D’où vient que dans l’Eglise, de multiples interprétations sont faites du sens-même du concile Vatican II : « hérétique », « menant à l’hérésie », « contenant de lourdes ambiguïtés », « incompris », « génial », « rempli du souffle divin »… ? Oppositions dans l’analyse objective des textes et dans l’herméneutique d’un « esprit du concile », oppositions dans la constatation de l’état malheureux de l’Eglise postconciliaire et dans la diversité des attitudes à avoir : tant de divisions entre ceux qui recherchent le bien de l’Eglise ne viennent pas de leur bêtise intellectuelle. Elles viennent de l’essence-même de l’erreur moderniste, dont le propre est d’être déguisée.
Non pas de hérésies notoires mais des erreurs cachées
Dans son analyse du modernisme, St Pie X démontre que :
- les erreurs modernistes forment un système logique,
- bien que ces erreurs ne soient radicalement rien d’autre que celle des protestants libéraux, la différence vient du fait que dans le modernisme, ces erreurs ne s’affirment ni à elles-mêmes, ni à la face de l’Eglise : Elles utilisent l’ambiguïté, l’équivocité, changeant la signification des termes ou les accompagnent de leurs contradictoires, toutes sortes d’artifices qui les rendent difficilement reconnaissables et même difficilement définissables.
Ce ne sont pas des erreurs franches, mais elles les contiennent cachées et donc y conduisent :
C’est le rendez-vous de toutes les hérésies [1].
Leurs méthodes et doctrines sont donc semées d’erreurs, faites non pour édifier mais pour détruire, non pour susciter des catholiques mais pour précipiter les catholiques à l’hérésie, mortelles même à toute religion [2].
Les racines protestantes hérétiques
A propos de leur fausse conception de la foi qui repose sur une expérience individuelle et non sur des preuves externes de la Révélation, St Pie X dit :
Ils se séparent ainsi des rationalistes, mais pour verser dans la doctrine des protestants et des pseudo-mystiques[3].
A propos de la dichotomie entre les actes intérieurs et extérieurs de religion, dont les premiers doivent être libres, et les seconds soumis à l’Etat, le saint pape dit :
C’est l’évidence de ces conclusions qui a amené bon nombre de protestants libéraux à rejeter tout culte extérieur, même toute société religieuse extérieure, et à essayer de faire prévaloir une religion purement individuelle. Si les modernistes n’en sont point encore arrivés là, ce qu’ils demandent, en attendant, c’est que l’Eglise veuille, sans trop se faire prier, suivre leurs directions, et qu’elle en vienne enfin à s’harmoniser avec les formes civiles[4].
Il en est enfin qui, faisant écho à leurs maîtres protestants, désirent la suppression du célibat ecclésiastique[5].
Voilà qui suffit, et surabondamment, pour montrer par combien de routes le modernisme conduit à l’anéantissement de toute religion. Le premier pas fut fait par le protestantisme, le second est fait par le modernisme, le prochain précipitera dans l’athéisme[6].
Distinguer l’arbre de ses racines, et le Concile de ses causes
saint Pie X manifeste donc bien les racines protestantes du modernisme, celui-ci n’étant pourtant pas le protestantisme. Parallèlement, les principes maçonniques et mondialistes sont inspirateurs des déviations conciliaires, celles-ci n’étant pas à proprement parler maçonniques.
Autant on distingue (sans les séparer) les racines, de l’arbre lui-même, autant il faut distinguer les principes maçonniques qui ont alimenté le concile, du concile lui-même. Le concile est évidemment un mélange entre ces faux principes et les principes catholiques.
Si on veut définir formellement la doctrine conciliaire, on peut dire qu’elle est formellement un mélange : l’objet de l’enseignement conciliaire (pris dans son ensemble) n’est pas purement et simplement, adéquatement distinct de l’objet magistériel catholique.
C’est la méthode même du modernisme de progresser ainsi (sans regarder la malice et la tactique des hommes modernistes) : le propre du contenu-même de l’enseignement moderniste est d’être une erreur cachée qui ne s’affirme pas.
Le cardinal Siri disait :
Ces trois orientations se trouvent combinées plus ou moins consciemment, avec plus ou moins de subtilité et parfois d’astuce, dans un amalgame spéculatif, sans contour précis et sans références fondamentales, qui sert de base à une ruée vers l’humanisation intégrale de toute la religion[7].
Les modernistes sont donc dans l’Église comme l’ivraie est dans le champ du Seigneur
Les hommes investis du pouvoir magistériel, enseignant autre chose que la Foi catholique, sont toujours la hiérarchie catholique, tant qu’ils ne sont pas relevés par la hiérarchie. Les hérétiques formels sont toujours catholiques tant qu’ils ne sont pas notoires[8]. L’Histoire de l’Eglise en est truffée d’exemples : le concile de Constantinople en 381 convoque et donne les mêmes fonctions aux évêques catholiques et aux évêques hérétiques (en vue de leur conversion et d’un apaisement).
Ils se cachent dans le sein même et au cœur de l’Eglise,… et en phalanges serrées, donnent audacieusement assaut à tout ce qu’il y a de plus sacré dans l’œuvre de Jésus-Christ. (…) ce n’est pas du dehors en effet, mais du dedans qu’ils trament sa ruine ; le danger est aujourd’hui aux entrailles mêmes et aux veines de l’Eglise[9].
Ce fléau se propage considérablement dans cette partie du champ du Seigneur dont on devrait attendre les meilleurs fruits[10].
Saint Pie X montre bien que les modernistes s’organisent, se rassemblent en phalanges, de façon cachée, en sous-main, et non comme une société formellement (et donc notoirement) distincte de l’Eglise. Ce sont des conjurés dans l’Eglise : des révolutionnaires, tout simplement. Et pour faire la Révolution, on s’organise, mais la Révolution n’est pas la société et ne le sera jamais. Elle peut renverser une société, mais ne le devient pas.
Conclusion
On ne combat bien que l’ennemi qu’on connaît bien, et c’est la raison pour laquelle il faut saisir le caractère subversif du modernisme : il s’agit bien d’une détérioration interne de la doctrine catholique sous influence du protestantisme, du subjectivisme philosophique, et des idées maçonniques, et non pas un système constitué formellement hors de l’Eglise catholique, un tout à part, une sorte de société parallèle.
C’est la force et la faiblesse du modernisme :
- sa force car il pervertit peu à peu les esprits non vigilants et non formés avec un catéchisme vraiment traditionnel,
- sa faiblesse car nous pouvons travailler à rendre notoire ce qui est caché. Ce qui est mauvais est ainsi démasqué : ou bien il devient hérétique notoire ou bien il défend ouvertement la vérité catholique. Et nous contribuons à détruire par là-même le modernisme.
Par cette méthode, dans l’Eglise conciliaire, des collaborateurs actuels du modernisme – par conformisme ou obéissance – pourront devenir des défenseurs du catholicisme.
A NOUS D’Y TRAVAILLER EN CE SENS.
Abbé Guillaume Gaud
Source : Extrait d’Apostol n° 70 d’octobre 2013