Evénements extraordinaires survenus à Paris en juin 2005
Rapport d’un témoin oculaire des évènements survenus à Paris en juin 2005 ( ! )
EDITION SPECIALE. PARIS
Voici le rapport d’un témoin oculaire, reçu par notre rédaction, daté du 1 sept. 2005 (!):
« Outre leur aspect tragique, les événements qui ont marqué à Paris, il y a déjà plus de deux mois, le dernier acte de la World Gay Pride 2005 constituent un défi lancé à la Science. Le mystère ne fait d’ailleurs que s’épaissir avec l’afflux anarchique des explications en tous genres. – Rappelons les faits pour ceux de nos lecteurs qui rentreraient d’un trekking en Corée du Nord ou d’un ressourcement spirituel à Cuba.
Après des années de lutte, le très dynamique et cosmopolite Collectif GLTPZPH ( Gays /Lesbiennes /Transsexuels /Pédophiles /Zoophiles /Pacsés /Homoparents ) avait obtenu l’an dernier du maire de Paris, que le grand défilé international de la World Gay Pride se tienne dorénavant chaque année dans la capitale – et le lundi dit « de Pentecôte », afin de marquer d’une manière emblématique la rupture définitive de la République Laïque, Citoyenne, Pluriethnique, Multiculturelle, Métissée et Inclusive avec d’oppressantes superstitions chrétiennes ayant inexplicablement survécu à l’avènement de l’Ère du Verseau.
L’édition 2005 de cette manifestation bon enfant – qui s’inscrit désormais, au même titre qu’Halloween, dans les traditions festives d’un néo-paganisme sans complexes – avait pour but principal de dénoncer l’application scandaleusement timorée des lois anti-homophobes adoptées récemment ; on se souvient, en effet, des protestations émises par quelques fachos intégristes, réactionnaires, néonazis et racistes d’extrême droite (pardon pour ce multiple pléonasme, mais il importe de bien cibler l’ennemi) après l’interdiction de vente, de location, de prêt, de diffusion, de reproduction, de possession, de lecture et de citation de l’Ancien et du Nouveau « Testaments », ferments multi-séculaires d’homophobie depuis longtemps dénoncés comme tels par les pionniers de la lutte pour la Cause Gay et Lesbienne (notamment au Canada). Tout avait commencé sous les plus joyeux auspices, le soleil et une chaleur relative ayant décidé de bénir le défilé. Et le spectacle valait le déplacement : haut en couleurs, imaginatif, inspiré.
700 000 personnes dont beaucoup étaient vêtues/dévêtues de haillons splendides et fort transparents, voire généreusement ajourés, manifestaient partout leur joie de vivre, leur insouciance, leur défi au carcan moral prudhommesque et à la pudibonderie franchouillarde, en un mot leur gayté. Les passants, surpris parfois, amusés souvent, mais toujours ouverts à la nouveauté, regardaient passer – les uns applaudissant, les autres jetant des confettis – cette jeunesse bien dans sa peau, ces chars extravagants où se déployait toute la créativité si caractéristique du monde Gay et Lesbien. On remarquait, entre autres, la richesse des ornements d’église et autres vestiges du catholicisme de papa rachetés pour 33 deniers aux curés en faillite : mitres, chasubles, aubes, surplis, calices, ciboires, ostensoirs, encensoirs, etc., accessoires marrants et bizarroïdes, mais vaguement inquiétants, car témoins d’un passé de féroces persécutions contre les Gays et Lesbiennes.
Les organisateurs du défilé avaient tenu à faire partir celui-ci du Panthéon (ex-«Basilique Sainte Geneviève »), depuis longtemps arraché par la République à l’obscurantisme catholique et où reposent les premiers héros de la Libre Pensée. Puis, par de nombreux zigzags, on était monté au « Sacré-Cœur », immonde pâtisserie architecturale écrasant Paris de son style ringard, qu’affectionnaient tant les bourgeois du 19ème siècle. Devant ces deux symboles chargés de la glorieuse histoire du combat anticlérical, il s’était donné un spectacle de rue sur trois chars consacrés à l’illustration des « Horreurs du catholicisme à travers les âges ». Le premier représentait les crimes du Vatican et la kyrielle de ses papes sanguinaires ou dévergondés, le deuxième les invraisemblables turpitudes des Croisades, de l’Inquisition et des guerres de religion, l’autre enfin la manière abominable dont les missionnaires ont « évangélisé » (comme ils disaient) les colonies d’Afrique, d’Amérique et d’Asie. Tout cela se prêtait idéalement à des sketchs érotiques et sado-masochistes hilarants, d’une grande liberté de ton, hauts en couleur et mis en scène avec maestria, dans lesquels papes, cardinaux, évêques, curés, bonnes soeurs et missionnaires – bardés de cuir ou de dentelles et à demi-nus s’activaient de la manière la moins équivoque possible, sans réussir toujours à se départir dune franche bonne humeur, malgré le caractère foncièrement révoltant des faits historiques ainsi montrés. On voyait çà et là, dans l’assistance des hommes politiques de tous bords qui étaient venus en famille pour communier ensemble dans le même culte de la Tolérance, le temps d’une trêve bienvenue entre défenseurs des Valeurs Républicaines contre la Bête Immonde, fussent-ils de partis différents voire opposés. Le succès avait été phénoménal, lorsque vers 17 heures les trois chars en question arrivèrent sur le parvis de Notre-Dame, où ils devaient donner leur troisième et dernière représentation avant dislocation du défilé. Or, on le sait, cette représentation n’eut jamais lieu.
