La radicalité du cardinal Sarah : un avertissement au pape François de l’un de ses fidèles collaborateurs

Le car­di­nal Sarah

Note de la rédac­tion de La Porte Latine :
il est bien enten­du que les com­men­taires repris dans la presse exté­rieure à la FSSPX
ne sont en aucun cas une quel­conque adhé­sion à ce qui y est écrit par ailleurs.

Le car­di­nal gui­néen, pré­fet de la Congrégation pour le culte divin, assume plei­ne­ment ses posi­tions au risque de l’in­tran­si­geance, par fidé­li­té au Christ qui nour­rit sa pro­fonde vie inté­rieure dans un livre « DIEU OU RIEN, Entretien sur la foi Cardinal Robert Sarah avec Nicolas Diat », Éditions Fayard, 415 p., 21,90 €

Pour ceux qui crain­draient qu’un vide spi­ri­tuel régnât au sein de la Curie romaine, le livre d’entretien avec le car­di­nal Robert Sarah les ras­su­re­ra. Les plus de 400 pages d’interview menée par le spé­cia­liste du Vatican, Nicolas Diat, per­mettent d’écouter un sage, pétri d’heures d’oraison, façon­né par des jours de jeûne abso­lu et d’adoration, tout entier voué au Christ et à son Église. D’où le titre de l’ouvrage, tran­chant comme l’épée : Dieu ou rien.

Il résume la radi­ca­li­té, qui habite tant le pro­pos que le per­son­nage de Robert Sarah. Celle d’abord qui res­sort du par­cours édi­fiant d’«un petit gar­çon d’un vil­lage pauvre », par lequel s’ouvre le livre. Le car­di­nal afri­cain pro­vient du fin fond de la Guinée, « du bout du monde » ou « des péri­phé­ries » pour reprendre une image ber­go­glienne. Il a été très mar­qué par des mis­sion­naires fran­çais, les spi­ri­tains, qui ont évan­gé­li­sé cette contrée recu­lée par le témoi­gnage d’une foi que la croix du Christ n’effraie pas. Cet héri­tage sert de réfé­rence à tra­vers tout le livre.

Les parents de Robert Sarah aus­si : « Ils sont vrai­ment le signe le plus pro­fond de la pré­sence de Dieu dans ma vie. » Ces culti­va­teurs n’ont pas hési­té à lais­ser leur fils unique suivre sa voca­tion sacer­do­tale qui le condui­sit loin de la case natale pour un sémi­naire en Côte d’Ivoire puis jusqu’à Nancy et au Sénégal.

Ni l’éloignement fami­lial, ni les heures au fond d’une cale d’un bateau pour Bingerville, ni les années lor­raines sans pou­voir com­mu­ni­quer avec ses parents, ni encore les sou­bre­sauts poli­tiques dans une Guinée se libé­rant de son colo­ni­sa­teur, n’auront rai­son de la voca­tion du jeune homme. Au bout de ce par­cours du com­bat­tant, il sera le seul de ses com­pa­gnons de route à par­ve­nir jusqu’à l’ordination, dans la cathé­drale de Conakry, le 20 juillet 1969.

La force spi­ri­tuelle qui habite le jeune prêtre l’a ren­du insub­mer­sible face à la dic­ta­ture de Sékou Touré. Devenu arche­vêque de la capi­tale gui­néenne fin 1979, dès l’âge de 34 ans, il n’hésita pas à dénon­cer tout haut les bas­sesses du régime com­mu­niste : « Mon com­bat était plus impor­tant que ma propre survie. »

Derrière l’opposition de Mgr Sarah se cache un mys­tique, qui fut à un moment atti­ré à rejoindre un ordre contem­pla­tif. Un homme qui depuis tou­jours entre­tient et appro­fon­dit sa « vie inté­rieure per­son­nelle ». Un curé puis un évêque tou­jours adepte du silence. Un lève-​tôt qui veut célé­brer « sans pré­ci­pi­ta­tion ». En quête d’«une rela­tion vraie, tou­jours plus intime, avec Dieu ». En retraite, pour « par­ler en tête à tête » : « L’homme n’est grand que lorsqu’il est à genoux devant Dieu. »

À cette aune, beau­coup de chré­tiens, prêtres com­pris, lui appa­raissent petits car sans vrai lien per­son­nel avec Dieu. L’amoureux de la quié­tude pour écou­ter Dieu en rejette une forme inverse, celle de chré­tiens « ins­tal­lés dans une apos­ta­sie silen­cieuse ». Ou au contraire trop férus de bruit inutile. « Certaines messes sont tel­le­ment agi­tées qu’elles ne sont pas dif­fé­rentes d’une ker­messe popu­laire », observe celui pour qui « les musul­mans ont plus de res­pect du sacré que bien des chré­tiens ».

Auparavant pré­sident du Conseil pon­ti­fi­cal « Cor Unum » (dicas­tère de la Curie char­gé de la cha­ri­té), Robert Sarah a été sai­si devant les tra­gé­dies se suc­cé­dant en Afrique, les souf­frances accu­lant Haïti ou les des­truc­tions frap­pant les Philippines. En revanche, il n’a aucune com­pas­sion devant un « nihi­lisme contem­po­rain », une « misère morale », dont il s’inquiète des dégâts dans les pays occi­den­taux et au-​delà : « L’immense influence éco­no­mique, mili­taire, tech­nique et média­tique d’un Occident sans Dieu pour­rait être un désastre pour le monde. »

La parole, sans conces­sion ni nuance, du car­di­nal Sarah dérange. Mais l’auteur assume : « Dans la recherche de la véri­té, je crois qu’il faut conqué­rir la capa­ci­té de s’assumer comme into­lé­rant, c’est-à-dire pos­sé­der le cou­rage de décla­rer à l’autre que ce qu’il fait est mal ou faux. » Aussi ne se prive-​t-​il pas d’exprimer tout le mal qu’il pense de la théo­rie du genre, de l’euthanasie ou encore d’un « nou­veau colo­nia­lisme mal­thu­sien ». « Y aurait-​il une pla­ni­fi­ca­tion bien étu­diée pour éli­mi­ner les pauvres en Afrique et ailleurs ?», ose-​t-​il s’interroger.

Peu de pro­pos sur la jus­tice sociale chez l’auteur, pour qui la réponse de l’Église doit d’abord être spi­ri­tuelle : « Dans ce monde affai­ré où le temps n’existe ni pour la famille, ni pour soi-​même, encore moins pour Dieu, la vraie réforme consiste à retrou­ver le sens de la prière, le sens du silence, le sens de l’éternité. » Et pour le car­di­nal gui­néen, « l’Afrique peut don­ner avec modes­tie le sens du reli­gieux qui l’habite ».

Dans l’immédiat, ce conti­nent pour­rait, selon ses vues, sau­ver le pro­chain Synode sur la famille. Hostile à la com­mu­nion aux divor­cés rema­riés, le car­di­nal Sarah affirme « avec solen­ni­té que l’Église d’Afrique s’opposera fer­me­ment à toute rébel­lion contre l’enseignement de Jésus et du magis­tère ».

Un aver­tis­se­ment au pape François de l’un de ses fidèles col­la­bo­ra­teurs.

Sébastien Maillard (à Rome), le 25 mars 2015