mère rup­ture des rela­tions et le temps œuvrant, Jean Madiran recon­nut, quelques années plus tard, le bien fon­dé des consé­cra­tions de 1988 [Voir vidéo ci-​dessous]. Cette démarche coïn­ci­dait avec la luci­di­té de cet esprit brillant, qui consi­dé­rait avec un recul sai­sis­sant l’histoire de l’Église et de ses enjeux. 

L’histoire sau­ra cer­tai­ne­ment rete­nir la mémoire de ces deux ser­vi­teurs de l’Église et de la messe tra­di­tion­nelle. Ils furent des maillons sans l’ardeur des­quels nous ne béné­fi­cie­rions plus aujourd’hui de la sainte litur­gie et de la saine doctrine.

« Depuis octobre 1958, mort de Pie XII, l’apostasie moderne, n’étant plus suf­fi­sam­ment contre­car­rée dans l’Église, y a peu à peu conquis droit de cité.

Depuis octobre 1962, ouver­ture du Concile, une ava­lanche de solen­nelles ambi­guï­tés, tom­bées de haut, a métho­di­que­ment déso­rien­té la foi et l’espérance des fidèles.

Depuis l’année 1969, on ne peut plus dou­ter que nous sommes en pré­sence d’un sys­tème déli­bé­ré d’autodestruction de l’Église, impo­sé par une fac­tion qui, cam­pée comme une armée d’occupation, tient sous sa botte les hié­rar­chies et les admi­nis­tra­tions de l’Église mili­tante ».

On découvre désor­mais, dans les docu­ments ecclé­sias­tiques publiés, des ano­ma­lies graves, des omis­sions inex­pli­cables, et jusqu’à des alté­ra­tions de l’Écriture sainte pré­sen­tées comme « obli­ga­toires » dans le nou­veau caté­chisme et dans le nou­velle litur­gie.

Il fau­drait tout véri­fier par soi-​même, et la plu­part des prêtres et des fidèles n’en ont ni le temps, ni les moyens, ni la com­pé­tence.

Il est mani­feste que les nou­veaux caté­chismes ne sont pas sûrs, que les nou­veaux mis­sels ne sont pas sûrs, que les nou­velles mœurs et les nou­veaux rites ecclé­sias­tiques ne sont pas sûrs. Cela consti­tue une catas­trophe uni­ver­selle. Et pour le moment l’autorité dans l’Église coexiste avec cette catas­trophe sans y appor­ter aucun remède. »

(Jean Madiran, Réclamation au Saint-​Père, N.E.L, 1974, pp. 7–8).

La Porte Latine

Jean Madiran reconnaît le bien-​fondé des sacres 

A l’oc­ca­sion de la réa­li­sa­tion du film « Monseigneur Lefebvre, un évêque dans la tem­pête », il accep­ta d’être fil­mé et de don­ner son témoi­gnage sur Mgr Lefebvre. De lui-​même, il revint plu­sieurs fois sur la ques­tion des sacres et recon­nut avec hon­nê­te­té et humi­li­té la clair­voyance du pré­lat dans sa déci­sion de sacrer quatre évêques pour per­mettre à la Fraternité de per­du­rer dans son com­bat et sa mission.

Extrait du film « Monseigneur Lefebvre, un évêque dans la tem­pête »

Madiran s’exprime sur Assise 2011

Est-​il bon de cacher ce qui s’est passé ? 

« […] Ces bac­cha­nales n’ont pas, à notre connais­sance, été offi­ciel­le­ment dénon­cées, ni même regret­tées. Que l’on sache, elles n’ont pas fait l’objet de céré­mo­nies répa­ra­trices. Peut-​être faut-​il s’attendre (mais rien ne l’annonce) à ce que la com­mé­mo­ra­tion pré­vue pour le 27 octobre pro­chain soit enfin l’occasion d’une célé­bra­tion solen­nelle de réparation.

Continuer à cacher ce qui s’est réel­le­ment pas­sé relève d’une pas­to­rale très aventurée. […] »

Jean Madiran – Présent du 27 octobre 2011