Du récit fait ensuite par des témoins nombreux, on peut déduire que ce qui survint alors défie toute logique cartésienne, toute explication sensée, quand bien même on se doute que la Science finira forcément par en venir à bout. Voici la synthèse de leurs dépositions. Les comédiens du troisième char, littéralement survoltés, étaient en train de jouer devant d’innombrables badauds et sympathisants enthousiastes, lorsqu’on vit peu à peu leurs mouvements ralentir comme au cinéma.
Croyant d’abord à un jeu de scène très élaboré, le public applaudit à tout rompre. Puis, avec un synchronisme parfait, les personnages adoptèrent progressivement une complète immobilité, et les applaudissements crépitèrent de plus belle. De loin en loin, toutefois, le silence se fit, car les comédiens – pourtant tous costumés et maquillés de couleurs vives – prirent soudain une texture granuleuse et une couleur d’un gris uniforme cependant que toute vie disparaissait de leur physionomie, figée au gré de la comédie, ici en un grand rire silencieux, là en un rictus de peur ou de haine, là encore en une expression de jouissance ou de convoitise licencieuse justifiée par l’action du sketch.
Le premier cri, poussé par une femme du premier rang, donna aussitôt le signal de la panique, et la foule s’éloigna des chars en une sauvage bousculade, parmi les hurlements de terreur. – Une fois la police, les pompiers, la Protection civile et les ambulances arrivés sur un parvis dorénavant désert, mais jonché de douze cadavres piétinés et divers objets abandonnés à la hâte, il fallut se rendre à l’évidence : outre leur char de carnaval, soixante-six personnes venaient dêtre statufiées vivantes dans des poses suggestives et transmutées en ce qui apparut à l’analyse – après prélèvement d’un échantillon de « vêtement » – comme étant du sel. DU SEL ! Des barrages furent installés dans un large périmètre pour interdire tout accès, et trois compagnies de CRS, bardées de protections chimiques, encerclèrent le char ou ce qu’il en restait, tandis qu’à l’abri de cet écran humain, une armée de scientifiques – absolument stupéfaits – essayaient de former des hypothèses à peu près crédibles sur ce qui avait pu se passer au juste.
Certains pensaient à l’effet dune arme inconnue, actionnée intentionnellement ou accidentellement à partir d’un satellite tueur ; d’autres penchaient pour un rayonnement gamma exceptionnellement puissant et ponctuel (le soleil donnant depuis quelque temps les signes d’une suractivité anormale, selon les astronomes) ; d’autres encore envisageaient une intoxication alimentaire collective particulièrement grave. Bien entendu, on eut droit aux élucubrations de quelques cathos fossiles, qui parlaient de « la fin de Sodome et de Gomorrhe », d’un « châtiment divin », d’un « dernier avertissement sans (trop) de frais » et autres vieilles lunes de l’Ère du Poisson.
Ils nous avaient déjà fait le coup fin décembre 1999 et fin août 2003, mais heureusement, personne ici ne les prend davantage au sérieux aujourdhui qu’alors ! – Les scientifiques ayant avoué leur totale incompréhension du phénomène, la mairie de Paris ordonna le retrait et l’inhumation des dépouilles statufiées, dont rien n’indiquait qu’elles dussent reprendre vie, mais les secouristes et les engins qui en approchaient se heurtaient régulièrement à un mur aussi invisible qu’infranchissable. Quant au sarcophage en béton que l’on tenta ensuite d’élever autour de la scène, du type Tchernobyl, il refusait obstinément de tenir debout. Bien entendu, la presse mondiale s’est emparée de l’événement, sur lequel circulent des reportages enflammés venant rallumer la fièvre biblique dans tous les pays… sauf le nôtre, heureusement !
Et puis, la nuit dernière, Paris eut droit à sa première pluie depuis un mois. L’orage, d’une violence extrême, fit fondre rapidement char et statues devant les caméras du monde entier et les yeux hallucinés de millions de téléspectateurs. Les services de la voirie sont en train de ramasser le tas de sel, qui – selon la décision annoncée ce matin même par le maire – va être inhumé dans un carré du Père Lachaise sous une plaque de marbre où sera gravé « Aux soixante-six Gays, Lesbiennes, Transsexuels, Pédophiles, Zoophiles, Pacsés et Homoparents morts pour que vive la Tolérance Laïque et Citoyenne. La République Française reconnaissante ».
Les laboratoires ont conservé de nombreux échantillons des « vêtements » des victimes de la tragédie. La Science a bien réussi à prouver de la façon la plus formelle que le « Linceul de Turin » était un faux grossier du Moyen Age. Elle se vante que, là encore, elle réussira à faire toute la lumière. »
Fin de citation.